HISTOIRE DE LA MUSIQUE BAROQUE
Musicologie
La période Baroque a été longtemps méconnue, n’existait pas, considérée comme une transition
entre la Renaissance, voire le Moyen-Âge, avec le Classicisme auxquels ont été rattachés très tôt
(XIXe siècle) Mozart, Haydn, Beethoven. Même Bach était considéré comme un Classique. Le terme
Baroque en lui même était péjoratif : on qualifiait de Baroque ce qui est bizarre, extravagant, inégal,
imparfait, au moins jusque dans les années 1920, jusqu’à ce que Debussy (hommage à Rameau 1912)
ou Ravel (Tombeau de Couperin 1917), en réaction aux Allemands comme Beethoven ou Bach, en
raison des tensions du début du XXe siècle. « La musique Baroque est celle dont l’harmonie est
confuse chargée de modulations et de dissonances d’intonations difficiles et de mouvements
contraints ». Rousseau. Il ne s’adresse pas à la musique spécialement située entre 1600 et 1750, mais
à tout ce qui peut être mauvais. Au XIXe siècle, les critiques d’art allemands présentent l’art Baroque
comme une dégénérescence de la renaissance, une altération. Le terme de musique Baroque a
vraiment été codifié à partir de la fin de la seconde guerre mondiale en 1947, notamment par
Manfred Bukofzer dans « La Musique Baroque ». Cet écrit définit un genre, une cohérence, une force
et une évolution dans sa musique. Un second auteur, Claude Palisca écrit un autre livre du même
nom en 1981. Le Baroque s’est divisé en trois périodes. La première est celle de l’émergence des
nouveaux langages entre 1580 et 1630, puis l’ère de la maturité entre 1630 «et 1680, puis le Baroque
tardif ou flamboyant jusqu’en 1750. Durant la période Baroque se développe un grand nombre de
genres musicaux. L’Opéra est le marqueur de la période Baroque, qui débute en même temps que la
naissance de l’Opéra, mais aussi l’Opéra comique, puis d’autre part le concerto, l’oratorio, puis
d’autres genres qui sont moins survivants aujourd’hui comme la cantate, le concerto grosso, le
madrigal, la comédie ballet, la tragédie lyrique, la suite de danse, la chaconne, passacaille ou autres
formes obstinées.
La Basse continue implique une plus grande conscience de la tonalité. Elle apparaît en 1602 ; la
première fois qu’on l’a trouvé est dans un livre instrumental d’un compositeur appelé Viadana (1560-
1627) dans ses Cent Concerts ecclésiastiques où la basse continue est assurée à la partie d’orgue qui
accompagne un ensemble d’instrument. Quand elle arrive dans le vocal, la basse continue permet de
renforcer la ligne supérieure pour une logique horizontale dans la composition qui passe à une
logique verticale, plus harmonique. Elle permet également un développement de l’improvisation.
Le Combat de Tancrede et Clorinde est marqué par sa narrativité et sa dimension dramatique. « Il
doit imiter la voix et les accents courageux d’un soldat qui s’en va au Combat », ainsi Monteverdi
parle du récit cancitato, typique de cette période du Baroque. On remarque l’usage du Pizzicato, très
nouvelle, l’usage marqué du tremolo également, comme figure d’agitation dramatique, pour
surprendre l’espace sonore.
Carlo Gesualdo (1564-1614) est un prince fantasque, qui mène une vie assez étrange, né dans le Sud
de l’Italie. Il a tué sa première femme et son amant, puis son fils et s’est remarié ; sa seconde femme
a demandé le divorce pour maltraitance. Il s’est converti aux hommes puis est mort lors d’une séance
de masochisme. Sa production musicale est un peu à l’image de sa vie, tourmentée, fluctuante,
extrême. C’est un compositeur qui dans ses madrigaux est resté très attaché à la polyphonie. On
compte environ 110 madrigaux, à 5 voix pour la plupart, ou à 6 voix. Il va néanmoins être
particulièrement innovant dans le domaine des dissonances et des relations harmoniques, comme
des enchainements de couleur, sans lien entre elles. Mais contrairement à l’époque romantique où
les mêmes effets sont recherchés, les accords restent toujours à trois sons. D’autre part, l’écriture est
fragmentée, qui comporte beaucoup de silences, en contrastant des blocs différents, que ce soit
entre verticalité et homophonie, ou entre atmosphère. Tous ces effets sont utilisés par rapport au
texte. De même, on remarque un éclatement de l’ambitus. Les compositeurs du XXe siècle
apprécient Gesualdo, pouvant le considérer un comme un compositeur qui a pensé la musique
atonale avant qu’elle soit tonale.
