Quelle est l`importance du travail de groupe dans le développement

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Damienne Poulet
Professeur des écoles stagiaire, 2ième année.
I. U. F. M. de DIJON.
N° de dossier : 03STA00204.
Directeur de mémoire : Mr Pierre DURAND
MEMOIRE PROFESSIONNEL PREMIER DEGRE.
Quelle est l’importance du travail de groupe dans le
développement de l’autonomie de l’élève ?
Que l’on parle de l’autonomie de l’enfant ou de l’autonomie de l’élève, cela revêt à
priori les mêmes questions sauf que, parlant d’élèves, on se place dans le cadre de
l’institution scolaire. Il est vrai que dans ma réflexion, j’emploierai aussi bien les deux
termes mais je tiens à noter que mon travail se situe bien sur l’enfant en tant qu’élève.
Année 2004.
1
SOMMAIRE.
INTRODUCTION.
p4
PREMIERE PARTIE : CHOIX DE LA PROBLEMATIQUE DANS LE CADRE
GENERAL DE L’AUTONOMIE.
I) L’AUTONOMIE : définition ; ses différentes formes ; une mission pour l’école. p 5
A) L’autonomie, une notion complexe.
p5
1) Définition de l’autonomie.
p5
2) Les différentes formes de l’autonomie.
p7
B) L’autonomie à l’école, un souci de la société (les enjeux).
p8
1) L’autonomie : un sujet de réflexions pour les pédagogues.
p9
2) L’autonomie dans les instructions officielles ; une mission pour l’école.
p 10
II) LE TRAVAIL DE GROUPE ET SA CONTRIBUTION DANS LE
DEVELOPPEMENT DE L’AUTONOMIE.
p 11
A) Le rôle particulier du travail de groupe dans le développement de
l’autonomie.
p 11
1) Quelles pédagogies favorisent le travail de groupe ?
p 11
2) Comment favoriser le développement de l’autonomie des élèves si on fait le choix
du travail de groupe ?
p 13
a) Une grande organisation.
p 13
b) Le rôle essentiel du maître dans une telle organisation.
p 14
c) Définition du travail de groupe.
p 14
B) Le travail de groupe au service de l’autonomie en tant qu’instrument
pédagogique difficile et prometteur.
p15
1) Quand et comment mettre en place le travail de groupe ?
p 16
a) Quand ?
p 16
b) Comment ?
p 16
2) Pourquoi développer le travail de groupe ?
2
p 17
3) Les contraintes et les impératifs de la mise en place du travail de groupe.
p 17
DEUXIEME PARTIE : LA DIVERSITE DES SITUATIONS DE TERRAIN.
I) LA DIFFICULTE DE REPONDRE A LA PROBLEMATIQUE COMPTE
TENU DE STAGES TRES DIFFERENTS.
p 18
II) LE DEVELOPPEMENT DE L’AUTONOMIE EN CLASSE MATERNELLE. p 20
A) Une organisation spatiale de la classe favorisant une autonomie des enfants.
p 20
B) Le travail en atelier.
p 20
C) Le rôle du maître.
p 21
D) Une expérience menée cherchant à connaître l’importance du groupe dans le
développement de l’autonomie de l’enfant. Description de l’activité puzzle.
p 22
p 23
1) La situation de départ.
2) Mise en place d’un atelier dirigé afin de recueillir les réflexions des enfants sur
l’activité.
p 24
3) Atelier autonome de puzzles sans support image.
p 25
4) La mise en place d’atelier plaisir.
p 26
5) Un projet ambitieux : un puzzle de soixante pièces à réaliser en autonomie.
p 27
III) L’EXPERIENCE D’UNE CLASSE UNIQUE.
p 29
A) Favoriser l’observation de l’autonomie des élèves et faire en sorte qu’elle
puisse se développer compte tenu de la situation d’une classe à plusieurs niveaux. p 30
1) Les limites.
p 30
a) Le problème que pose le temps de présence du maître.
p 30
b) Quelle autonomie est-il plus facile, à priori, de développer dans une classe
unique ?
p 31
2) Les potentialités d’une classe unique en matière d’autonomie.
p 33
B)L’autonomie en classe unique ne doit pas être une situation d’abandon.
p 36
CONCLUSION.
p 37
BIBLIOGRAPHIE.
p 39
3
INTRODUCTION.
L’autonomie vise à donner aux individus les moyens de se construire.
L’éducation familiale ou scolaire est conçue comme une lente conquête par l’enfant ou
l’élève de son indépendance vis à vis de l’adulte. L’autonomie se développe dès le
plus jeune âge ; les enfants arrivent à l’école avec des degrés
d’autonomie très
différents du fait, principalement, de milieux familiaux divers. Le rôle de l’enseignant
est de faire que son aide devienne de moins en moins nécessaire. En effet, si l’école a
pour mission de faire acquérir des savoirs : lire, écrire, parler, elle veut également
former des élèves à devenir des êtres autonomes, capables d’assumer des
responsabilités, de prendre des initiatives, de faire des choix et ainsi permettre aux
enfants de devenir des citoyens à part entière.
Dans une première partie j’essayerai de définir l’autonomie et montrerai combien cette
notion peut être complexe du fait notamment de la multiplicité des formes qu’elle peut
prendre. Je m’appuierai sur les réflexions et les études des pédagogues ainsi que sur
les textes officiels et les programmes de l’Education nationale afin de savoir comment
l’école envisage aujourd’hui la notion d’autonomie. En effet, si l’autonomie a été
l’objet de nombreuses études pédagogiques, il a fallu attendre 1985 pour voir cette
notion inscrite dans les instructions officielles : «… Préparer à l’autonomie et à la
responsabilité, l’élève doit être capable de mobiliser ses compétences et de les étendre,
d’utiliser différemment ses connaissances et plus tard, d’en acquérir d’autres. »
Les questions que soulèvent l’autonomie sont nombreuses ; une preuve en est le
nombre d’études sur le sujet depuis des années (début du XXième siècle pour ce qui est
de l’autonomie de l’enfant). Des questions se posent sur les formes d’autonomie
privilégiées à l’école ou à privilégier ; le rôle du maître dans le développement de
l’autonomie de l’enfant ; la nécessité de développer cette autonomie ; dans quel but la
développer et la place de l’école comme lieu privilégié pour le faire… Les sujets
concernant l’autonomie sont nombreux, je privilégierai donc l’importance du travail
de groupe dans le développement de l’autonomie parce qu’il y a eu beaucoup de
débats et beaucoup d’expériences menées dans le domaine et que de plus, cela permet
de favoriser non seulement le développement de l’autonomie individuelle mais
également celui de l’autonomie collective. Je serai amenée à traiter du contexte dans
4
lequel on travaille aujourd’hui à l’école et montrerai que le travail de groupe est une
forme de travail utilisée par les enseignants. Quelle est la place du travail de groupe ?
Dans quelles circonstances favorables les enseignants le mettent en place s’ils le
veulent (cela incombe à chacun d’en faire le choix) ?. Un autre point abordé sera de
savoir si l’autonomie par le travail de groupe est facile (le terme de travail ne doit pas
être ici compris dans un sens limité à une activité spécifique) . Je m’interrogerai
également sur la composition du groupe à privilégier : j’entends par là hétérogénéité
ou homogénéité du groupe : quel peut-être l’enjeu du choix menant à privilégier un
groupe homogène ou un groupe hétérogène ? ; je m’interrogerai également sur la taille
du groupe ainsi que sur les obstacles et les avantages que le groupe engendre.
Après avoir travaillé dans un cadre théorique, je présenterai dans une seconde partie
des situations que j’aurai mises en place ou observées lors de mes différents stages ;
situations visant à mettre en place le travail de groupe et à observer l’autonomie
qu’elles permettent de développer. Un lien sera fait avec la première partie convergent
ou non avec les observations et expériences menées depuis des années par certains
pédagogues.
PREMIERE PARTIE : CHOIX DE LA PROBLEMATIQUE DANS LE CADRE
GENERAL DE L’AUTONOMIE.
I) L’AUTONOMIE : définition ; ses différentes formes ; une mission pour l’école.
A) L’autonomie, une notion complexe.
1) Définir l’autonomie.
5
Le petit Larousse définit l’autonomie comme la possibilité de décider, pour un
organisme ou un individu, sans en référer à un pouvoir central, à une hiérarchie ou à
une autorité. Cette définition laisse à penser qu’il existe une relation entre autonomie
et indépendance. Ceci étant, la notion même d’autonomie ne signifie pas pour autant
que l’on est libre de faire ce que l’on veut sous prétexte d’indépendance. La conquête
de l’autonomie doit prendre en compte les lois et intégrer ces lois dans les choix et les
décisions que l’on prend. Ces lois sont des contraintes physiques (lois de la nature) et
des contraintes de société visant à l’organisation de cette même société. L’autonomie
n’existe que si l’on a connaissance des contraintes ; ces contraintes sont des éléments
de structuration. L’autonomie s’exerce ainsi dans un cadre, avec des règles et dans un
environnement donné. Elle permet une liberté mais ne peut se développer sans
contrainte ; elle demande en quelque sorte un équilibre entre une certaine dépendance
vis à vis des autres et du contexte social, économique et politique et une relative
indépendance. Cet équilibre n’est pas toujours facile à trouver en raison de la difficulté
à définir de façon simple (nous le verrons) la notion d’autonomie. Il s’agit alors pour
les individus de faire des choix et d’en assumer les responsabilités dans des situations
données.
Dans ce mémoire, je vais m’intéresser plus particulièrement à l’enfant dans sa
condition d’élève. Une question apparaît alors : quand peut-on parler d’autonomie ?
Dès le plus jeune âge encore faut-il que le milieu familial facilite son développement.
En effet, ce dernier nécessite un sentiment de sécurité et de confiance et si, par
exemple, l’adulte intervient en permanence pour orienter ou diriger l’action de l’enfant
ou si l’enfant est écartelé entre deux impératifs contradictoires, l’exercice même de
l’autonomie ainsi que son développement seront très difficiles. Winnicott montre
combien l’environnement de l’enfant influence positivement son développement en lui
permettant de réaliser son potentiel et non pas en voulant faire de l’enfant ce que l’on
veut. Le but n’est pas de vouloir façonner un être mais plutôt de lui permettre de
développer son potentiel en lui donnant les moyens de le faire. Ce pédiatre et
psychanalyste britannique parle de socialisation. On entend par socialisation1 « le
processus par lequel les individus sont intégrés dans une société donnée, intériorisant
les valeurs, les normes, les codes symboliques et font l’apprentissage de la culture en
1
GRAVITZ. M, Lexique des Sciences sociales, Dalloz.
