© MASSON Rev Neurol (Paris) 1999 ; 155 : 4S, 17-27
4S17
C. DUYCKAERTS et coll.
Maladie d’Alzheimer : les lésions et leur progression
C. Duyckaerts, M.-A. Colle, B. Delatour, J.-J. Hauw
Laboratoire de Neuropathologie R. Escourolle, Hôpital de La Salpêtrière, Paris.
RÉSUMÉ
La maladie d’Alzheimer constitue la réponse stéréotypée du système nerveux à des agressions multiples : mutations, trisomie 21,
traumatismes répétés (démence pugilistique) ; il s’agit donc d’un syndrome clinicopathologique plutôt que d’une maladie. Les lésions
peuvent être classées dans 3 catégories : la pathologie neurofibrillaire, les dépôts de peptide A
β
et les pertes neuronales et synaptiques.
La première comprend les dégénérescences neurofibrillaires, la couronne des plaques séniles et les fibres tortueuses (« neuropil
threads »). Toutes ces lésions sont caractérisées par le même aspect ultrastructural, l’accumulation de paires hélicoïdales de filaments
appariés. Toutes sont immunomarquées par des anticorps dirigés contre les protéines Tau anormalement phosphorylées. Les dépôts
amyloïdes, observés dans le centre de la plaque sénile dont ils forment le coeur et dans la paroi des vaisseaux, sont constitués d’un
peptide de 40 à 42 acides aminés, le peptide A
β
, issu d’un précurseur protéique, l’APP (« amyloid precursor protein »). Les anticorps
anti-A
β
marquent aussi les dépôts diffus, qui n’ont pas les caractéristiques de la substance amyloïde, et qui n’entraînent pas à eux
seuls de détérioration intellectuelle. La perte neuronale est un phénomène tardif par rapport à la pathologie neurofibrillaire. Le rôle de
la perte synaptique dans l’apparition des déficits cognitifs a été discuté. Outre les protéines Tau, le peptide A
β
et son précurseur,
d’autres protéines interviennent dans la pathogénie, en particulier l’apolipoprotéine E qui pourrait jouer le rôle de protéine chaperon,
la préséniline et l’alphasynucléine, présente dans le corps de Lewy de la maladie de Parkinson. Les dépôts de peptide A
β
ont une
topographie diffuse ; la pathologie neurofibrillaire est répartie de façon « hiérarchique » : sa progression dans les différentes aires cor-
ticales suit un ordre chronologique précis qui permet de déterminer le stade de la maladie. Cette progression peut prendre plusieurs
décennies. Les rapports entre la maladie d’Alzheimer et le vieillissement sont encore mal compris. Il est admis par tous que l’un et
l’autre sont liés mais la fréquence des lésions d’Alzheimer dans le grand âge fait discuter leur caractère inéluctable.
Alzheimer’s disease: lesions and their progression.
C. Duyckaerts, M.-A. Colle, B. Delatour, J.-J. Hauw. Rev Neurol (Paris), 1999; 155: 4S, 17-27.
SUMMARY
Alzheimer disease appears to be a stereotyped mode of reaction of the central nervous system to various types of aggression such as
different mutations involving various proteins, trisomy 21 or repeated head trauma as in dementia pugilistica. Rather than a disease, it
appears to be a clinicopathological syndrome due to various causes. Lesions may be considered under 3 headings: neurofibrillary patho-
logy, A
β
peptide deposits and loss (neuronal and synaptic). Neurofibrillary pathology includes the neurofibrillary tangle, the crown of the
senile plaque and the neuropil threads. All those lesions are characterized by the same ultrastructure
i.e. the accumulation of paired
helical filaments
and the same immunohistochemistry: they are labelled by antibodies directed against the tau proteins. The amyloid
deposits, present in the core of the senile plaque and in the vascular walls, are made of a 40 to 42 amino-acids long peptide, named A
β
,
derived from the amyloid precursor protein (APP). Antibodies directed against the A
β
peptide also label diffuse deposits that are devoid of
the tinctorial affinities and of the biochemical properties of amyloid substances. Those diffuse deposits are insufficient to cause dementia
since they may be observed in high density in aged people without intellectual deterioration. Neuronal loss occurs after neurofibrillary
pathology. The role of the synaptic pathology remains discussed. Besides tau proteins, A
β
peptide and APP, several other proteins may
play an important role: apolipoprotein E which could act as a chaperone protein, inducing or facilitating the formation of amyloid,
presenilins 1 and 2, mutated in some cases of familial Alzheimer disease, alpha-synuclein which is present in the Lewy bodies found in
Parkinson disease and in dementia with Lewy bodies. The A
β
deposits are diffusely distributed in the cerebral cortex; the neurofibrillary
changes have a hierarchical distribution. The progression of the neurofibrillary pathology in the various cortical areas follow a stereotyped
sequence that may help to grade the severity of the disease. Progression may take decades. The relations between aging and Alzheimer
disease are still poorly understood. Frequency of Alzheimer type lesions in old people could suggest that they are the inevitable burden of
age, but this has been discussed.