à « Moro lasso al mio duolo » - C. Gesualdo
On remarque beaucoup de retards, des chromatismes renversés, des majeurs mineurs, en général
des superpositions de procédés dissonants. Chaque mot est souligné par une figure propre.
De façon générale, on aimera dans le madrigal les interjections comme les « ah ! », « oh ! », etc. Le
madrigal est plutôt intimiste, réservé pour les salons ou pour les réunions familiales, ces fameuses
Camerate où ont lieu ces expérimentations qui préfigurent l’Opéra. Ce dernier va supplanter le
madrigal car c’est un grand spectacle.
Le début du Baroque est l’esthétique des extrémités des passions les plus dévastatrices. C’est un lieu
qui bouleverse et remet en cause les règles de la tradition, notamment celle du contrepoint. Aussi, le
modèle en vue est celui de la Tragédie grecque.
C) L’apparition de l’Opéra
L’Opéra hérite du madrigal, mais également des divertissements musicaux dramatiques sous forme
parfois de drame déclamé, comme les intermezzo de l’époque de la Renaissance, du théâtre qui
penche vers la musique par les interpolations dans la pièce. C’est l’opéra qui accomplie la fusion
entre drame et musique ; les scènes parlées disparaissent. L’Opéra a été théorisé avant même d’être
mis en pratique. Dans la Camerata du comte Bardi, les intellectuels florentins ont mené des travaux
pour construire ce qu’ils ont appelé l’Opéra, sous l’influence de ce qu’ils imaginaient du modèle Grec
Antique. Ils tentent de se débarrasser du contrepoint qui est incapable de rendre compte des
sentiments humains ; ils ont appelé cette nouvelle vision musicale « Dramma per musica ».
Jacopo Peri, ou Giulio Caccini sont considérés comme les premiers compositeurs d’Opéra. Les deux
ont appelé cet Opéra Daphné entre 1597-1598, puis en 1600, les deux mêmes compositeurs écrivent
un Euridice, sur des livrets de Rinuccini inspiré de la mythologie. Dans ces premiers opéras, on trouve
beaucoup de recitar cantando, où la musique asservit le texte, de même que le chant qui ne possède
pas d’intervalles très grands. Toutes les cours Italiennes veulent avoir dès lors leur Opéra propre. En
1607, le duc de Mantoue presse Monteverdi d’écrire L’Orfeo, favola in musica, qui a eut un plus
grand succès que ces prédécesseurs. Cet Opéra abandonne la sécheresse du recitar cantando, avec
un peu plus de lyrisme et de dialogues instrumentaux ; les instruments sont plus présents. Le Chœur
participe à l’action, en réponse aux chanteurs.
à Fin de L’Orfeo, favola in musica C. Monteverdi
L’opéra n’est pas simplement une scénarisation du madrigal, puisque c’est aussi un spectacle, un
divertissement. Le dernier passage instrumental est un moment de danse, notamment par le trois
temps rapide. L’Opéra, particulièrement à Rome, devient un spectacle impressionnant. C’est
d’ailleurs l’Opéra romain qui a utilisé les castrats ; aussi, les chœurs avaient un rôle plus massif.
Le mythe d’Orphée est le mythe de la musique ; Orphée est un musicien qui joue de la lire, et est
donc déjà de plein pied dans l’Opéra. Le sujet est humaniste, le conflit entre la musique, et le devoir.