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général grâce à la famille et à l’école mais aussi par le langage, l’environnement… »
L’autonomie est une acquisition fondamentale qui va forger la personnalité de l’enfant
et du futur adulte. Un enfant autonome est un enfant capable d’affronter les difficultés
qui se présentent sur son chemin, il peut les assumer et rebondir face aux obstacles.
2) Les différentes facettes de l’autonomie.
L’autonomie ne s’enseigne pas mais on peut la développer en mettant en place des
situations favorables. Les pédagogues mettent surtout l’accent sur l’autonomie
comportementale et sur l’autonomie intellectuelle. Ils définissent la première comme
la capacité d’agir avec réflexion et en connaissance des enjeux personnels et sociaux
de ces actions et la seconde comme la capacité à lire, à écrire, à utiliser les documents
ou les instruments courants du travail exigé par les différentes disciplines scolaires,
sans dépendre anormalement de l’aide ou du jugement d’autrui. On voit ici que
l’autonomie se décline déjà sous deux formes, ce qui montre déjà la complexité de la
définir. Nicole Herr, quant à elle, retient six formes différentes d’autonomie. Elle
distingue :
-Autonomie physique : c’est la prise de conscience de ses possibilités
physiques et du développement de l’image que l’on se fait de son corps en
coordonnant et en contrôlant ses gestes. Cette autonomie passe par
l’apprentissage des gestes quotidiens comme se vêtir, se nourrir, aller aux
toilettes par exemple.
-Autonomie matérielle : c’est savoir se situer et s’adapter à un
environnement matériel c’est à dire savoir trouver, utiliser et ranger des
objets, savoir gérer son matériel d’écolier.
-Autonomie spatiale : c’est savoir se repérer dans un espace proche puis
dans un espace de plus en plus éloigné. C’est passer de l’espace vécu à
l’espace parlé puis à l’espace représenté.
-Autonomie temporelle : c’est prendre conscience du temps proche puis
lointain. C’est savoir mesurer le temps, l’évaluer et le gérer en mettant en
place des projets.
-Autonomie affective : c’est savoir maîtriser et exprimer ses sentiments,
s’affirmer en se libérant d’une trop grande dépendance vis à vis des adultes
et de ses pairs.
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-Autonomie intellectuelle : c’est aimer et savoir se poser des questions,
contrôler une affirmation ou un résultat, s’informer, mobiliser les
connaissances acquises. Elle détermine la conduite de l’adulte et du citoyen.
Toutes les disciplines participent au développement de cette autonomie mais
certaines méthodes pédagogiques le favorisent plus que d’autres : apprendre
à apprendre / travailler par objectifs, expliciter ses démarches et ses buts /
pratiquer l’évaluation formative et l’auto évaluation / observer, comparer et
choisir / participer à des projets et formuler des projets personnels.
Hervé Caudron ajoute à ces différentes formes d’autonomies, l’autonomie langagière
et l’autonomie morale. Par autonomie langagière il entend : « Savoir s’exprimer,
utiliser à bon escient le langage oral et écrit, mais aussi oser formuler ce qu’on veut
dire. » et par autonomie morale : « se référer, pour guider ou juger son action, à des
règles ayant une valeur en elles-même, au lieu de se soumettre simplement à l’adulte
ou au groupe. »
Il regroupe également autonomie spatiale et autonomie temporelle et préfère parler
d’autonomie corporelle que d’autonomie physique. Ces dernières remarques ne sont
que formelles et cela ne remet pas en cause les contenus que ces deux auteurs
apportent aux différentes formes que peut prendre l’autonomie.
Pour ma part et d’après ces lectures, des rapprochements peuvent-être faits si l’on
prend en compte une autonomie groupant l’autonomie spatiale, temporelle, matérielle
et physique. En effet, quelle attitude un enfant est-il capable d’adopter dans certains
lieux, à certains moments et compte tenu de ses possibilités ? Quant à l’autonomie
affective, elle pourrait s’inscrire dans toutes les différentes formes d’autonomies
B) L’autonomie à l’école, un souci de la société (les enjeux).
L’enfant, à l’école, est soumis aux règles régissant l’établissement auquel il appartient
et on lui demande dans le même temps de tout faire pour devenir un citoyen autonome
et acquérir ainsi une certaine indépendance le libérant d’un soutien systématique
apporté par les autres. Ceci étant dit, l’autonomie lui permet d’épanouir ses
potentialités et sa créativité. On retrouve ici le problème de l’équilibre entre
dépendance et indépendance développé plus haut. De plus, notons que l’éducation fait
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partie prenante d’une société et qu’elle évolue avec elle. En effet, si les
bouleversements économiques, politiques et sociaux ont transformé la société au cours
du temps, le monde de l’éducation s’est lui aussi trouvé modifié. Qu’attend la société
de l’école ? Quelle place est donc faite à l’autonomie au sein de l’école ? Afin de
répondre à ces questions, je vais m’appuyer sur les différentes réflexions de
pédagogues ainsi que sur les textes officiels de l’éducation nationale.
1) L’autonomie, sujet de réflexions pour les pédagogues.
Ces questions ne sont pas nouvelles et ne sont pas nées avec les nouveaux
programmes. Déjà au début du XXième siècle, des pédagogues comme Maria
Montessori, Edouard Claparède, Adolphe Ferrière puis Célestin Freinet se sont
interrogés sur les méthodes d’éducations qu’ils jugeaient inadaptées pour le
développement de l’enfant et ils ont développé des théories et des méthodes posant le
problème de la place de l’enfant dans le système éducatif. Maria Montessori1 s’est plus
particulièrement intéressée au développement de l’initiative de l’enfant. Sa méthode
tendait à favoriser le développement des élèves par l’éducation sensorielle, le jeu et la
maîtrise de soi. Elle reconnaît que le regard de l’adulte sur l’enfant doit s’inverser et
que l’enfant peut beaucoup apprendre à l’adulte sur lui-même et qu’il n’est pas
seulement un être à élever et moins encore à dresser. Elle développe ses idées dont une
est l’oppression de l’enfant par l’autorité abusive de l’appareil éducatif et la nécessité
pour l’enfant de se faire lui-même. Edouard Claparède dénonce le rôle autoritaire de
l’enseignant et base sa pratique sur l’exploitation des tendances naturelles de l’enfant ;
l’enfant cherchant de lui même à faire des découvertes et à s’éloigner de l’adulte. Il
peut être noté que le côté imitation de l’adulte par l’enfant est un autre aspect
important du développement de l’autonomie de l’enfant et qu’il n’est pas remis en
cause par ces différentes théories. Quant à Adolphe Ferrière, il met au premier plan ce
qu’il appelle l’école active où le travail de l’enfant se met en place avec
l’établissement d’un plan de travail (sorte de contrat) et le respect de la spontanéité de
l’enfant. Nous verrons un peu plus loin le travail de Célestin Freinet qui est caractérisé
par une pédagogie fondée sur les groupes coopératifs au service de l’expression de
l’autonomie de l’enfant.
1
MONTESSORI Maria, L’enfant.
Un leitmotiv de sa pédagogie est, en se plaçant du côté de l’enfant : « Aide moi à faire seul ».
9
De nombreux travaux vont s’inspirer de ces idées montrant l’importance de
l’autonomie dans le processus de développement de l’enfant. L’école se voit alors
confiée la mission de faire acquérir à chacun de ses élèves leur autonomie à travers
différents discours : en 1979, un colloque organisé par l’Unesco où l’on déclare : « Le
système éducatif (…) doit développer l’apprentissage et aider l’élève à acquérir son
autonomie » ; en 1980, un congrès de l’AGIEM (Association Générale des
institutrices et instituteurs des Ecoles et classes Maternelles) a pour thème le jeune
enfant à la conquête de son autonomie ; en 1984, une grande consultation-réflexion
nationale sur l’école a lieu réunissant des parents, des enseignants, des élèves et des
élus. Cela débouche sur le rapport Favret qui indique que le but principal de l’école est
l’autonomie de l’élève et sa socialisation. Il faut donc placer l’élève au c œur du
processus d’apprentissage et le considérer comme potentiellement autonome.
2) L’autonomie dans les instructions officielles ; une mission pour l’école.
Ce n’est pas parce que le terme d’autonomie n’apparaît qu’en 1985 que l’on ne peut
pas trouver auparavant de trace de réflexions ni de conseils dans les textes officiels. En
effet, dès 1923, les instructions officielles anticipent les conseils donnés à la fin du
siècle : l’élève doit avoir un rôle actif dans les apprentissages grâce notamment à
l’expérimentation. Dans les programmes de l’école élémentaire de 1995, on lit qu’il
faut que l’élève « intègre les savoirs, les savoirs-faire et les méthodes de travail
indispensable au collège, commence à s’approprier les bases culturelles et les valeurs
constitutives de notre société, acquiert les premiers éléments d’une autonomie
intellectuelle et soit capable de se repérer dans une structure scolaire. » Le rôle du
maître est primordial dans l’acquisition progressive de l’autonomie. Il lui appartient de
créer des conditions de réussite des élèves et le climat de confiance qu’il créé ainsi que
les encouragements qu’il prodigue sont pour beaucoup dans les apprentissages réussis.
Dans ces programmes, l’autonomie est citée comme une compétence, une attitude à
développer dans les trois cycles de l’école primaire. Au cycle 1, l’élève affirme son
autonomie dans l’espace, par rapport aux objets et aux personnes, il développe son
autonomie physique et essaye d’adapter ses comportements à l’activité. Aux cycles 2
et 3, il devient peu à peu
capable d’exercer des responsabilités personnelles,
d’affirmer ses choix. Les nouveaux programmes de 2002 ne consacrent plus de
chapitre aux compétences transversales qui restent à construire et à développer à
10
travers toutes les autres compétences disciplinaires. L’autonomie fait donc toujours
partie des missions de l’école : à l’école maternelle, il faut « aider chaque enfant à
grandir, à conquérir son autonomie » ; à l’école élémentaire, « l’élève n’est plus
dépendant de l’accompagnement permanent de l’enseignant. Il acquiert une première
autonomie. » On peut noter un certain paradoxe entre l’idée d’une conquête de
l’autonomie à l’école maternelle et celle d’acquérir une première autonomie à l’école
élémentaire. Il s’agit plus d’une continuité que d’une rupture puisque l’on parle en
terme de cycle aujourd’hui à l’école.