Tirés à part :
Charles D
UYCKAERTS
, Laboratoire de Neuropathologie R. Escourolle, Hôpital de La Salpêtrière, 47 Bd de l’Hôpital, 75651
Paris Cedex 13.
4S18
Rev Neurol (Paris) 1999 ; 155 : 4S, 17-27
C. DUYCKAERTS et coll.
INTRODUCTION
La maladie d’Alzheimer est considérée aujourd’hui
comme la réponse stéréotypée du cerveau à des agressions
multiples. Des mutations portant sur des gènes codant des
protéines différentes, la trisomie 21, des traumatismes répétés
(comme dans la démence pugilistique) provoquent des lésions
comparables, probablement dans la même séquence chronolo-
gique. Il s’agit donc bien d’un
syndrome
clinico-patholo-
gique aux causes multiples plutôt que d’une
maladie
définie par une cause unique (Duyckaerts
et al.
, 1996). Le
terme (d’un mot grec qui signifie littéralement concours :
sun = avec dromein = courir) indique seulement que les signes
envisagés surviennent ou évoluent en même temps mais
peuvent relever de causes variées.
Les lésions du « syndrome d’Alzheimer », envisagées
dans la première partie de cet exposé, peuvent être classées
dans 3 catégories : la pathologie neurofibrillaire, les dépôts
de peptide A
β,
et les pertes (synaptiques ou dendritiques).
La plaque sénile est une lésion composite, comprenant à la
fois un dépôt (le cœur) et des lésions neurofibrillaires (la
couronne). De nombreuses molécules ont été isolées dans
ces lésions ; d’autres ont été identifiées lors de mutations
pathogènes dans des cas de syndrome d’Alzheimer fami-
lial. Nous envisagerons la topographie de certaines de ces
protéines
qui pourraient jouer un rôle important
dans
un deuxième chapitre. Quelles sont les lésions qui expli-
quent le mieux la détérioration intellectuelle ? La méthode
des corrélations statistiques, étudiées sur des groupes de
patients évalués de façon prospective, permet aujourd’hui
de répondre à cette question que nous envisagerons ensuite.
Quant à la progression des lésions, l’étude approfondie de
cas à des stades différents de la maladie permet de
l’imaginer. Mais ce sont évidemment les modèles
animaux
de plus en plus adaptés
qui permettront un
jour d’intervenir expérimentalement sur la cascade patho-
logique.
LES LÉSIONS
La pathologie neurofibrillaire
(fig. 1a et b)
Elle a été observée pour la première fois par Alzheimer
(Alzheimer, 1911) grâce à l’utilisation novatrice des tech-
niques d’imprégnation argentique qui venaient d’être
découvertes : la préparation est mise en contact avec une
solution de sel d’argent. Les ions argent sont transformés
en argent métallique par l’action d’un réducteur photogra-
phique. L’argent métallique, insoluble, souligne les fibres
et les fibrilles qu’il recouvre d’un précipité. Celui-ci appa-
raît noir au microscope. Les structures mises en évidence
de cette façon sont appelées argyrophiles. Au cours de la
maladie d’Alzheimer, des fibrilles anormales sont visibles
dans le corps cellulaire du neurone. Elles constituent la
« dégénérescence neurofibrillaire ». Des prolongements
argyrophiles anormalement dilatés sont aussi constatés
dans les plaques séniles dont ils forment la couronne.
