Notre enquête confirme la fréquence, élevée, des

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Pr. Bakar Bouadjar*, à Santé Mag:
"Notre enquête confirme
la fréquence, élevée, des condylomes
génitaux et leur prise en charge
n’est pas bien respectée"
Propos recueillis par Tanina Ait
Les condylomes génitaux, appelés,
également, verrues génitales sont des
lésions visibles, provoquées par un
virus, le papillomavirus.
C’est une infection sexuellement transmissible et très répandue, en Algérie,
selon une enquête nationale, menée par
le Professeur Bakar Bouadjar. La maladie reste taboue et très peu de personnes,
affectées, consultent.
Dans cette entretien, accordé à Santé
Mag, le spécialiste incite à consulter,
afin d’éviter les complications fâcheuses
de cette pathologie; d’autant plus que le
papillomavirus est mis en relation avec
le cancer du col de l’utérus.
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Santé-MAG
N°18 - Mai 2013
Santé mag: Vous avez réalisé une enquête nationale, relative aux verrues
dues au virus «papillomavirus», touchant les parties intimes des personnes.
Quels sont les résultats de vos investigations ?
Pr B. Bouadjar: Cette enquête, nous
l’avons réalisée, pour tenter de vérifier,
d’abord, si cette infection des parties
génitales, par le papillomavirus, est fréquente et voir, par la même, si elle est
bien prise en charge, par les dermatologues. Nous avons, donc, ciblé ces praticiens à l’aide d’un questionnaire. Ainsi,
un tiers, environ, des dermatologues
(106), exerçant dans 16 wilayate, ont
participé à cette enquête.
Notre enquête a démontré que:
1/ cette infection est fréquente. La plupart des dermatologues voient plus de
4 malades, par an; ce qui est énorme,
quand on sait que c’est une maladie honteuse. Donc, peu de malades
consultent et par ailleurs, c’est, parfois,
une découverte fortuite.
2/ Plus de 75% des patients ont plus de
20 ans.
3/ Le partenaire féminin est consulté
rarement (42%), alors que les verrues génitales sont une infection
sexuellement transmise et le frottis
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cervico-vaginal, chez ce dernier, est demandé seulement par un médecin, sur
4. Seuls 6% des médecins demandent
un test ADN, destiné à diagnostiquer
l’infection par des virus HPV, hautement
cancérigènes (type 16, 18, 33).
Le bilan d’extension de l’infection est
réalisé, uniquement, par le quart des
médecins.
Le traitement de l’infection est classique
(cryothérapie, électrocoagulation).
Seuls 25% des médecins contrôlent
leurs malades, après guérison et quand
le contrôle est fait, c’est, le plus souvent,
dans des délais assez longs (plus d’un
mois).
Cette enquête confirme la fréquence,
élevée, des condylomes génitaux et
montre que les recommandations,
quant à leur prise en charge, ne sont pas
bien respectées.
Quelle est la population à risque ?
La population à risque c’est, surtout, la
tranche d’âge comprise entre 20 et 40
ans; car, c’est connu, cette maladie est
sexuellement transmissible, comme le
sida, la syphilis …
Elle se transmet par des rapports
sexuels; donc, ce sont les personnes qui
Photos
ont beaucoup de partenaires et qui ne
se protègent pas, de surcroît; ainsi que
les homosexuels, également, à l’évidence.
Cependant, pour un couple fidèle et
stable, généralement, il n’est pas exposé
au risque.
Quelle est la souffrance psychologique,
chez le malade ?
Les retombées psychologiques sont très
importantes, car cette maladie est considérée comme honteuse, donc taboue.
Ce qui fait que les gens ne consultent
pas, ou tardent à le faire. Ils ne viennent
en consultation que lorsque les verrues
se multiplient et prennent la forme d’un
«chou-fleur».
Ainsi à ce stade-là, c’est un peu tard, car
les lésions sont très importantes et leur
traitement est très difficile. Ces lésions
tumorales sont considérées comme des
cancers in situ. Cela occasionne, bien
entendu, un impact psychologique négatif chez le malade, nonobstant les retombées fâcheuses sur le couple, provoquant même des divorces, compte tenu
de l’aspect dérangeant de ces verrues.
Par ailleurs, ces lésions virales peuvent
être responsables du cancer du col de
l’utérus.
Quelles sont les recommandations que
vous voudriez donner?
Ma recommandation est de dire aux
gens, qui ont des verrues sur leur parties génitales; c'est-à-dire, sur le pénis,
la vulve, au niveau de la zone anale, ou
ailleurs, dans les parties intimes, qu’il
n' y a aucune honte à consulter un dermatologue, car il vaut mieux consulter
à un stade précoce, pour détruire ces
verrues, plutôt que d’attendre un stade
tardif, où les lésions sont très profuses
et les traitements, alors, beaucoup plus
lourds; surtout, si on est, déjà, au stade
de cancer génital.
Mon message est qu’il ne faut pas rester
bloqués, dans ce cas-là et ne pas avoir
honte à consulter et ne jamais garder
cette maladie en secret; mais, impérativement, en faire part à son médecin.
Une fois qu’on a détruit ces verrues, il
faut que le malade se fasse contrôler,
régulièrement, afin de maîtriser les récidives
* Pr. Bakar Bouadjar,
Professeur en dermatologie et chef de
service au CHU de Bab El-Oued
... une partie de la conférence de presse.
N°18 - Mai 2013 Santé-MAG
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