Au début de ce paragraphe, je m’étais posé deux questions. A la première concernant
les attentes de la société à propos de l’école, il semble qu’il soit difficile de répondre
autrement qu’avec une certaine distance. En effet, même si l’on note que la volonté de
la société est favorable au développement de l’autonomie des enfants à l’école au
regard des textes, qu’en est-il réellement aujourd’hui alors que l’on tend à formater
tout sur tous les sujets, c’est à dire à donner un cadre rigide déterminé qui n’offre que
très peu d’espace de liberté. La seconde concernant la place de l’autonomie à l’école,
je réponds que d’après les textes, elle reste une priorité mais que tout dépend de ce
qu’il est possible de mettre en place pédagogiquement dans les classes. La recherche
de l’autonomie, le recours à l’initiative de l’élève par exemple, ne sont pas des
attentes nouvelles et leur réitération est la preuve tangible des difficultés qu’implique
leur mise en œuvre.
II) LE TRAVAIL DE GROUPE, sa contribution dans le développement de
l’autonomie.
A)Le rôle particulier du travail de groupe dans le développement de l’autonomie.
1) Quelles pédagogies favorisent le travail de groupe ?
Comme je l’ai mentionnée plus haut, les situations pédagogiques mises en œuvre dans
une classe permettent ou non de développer l’autonomie des enfants. Le contexte dans
lequel vont s’inscrire des situations de travail de groupe fait l’objet d’un paragraphe
11
car il me semble important de montrer l’évolution de la conception du travail fait en
classe. En effet, lors de mes lectures, je me suis rendue compte que l’on opposait deux
types de pédagogie : la pédagogie dite frontale et celle dite de l’autonomie. La
première, appelée également pédagogie traditionnelle est essentiellement centrée sur
les contenus ; le maître divulguant les savoirs de manière parfois autoritaire à des
élèves apprenants. La seconde, dite pédagogie non directive, vise à rendre les élèves
« partie prenante » de leur formation ; le rôle du maître et des élèves est repensé. Ainsi
le maître doit prendre en compte la demande des élèves, être attentif à leur parole et il
doit également être convaincu que l’élève aussi a quelque chose à apporter. L’enfant
est placé au centre du système éducatif, c’est à dire que c’est un élève actif, qui
réfléchit, découvre par lui-même, s’organise, opère des choix, s’auto évalue. D’une
pédagogie rigide centrée uniquement sur les contenus transmis de façon parfois
autoritaire, on a vu se développer une pédagogie qui prenait en compte l’enfant, ses
représentations, ses désirs, et plus généralement sa personne. C’est par l’observation
critique d’une éducation traditionnelle que des pédagogues comme Roger Cousinet et
Célestin Freinet ont développé des théories et des pratiques visant la mise en place
d’une éducation nouvelle rompant avec un enseignement marqué par la passivité et la
dépendance des élèves face au maître. D’après Roger Cousinet, il faut que le maître
change de comportement et descende de l’estrade (Le film « l’école buissonnière »
montre la symbolique de l’estrade qui marquait une rupture entre l’espace du maître et
l’espace des élèves). Pour Célestin Freinet1, le maître doit aider les élèves à faire tout
seuls, sans assistance et sans tutelle. Ceci étant, il ne faut pas pour autant que le maître
abandonne celui qui apprend afin qu’il ne se décourage pas face aux obstacles. L’élève
est en mesure de vaincre ces derniers en obtenant du maître les réponses à certaines
questions qu’il se pose ou afin d’obtenir une aide pour lui permettre de pointer ses
difficultés afin de les maîtriser. Célestin Freinet prône la recherche de la plus grande
autonomie pour chaque écolier.
Aujourd’hui, les deux pédagogies semblent être pratiquées alternativement dans les
classes en fonction des moments de la journée, des disciplines, des situations de classe
à plusieurs niveaux et de l’hétérogénéité des élèves. En effet, savoir alterner des
moments d’écoute collective et un travail autonome individuel ou de groupe semble
être la façon de fonctionner aujourd’hui.
1
FREINET Célestin, La méthode naturelle.
12
2) Comment favoriser le développement de l’autonomie des élèves si l’on fait le choix
du travail de groupe ?
a) Une grande organisation
Il semble en effet que cela demande une grande organisation.
-
il faut organiser l’espace de la classe de manière à ce que celui-ci soit
commode et rassurant pour les enfants.
L’attitude de l’enseignant doit être claire :
-
il ne doit pas trop parler et s’appuyer sur les capacités, les
connaissances, l’intelligence, la compréhension et le jugement des
élèves.
-
il doit avoir une bonne connaissance préalable de ses élèves et de leurs
potentiels.
-
il doit dédramatiser l’échec : c’est en faisant des erreurs que l’on
progresse et que l’on apprend. Le savoir n’est plus inculqué mais coconstruit avec les élèves.
-
Il doit habituer les élèves à gérer sur une période déterminée un certain
volume de travail afin que les enfants parviennent à prévoir, à
s’organiser et à planifier leurs propres activités.
Il est nécessaire d’établir des soutiens structurant le rôle des élèves :
-
afin que les enfants puissent avoir un rôle actif dans leurs
apprentissages, il faut que le maître permettent aux élèves d’exprimer
leurs potentiels et leurs capacités.
-
Les élèves doivent pouvoir se déplacer au sein de l’espace de la classe
sans avoir à toujours en référer au maître. L’autorisation lui est accordée
par le système de fonctionnement de la classe qui suit des règles établies
et acceptées par tous.
-
Les élèves doivent pouvoir se rapporter à des éléments visibles dans la
classe tels que les affichages, les manuels, les livres, les fichiers
autocorrectifs. Freinet avait déjà développé à l’époque ce qu’il appelait
une bibliothèque de travail afin de faciliter le travail en autonomie des
élèves.
13
Sur le plan matériel, une telle pédagogie repose soit sur de bonnes compétences en
lecture (il faut effectivement que les enfants puissent prendre connaissance du travail
qu’ils doivent effectuer), soit sur la présence du maître est là pour donner les
consignes à haute voix, expliciter les tâches et vérifier auprès des enfants la bonne
compréhension des consignes (c’est le cas notamment en classe maternelle). La mise
en place de ce type de fonctionnement favorisant l’autonomie des enfants demande à
l’enseignant un lourd travail de préparation ainsi qu’un fort investissement en
dispositif de savoirs et d’informations objectivées tels que les fichiers, les manuels…
b) Le rôle essentiel du maître dans une telle organisation.
Les relations entre le maître et l’élève, le maître et le groupe ainsi que celles entre le
maître et la classe sont très importantes. Une relation de confiance entre les différents
acteurs doit être mise en place si l’on veut favoriser une bonne atmosphère de travail.
Les rôles attribués à chacun sont connus et l’on sait alors quelle est la place que l’on
peut avoir dans cette situation particulière du travail de groupe. Même dans une telle
situation, la présence du maître non loin des élèves est importante ; cette présence peut
être rassurante si les élèves ne parviennent pas à se dégager d’un problème ou
simplement pour la reconnaissance du travail demandé. Cette présence du maître est
très exigeante car il faut, pour le maître, savoir équilibrer l’aspect structurant
nécessaire au bon déroulement du travail avec l’aspect de liberté des élèves.
Les relations des enfants au sein du groupe sont très importantes. Afin de détailler plus
avant cette notion, il me semble indispensable de définir ce que j’entends par travail de
groupe.
c) Définition du travail de groupe.
D’après mes lectures, je le définirai comme un ensemble d’activités menées en
commun pour réaliser une tâche, ce qui suppose des échanges et l’implication de tous
dans le groupe et dans la classe. Le choix du travail de groupe est fait dans le but de
mieux apprendre ensemble ce qui n’est pas facile. En effet, au sein du groupe, chacun
devrait idéalement partager les mêmes objectifs, les mêmes outils et participer à une
démarche commune, ce qui oblige à composer avec les autres pour s’entendre avec
eux en respectant les mêmes règles ou les mêmes contraintes. Etre autonome signifie
14
savoir s’affirmer sans s’imposer, savoir se faire entendre et savoir écouter, coopérer à
la même entreprise en acceptant une confrontation des points de vue et une mise en
commun des apports de chacun. Le travail de groupe est un lieu privilégié où l’on
développe l’autonomie dans sa relation au maître et aux autres en développant sa
créativité personnelle.
B)Le travail de groupe au service de l’autonomie en tant qu’instrument
pédagogique difficile et prometteur.
Comme je l’ai déjà mentionné, le sujet de l’autonomie est très vaste et je ne pourrai
pas traiter tous les problèmes que cela soulève. Je vais donc centrer ma réflexion sur
l’autonomie et le travail de groupe. La tradition pédagogique des groupes remonte à
John Dewey. Roger Cousinet, Edouard Claparède, Adolphe Ferrière et Célestin
Freinet préconisaient également la pédagogie de groupe. Ces auteurs ont été les
précurseurs d’une pédagogie nouvelle visant à rompre avec une pédagogie trop
autoritaire ne laissant pas sa place à l’enfant dans les apprentissages. Ce sont les
précurseurs d’une pédagogie constructiviste visant à ce que le maître et les enfants
agissent en interaction afin de coopérer pour permettre aux enfants de construire leurs
propres convictions. Roger Cousinet s’est intéressé au travail de groupe en 1908. Pour
lui, les groupes doivent être librement constitués afin que chaque enfant trouve sa
place au sein du groupe. L’affectivité est alors un facteur important de la constitution
de ces groupes. Les groupes étant formés dans le but d’un projet commun où les
intérêts des enfants sont au centre des préoccupations, Roger Cousinet affirme alors
que les affinités électives n’ont qu’un impact très faible. Les groupes formés
naturellement sont de niveaux intellectuels et d’aptitudes très différents mais cela n’a
que peu d’importance puisque le maître ne compare pas les travaux d’un groupe à
l’autre. En revanche, à l’intérieur d’un groupe de travail, le niveau intellectuel et
l’aptitude de chaque enfant sont à peu près similaires. Pour John Dewey ainsi que pour
Edouard Claparède et Adolphe Ferrière, le travail de groupe a un rôle essentiel en ce
qu’il détermine le travail des enfants autour de leurs intérêts propres puisque les
apprentissages doivent découler d’activités qui ont du sens pour les eux. Les mots tels
qu’activité, expérience, interaction, sens du projet sont des éléments clés de la
pédagogie nouvelle défendue par ces auteurs. En ce qui concerne Célestin Freinet, il
attribue un rôle tout à fait particulier à l’expérience et au travail en ateliers : ateliers de
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travail intégrés à la vie du milieu. L’importance des travaux collectifs montre le
caractère communautaire de l’école de Célestin Freinet. Ce caractère communautaire
se définit comme une solidarité par rapport à des objectifs communs avec une idée
d’interdépendance vécue sur l’affectif. Pour résumer, le travail de groupe pour les
auteurs de la pédagogie nouvelle permet l’apprentissage de la vie réelle sociale.