L’espace qui sépare les corps cellulaires des neurones
le
neuropile
est traversé de prolongements anormalement
courts (Duyckaerts
et al.
, 1989) : les fibres tortueuses
neuropil threads » en Anglais), reconnus grâce à la
méthode de Gallyas, une technique d’imprégnation argen-
tique qui met en évidence de façon sélective les lésions
neurofibrillaires (Braak
et al.
, 1986). Les fibres tortueuses
sont
au moins pour la plupart d’entre elles
des
dendrites.
L’observation en microscopie électronique des dégéné-
rescences neurofibrillaires, de la couronne des plaques
séniles et des fibres tortueuses révèle que toutes ces altéra-
tions ont le même aspect ultrastructural : chacune de ces
lésions est en effet constituée par des paires de filaments
disposés en hélice («
PHF
» : paired helical filaments)
(Kidd, 1963). Les anticorps dirigés contre les protéines tau
marquent spécifiquement la pathologie neurofibrillaire
(Brion
et al.
, 1985), dont elles semblent constituer l’élément
principal (Wischik
et al.
, 1988). Des précipités analogues
aux PHF peuvent être obtenus
in vitro
à partir de solution
de protéine tau purifiée en présence de polyanions comme
l’héparan sulfate (Goedert
et al.
, 1996). La migration élec-
trophorétique des protéines tau provenant de préparations
de dégénérescences neurofibrillaires isolées est différente
de celles obtenues à partir de prélèvements cérébraux
normaux (Delacourte
et al.
, 1990) : trois bandes peuvent
être reconnues à la place des 6 bandes normalement
présentes. L’action d’une phosphatase rétablit le profil
normal de migration : ceci laisse supposer que la protéine
tau est anormalement phosphorylée au cours de la maladie.
La protéine tau accumulée dans les dégénérescences neuro-
fibrillaires pourrait, selon une autre hypothèse, ne pas être
déphosphorylée dans les heures qui suivent le décès,
comme cela se produirait normalement sous l’action des
phosphatases endogènes (Matsuo
et al.
, 1994) : il s’agirait
donc de protéine Tau anormalement peu déphosphorylée
plutôt que de protéine Tau trop phosphorylée.
Les dépôts
(fig. 1c)
Le centre de la plaque sénile comporte un dépôt d’environ
10 à 20 mm de diamètre. Celui-ci a d’abord été pris pour
de la nécrose
justifiant le terme de nécrose miliaire qui
lui a été appliqué (Blocq et Marinesco, 1892). La nature
« amyloïde » du dépôt a été affirmée par la coloration du
rouge Congo
qui se fixe sélectivement sur les substances
amyloïdes et induit une biréfringence verte en lumière pola-
risée (Divry, 1927). Des dépôts amyloïdes se produisent
dans la paroi des artères et des veines, méningées ou paren-
chymateuses, ainsi que des capillaires (Scholz, 1938). La
prévalence de cette angiopathie amyloïde au cours de la
maladie d’Alzheimer est diversement appréciée : elle est en
tout cas fréquente, sinon constante (Joachim
et al.
, 1988).
Les substances amyloïdes ont en commun leur structure
chimique, en feuillets
β
plissés, qui les rend insolubles
(Glenner, 1980). Le peptide contenu dans la substance
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C. DUYCKAERTS et coll.
amyloïde de la maladie d’Alzheimer, aujourd’hui connu
sous le nom d’A
β
, a été initialement isolé à partir de vais-
seaux (Glenner et Wong, 1984). Il est constitué de 40 à
42 acides aminés. Celui qui est déposé au centre de la
plaque sénile a une séquence identique. Des anticorps
dirigés contre le peptide A
β
ont été obtenus : ils marquent
le centre des plaques séniles et les dépôts vasculaires de
l’angiopathie amyloïde. Ils mettent aussi en évidence une
lésion jusqu’alors invisible ou sous-estimée : les dépôts
diffus de peptide A
β
, beaucoup plus volumineux que les
plaques séniles, plus irréguliers et moins bien limités
(Delaère
et al.