Rémy Stricker considère que « Le langage de l’Opéra apparaît donc comme un ensemble de procédés
dont l’efficacité n’est réelle que parce qu’on en accepte le factice ».
D) La musique instrumentale
Giovanni Gabrieli (1557-1612) est un compositeur et organiste Vénitien. Il se situe à la charnière
entre la Renaissance et le Baroque. Dans le versant Renaissance, il s’est illustré dans le domaine de la
polyphonie, hérité de Tallis et Striggio.
à Motet
Par ailleurs, dans le versant Baroque, il a transposé à la musique instrumentale et à la musique
d’église le style madrigaliste de Monteverdi. Lui aussi se met à écrire avec basse continue. Ce fut un
pédagogue de grand renom, connu également pour être le premier compositeur à indiquer des
nuances sur la partition. Girolamo Frescobaldi (1583-1643) est né à Ferrare, organiste et claveciniste
de grande virtuosité ; il officie à Saint Pierre de Rome. En 1608 il publie un livre de madrigaux, très
mélodique plutôt que figuraliste. Il a beaucoup écrit de musique sacrée, comme un recueil de pièces
liturgiques pour orgue en tant qu’intermède dans la messe en 1635, et de musique instrumentale. Il
transfère lui aussi le style madrigalesque sur la musique instrumentale, avec une écriture riche en
variations agogiques et en chromatismes. Il cherche en particulier à rendre la musique pour clavier
très expressive. La tonalité n’est pas toujours très affirmée, avec beaucoup d’ornements (agréments
à l’époque), ainsi qu’un langage contrapuntique extrêmement moderne, qui annonce en quelques
façons Jean-Sébastien Bach.
Plusieurs genres typiques de la musique Baroque apparaissent dans la première moitié du siècle. La
Toccata vient de « tocare » qui vient de toucher ; c’est une pièce généralement virtuose pour clavier.
Elle met en avant l’agilité de l’instrumentiste et sa capacité à improviser, dans l’atmosphère qu’elle
donne.
à Toccata Settima
Caractère discontinu
La suite de danse est issue de la Renaissance, de plus en plus souvent jouée en concert à la période
Baroque. Certaines danses de la Renaissance sont transférées par d’autres danses : la Pavane et la
Gaillarde deviennent Allemande et Courante.
La Passacaille et la Chaconne apparaissent vers 1600. La Passacaille est assez proche de la Folia, par
leur côté espagnole. Elles sont caractérisées par une basse obstinée. La Chaconne dérive d’une danse
exotique des colonies espagnoles. Les deux danses ne possèdent pas à cette époque de différence.
La Basse forme un cycle répété durant tout le morceau ; au-dessus, la mélodie est variée. La basse
peut être descendante conjointement, ou descendante en quarte. La Passacaille est souvent à trois
temps, assez modérée. Durant la première partie du Baroque, elle concerne un instrument soliste.
Elle a été oubliée après Bach, jusqu’à Brahms, qui reprend le même motif que la Chacone de Bach.
Le ricercare « recherche » est une œuvre d’une forme très libre issue de la Renaissance, avec une
écriture en imitation. Il constitue une préfiguration de la fugue, avec Frescobaldi : un seul sujet dans
tout le morceau exposé avec des entrées successives, souvent à la quinte. Certaines pièces restent
pluri-thématiques. Il faut noter le recueil Fiori Musicali, qui rassemble des canzones ou des ricercare,
et autres œuvres polyphoniques. Ainsi, le contrepoint disparaît dans la musique vocale, mais se
répand dans la musique instrumentale. Ce contrepoint est d’ailleurs beaucoup plus thématique, pour
donner une unicité forte et une continuité.
La Canzone est une pièce pour clavier, généralement plus discontinue que le ricercare, où on y
trouve beaucoup d’ornementations, et plus de mélodie, influencé par le vocal. Les canzoni de
Frescobaldi sont très discontinues, même si elles montrent une continuité forte. Parfois on trouve
des séquences de métrique différentes.