N’oublions pas que l’activité au sein d’un groupe exige l’exercice de l’autonomie.
L’apprentissage se fait par la construction des savoirs par l’élève et le maître est là
pour guider, conseiller, éveiller l’enfant au savoir. Le groupe est vécu comme une
communauté à l’intérieur de laquelle la diversification des rôles, l’enrichissement
mutuel et la solidarité sont très importants.
1) Quand et comment mettre en place le travail de groupe ?
a) Quand mettre en place le travail de groupe?
Il semble intéressant de se demander quand faire le choix de mettre en place un travail
de groupe. Ce choix peut être fait car il semble s’imposer lorsque l’on enseigne dans
une classe à plusieurs niveaux, voire une classe unique. En effet, le fonctionnement en
ateliers simultanés est une évidence à certains moments de la journée ; le maître ne
peut pas être présent partout ni papillonner d’un groupe à un autre ; en général il reste
présent dans un atelier. L’enseignant doit tenir compte des différents degrés
d’autonomie des enfants, les plus jeunes ayant un besoin plus important
d’encadrement afin de mener à bien les activités proposées. En effet, l’acquisition de
l’autonomie est progressive. On note ici que la mise en place des ateliers, dans ce cas
précis, est fait pour faciliter la gestion de la classe par l’enseignant.
Le choix du travail de groupe peut se faire également compte tenu de la discipline
étudiée. Il apparaît que certaines matières suscitent plus la mise en place d’un travail
de groupe par les enseignants : les matières scientifiques (biologie, technologie et
mathématique), l’histoire et la géographie.
b) Comment mettre en place le travail de groupe ?
La prise en compte de l’hétérogénéité des niveaux scolaires des enfants peut amener
l’enseignant à faire le choix d’une pédagogie différenciée. Cette dernière sert à mettre
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en œuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et
d’apprentissage afin de permettre à des élèves d’âges, d’aptitudes, de comportement,
de savoir-faire hétérogènes d’atteindre par des voies différentes des objectifs
communs, ou en partie communs. Pour cela, on constitue des groupes à l’intérieur du
groupe classe.
2) Pourquoi mettre en place le travail de groupe ?
On pourrait répondre que cela fait partie d’une des demandes faites aux enseignants en
terme d’efficacité scolaire. Mais, plus que cela, ce genre de travail permettrait de
développer l’autonomie de l’élève tant individuellement que collectivement.
Se pose alors la question de ce qui se passe effectivement dans le groupe ? A quelles
conditions le travail de groupe favorise-t-il l’autonomie ? Je vais me placer dans la
situation de l’enseignant qui fait le choix du groupe dans le but d’un apprentissage. Un
choix réfléchi du groupe comme outil d ‘apprentissage suppose alors que l’idée qu’il
suffirait de réunir des élèves autour d’une tâche commune, pour que se réalise, comme
par magie, un véritable travail collectif est, me semble-t-il erronée. Un regroupement
d’élèves à l’intérieur du groupe classe ne conduit parfois qu’à une juxtaposition
d’activités individuelles : les enfants peuvent être réunis afin de réaliser
individuellement la même tâche ; il peut exister des inimitiés ou des affinités trop
grandes entre certains membres du groupe empêchant la mobilisation de tous dans
l’activité commune ; une division du travail s’est instaurée qui empêche les échanges
et réduit la collaboration à une simple addition de contributions individuelles. C’est
pour essayer de faire face à ce problème qu’il faut mettre en place un véritable travail
de groupe.
3) Les contraintes et les impératifs de la mise en place du travail de groupe.
L’autonomie par le travail de groupe est difficile sur le plan affectif car il s’agit
d’éviter les stratégies de retraits ou les tentations de domination. Sur le plan
intellectuel, il s’agit de prendre en compte le point de vue de l’autre sans pour autant
renoncer à défendre ses idées. Les relations entre les élèves ne sont pas faciles à gérer
ni pour les membres du groupe, ni pour l’enseignant qui, sous prétexte d’autonomie,
ne doit pas être absent. Le problème qui se pose alors est la façon d’organiser les
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groupes afin de permettre aux enfants de travailler en réelle autonomie ; faut-il
organiser des groupes de niveaux homogènes ou des groupes
de niveaux
hétérogènes ? Il semble, d’après mes lectures, que ce choix dépende notamment de
l’objectif que l’on se fixe pour la tâche à accomplir : si, par exemple, on souhaite voir
se développer la relation d’entraide entre les enfants, privilégier la formation d’un
groupe hétérogène.
DEUXIEME PARTIE : LA DIVERSITE DES SITUATIONS DE TERRAIN.
I) LA DIFFICULTE DE REPONDRE A LA PROBLEMATIQUE COMPTE
TENU DE STAGES TRES DIFFERENTS.
Les expériences vécues lors de mes stages sont très différentes en rapport au sujet que
je traite compte tenu de la très grande diversité des situations. Mes deux premiers
stages se sont déroulés en école maternelle et le troisième en classe unique. Si je me
permets de le faire remarquer c’est parce que ce que j’ai pu vivre sur le plan du
développement de l’autonomie de l’enfant ne se situe pas au même niveau que l’on se
place à l’école maternelle ou dans une classe avec cinq niveaux différents.
Comme je l’ai noté dans ma première partie, la notion même d’autonomie est
complexe dans sa définition et dans sa mise en œ uvre par le maître et les élèves. En
effet, les enfants qui viennent à l’école ont des degrés d’autonomie très divers du fait
de leur environnement familial. On pourrait penser que les enfants plus âgés sont plus
autonomes que leurs cadets, mais ce n’est pas obligatoirement le cas. En effet, j’ai
remarqué que certains très jeunes enfants n’avaient plus besoin de l’adulte, par
exemple, pour des tâches quotidiennes comme s’habiller, lacer ses chaussures, aller
aux toilettes alors que d’autres pourtant plus à même par leur âge d’effectuer ces
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tâches seuls avaient toujours besoin au moins de le mentionner à l’adulte : « Tu vois
maîtresse, je sais lacer mes chaussures » ou « Maîtresse, tu peux m’aider à attacher
mon manteau ? » Bien sûr, toutes ces réflexions ne sont pas à mettre sur le seul plan
du développement de l’autonomie de l’enfant puisque, je pense, c’est l’occasion pour
certains enfants d’engager la conversation. Cette hétérogénéité place déjà le problème
du développement de l’autonomie pour l’ensemble des élèves puisque les moyens
d’accéder à plus d’autonomie et de développer celle-ci ne répondent pas toujours aux
mêmes besoins : certains élèves auront besoin de développer plus leur autonomie
comportementale alors que d’autres devront progresser au niveau d’une autonomie
intellectuelle.
Il incombe alors au maître de mettre en place des situations pédagogiques permettant
à la majorité des enfants de pouvoir évoluer vers plus d’autonomie. C’est ce que j’ai
essayé de faire en classe maternelle où j’ai mis en place des situations pédagogiques
en m’interrogeant sur le rôle du groupe dans le développement de l’autonomie. Je
développerai ce point en premier dans cette seconde partie.
Je voulais également mentionner la difficulté qu’a été pour moi le fait de me retrouver
en classe unique. En effet, si lors de mes premiers stages, j’ai pu définir le
développement de l’autonomie comme un projet avec des expériences vécues ou
observées, il s’est trouvé bien plus difficile d’avoir la même démarche dans ma classe
unique pendant trois semaines puisque l’autonomie m’est alors apparue comme une
donnée qui s’imposait au bon fonctionnement de la classe et non comme la
construction d’un projet.
L’objectif n’était donc plus pour moi de trouver des situations pédagogiques visant à
savoir comment le travail de groupe peut favoriser le développement de l’autonomie
mais plutôt d’observer de quelles autonomies les enfants disposaient et de voir
comment le groupe peut fédérer une plus grande autonomie. Je développerai ce point
dans un second paragraphe. Je tiens cependant à faire remarquer que je ne crois pas en
l’impossibilité du maître, même dans ce cadre, de prévoir des situations pédagogiques
visant le développement de l’autonomie de l’enfant. Je pense qu’il est souhaitable que
cela puisse même faire partie des objectifs de l’enseignant et on s’en rend bien compte
à la lecture des instructions officielles. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une classe à cinq
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niveaux différents, il faut du temps pour le maître et pour les élèves afin que ce projet
puisse être vécu avec la compréhension des différents acteurs.
C’est dans cet esprit que je développerai cette deuxième partie montrant les situations
pédagogiques mises en place, les observations faites pendant mes stages, sachant
qu’une durée de trois semaines n’est vraiment qu’un temps très court si l’on veut
s’assurer de la réelle efficacité du travail ainsi que de la pertinence des conclusions du
travail effectué sur un sujet si vaste et, comme je l’ai mentionné dans la première
partie, le développement de l’autonomie se fait tout au long de la vie.
II) LE DEVELOPPEMENT DE L’AUTONOMIE EN CLASSE MATERNELLE.
(moyenne et grande section).
A) Une organisation spatiale de la classe permettant une autonomie des enfants.
L’organisation spatiale d’une classe de maternelle est en générale très particulière.
Afin de favoriser l’autonomie des élèves, le maître peut faire le choix de permettre aux
enfants d’accéder à des activités qu’ils savent pouvoir faire quand ils ont terminé un
travail et que le maître l’a validé. En effet, si le matériel est inaccessible aux enfants,
comment favoriser chez eux une autonomie qui permettra aux autres enfants de
poursuivre une activité inachevée ? Ceci étant dit, cela ne signifie pas qu’il ne faille
pas donner un temps déterminé pour les activités mais uniquement qu’il est nécessaire
de prendre en compte les rythmes différents des élèves.
B) Le travail en ateliers.
En classe maternelle, on parle souvent de travail en ateliers c’est à dire que les enfants
sont répartis en groupes dont un seul est mené par l’enseignant. Les enfants travaillent
donc seuls pendant un temps donné et le maître travaille avec un petit groupe d’élèves
sur une notion nouvelle, une nouvelle technique ou provoque la communication des
enfants par exemple. Pour que l’enseignant puisse travailler dans de bonnes conditions
avec un groupe d’enfants, il faut que le reste de la classe soit à même de travailler en
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autonomie pendant un temps plus ou moins long. Il est nécessaire de ne pas proposer
trop d’ateliers au même enfant dans une seule journée au risque de vouloir lui faire
intégrer trop de choses en trop peu de temps. Il faut savoir laisser du temps pour que
les savoirs s’installent et s’automatisent afin que l’enfant puisse s’exercer et appliquer
ses connaissances. C’est d’ailleurs ce qui permettra de faciliter la mise en place
d’ateliers futurs en autonomie.