, 1991). Les dépôts diffus sont dépourvus de
la couronne de prolongements nerveux dégénérés propres
aux plaques séniles. Des anticorps spécifiques de l’extré-
mité C-terminale du peptide permettent de distinguer les
2 formes du peptide : longue de 42 acides aminés et courte
de 40 (Iwatsubo
et al.
, 1994 ; Barelli
et al.
, 1997). Les
premiers marquent sélectivement les dépôts diffus, les
seconds les dépôts focaux
en particulier le cœur des
plaques séniles.
Le peptide A
β
provient d’un précurseur de taille variée
(695, 751 ou 770 acides aminés), l’APP (amyloid precursor
protein), comportant un domaine hydrophobe flanqué de
deux parties hydrophiles asymétriques. Cette structure
laisse penser qu’il s’agit d’une protéine transmembranaire
(Kang
et al.
, 1987). La fonction de l’APP est encore mal
connue.
La plaque sénile : interface
entre la pathologie neurofibrillaire et les dépôts
La plaque sénile
au moins à l’un des stades de son
évolution
comprend un dépôt focal de peptide A
β,
situé
en son cœur, et une couronne de prolongements, chargés en
protéine tau. Le terme de « plaque neuritique » est parfois
utilisé pour insister sur la présence de ces prolongements et
est opposé au terme de « plaque primitive », qui désigne les
lésions uniquement faites de dépôt de peptide A
β.
La
nature des prolongements de la couronne a été discutée.
N
ATURE
DES
PROLONGEMENTS
NERVEUX
DE
LA
COURONNE
DES
PLAQUES
SÉNILES
Des observations en microscopie électronique ont révélé
la présence de vésicules présynaptiques, qui suggéraient
l’origine axonale des prolongements (Terry
et al.
, 1964).
Des anticorps dirigés contre les neurofilaments phospho-
rylés dont sont enrichis les axones, marquent la couronne
de la plaque sénile, au contraire des anticorps dirigés contre
les protéines associées aux microtubules (MAP), abon-
dantes dans les dendrites (Schmidt
et al.
, 1991). Seules les
imprégnations argentiques de Golgi, capables de révéler,
apparemment au hasard, tout l’arbre dendritique de quel-
ques neurones montrent une faible participation dendritique
à la plaque sénile (Probst
et al.
, 1983).
P
ROLONGEMENTS
DYSTROPHIQUES
OBSERVÉS
AUX
STADES
PRÉCOCES
DE
LA
PLAQUE
SÉNILE
Dans certaines plaques séniles les prolongements de la
couronne ne comportent pas d’épitope de la protéine tau.
Ils sont, en revanche, marqués par des anticorps dirigés
contre l’APP et contre l’ubiquitine (He
et al.
, 1993). La
présence d’ubiquitine définit les prolongements « dystro-
phiques » (Dickson, 1997). Plusieurs arguments qui
seront envisagés plus loin laissent penser que ces plaques
séniles dépourvues de marqueurs tau sont à des stades
précoces de leur évolution.
L’
INFLAMMATION
DANS
LA
PLAQUE
SÉNILE
Des cellules microgliales activées (McGeer
et al.
, 1993),
des composants précoces de la cascade du complément
(McGeer
et al.
, 1989 ; Eikelenboom et Veerhuis, 1996),
l’alpha-antichymotrypsine, différents types d’interleukine
ont été identifiés au sein de la plaque sénile et témoignent
d’un processus inflammatoire persistant. La microglie
activée semble plus associée aux altérations neurofibril-
laires qu’aux dépôts de peptide A
β
(DiPatre et Gelman,
1997). Elle pourrait jouer un rôle dans la production des
fibrilles d’amyloïde elles-mêmes (Wegiel et Wisniewski,
1990)
(fig. 1d)
.
M
ODIFICATIONS
DE
LA
MATRICE
EXTRACELLULAIRE
Plusieurs composants de la matrice extracellulaire, tels
ICAM1 (Verbeek
et al.
, 1994), la thrombospondine (Buee
et al.
