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UNE PLURALITÉ DE REGARDS,
DE BESOINS, D’ENVIES…
La présence de tel ou tel dans les bâtiments scolaires dépend
de la fonction de ces derniers. L’existence même de l’éta-
blissement crée un lieu d’apprentissage où chacun est censé
trouver sa place pour exercer son métier dans de bonnes
conditions. Si les locaux sont communs, les usages n’en sont
pas forcément partagés et n’inscrivent pas automatique-
ment les usagers dans une communauté scolaire cohérente.
Dans des bâtiments où la présence est contrainte par l’obli-
gation scolaire ou professionnelle, la vie déborde largement
les usages prévus. Au collège Prévert, au lycée Querré ou
ailleurs, échapper au contrôle visuel des adultes et trou-
ver un coin tranquille pour «se poser un peu», négocier
des objets, s’échanger à l’interclasse des informations sur
l’humeur du professeur ou l’organisation de la «teufeu»
du prochain samedi sont des envies d’élèves qui a priori ne
sont pas centrales dans le projet d’établissement.
Quand on est enseignant et parfois en retard, trouver un
itinéraire qui vous masque au regard accusateur ou
ironique du principal adjoint peut devenir un enjeu.
À chaque fois, les dispositions spatiales des lieux sont une
ressource que chaque acteur tente de maîtriser au mieux
pour parvenir à ses objectifs, avouables ou non.
Il en est de même pour le déroulement des activités scolai-
res ordinaires: chacun les voit à sa façon et tente d’utiliser
la ressource spatiale en l’adaptant à son projet.
Une extension – rénovation réussie
Cette diversité des approches des lieux est constante mais
plus ou moins facilement repérable. Les usages d’un
nouveau bâtiment comprenant un amphithéâtre et un CDI,
intégré lors de l’extension – rénovation d’un lycée polyva-
lent de petite ville, en sont une illustration efficace.
Accueillant un peu moins de sept cents élèves de sections
générales ou professionnelles, les banals bâtiments des
années 1970 du lycée Querré ont été réaménagés et agran-
dis après un chantier de plusieurs années. La conception du
bâtiment nouveau a cherché, et semble-t-il réussi auprès des
habitants,à faire du lycée un geste architectural fort en centre
ville.«Original, beau, emblématique» sont les termes de l’ar-
chitecte pour qualifier l’insertion de son bâtiment dans le
tissu urbain. Les matériaux, parmi lesquels dominent le bois
et le verre, tranchent avec le béton des constructions anté-
rieures, et l’introduction de la courbe dans un environne-
ment orthogonal accroche le regard et fait du
nouveau bâtiment un repère urbain.
À l’intérieur, le vaste CDI, proche de la nouvelle
salle des professeurs, s’inscrit dans la courbe
générale du bâtiment neuf et offre un espace
remarquable, visiblement travaillé par l’archi-
tecte concepteur. Ouvert en 2003, il a immé-
diatement été investi, voire subverti par ses
usagers. Disposant désormais d’une grande
salle d’informatique et de nombreuses baies
d’ordinateurs, certains professeurs, de mathé-
matiques en particulier, font cours systémati-
quement dans ces lieux qu’ils réservent à l’an-
née. Les mêmes enseignants reproduisent ainsi
leurs usages, quasi exclusifs, depuis l’ouver-
ture, et semblent installés dans un lieu qui
convient à leurs pratiques pédagogiques.
L’espace nouveau du CDI, prévu pour un fonc-
tionnement flexible, est de fait accaparé…
Les élèves eux aussi aiment ce lieu spatiale-
ment insolite. Moins gênés par le bruit de la rue
et de la circulation automobile toutes proches,
ils préfèrent le CDI aux salles de permanence
et à la maison des lycéens, pourtant agréables,
et ont visiblement plébiscité les choix de l’ar-
chitecte.Y venir quand ils en ont l’opportunité
– un trou régulier ou ponctuel de l’emploi du
temps, une tâche particulière, une envie d’être
au chaud ou à l’ombre pour discuter, occuper
l’avant ou l’après-déjeuner, etc. – est indénia-
blement plaisant pour un bon nombre d’entre
eux. Ainsi, le flou sur la délimitation de l’en-
trée, l’imprécision relative, en dehors des salles,
des limites des zones de consultation, de
lecture, de travail individuel ou en groupe et la
diversité des usages engendrée par cette flexi-
bilité conduisent à une sur-utilisation du CDI,
en décalage avec les définitions ordinaires d’un
tel service.
Pourtant, ici, les caractéristiques spatiales et
leur attractivité sont accusées d’amplifier les
difficultés de fonctionnement du CDI: le niveau
de bruit déjà élevé – la rue – est accentué par
les déplacements incessants, les flux d’élèves
allant en salle informatique, les conversations,
l’ampleur du volume et la réverbération du
son ; de même l’impossibilité du contrôle visuel
direct est mise en cause…
128 ❘ville école intégration diversité 150-SEPTEMBRE 2007❙