Les enfants que j’ai pu observer sont habitués à ce fonctionnement et je l’ai moi-même
mis en place dans ma classe. Sur ce que j’ai pu observer et mettre en place, les élèves
mis en autonomie, sans intervention du maître, ont souvent tous le même travail à
effectuer. On ne leurs demande pas de faire un travail en commun en général et on
développe alors plus le côté intellectuel individuel de l’autonomie. La notion de
groupe n’est souvent qu’une notion physique et non pas un investissement du groupe
autour d’un projet commun.
Au contraire, la mise en œuvre de ce travail en ateliers demande un travail de
l’enseignant ainsi que des élèves : ce n’est pas une organisation qui va de soi compte
tenu de la situation des enfants encore très jeunes qui ne connaissent en général que
leur environnement familial. Le maître doit montrer aux enfants qu’il est présent
même s’il n’est pas physiquement à leurs côtés à chaque instant pour valider leurs
réponses (bien sûr, le maître prend du temps pendant son atelier pour passer auprès des
enfants des autres groupes). Tout un travail sur la confiance en soi (oser faire tout seul
et s’engager dans une action) est alors à établir avec les enfants et ce n’est pas facile.
La notion de respect est également importante. Par exemple, respecter que l’autre soit
différent, ne comprenne pas aussi vite que soi, laisser finir le travail par des enfants
plus lents : c’est toute une éducation à la citoyenneté qui se joue également à l’école.
Ce faisant, c’est d’autonomie comportementale dont on parle.
C) Le rôle du maître.
Le rôle du maître lorsqu’il privilégie cette pédagogie en atelier est très important
notamment au moment du passage de la consigne qui doit être donnée de façon claire,
précise, avec un objectif bien défini. Le rappel de la consigne par les enfants peut être
un moyen pour le maître de s’assurer que les enfants ont bien compris ce que l’on
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veut. Il est alors important de ritualiser le moment des consignes afin que les enfants
aient une bonne écoute :
-Donner les consignes de tous les ateliers à tous et répartir les enfants dans
un second temps ; si les ateliers tournent sur la semaine, refaire dire les
consignes par les enfants qui ont effectué le travail la veille.
-Eviter d’envoyer les enfants aux différents postes de travail avant d’avoir
tout dit. Cela permet d’éviter la dispersion de l’attention des élèves.
-Ne pas prévoir un temps trop long pour la passation des consignes ; pour
cela, prévoir des ateliers avec des consignes induites par le matériel (Tan
gram, puzzles, coloriages), des ateliers de réinvestissement d’une notion
déjà vue avec une consigne plus complexe, des ateliers que les enfants
connaissent déjà (repérage visuel ) et l’atelier du maître dont la consigne
n’est pas expliquée à l’ensemble de la classe puisque le maître sera présent.
-Prévoir de se libérer assez rapidement au début des activités pour voir si
tout le monde a pu commencer son travail ; il faut donc prévoir dans l’atelier
que l’on dirige un court moment où les élèves auront une tâche à effectuer
en l’absence de l’adulte. L’autonomie se développe dans ce cadre même si,
comme on vient de le voir, autonomie ne veut pas dire absence du maître.
Le travail en atelier permet de prendre en compte les rythmes d’apprentissages variés
et les différences de maturité. L’imitation entre pairs est également favorisée. Cette
dernière ne nie pas l’autonomie, au contraire. En effet, il ne suffit pas de vouloir
copier pour y parvenir et pour aller plus loin, il faut savoir reconnaître que pour
évoluer, on a parfois besoin de l’aide des autres et entre autre de ses pairs. C’est ce
que j’ai décidé de mettre en place pendant mon stage en responsabilité en décembre
dernier en favorisant la notion d’entraide et de coopération.
D) Une expérience menée cherchant à connaître l’importance du groupe dans le
développement de l’autonomie de l’enfant.
Description de l’activité puzzle mise en place pendant trois semaines.
Pour mon premier stage en responsabilité en classe maternelle, j’avais un double
niveau. Ayant mis en place le fonctionnement de travail par ateliers décrit ci-dessus
pour l’ensemble de la classe, je me suis alors interrogée sur la possibilité pour de très
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jeunes enfants de travailler en groupe de manière autonome ; le groupe étant alors
constitué des élèves du cours moyen s’investissant ensemble dans une même tâche
afin d’aboutir à la construction d’un projet commun. J’avais choisi l’activité puzzle.
De nombreuses questions se sont alors posées : A quel moment de l’apprentissage
mettre en place le travail de groupe afin qu’il soit efficace ? Quelle autonomie vais-je
permettre de développer en mettant en place cette situation ? Plusieurs formes
d’autonomies seront-elles concernées ? Aurai-je suffisamment de temps pour travailler
ce projet avec des jeunes enfants ? Autant de questions, autant d’incertitudes.
1) La situation de départ : Où en sont les enfants dans l’élaboration de puzzles.
Au début de mon stage, j’ai voulu me rendre compte de ce que savait faire chaque
enfant au sujet des puzzles. J’ai donc mis des puzzles sur leur table et j’ai
constaté que :
-certains enfants savaient construire un puzzle d’environ une dizaine de
pièces avec l’aide du support image (on avait donc une juxtaposition des
pièces du puzzle sur l’image).
-D’autres enfants ne touchaient pas les pièces du puzzle disant qu’ils n’y
parviendraient pas.
Les niveaux des enfants face à cette activité étaient très différents tant sur la possibilité
de s’investir dans la tâche que sur le plan de l’attrait pour le puzzle. A la fin de cette
première séance, je savais qu’aucun enfant ne pouvait se passer de l’image comme
support à l’activité ; je n’ai en effet observé aucun enfant manipuler les pièces
librement sans avoir au préalable déposé le support face à lui afin de démarrer
l’activité.
A ce moment là, j’ai donc déterminé un objectif intermédiaire. Mon but était alors de
faire construire un puzzle sans support image. Je n’avais pas encore d’exigence quant
au nombre de pièces du puzzle à construire ; c’était encore trop tôt compte tenu de la
trop grande disparité des élèves face à cette activité. Il fallait également que je fasse
intervenir la notion de plaisir par rapport à cette activité, gardant toujours en mémoire
que mon objectif final était de voir les enfants coopérer pour faire un puzzle ensemble.
J’ai donc prévu, pour ce faire, de mettre les enfants en atelier puzzle deux fois par
semaine. De temps en temps en précisant une consigne et à d’autres moments « juste
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pour le plaisir » afin de ne pas rendre cette activité trop lourde et paralysante pour
certains enfants et notamment pour les enfants me disant qu’ils n’y arriveraient pas.
Je me souviens d’une réflexion d’une maman menant son enfant en pleurs à l’école un
matin : «Il pleure parce qu’il ne veut pas venir à l’école. Il dit que vous faites faire des
puzzles et il ne sait pas les faire ». Je me suis alors adressée à l’élève en lui disant que
je le pensais tout à fait capable de réaliser des puzzles et que l’on allait, ensemble, petit
à petit, apprendre à en faire. J’ai mentionné également que ce n’était pas une activité
facile et que nous allions prendre le temps de ce nouvel apprentissage.
2) Mise en place d’un atelier dirigé afin de recueillir les réflexions des enfants sur
l’activité.
J’avais effectivement ce jour-là prévu une activité autour du puzzle en atelier dirigé
afin de me rendre compte du comportement des enfants les uns vis à vis des autres.
Dans cet atelier dirigé, je n’ai pas demandé aux enfants de travailler en groupe ;
chaque enfant avait une activité fonction de ses possibilités (la variable était le nombre
de pièces). Les élèves qui étaient restés bloqués avaient face à eux un puzzle de cinq
pièces avec le support image : je suis restée dans ce groupe afin que ces enfants puisse
démarrer leur activité en les encourageant, en les aidant. J’ai également essayé de
favoriser l’entraide entre les enfants en les faisant verbaliser sur ce qu’ils faisaient et
comment ils s’y prenaient pour construire leur puzzle. Certains enfants ayant terminé
plus vite voulaient, soit recommencer un autre puzzle soit restaient les bras croisés à
attendre que les autres enfants aient terminé. Je leurs ai alors demandé d’aider les
enfants plus lents comme je l’avais fait moi-même. Il était évident que l’aide que je
leurs demandais d’apporter aux autres était un exercice difficile ; en effet, comment ne
pas faire « à la place de » quand on sait faire. J’étais présente dans ce groupe
justement pour permettre aux enfants de comprendre ce que je demandais : aider.
Lors de l’accueil d’un après-midi, j’avais mis à la disposition des enfants des puzzles.
J’ai alors remarqué que chaque enfant a pris et fait un puzzle et personne ne s’est
plaint de ne pas savoir-faire ou de ne pas être intéressé par l’activité. Les enfants
avaient le choix du puzzle qu’ils désiraient faire. Ils ont donc eu un comportement
autonome quant au choix de ce qu’il était possible pour eux de réaliser et ils n’ont pas
demandé mon aide puisqu’ils savaient qu’ils en étaient capables compte tenu des
séances précédentes. Je n’ai cependant pas observé d’enfants s’entraidant ; leurs choix
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étaient bien ciblés et ne nécessitait pas l’intervention d’un pair (peut-être n’y ont-ils
pas pensé). En observant de loin ce moment là, j’ai décidé d’intégrer une contrainte
supplémentaire lors de la prochaine séance : réaliser un puzzle sans support. Je voulais
amener les enfants à s’interroger sur la démarche à suivre pour faire un puzzle et
surtout comment en commencer la construction.
3) Atelier autonome d’un puzzle sans support image.
Un matin, lors du passage des consignes des différents ateliers, j’avais prévu un atelier
en autonomie autour du puzzle. J’ai félicité les enfants pour les progrès que j’avais
observés : il n’y avait plus d’enfant bloqué par l’activité, une certaine progression dans
la rapidité d’exécution était notable et tous les enfants avaient manipulé des puzzles de
dix pièces.
Le but de l’activité était à présent de faire un puzzle de dix pièces sans avoir de
support image et en ne se référant qu’à la seule image de la boite de jeu. Mon rôle était
alors très important sur le plan de la confiance au moment du passage de la consigne
afin de leur dire que je les savais tout à fait capable de faire ce que je leur demandais :
faire un puzzle à trois ; « si vous avez des problèmes vous avez le droit de discuter
entre vous et de choisir une solution ; si la solution choisie ne s’avère pas la bonne, on
a bien sûr le droit de recommencer. »
L’organisation envisageait les élèves répartis par groupes de trois choisis
volontairement de façon hétérogènes. J’ai fait attention d’équilibrer les groupes afin de
ne pas avoir trop de disparités entre les groupes : je voulais éviter d’avoir un groupe où
tous les enfants n’avaient jusqu’à présent aucune difficulté et un autre présentant des
difficultés telles que l’activité leur aurait paru contraignante et peut-être paralysante.