, 1992), l’héparan sulfate proteoglycan (Snow
et al.
,
1994) s’accumulent dans la plaque sénile.
Les pertes neuronale et synaptique
L
A
PERTE
NEURONALE
La perte neuronale, naguère considérée comme un des
signes principaux de la maladie, est en réalité difficile à
quantifier. Son existence même a pu être mise en doute dans
un article (Regeur
et al.
, 1994), il est vrai, très discuté
(Hyman et Gomez-Isla, 1994 ; Swaab
et al.
, 1994). Elle est
tardive par rapport à la dégénérescence neurofibrillaire
(Grignon
et al.
, 1998). Une perte neuronale peut cependant
être détectée dès les premiers stades de la maladie dans les
régions où la pathologie neurofibrillaire est précoce (Gomez-
Isla
et al.
, 1996). Son mécanisme est discuté. Plusieurs argu-
ments suggèrent qu’elle peut être provoquée par les dégéné-
rescences neurofibrillaires elles-mêmes. La perte neuronale
est en effet marquée dans les couches où elles sont abon-
dantes (Grignon et al., 1998). La dégénérescence neurofibril-
laire subsiste comme un « fantôme » (selon l’expression
anglaise de « ghost tangle ») lorsque le neurone où elle
s’est développée meurt. De nombreux « fantômes » sont
observés dans l’hippocampe ou l’aire entorhinale. La somme
fantômes + neurones survivants est proche du nombre total
de neurones observés dans les cas normaux (Cras et al.,
1995). Il a aussi été avancé que le nombre de neurones
perdus était supérieur au nombre de dégénérescences neuro-
4S20 Rev Neurol (Paris) 1999 ; 155 : 4S, 17-27
C. DUYCKAERTS et coll.
fibrillaires (Gomez-Isla et al., 1997), une opinion qui laisse
ouverte la possibilité d’autres mécanismes de mort cellulaire.
La question d’une apoptose a été souvent soulevée (Cotman
et Anderson, 1995 ; Mattson et al., 1998). Rappelons qu’il
s’agit de la mise en œuvre des mécanismes de mort cellulaire
programmée, comportant la synthèse de nouvelles protéines
et une fragmentation régulière de l’ADN nucléaire, qui migre
en bandes disposées en échelles. La technique de marquage
in situ des extrémités polynucléotidiques (« in situ end
labelling ») a montré que le DNA était souvent fragmenté
dans les neurones au cours du syndrome d’Alzheimer, mais
la migration en échelle n’a pas pu être mise en évidence
(Cotman, 1998) et les stigmates morphologiques d’apoptose
font défaut (Stadelmann et al., 1998).
LA PERTE SYNAPTIQUE
Les premiers résultats obtenus par dénombrement des
synapses en microscopie électronique ont mis en évidence
une diminution du nombre des synapses mais une augmen-
tation de leur surface d’apposition (Scheff et al., 1990 ;
Fig. 1. Aspects neuropathologiques dans
la MA.
Neuropathological aspects in Alzheimer’s
disease.
a : La pathologie neurofibrillaire.
Double marquage antipeptide Aβ (marron),
anticorps anti-tau (noir). Méthode peroxy-
dase-antiperoxydase, avec intensification
au nickel pour l’anticorps anti-tau (technique
réalisée par le Dr T. Uchihara). Grandisse-
ment initial × 330.
Flèches noire : dégénérescence neurofibril-
laire ; rouge : fibre tortueuse ; bleue : cou-
ronne d’une plaque sénile.
Neurofibrillary pathology
.
Double immunolabelling: anti-Aβ (brown),
anti-tau (black). Peroxydase-antiperoxydase
method, with nickel enhancement for the anti-
tau antibody (staining performed by Dr T.
Uchihara). Magnification × 330.
Black arrows: neurofibrillary tangles; red:
neuropil threads; blue: crown of a senile
plaque.
b : Dégénérescence neurofibrillaire. Immu-
nomarquage par un anticorps anti-tau (vert) ;
coloration des acides nucléiques par le bro-
mure d’éthidium (rouge). Examen en micros-
copie confocale. Grandissement × 1700
La dégénérescence neurofibrillaire occupe
le corps cellulaire du neurone et refoule les
corps de Nissl (en rouge). Un neurone nor-
mal est visible en bas à droite de la figure.
