La loi des débouchés
arlementaire opposant à
Bonaparte sous le Consu-
Iat+, entrepreneur, premier
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titulaire de la chaire d'économie
industrielle au Conservatoire des
arts et mêtiers et professeur au
Collège de France, Jean-Baptiste
Say (1767-1832) a profondément
inJluencé les dêbats de son êpoque
en dêveloppant des concepts qui
restent au cæur de l'analyse éco-
nomiquemoderne,
Dans son Traitê d'économie poli-
tique, publié en 1803, il propose
une définition novatrice de la
valeur. Loin d'être caractérisée par
la quantité de travail nêcessaire à
la production d'un produit, la
valeur se définit selon lui par la
satisfaction (l'utilité) que ce bien
procure au consommateur. En
apparence très simple, cette défi-
nition va transformer radicale-
ment la conception de ltconomie.
Elle permet en effet de comprendre
pourquoi des produits qui ne
nécessitent que peu de travail et de
savoir-faire peuvent s'échanger à
des prix élevés, alors que d'autres
- dont le coût et Ie temps de pro-
duction sont importants - se
vendent à des prix très faibles.
Avant Say, Ia valeur était fonda-
mentalement rattachêe à la quan-
tité de travail et de matière néces*
saire à la production. La notion
même de « service » échappait
ainsi à la théorie économique.
Confirmant par ailleurs I'anaÿse
de Smith (cf. p.28), Say explique
que pour s'enrichir, ltntreprenew
doit faire preuve d'empathie afin
de comprendre les besoins de la
population, car c'est elle qui - en
tant qu'acheteur potentiel - déter-
mine la valeur des biens produits.
cr [-Â V*lTiJ§f; *E§ Fftü*UiT§ »
Mais l'apport fondamental de Say
demeure la « loi des débouchés »
(ou « loi de Say »), selon laquelle
seule la valeur créée par la produc-
tion, et momentanément trans-
formée en monnaie, permet d'ac-
quêrir d'autres produits. En
d'autres termes, « I'argent n'est
que la voiture des produits », Ies
biens s'échangent contre des
biens. Ainsi, toute production
satisfaisant un besoin est une
crêation de valeur et seule cette
création de valeur autorise l'achat
de nouveaux biens.
Dès sa formulation, la loi des
dêbouchês provoque un débat
ürtrlent. Des économistes comme
David Ricardo (cll p. 0) etJohn
Stuart MiIl+ l'4dopteront immé-
diatement, considérant que
lbffrex crêe la demande+, alors que
Malthus (cf. p.32) puis plus tard
Keynes (cf. p 56) la refuseront,
arguant que la consommation est
le moteur de l'économie. On
comprend donc aisêment I'im-
portance scientifique et idéolo-
gique de cette loi. Puisque l'achat
d'un produit nécessite une pro-
duction d'une valeur au moins
éqüvalente, laccroissement de Ia
production est toujours béné-
fique. L'abondance de produc-
teurs et de produits développe les
débouchés en augmentant les
opportunités d'échanges entre les
biens. Or, ce qui est vrai à l'inté-
rieur d'une nation l'est aussi entre
les nations.
Prenant le contre-pied des argu-
ments protectionnistes+, selon
Iesquels l'enrlchissement d'une
nation se fait au détriment d'une
autre, Say affirme que le com-
merce international est toujours
facteur de crêation de valeur et
d'enrichissement. Selon lui, plus
ses partenaires économiques sont
riches, plus ils représentent de
débouchês pour la production
d'une nation et plus celle-ci stn-
richit. I plaide donc en faveur
d'une abolition des droits de
douanes et de toute entrave au
commerce.
tir*runruqrr LrEÉRALË
Poursuivant cette logique, il
observe que pour créer de la
valeur, il faut que les consomma-
teurs soient libres d'acheter ce
qu'ils désirent, donc que les pro-
ducteurs aient la possibilitê de
fournir une gamme êtendue de
produits. En conséquence, il place
la propriêté privée et la liberté
contractuelle au centre du système
économique. Fidèle à sa thêorie, il
milite êgalement pour l'abolition
de l'esclavage et lajuste répartition
de la valeur entre employeurs,
employés et actionnaires. Pour
toutes ces raisons, Jean-Baptiste
Say est considéré comme l'un des
pères fondateurs de ltconomie
libêrale+ et de l'approche dite « de
l?conomie de lbffre ». *
Plere Bent eg chercheur à l'lnstitut
Molinari et enseignant au Groupe ESC Troyes.