Les enfants se sont répartis par groupes de trois et ont commencé à travailler. J’avais
volontairement décidé de ne pas mener cet atelier afin de me rendre compte de
l’attitude des élèves dans le groupe : un leader s’imposerait-il ? Un enfant s’exclurait –
il de l’activité ?
En passant de temps en temps voir où les enfants en étaient, je me suis aperçue qu’ils
avaient tous devant eux un petit morceau du puzzle mais qu’ils restaient bloqués : «
Maîtresse, il manque des pièces ». Je leur ai affirmé que tous les puzzles étaient
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complets et qu’ils étaient sur la bonne voie pour reconstruire l’image des boites.
« Comment faire pour reconstruire une seule image avec ce que vous avez déjà
fait ? » Je suis restée pour entendre les réflexions des élèves ; ils ont fini par trouver
la solution.
Pour des jeunes enfants, il était difficile d’envisager de joindre leur production à celle
des autres afin d’obtenir le résultat. Les enfants ont discuté sur les techniques utilisées
pour commencer leurs puzzles. Un groupe sur les trois avaient une démarche très
organisée : « Nous, on a commencé par les traits »(j’ai alors amené le terme de « bord
d’un puzzle ») . Les autres groupes ont plutôt tâtonné pour arriver au résultat.
A la fin de la séance, j’ai félicité les enfants pour le respect de la consigne de départ :
faire un puzzle sans support image à trois. Un problème s’était posé : la réunion des
morceaux difficile à réaliser pour construire le puzzle dans son entier mais, ce
problème a trouvé une solution suite à une discussion entre pairs.
Le travail de groupe s’est réalisé positivement puisque à la fin de l’activité, les enfants
ont pris conscience de l’importance de mettre leur travail en commun afin d’atteindre
l’objectif fixé. De plus, chaque enfant avait réalisé une partie du travail. Non
seulement les enfants étaient fiers d’avoir réussi l’activité mais pour ce faire, ils ont dû
être autonomes intellectuellement, puisqu’ils se sont posés la question de savoir
comment réaliser l’activité et qu’ils ont du résoudre un problème qui se posait à eux.
4) La mise en place d’un atelier plaisir.
Certaines fois, lorsque les enfants avaient terminé un travail, je leur demandais de
s’occuper sans faire de bruit. J’ai été ravie de constater que certains élèves prenaient
dans ces moments-là, un puzzle. Cette activité est rapidement devenue une activité
privilégiée pour l’ensemble du groupe des moyens.
Un jour, pour ceux qui étaient en avance, je leur ai demandé de faire le choix de
puzzles plus compliqués (un nombre de pièces plus important). Les enfants avaient
pris des puzzles de vingt pièces difficiles à terminer dans un temps qui n’est qu’une
petite période de temps destinée à ce que les autres enfants finissent leurs activités
dans les autres ateliers. J’intervenais alors : « Ce n’est plus le moment de faire des
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puzzles ; rangez les même si ils ne sont pas terminés. La prochaine fois que vous vous
engagerez dans un puzzle de cette taille, il faudra que vous trouviez une solution pour
le finir. Vous aviez très bien commencé, c’est dommage d’avoir à le ranger ». J’avais
en effet remarqué que chaque enfant allait prendre son puzzle et qu’il n’envisageait
jamais de le faire à plusieurs.
A ce moment de l’apprentissage, les enfants ne se sentaient plus bloqués par ce qu’ils
ne savaient pas. La situation-problème ci-dessus a trouvé sa solution lorsque deux
enfants ont voulu faire le même puzzle. Aucune dispute si ce n’est une discussion ou
chacun voulait prendre le dessus et c’est un enfant extérieur à la situation qui a trouvé
une solution : se mettre ensemble pour le faire avec une réelle contribution de chacun
des élèves puisque chacun d’entre eux savait faire. La décision de se mettre ensemble
faisait déjà montre d’une grande autonomie de décision puisque je n’ai alors été que
l’observatrice de cette démarche. De plus, accepter la solution d’un pair qui n’est pas
le maître n’est pas facile. Les enfants évoluaient vraiment dans leurs écoutes, leurs
décisions et donc leurs autonomies.
Si le terme autonomie dans la phrase précédente est noté au pluriel, c’est parce que
non seulement les enfants continuaient de développer et de progresser au niveau de
l’autonomie comportementale mais ils évoluaient également sur le plan d’une
autonomie affective et intellectuelle. Bien sûr, pour de si jeunes enfants, les
apprentissages sont la plupart du temps très cloisonnés et ce qu’ils étaient capables
d’accepter dans le cadre très particulier de l’atelier puzzle n’était pas si évident à
réinvestir dans d’autres activités même plus quotidiennes et plus libres (des règles de
comportement sont définies et s’appliquent aussi bien dans la classe que dans la cours
de récréation) . Je pense notamment aux récréations où les problèmes qui se posent
dans cet espace sont souvent relatés par les enfants au maître alors que la plupart du
temps, les enfants sont à même de trouver les solutions. Je pense d’ailleurs, concernant
ces problèmes, que la dimension affective joue un grand rôle dans la difficulté que
peuvent éprouver les enfants à gérer eux-même ces situations.
5) Un projet ambitieux : un puzzle de soixante pièces à réaliser en autonomie.
Ayant constaté que le groupe des moyens avait les connaissances suffisantes
concernant les puzzles sans support image, avec un nombre de pièces pouvant aller
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jusqu’à vingt-cinq et que les enfants savaient travailler ensemble, je leur ai proposé de
faire un puzzle de grands. Je leur ai montré la boite et en l’ouvrant, les enfants ont pu
constater qu’il y avait beaucoup plus de pièces que d’habitude(j’ai mentionné qu’il y
avait soixante pièces même si je pense qu’un tel nombre ne signifie pas vraiment
grand chose). De plus, ils n’avaient jamais vu ce puzzle et un travail sur la description
de l’image eu lieu. Ils étaient très fiers et ravis par rapport aux copains de grande
section qui n’en avaient encore jamais réalisé de si important.
Ce matin là, les moyens n’étaient que six( il y avait trois absents). J’ai demandé aux
enfants comment ils allaient réaliser un si grand puzzle.
«- on doit commencer par les bords.
-Il ne faut pas que l’on se batte.
-Il faut que l’on travaille ensemble.
-Oui, il faut que l’on puisse le finir. »
A la fin de la demi-heure, le puzzle était terminé et tous avaient participé à son
élaboration. Un réel travail de coopération s’était installé et les enfants avaient pris
plaisir à le faire.
Là où les enfants ont été très heureux, c’est lorsque le dernier jour, j’avais disposé des
puzzles sur toutes les tables et qu’ils ont travaillé avec les grands en les aidant parfois
à débloquer des situations.
Pour cette activité, force est de constater que l’établissement de groupes hétérogènes
n’a pas entravé le projet mais que cela a plutôt été fédérateur d’une plus grande
implication des enfants dans une tâche qu’ils connaissaient mal. Les groupes
hétérogènes ont servi à permettre aux enfants plus en difficultés à parvenir à un niveau
n’entravant pas le développement de la pensée des autres sur le même thème. En fait, à
la fin du projet, le groupe est un groupe relativement homogène qui peut alors
travailler ensemble puisque tous ont acquis la technique de base.
Je ne pense pas que ceci prouve que l’établissement de groupes hétérogènes peut
fonctionner pour tous les apprentissages et je suis même certaine que le choix est
parfois très difficile compte tenu de ce que j’ai déjà mentionné dans ma première
partie. Cette expérience montre juste, à son niveau, que le groupe peut être très
important pour le développement de l’enfant tant sur le plan comportemental, que sur
les plans affectifs et intellectuels. Cette expérience peut également montrer que le
choix du groupe, homogène ou non, n’est pas obligatoirement un choix immuable et
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que l’on peut même faire le choix d’utiliser les deux formes de groupes à différents
moments d’un apprentissage.
Dans ce cadre précis, je trouve une certaine confirmation de mon expérience avec ce
que peut dire Edouard Claparède : « Apprendre ne consiste pas pour l’enfant à
accumuler des connaissances mais à exercer son intelligence et à acquérir des
méthodes de pensée ». En effet, les enfants se sont aidés et n’ont pas effectué le travail
« à la place de ». Ils ont réussi, à leur mesure, la remise en cause et l’acceptation de
solutions données par un pair autre que la maîtresse. Célestin Freinet parlait de
coopération et c’est ce que j’ai pu observer.
En revanche, le fait de choisir des groupes hétérogènes n’a pas été un frein pour la
bonne marche de l’activité puzzle. Cela a même permis à l’ensemble des enfants de
s’investir dans l’activité. Je ne peux donc avoir une opinion aussi tranchée que Roger
Cousinet qui notait que pour une réelle activité, le groupe doit avoir une certaine
homogénéité. Ceci étant, j’ai pu faire cette constatation à la fin, c’est à dire pour
l’élaboration du puzzle de soixante pièces où j’avais alors un groupe de six enfants de
niveaux très proches. Le moment de l’activité, la taille du groupe, la discipline étudiée,
l’attitude des enfants sont autant de variables qui pourront justifier le choix d’un
groupe plutôt qu’un autre et la façon de le faire ( le choix incombe-t-il à l’enseignant ?
Aux enfants ?).
Si je m’en réfère à ce que disent les auteurs de la pédagogie nouvelle, le maître est là
pour guider, conseiller et éveiller l’enfant au savoir. Je pense avoir tenu cette place ;
en effet, l’aide que j’ai apportée s’est fait principalement sur le terrain de la mise en
confiance des enfants qui disaient ne jamais parvenir à faire l’activité. L’enfant a été
placé au centre de l’action et il a pu s’exercer dans un cadre fixé par l’enseignant.
III) L’EXPERIENCE D’UNE CLASSE UNIQUE.