Neurofibrillary tangles
.
Immunolabelling by
an antitau antibody (green); staining of the
nucleic acid by ethidium bromide.Confocal
microscopy. Magnification × 1700.
The neurofibrillary tangle (green) is located in the cell body of the neuron. It pushes away Nissl bodies (stained in red). A normal neurone is
visible in the lower right quarter.
c : Immunomarquage du peptide Aβ (vert). Coloration par le rouge Congo. Examen en microscopie confocale. Grandissement × 830. Le dépôt
focal de peptide Aβ dans le coeur de la plaque sénile (flèche blanche) est aussi amyloïde et colorée par le rouge Congo (la colocalisation est
indiquée par la couleur jaune = rouge + vert). Le dépôt de peptide Aβ est plus large que le dépôt amyloïde et forme une zone concentrique
verte (flèche rose).
Immunolabelling of the Aβ peptide (green) and Congo red staining. Confocal microscopy. Magnification × 830. The focal deposit of the Aβ
peptide is visible in the core of the senile plaque (white arrow). It is also stained by Congo red (colocalisation is indicated by the yellow color=
red+green). The Aβ peptide deposit stained in green is larger than the amyloid deposit (pink arrow).
d : Coloration par le rouge Congo. Examen au microscope confocal. Grandissement × 1800. Les fibrilles de substance amyloïde (flèche verte)
traversent la membrane cytoplasmique d’un macrophage (flèche blance). Les dépôts jaunes (flèche bleue) sont constitués par de la lipofuscine
Congo red. Confocal microscopy. Magnification × 1800. Amyloid fibrills (green arrow) cross the cytoplasmic membrane of a macrophage (white
arrow). Yellow granular deposits (blue arrows) are made of lipofuscin.
© MASSON Maladie d’Alzheimer : les lésions et leur progression 4S21
C. DUYCKAERTS et coll.
Scheff et Price, 1993). L’analyse de protéines synaptiques
a montré que les composants membranaires (synaptotag-
mine, SNAP-25, and syntaxine 1/HPC-1) sont peu dimi-
nués (environ 10 p. 100 des témoins) au contraire des
composants vésiculaires (synaptobrévine and synaptophy-
sine – 30 p. 100 des témoins) (Shimohama et al., 1997).
L’immunohistochimie de la synaptophysine a montré une
baisse marquée et précoce : sa liaison statitistique avec la
détérioration intellectuelle a été jugée excellente par certains
(Terry et al., 1991) qui en font le meilleur corrélat de la
démence. Elle a au contraire été jugée inférieure à celle
observée pour les dégénérescences neurofibrillaires par
d’autres (Dickson et al., 1995). L’immunoréactivité de la
SNAP-25 reste élevée même dans les cas sévèrement
touchés (Dessi et al., 1997), ce qui est compatible avec le
maintien d’une surface d’apposition synaptique élevée,
observée en microscopie électronique.
LES MOLÉCULES
Plusieurs protéines ont été récemment impliquées dans la
pathogénie du syndrome d’Alzheimer.
Les présénilines
De nombreuses mutations ont été identifiées dans les cas
familiaux de syndrome d’Alzheimer. Les plus fréquentes
modifient la structure d’une protéine jusqu’alors inconnue, la
préséniline 1 dont le gène est porté par le chromosome 14.