à Partition : Canzone de Frescobaldi
Des citations majeur/mineur, typique de cette période du Baroque, une grande ductilité du matériau,
retards et appogiatures, une grande synthèse thématique. On peut trouver une filiation au quatuor
No.13 de Mozart qu’il dédie à Haydn.
II. L’essor de la musique Baroque (1630-1680)
Cette période historique est marquée par la guerre de 30 ans (1618-1648), qui est une succession de
conflits armés, sans continuité précise. Cette guerre a ravagé tous les pays du Nord de l’Europe
(Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Luxembourg, et une partie importante de la France). La moitié de
la population des territoires concernés a été décimée. Les conséquences de la guerre, épidémies,
famines, n’a fait qu’accentuer le désastre. La France en sort renforcée, contrairement à l’Allemagne
ou l’Espagne. Les Anglais sont tenus à l’écart de la guerre, et en profitent pour développer les arts et
les techniques, notamment développer ses échanges avec le Nouveau Monde. L’Italie reste le
modèle de musique Baroque qui va se diffuser dans toute l’Europe. A la fin du XVIIe siècle,
apparaissent de nouveaux styles nationaux, une individualisation des styles. La musique Italienne
devient une musique parmi d’autres, qui n’est plus la seule ; il y a des musiques Allemandes,
Françaises, Anglaises.
A) L’Italie
1) Le Bel Canto
Apparu entre 1630 et 1640 dans l’Opéra Romain et Vénitien, en réaction à l’effet d’assujettissement
du texte présent dans le début du Baroque plutôt Florentine. Bukofzer dit que « Le style Bel Canto
n’est rien d’autre que la réaction des musiciens à la dictature des poètes ». Le Bel canto recouvre
cinq points majeurs. Tout d’abord, la recherche d’un imaginaire poétique dans la musique, qui se
démarque d’une rhétorique trop manifeste qui réduit l’expressivité débordante. La généralisation de
la voix de castrat, à la voix pure et androgyne. Une séparation beaucoup plus nette entre l’air, lyrique
et chanté, ainsi que le récitatif, narratif, et l’arioso, entre les deux. Une simplification harmonique, de
plus en plus tonale. Plus de facilité mélodique. Importance du ternaire, pour plus d’entrain. Enfin,
l’élément majeur est le développement de la virtuosité, à travers le stile fiorito, les ornements, les
vocalises, l’improvisation, et vise la séduction du public.
à Le Couronnement de Poppée (1642) Monteverdi
« Saliam cantand’al cielo »
Écriture beaucoup plus lyrique, goût pour le décoratif.
Après Monteverdi, le principal initiateur du Bel Canto est Luigi Rossi (1597-1653). Son premier Opéra
dure 7 heures « Il Pallazo in cantato di Atalante ». Son second Opéra est un Orfeo (1647), plus lyrique
(6 heures). Mais c’est surtout dans la cantate profane, genre Italien, où se généralise le Bel Canto. La
Cantate est une pièce vocale, courte et sans trop d’effectif, sans mise en scène, assez proche du
Madrigal, sans trop de sujet existentiel. A cette époque apparaît l’hémiole (échange entre ¾ et 2/4,
surtout à l’époque Baroque), fréquent dans les mouvements ternaires, qu’utilisera Rossi ou Carissimi,
puis partout en Europe.
2) La musique sacrée
Le style renaissance perdure dans les 20-30 premières années du Baroque, Post-Tridentin. Vers 1650,
la musique accepte les exigences du style moderne.
à Miserere (1638) Gregorio Allegri (1582-1652)
C’est une œuvre pour 9 voix, un grand chœur à 5 voix, et un plus petit à 4 voix. Il a été écrit pour la
semaine sainte de la chapelle Sixtine, très conservatrice, où le compositeur y officiait comme maître
de Chapelle. On devait chanter sans instrument (à A capella). Chanté toutes les semaines saintes
jusqu’en 1870.