38 I Le Point Références I Pensée économique
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:
i « L'utilité de ces choses est le premier
, fondement de leur valeur »
La valeur que les hommes attachent arx choses a
son premier fondement dans l'usage qu'ils en
peuvent faire. Les unes servent d'aliments; Ies
autres de vêtements; d'autres nous défendent de
la rigueur du climat, comme les maisons ; d'autres,
telles que les ornements, les embellissements,
satisfont des gofits qui sont une espèce de besoin.
Toujours est-il wai que si les hommes attachent
de Ia valeur à une chose, c'est en raison de ses
usages : ce qui n'est bon à rien, ils n'y mettent
aucunprix.
Cette faculté qu'ont certaines choses de pouvoir
satisfaire aux divers besoins des hommes, qu'on
me permette de la nommer utilitê.
Je dirai que crêer des objets qui ont une utilité
quelconque, c'est crêer des richesses, puisque
l'utilitê de ces choses est le premier fondement de
leur valeur, et que leur valeur est de la richesse.
Mais on ne crée pas des objets I la masse des
matières dont se compose le monde ne saurait
augmenternidiminuer. Tout ceque nots pouvons
faire, c'est de reproduire ces matières sous une
autre forme qui les rende propres à un usage quel-
conque qu'elles n'avaient pas, ou seulement qui
augmente I'utilité qu'elles pouvaient avoir. Alors
il y a créatiorl non pas de matière, mais d'utilitê ;
et comme cette utilité leur donne de lavaleur, ily
a production de richesses. C'est ainsi qu'il faut
entendre le mot production en économie poli-
tique, et dans tout le cours de cet ouwage. La pro-
duction n'est point une cféation de matière, mais
une création d'utilité. Elle ne se mesure point sui-
vant la longueru, le volume ou le poids du produit,
mais süvant I'utilité qubn lui a donnée. [...]
La valeur échangeable, ou le prix, nfest une indi-
cation de futilité que les hommes reconnaissent
dans une chose qu'autant que le marché qu'ils
font ensemble n'est soumis à aucune influence
êtrangère à cette même utilité; de même qu'un
baromètre n'indique la pesanteur de l'atmosphère
qu'autant qu'iln'est soumis àaucune action autre
que celle de la pesanteur de l'atmosphère.
En effet, lorsqu'un homme vend à un autre un
produit quelconque, il lui vend l'utilité qui est
dans ce produit; I'acheteur ne l'achète qu'à cause
de son utilité, de l'usage qu'il en peut faire. Si, par
une cause quelconque, l'acheteur est obligé de le
payer au-delà de ce que vaut pour lui cette utilitê,
il paie une valeur qui n'existe pas, et qui, par
conséquent, ne lui est pas livrêe.
Jean-Baptiste Say, T/,aité d,économie Nlltique
ou simde ex?DE,ition de la manièrc dont æ foment,
se disttibrrent et se consomment les tkhesses (t803)
Lapremière conséquence qubnpeut tirer de cette
importante vêritê, ctst que, dans tout État, plus
les producteurs sont nombreux et les productions
multipliêes, et plus les débouchés sont faciles,
variés et vastes.
Dans les lieux qui produisent beaucoup se crêe la
substance avec laquelle seule on achète: je veux
dire la valeur. Ilargent ne remplit qu'unoffice pas-
-sager dans ce double échange; et, Ies échanges
terminés, il se trouve toujours qu'on a payé des
produits avec des produits.
II est bon de remarquer qu'un produit terminê
offre, dès cet instant, un dêbouchê à d'autres pro-
duits pour tout le montant de sa valeur. En effet,
lorsque le dernier producteur a terminé un pro-
duit, son plus grand désir est de le vendre, pour
que Ia valeur de ce produit ne chôme pas entre ses
mains. Mais il n'est pas moins empressé de se
défaire de l'argent que lui procure sa vente, pour
que la valeur de l'argent ne chôme pas non plus.
Or, on ne peut se défaire de son argent qu'en
demandant à acheter un produit quelconque. On
voit donc que le fait seul de Ia formation d'un pro-
duit ouvre, dès f instant même, un débouché à
d'autres produits.
Op.cit.
:
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