Comme je l’ai mentionné au début de cette seconde partie, le travail que j’ai eu
l’opportunité de pouvoir mettre en place en maternelle n’a pas pu être conçue de la
même manière pendant mon stage en classe unique. En effet, et ce sans nier qu’un réel
travail sur l’autonomie doit être appréhendé en classe unique il m’a été impossible de
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considérer la question de l’autonomie de façon identique. Il est bien entendu que je ne
parle pas de l’autonomie dans ce qu’elle représente chez chaque élève puisque l’on
peut alors pousser le raisonnement jusqu’à penser que dans deux classes de même
niveau, l’autonomie sera différente puisqu’elle est inhérente à chacun et que chaque
classe a son fonctionnement propre. Je parle surtout de la place de l’autonomie dans
une classe où elle est, de toute façon, indispensable, en quelque sorte imposée,
puisque le maître ne peut se rendre disponible pour chaque niveau d’élèves qu’à
certains moments et dans des temps très courts compte tenu d’un emploi du temps
serré. J’ai pris donc la mesure de ce qu’il m’était possible de faire pendant ces trois
semaines et mon rôle s’est surtout limité à une observation plutôt qu’à une mise en
place d’un projet pédagogique visant le développement de l’autonomie des enfants. Il
s’agit bien ici d’une expérience fondée sur l’observation et la réaction aux
comportements des élèves et non pas d’expériences que j’aurais pu prévoir
antérieurement.
A)Favoriser l’observation de l’autonomie des élèves et faire en sorte qu’elle
puisse se développer compte tenu de la situation d’une classe à plusieurs niveaux
1) les limites.
a) Le problème que pose le temps de présence du maître.
En entrant dans cette classe le premier jour, je savais pour y avoir réfléchi en préparant
mes cours que mes choix pédagogiques étaient fortement liés aux impératifs de temps.
En effet, en ayant une classe à cinq niveaux, j’avais été obligée de considérer que les
enfants étaient capables de travailler en autonomie, ne pouvant me rendre présente en
même temps dans chaque niveau. Mon rôle était alors de travailler énormément sur les
consignes et la façon de les donner ( travail que j’avais déjà appréhendé en classe
maternelle pour le travail en ateliers) afin de permettre à chaque élève de pouvoir
travailler en autonomie.
Je me suis donc sentie dans l’obligation de considérer l’autonomie comme une donnée
et de prendre en compte que si je voulais développer l’autonomie des élèves, cela allait
être d’une façon différente par rapport à ce que j’avais vécu précédemment. Il m’était
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impossible de mettre en place des situations pédagogiques visant à développer
l’autonomie des enfants et ce par manque de temps et je pourrais même dire par
manque d’autonomie moi-même. En effet, les élèves moins autonomes doivent de
toute façon trouver les moyens d’acquérir une autonomie rapidement puisqu’elle est
nécessaire dans une telle classe. L’élève doit pouvoir travailler avec ce qu’il est déjà
bien davantage dans cette situation où justement le maître ne peut être présent à tous
moments et n’a que peu de temps pour l’aider à construire et développer son
autonomie.
Une aide pour les élèves moins autonomes que d’autres est que le maître soit clair
lorsqu’il donne des consignes de travail, qu’il montre qu’il est présent dans la classe et
que même s’il n’est pas physiquement présent vers l’enfant, il viendra le voir pour le
tirer d’une situation délicate, le réorienter ou corriger le travail demandé. L’important
a été pour moi de mettre dès le début de mon stage une atmosphère de confiance entre
les enfants et moi : ils savaient que si j’avais dit que je viendrais les aider, je le faisais
dès que je le pouvais. La notion de confiance est essentielle à l’établissement de
l’autonomie et il en est de même pour la notion de respect. En effet, respecter le fait
que l’autre ait besoin du maître, respecter le fait que le maître soit en train de travailler
dans un autre groupe que le sien et que l’on n’interrompt pas le maître lorsqu’il fait
classe aux autres, tout cela doit se mettre en place rapidement. Ce sont des règles de
fonctionnements essentielles dans une telle classe.
b) Quelle autonomie est-il plus facile, à priori, de développer dans une classe unique ?
Avec le recul, je pense que l’autonomie comportementale m’est apparue la plus facile
à mettre en place lorsque j’observais ma classe. En effet, certains élèves, notamment
les cycles III, lorsqu’ils avaient terminé une activité, me le faisaient savoir mais
attendaient en prenant un livre d’eux même dans la bibliothèque ou en finissant un
exercice inachevé. Ceci peut s’expliquer par le fait que certains de ces enfants
connaissent le fonctionnement de ces classes à plusieurs niveaux déjà depuis la
maternelle. En revanche, pour les plus jeunes, notamment les cours primaires, un
travail a été engagé puisque au début du stage, ils ne comprenaient pas pourquoi je les
reprenais lorsqu’ils se déplaçaient dès qu’ils avaient terminé leur travail. Je leurs ai
alors fait noter l’attitude des grands respectant le rythme et l’espace de travail de
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chacun lorsque eux travaillaient. Les plus jeunes ont suivi l’attitude de leurs aînés.
Notons que le fait que les plus jeunes aient imité les plus âgés leur a permis de
progresser vers plus d’autonomie respectant le droit de chacun à travailler à son
rythme, dans son espace et sans être dérangé (je parle ici d’une autonomie
comportementale). Au contraire d’une situation que l’on pourrait croire niant
l’autonomie, l’imitation a permis aux enfants d’accéder à plus d’autonomie
s’engageant dans une voie qu’ils comprenaient grâce à l’attitude de leurs aînés.
L’importance du groupe dans ce cas est évidente et mon rôle n’a été que de faire
verbaliser les enfants sur des observations qu’eux-mêmes pouvaient faire.
Pour ce qui est de l’autonomie intellectuelle, il m’a paru plus difficile de pouvoir
permettre aux enfants de progresser compte tenu du peu de temps que j’avais à passer
avec eux. Je déplore le peu de temps passé avec certains notamment quand je repense
à un enfant pour lequel lire les syllabes d’un mot posait problème. Il aurait été
intéressant de pouvoir lui donner cette autonomie de lecture pour qu’il puisse après
mettre à profit sa très grande logique de raisonnement et ce de manière autonome.
Comment faire travailler cet enfant sur des « non mots » afin que le déchiffrage
devienne plus aisé en trois semaines ? Comment discuter avec la famille de ce qu’il est
possible de mettre en place afin de lui permettre de profiter des apprentissages ? Je ne
parle ici que d’un cas particulier mais, quand on travaille avec une autonomie réduite
du fait d’un temps de journée court compte tenu de l’ensemble des enfants à prendre
en compte, il est très difficile de différencier les apprentissages plus que ce que les
groupes de niveaux exigent et surtout quand il s’agit de problèmes de lecture.
Bien sûr, à l’intérieur d’un groupe, il est toujours possible d’exiger que certains
exercices soient faits et de donner un supplément à ceux dont on sait qu’ils vont plus
vite. Mais cela ne règle pas le problème de ceux qui, non-lecteurs ou mauvais lecteurs,
comprennent la consigne donnée oralement par le maître mais ne savent pas quoi faire
de tous ces mots qui ne signifient rien pour eux. Il faut prévoir d’aménager du temps
pour ces enfants parce que l’autonomie de lecture est un apprentissage indispensable
mais il faut reconnaître qu’il est alors plus compliqué pour le maître de faire
fonctionner une classe unique qu’une autre classe compte tenu de la nature de
certaines difficultés nécessitant sa présence.
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Je vais me répéter mais je suis convaincue que pour construire et développer
l’autonomie, il faut du temps. C’est un processus long qui dépasse largement le cadre
de l’école. On peut supposer que pour des enfants ayant la possibilité de développer
cette autonomie nécessaire à la vie dans un autre environnement, il sera alors plus
facile de s’adapter au sein d’une classe telle que celle-là. Je pense également qu’il
serait intéressant pour les enfants d’une classe unique de travailler avec un maître
pendant une période de temps suffisamment longue afin de mettre en place des
habitudes de travail, des règles de fonctionnement et permettre une autonomie de
groupe c’est à dire demander à des enfants d’élaborer un projet et de travailler
ensemble sur ce projet. On peut penser que la transmission entre les élèves pourrait
permettre la compréhension des consignes du maître et alors donner à l’ensemble des
enfants un rôle plus actif grâce aux habitudes des anciens.
Comment permettre à l’enseignant de se rendre disponible auprès des enfants dont
l’autonomie, quelle qu’en soit la forme, n’est pas suffisante pour leurs permettre
d’aborder les apprentissages avec plus d’aisance, de confiance et d’efficacité ?
Nous venons de voir quelques aspects concernant les limites imputables à la situation
de la classe à plusieurs niveaux. J’ai tenté de trouver des solutions pour les enfants
ayant des difficultés de lectures et ainsi d’aménager un temps pour leurs permettre
d’évoluer mais ce ne fut pas chose aisée. Je me suis servie de l’autonomie de certains
enfants pour me libérer du temps afin d’aider les élèves plus en difficultés.
2) les potentialités d’une classe unique en matière d’autonomie.
La classe unique a cet avantage de permettre à certains enfants de glisser d’un niveau à
l’autre pour certaines activités. Ces glissements sont quelque part la reconnaissance
d’un niveau d’autonomie. La situation décrit uniquement un glissement vers le
« haut » mais on pourrait envisager un glissement vers le « bas ».
Dans cette classe, une élève de CE1 allait parfois suivre la lecture chez les CE2. Bien
entendu, mon niveau d’exigence sur le texte n’était pas le même pour elle que pour les
autres élèves. Les enfants de CE2 devaient répondre à l’écrit à un certain nombre de
questions sur le texte et quand venait le moment d’y répondre, l’élève de CE1 y
répondait à l’oral avec les autres. La correction écrite des questions avait lieu plus tard.
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Les glissements permettent également au maître d’adapter les apprentissages en
fonction non seulement du niveau des enfants mais également en fonction du moment.
En effet, je me suis aperçu que faisant « la lecture plaisir » aux CP, les CE1 arrêtaient
leurs activités pour écouter également. . Il y a là une certaine reconnaissance de
l’autonomie de ceux qui l‘ont à partir du moment où le maître l’accepte.
J’ai également favorisé à plusieurs reprises la dictée aux CE1 et celle aux CE2 par les
deux élèves de cours moyen. Non seulement cela pouvait me dégager du temps auprès
du cours primaire qui en avait besoin mais je trouvais que cela demandait non
seulement aux élèves de CM d’être très attentives à ce qu’elles lisaient et à leurs
prononciations mais également que cela permettait également aux autres enfants de
voir ce qu’ils pourraient faire plus tard ; ce rôle donné aux grands fait partie de
l’avenir proche des autres enfants et permet de rendre accessible les choses peut-être
plus facilement. Ce rôle d’impulsion pourrait favoriser l’autonomie des autres. Le fait
que les enfants travaillent de leurs côtés et n’empêche pas le travail fait par le groupe
où la maîtresse est présente montre une certaine autonomie.
La situation de tutorat entre les enfants a été très difficile à mettre en place compte
tenu qu’ils n’en avaient pas l’habitude. Je l’ai cependant observée à un moment
privilégié où je m’adressais à l’ensemble de la classe pour des activités d’arts visuels.