Le genre de l’oratorio apparaît dans les années 1640. Bukofzer le présente comme « une composition
dramatique sacrée, mais non liturgique, dans laquelle un sujet Biblique est présenté sous forme de
récitatifs, d’ariosos, d’arias, d’ensembles et de chœurs, généralement avec l’aide d’un narrateur ». Le
récitant et l’absence de représentation scénique le rapproche de la cantate, et le distingue
également de l’Opéra. L’oratorio possède un effet une parenté avec la cantate, par son caractère
religieux, bien que la cantate puisse être profane, mais partage également des ressemblances avec
l’opéra par la personnification des rôles et la dramatisation de l’histoire. Le terme « oratorio » vient
des chapelles oratoires d’Italie « congregazionne del Oratorio » ; une invention de la contre réforme
pour tenter d’attirer les fidèles par la musique. Il existe l’oratorio dit vulgaire, en langue vernaculaire,
et l’oratorio en latin. Dans tous les cas, l’Oratorio est concerné par le Bel Canto, comme c’est
évidemment le cas de l’opéra, mais aussi de la cantate. Giacomo Carissimi (1605-1674) est un
compositeur représentatif de l’oratorio. Il possède une grande renommée et exerce à Rome, l’un des
premiers compositeurs d’oratorio. Les compositions de l’oratorio sont généralement polychorales
avec plusieurs solistes ; c’est un genre magistral qui doit impressionner. Le chœur, important chez
Carissimi, peut participer à l’action, ou parfois répéter la morale, comme un deus ex machina. Il écrit
une quinzaine d’oratorios en latin, dont Jonas ou Jephté.
à « Cum autem victor Jephté », Jepthé Carissimi
On remarque une alternance entre binaire et ternaire. Dans la partie binaire, la soprano adopte un
rythme de tambourin, propre à la danse. Aussi, c’est une partie très vocalique, surtout dans le
ternaire, effet du Bel Canto. La deuxième partie du Baroque fonctionne par marches harmoniques,
annonciatrices de Corelli, puis plus tard Vivaldi.
B) La France, absolutisme et divertissement
1) L’art lyrique
Le Baroque pénètre en France assez tardivement, par l’intermédiaire de Mazarin. Ce style Baroque
connaitra son apogée durant le règne de Louis XIV (1661-1715). A peine promu au rang de ministre
d’État en 1642, Mazarin invite le Cardinal Barberini, son ancien maître et auteur du livret de l’Orfeo
de Rossi, qui sera lui aussi convié à Paris. Un certain nombre d’Opéra italiens ont été créés à Paris, ce
qui n’a pas remporté un franc succès jusqu’à l’Orfeo de Rossi en 1647. Le librettiste s’est adapté à
l’amateurisme de Comédie dont sont friands les français, avec machineries et rebondissement,
contrairement à la préférence de la mythologie et de la psychologie Italienne (ce sont d’ailleurs les
français qui vont parodier le style opératique Italien, avec des œuvres telles que Platée de Rameau,
ou Orphée aux Enfers d’Offenbach). C’est un Opéra sans trop de récitatif. Il eut un coût exorbitant, et
fut malgré tout critiqué. De 1648 à 1753 se passe la Fronde en France, les riches du royaumes
critiquent la hausse fiscale, ce qui a eu pour effet de faire fuir les Italiens, accusés de profiter des
richesses de la France. L’Opéra en a donc pâti. Le faible intérêt des français pour le style baroque
Italien vient aussi de l’importance en France de la pensée Cartésienne, qui va marquer les XVIIe et
XVIIIe siècle. L’Opéra, dans son côté expressif un peu débordant n’allait pas tout à fait avec les
attentes artistiques du public français. Bukofzer pense que « le rationalisme lucide de la tradition
classique française a empêché la musique de succomber aux passions troublantes déchainées par la
musique Baroque Italienne ». Dans le cadre de la monarchie absolue qui fait de la France la grande
puissance mondiale de ce temps, l’art doit agir comme propagande et doit répondre à la puissance
française : une esthétique du grandiose apparaît.
En effet, la monarchie va réclamer une esthétique du grandiose et des représentations fastueuses,
caractérisés par des genres très français, le ballet de cour, la comédie-ballet, et la tragédie lyrique.