Elles sont responsables de démences particulièrement
précoces (Alzheimer’s Disease Collaborative Group, 1995 ;
Campion et al., 1995). Il s’agit d’une protéine comportant 6
ou 8 domaines transmembranaires, qui semble intervenir
dans le métabolisme de l’APP (Cruts et al., 1996). Elle inte-
ragit avec d’autres protéines comme les caténines (Zhang et
al., 1998). L’immunohistochimie révèle la présence de
préséniline 1 dans une population de neurones corticaux et
dans quelques prolongements en dégénérescence de la
couronne des plaques séniles (Uchihara et al., 1996). Pour
certains, les neurones contenant de la préséniline serait plus
résistants et plus aptes à survivre (Giannakopoulos et al.,
1997), un résultat qui est encore l’objet de controverses
(Hendriks et al., 1998). La préséniline 2 (dont le gène est
sur le chromosome 1), quant à elle, est mutée chez des
patients descendant de familles Allemandes, émigrées en
Russie, puis aux États-Unis (« Volga German »). Le role
des présénilines est encore mal compris. Elles ont des
homologues chez C. Elegans (spe-4 and sel-12) : spe-4
intervient dans la spermatogenèse en régulant le traffic
protéique dans l’appareil de Golgi ; sel-12 joue un rôle dans
la ponte par un mécanisme cellulaire qui fait intervenir la
voie de signalisation de Notch. La préséniline 1 humaine
peut restituer une fonction normale aux mutants sel-12
(revue dans Mattson et al., 1998).
L’apolipoprotéine E
Plusieurs isoformes de l’apolipoprotéine E sont connues
E2, E3 et E4, codées par les gènes correspondants ε2,
ε3, ε4. Le risque de maladie d’Alzheimer est presque
doublé chez les hétérozygotes ε4 et décuplé chez les homo-
zygotes (Saunders et al., 1993 ; Slooter et al., 1998). La
présence d’ApoE dans la plaque sénile avait été remarquée
avant la découverte du facteur de risque (Namba et al.,
1991). Elle est aussi trouvée dans les macrophages au sein
ou à proximité de la plaque (Uchihara et al., 1995 ; Uchi-
hara et al., 1996 ; Uchihara et al., 1996 ; Dickson et al.,
1997). Les dépôts de peptide Aβ sont plus abondants chez
les patients dont le génotype comporte un ou deux
allèles ε4 (Schmechel et al., 1993 ; Berr et al., 1994).
L’ApoE pourrait jouer le rôle de protéine chaperone
c’est à dire qu’elle pourrait, à la manière d’un moule,
donner au peptide Aβ sa configuration spatiale tridimen-
sionnelle (Wisniewski et Frangione, 1992). En faveur de
cette hypothèse, la quantité de peptide Aβ, observée chez
les souris transgéniques portant un gène muté de l’APP, est
beaucoup moins importante lorsque le gène de l’ApoE a
été inactivé (croisement souris transgénique pour l’APP,
knock-out pour l’ApoE) (Bales et al., 1998).
L’alpha-synucléine ou NACP
(non amyloid component of the plaque)
L’analyse biochimique du cœur de la plaque sénile a mis
en évidence une protéine différente du peptide Aβ (Ueda et
al., 1993). Sa séquence a une grand homologie avec une
protéine synaptique la synucléine alpha (Clayton et
George, 1998). Une mutation de la synucléine alpha a été
trouvée dans plusieurs familles de maladie de Parkinson
familiale (Polymeropoulos et al., 1997). Les anticorps anti-
synucléine marquent les corps de Lewy et des prolonge-
ments nerveux anormaux rencontrés dans la maladie de
Parkinson et dans la démence avec corps de Lewy (les
« Lewy neurites ») (Spillantini et al., 1997; Lippa et al.,
1998 ; Spillantini et al., 1998). Ils marquent aussi les inclu-
sions gliales des atrophies multisystématisées (Waka-
bayashi et al., 1998). L’alpha-synucléine met donc à jour
des rapports inattendus entre la maladie de Parkinson, la
maladie d’Alzheimer et les atrophies multisystématisées.
LES CORRÉLATIONS
CLINICO-PATHOLOGIQUES
L’analyse de groupes de sujets âgés examinés de façon
prospective normaux ou souffrant d’une démence de
sévérité variée a permis d’établir des corrélations entre
la densité des lésions que nous venons d’envisager et la
détérioration intellectuelle (Blessed et al., 1968 ; Wilcock
et Esiri, 1982 ; Duyckaerts et al., 1986 ; Delaère et al.,
1989 ; Delaère et al., 1990 ; Delaère et al., 1991 ; Dickson
et al., 1995 ; Nagy et al., 1995 ; Bancher et al., 1996 ; Berg
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