J’avais décidé d’un projet commun avec les enfants sur le thème du printemps afin de
décorer les fenêtres de la classe. Ils étaient dans l’attente de commencer l’activité ;
certains m’aidant à distribuer le matériel quand une élève de CE1 a levé la main et m’a
demandé d’expliquer à nouveau ce qu’il fallait faire et comment le faire. J’ai alors vu
une forêt de mains se lever en disant : « Je peux aller l’aider parce que j’ai compris ce
qu’il faut faire ». Pour cette activité en particulier, les enfants ne pouvaient pas faire
« à la place de » puisque l’activité n’était pas commencée ; une réelle aide s’est faite
sur la consigne et la chronologie des gestes à effectuer afin de réaliser ce projet.
Par ailleurs, j’ai mis en place dans une activité d’expression écrite, la discussion
autour des premiers écrits afin de les améliorer. Cela concernait les élèves de CM et de
CE2. La première fois que cela eu lieu, j’étais présente mais j’avais décidé de ne pas
intervenir dans la discussion si ce n’est pour réguler et dépasser ce que les enfants
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disaient : « C’est bien ce qu’il a fait ». Comment faire pour améliorer ? Là était l’objet
du travail. Les enfants ont posé des questions montrant qu’ils n’avaient pas tous bien
compris ce qu’un des textes racontait, d’autres enfants ont proposé de mettre un peu
plus de mystère dans un des textes … Ils ont tous écouté les conseils et répondu aux
questions. Je ne suis intervenue que pour donner une banque de mots pouvant les aider
à améliorer leur production. Accepter les remarques d’un pair sur sa production n’est
pas chose facile. En effet, quand c’est la maîtresse qui corrige et qui donne des
conseils, c’est parfois plus facile à accepter puisqu’elle est dans son rôle. J’ai trouvé
que lors de cette activité, les enfants avaient fait preuve d’une grande maturité et de
tolérance par rapport au travail des autres. Cela manifeste d’une autonomie affective et
intellectuelle certaine dont j’ai été très heureuse d’être témoin.
Responsabiliser les élèves, les encourager à devenir des êtres autonomes et les
encourager à travailler en équipes ; telle est bien la conception de Célestin Freinet en
matière d’éducation. Ce que j’ai pu vivre en classe unique m’a montré que les enfants
étaient respectueux les uns envers les autres quant à leur travail et à leurs opinions. En
éducation physique et sportive notamment, les enfants répartis en deux groupes
s’affrontent. Ils doivent choisir la meilleure option afin de percer la défense adverse.
Pour ce faire, j’ai constaté qu’ils discutaient prenant en compte non seulement les
expériences des plus âgés mais qu’ils écoutaient également les idées nouvelles et
spontanées des autres. Ces discussions, qu’elles soient du domaine sportif ou non,
montrent une attitude de coopération certaine menant les enfants à une prise de
décision commune quant à une attitude à tenir. J’ai également constaté que les élèves
les plus âgés avaient une attitude reflétant une envie d’aider les plus jeunes dans
l’exécution du travail demandé. Certes, par rapport à ce que Célestin Freinet dit à
propos de l’aspect communautaire du groupe, je l’ai ressenti dans cette classe peut-être
parce que les enfants sont d’âges très différents et que la taille de la classe est petite.
En effet, les enfants se connaissent tous très bien et les liens affectifs se développent et
grandissent peut-être plus rapidement que dans d’autres classes permettant de
développer la responsabilisation des élèves les uns par rapport aux autres. Cela montre
déjà une attitude citoyenne des enfants ainsi qu’un respect des autres. N’est-ce pas un
des points fondamentaux qu’il est nécessaire de développer afin d’acquérir une
réflexion argumentative et une attitude constructive dans ses échanges avec les
35
autres ? N’est-ce pas ce que l’on cherche à développer lorsque l’on veut qu’ils
acquièrent plus d’autonomie ?
Comme je l’ai dit au début de cette seconde partie, je n’ai réalisé que des constats sur
des observations ponctuelles qui me laissent croire en la richesse que peut apporter le
travail de groupe dans le développement de l’autonomie. Certes, la dernière
observation à propos de l’expression écrite ne peut me permettre de conclure si les
enfants ont progressé ou non sur le plan de l’autonomie, en revanche, j’ai pu
constater leur potentiel.
B)L’autonomie en classe unique ne doit pas être une situation d’abandon.
Dans la situation décrite à propos de la classe unique, le but était pour moi de
préserver l’autonomie des enfants, voire de la développer afin que je puisse me
consacrer à un groupe pendant une période de temps donnée. Bien sûr, autonomie ne
signifie pas abandon même si le bon déroulement des journées de classe devait tenir
compte de ma disponibilité, sachant être très fortement mobilisée par la gestion de
cinq niveaux. Comme je l’ai dit, la confiance est indispensable : « Je ne peux pas te
répondre maintenant, mais je t’ai vu et je viendrai te voir dès que je pourrai ». Il faut,
pour que ce climat de confiance s’instaure et perdure, que la pratique soit conforme à
la déclaration. Il s’agit de respecter ses engagements.
Au contraire, l’autonomie ne doit pas non plus devenir trop envahissante et empêcher
les enfants de s’exprimer parce que ce que l’on avait prévu est modifié par les
réactions des enfants. L’enseignant doit alors fournir un cadre structurant à l’exercice
de l’autonomie. Le travail de l’enseignant est également de savoir s’adapter aux
situations qu’offrent les élèves. En effet, en classe maternelle, j’ai constaté à plusieurs
reprises que pour les moments d’habillements en particulier, les enfants qui savaient
attacher leurs manteaux tout seuls allaient parfois même jusqu’à aider leurs copains.
L’autonomie, c’est aussi cela ; reconnaître que l’on a la possibilité de faire des choses
sans le besoin d’autrui et de faire partager son expérience dans la coopération avec
autrui. Le groupe, dans ces moments là était très fédérateur du développement de
l’autonomie des autres qui voyant l’aide que pouvait apporter certains enfants à leurs
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pairs se disaient : pourquoi pas nous ? J’ai dû rester à certains moments beaucoup plus
de temps dans le couloir compte tenu du fait que l’aide qu’apporte un enfant à un autre
prend au début du temps. En effet, les enfants mobilisent à ce moment là l’envie de
bien faire couplée à une précision du geste montrant l’acquisition d’une motricité fine.
Si à ce moment précis, l’enseignant ne laisse pas les enfants s’exprimer, et prend
quelque part leur place, il devient alors quelqu’un qui gère un groupe d’enfants en
fonction de ses seuls objectifs et devient alors quelque part plus autoritaire qu’il ne
devrait.
CONCLUSION.
La place de l’autonomie, aussi bien dans les textes officiels que dans les
théories pédagogiques montre déjà son importance. En effet, il s’avère qu’il est très
difficile de cerner une telle notion du fait, non seulement de ses multiples facettes,
mais également compte tenu des différents degrés auxquels on peut la rencontrer chez
les individus et notamment chez les élèves. L’autonomie se développe tout au long de
la vie : c’est ce qui rend son étude intéressante mais également compliquée. Dans le
développement qui précède, j’avais choisi d’étudier l’importance du travail de groupe
dans le développement de l’autonomie des élèves.
Mes différents stages m’ont mis dans des situations très contrastées : mes stages en
classe maternelle m’ont permis d’observer et de mettre en place des situations visant
un développement de l’autonomie par le travail de groupe alors que le stage en classe
unique a été riche sur le plan de l’observation d’une autonomie nécessitée par la
situation de classe. La démarche pour ce dernier stage a été moins volontariste et bien
plus fondée sur des constats de niveaux et de possibilités des élèves dans le domaine
de l’autonomie.
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Malgré cela, j’ai été marquée par l’importance du développement de l’autonomie sur
des périodes de temps courtes favorisé non seulement par le rôle du maître mais
également par le travail de coopération entre les élèves. Par son attitude, le maître est
non seulement dans la classe une sorte de gestionnaire d’un temps, d’un espace et d’un
matériel mais également celui qui peut favoriser ou non des situations où ses élèves
progresseront dans le domaine de l’autonomie. Le travail de groupe peut permettre par
ce travail en coopération d’évoluer dans le domaine de l’autonomie. Je parle d’une
autonomie de groupe ne niant pas le développement d’une autonomie individuelle.
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BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES :
CAUDRON ( Hervé), Des idées claires pour enseigner. (Chapitre sur l’autonomie).
CASTELLANI (A.Gérard), Les cycles scolaires à l’école primaire, Edition Albin
Michel. (Chapitre sur les conditions de la réussite scolaire).
Dictionnaire de pédagogie, Edition Bordas.
FREINET (Célestin), La méthode naturelle, Edition Marabout.
Groupe des éditions de l’ANEN
(Association Nationale pour le développement de l’Education Nouvelle) ,
Claparède, Cousinet, Dewey, Ferrière, L’éducation nouvelle.
HERR (Nicole), Les différentes facettes de l’autonomie.
MONTESSORI (Maria), L’enfant, Edition Gonthier-Denoël.
RAVESTEIN (Jean), Autonomie de l’élève et régulation du système didactique, De
Boeck Université.
Scéren, Qu’apprend-on à l’école maternelle ? , Les programmes 2003/2004.
Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? , Les programmes 2003 :2004.
REVUES :
Revue française de pédagogie n°135, VARIA, La construction de l’autonomie à
l’école primaire : entre savoirs et pouvoirs.
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Revue française de pédagogie (avril, mai, juin 1997), Article de Rheta de VRIES,
L’éducation constructiviste à l’école maternelle et élémentaire : atmosphère
socio-morale, premier objectif éducatif.
L’école maternelle française, octobre 1991, La gestion de l’hétérogénéité.
Les Sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, Analyses de dispositifs pédagogiques
(volume 33), Roger COUSINET.
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RESUME.
La place de l’autonomie, aussi bien dans les textes officiels que dans les
théories pédagogiques montre déjà son importance. En effet, il s’avère qu’il est très
difficile de cerner une telle notion du fait, non seulement de ses multiples facettes,
mais également compte tenu des différents degrés auxquels on peut la rencontrer chez
les individus et notamment chez les élèves. L’autonomie se développe tout au long de
la vie : c’est ce qui rend son étude intéressante mais également compliquée.
J’ai fais une étude sur l’importance que peut avoir le travail de groupe dans le
développement de l’autonomie des élèves et je reste persuadée que sa mise en place
par le maître permet à chacun d’évoluer tant sur le plan de l’autonomie collective que
sur celui de l’autonomie individuelle.
MOTS CLES : autonomie ; travail de groupe ; coopération ; rôle et place
du maître ; Célestin Freinet.
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