Histoire de la Pensée Economique avant 1850, Valeur et Richesse
Agrégation interne SES, Arnaud Diemer, IUFM D’Auvergne
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b) Les physiocrates
Il constituent une école française sous l’autorité de François Quesnay (seconde moitié du
XVII). Cette école renvoie l’idée des règles de gouvernement aux lois naturelles. Son analyse
repose sur une représentation (tableau) en forme de circuit, de l’ensemble de l’activité économique.
Ce tableau est caractérisé d’une part, par des classes (que Quesnay nomme classe productive, classe
stérile et classe des propriétaires), d’autre part, par des flux de richesses qui relient ces classes au
cours d’une période de temps donnée.
Au cours d’une période (année), les avances effectuées par la classe productive donnent
naissance à un produit brut, dont la valeur est supérieure aux avances. La différence entre le produit
brut et les avances constitue le produit net. C’est le seul revenu disponible qui échoît dans les mains
de la classe des propriétaires. Le produit net est la part de la richesse produite au cours d’une
période que l’on peut consommer sans mettre en péril le schéma de reproduction des avances. La
classe stérile modifie la forme du produit, mais n’ajoute rien à sa valeur.
De cette représentation économique, les physiocrates déduisent des principes de politique
qu’il est du devoir du gouvernement (monarchique) d’imposer. Ces principes concernent
essentiellement l’impôt, qui ne peut être prélevé que sur le produit net. Ainsi tout impôt sur les
avances (c’est à dire visant à orienter les flux de richesses) ne pourrait que mettre en péril la
reproduction du produit net.
Les critiques de Smith à l’égard des physiocrates se développent sur deux plans :
- En premier lieu, Smith récuse la proposition de Quesnay selon laquelle seule l’agriculture est
productive, l’industrie ne faisant que transformer les produits agricoles.
- En second lieu, Smith reproche à Quesnay de croire que le « corps politique ne pourrait fleurir et
prospérer que sous un régime précis, le régime exact de la parfaite liberté et de la parfaite
justice ». Smith montre qu’au contraire, même sous un régime politique et juridique imparfait, les
comportements des individus peuvent, sous certaines conditions, compenser ses imperfections. Les
lois de la concurrence qui s’exercent sur les marchés suppléent amplement à ces insuffisances.
Ajoutons que Smith (consciemment ou non) substitue à une représentation de l’interdépendance
économique en termes de circuit (flux), celle en termes de marché (équilibre O/D).
De ces deux écoles de pensée, c’est la première que cherchera à mettre en cause Smith. Si le
système agricole est inoffensif, c’est parce que les propriétaires fonciers (country gentlemen) qu’il
favorise au détriment des manufacturiers, vivent généralement éloignés de la cour, et isolés dans les
campagnes. C’est pour cette raison qu’ils ne peuvent se concerter, se coaliser et former des groupes
de pression efficace.
On ajoutera que la pensée physiocratique exerça également sur Smith une influence
indéniable (Smith comptait dédicacer la Richesse des Nations à François Quesnay, son décès avant
la publication, l’en empêcha). Au contraire, manufacturiers et financiers sont regroupés en ville, et
plus particulièrement à proximité de la cour. Ils sont donc à même de former des coalitions solides
et, comme ils sont parfaitement au fait des mécanismes marchands, ils disposent, à ce titre,
d’arguments convaincants auprès de l’Etat, qui est, de surcroît, traditionnellement leur débiteur.
C’est pour cette raison que le système mercantiliste est pernicieux. Ainsi la vie politique (en
Angleterre du XVIII siècle) apparaît comme l’expression d’un conflit essentiel qui oppose deux
grands groupes sociaux aux intérêts parfois opposés. Ils sont désignés sous les termes de Landed
interest et de Moneyed Interest.