Tous ces genres sont marqués par la personnalité incontournable de Jean-Baptiste Lully (1632-1687),
paradoxalement Italien. Il est arrivé de Florence en 1646, et entre au service du Roi en 1652 ; il
acquiert progressivement une position sociale hégémonique, écartant tous ces rivaux, interdits de
faire représenter leur musique ; inventeur du système de droits d’auteurs, à son propre profit, qui est
devenu très riche.
Le ballet de cour est un divertissement très ancien, puisqu’Henry IV en était très friand (1581), de
même que son successeur Louis XIII qui en composa. A l’époque seul les courtisans et la famille
royale étaient invités. Le ballet de cour se situe à l’opposé de l’air du cour, genre intime populaire
sous Louis XIII (une voix et un luth), généralement illustré par des musiciens peu connus, comme
Etienne Moulinié, qui va disparaître au cours du siècle, en raison du règne de Louis XIV. Avec Louis
XIV et Lully, le ballet de cour devient le plus grand divertissement de la monarchie (1653-1672, avant
de décliner). On y trouve des morceaux, airs et récits chantés par le chœur, censé représenter une
histoire, mais dont l’argument est souvent faible, puisque ce n’est pas l’objet principal de ce genre
d’apparat.
Dans le ballet de cour apparaît le style à la Française, rythmes pointés, ouvertures à la Française,
précision rythmique et ainsi peu d’ornementation, avec des danses héritées de la Renaissance
(Pavane, Gavotte, Gaillarde, Courante, Sarabande, Marche). Les marches sont typiques des ballets de
Cour ; elles incluent dans l’instrumentation des timbales et des cuivres. L’ouverture à la Française
apparaît dans Alcidiane, ballet écrit en 1658. Du point de vue du texte, on trouve l’influence du Bel
Canto Italien, avec un livret souvent de langue Italienne, et un découpage entre airs et récitatifs.
à Ballet royal de Flore (dernier grand ballet de cours), Ouverture 1669
C’est une forme bipartite. La première partie est lente et solennelle ; la seconde partie est vive,
légère, et fuguée. L’ouverture à la Française va s’exporter dans les pays d’Europe. Très souvent, on
trouve entre ces parties une alternance entre binaire et ternaire. Ce ballet est l’apothéose du ballet
de cour, avec un effectif vocal et instrumental extrêmement important. Tout ceci annonce la tragédie
lyrique. C’est la dernière fois que Louis XIV danse en public ; il est représenté en soleil.
à Marche des Nations
Rythme binaire, caractère majestueux, forme AABB (suite de danse), cellule rythmique répétée,
trompettes, timbales. On bascule du côté festival à la manifestation de la puissance.
La Comédie ballet est une évolution du ballet de Cour. Il s’agit d’une interpolation entre une comédie
de théâtre et des épisodes dansés. Plus particulièrement, c’est la rencontre de Lully et Molière. La
première comédie ballet est Les Fâcheux. Les airs issus de ces comédies ballets répondent plutôt au
style du ballet de Cour. Seulement, les exigences du théâtre demandent une intrigue claire et
élaborée. Les Airs sont simples et efficaces, souvent rudimentaires pour être appris vites et retenus
facilement, pour que les acteurs puissent chanter ; certains airs vont se transformer en chansons à
boire. Lully insère des danses chantées. Mais le compositeur va créer une rupture avec Molière, qui
voyait en lui en concurrent féroce et talentueux. Molière écrira encore des comédies ballet avec
Marc-Antoine Charpentier.
La Tragédie Lyrique naît en 1673. Il s’agit d’un Opéra en 5 actes, de style français et de langue
française, dont le sujet est emprunté à la mythologie Grecque ou Romaine. On retrouvera un certain
nombre d’éléments caractéristiques, comme l’ouverture à la Française, des chœurs, un découpage
air/récitatif, ainsi que des parties dansées. De la même façon, la machinerie et les moyens sont
grandioses. Par ailleurs, certains personnages représentent des allégories. Aussi, le sujet devient
central dans l’œuvre. Ainsi, on trouve une transition intéressante entre le ballet de cour et la
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