
Les années 50 et le phylum de la théorie de l’entreprise
• de 1950 jusqu’à 1953 on assiste à un débat sur le principe de maximisation du profit. Celui-ci
tourne autour de la question du réalisme des hypothèses et s’inscrit dans le prolongement des enquêtes
d’Oxford sur le comportement des responsables d’entreprises. Les termes du débat sont, en 1950,
renouvelés par A. Alchian qui, le premier, invoque l’argument de la sélection naturelle pour justifier
sinon la maximisation, du moins la recherche constante du profit. C’est M. Friedman qui exploitera en
1953 l’argument pour justifier le principe de maximisation. Nous revenons ici sur ce débat parce que
c’est à partir du travail de S. Winter publié en 1964, qui en présente à la fois une synthèse et un
prolongement magistral, que seront publiés un ensemble d’articles qui conduiront, en 1982, à la
publication de l’ouvrage clé de R. Nelson et S. Winter promoteur de l’évolutionnisme contemporain en
économie. Cet ouvrage place au centre de l’analyse de l’entreprise, sinon pour la première fois, du
moins de façon essentielle, la notion de routine qui constitue le lieu où « la connaissance réside ». Ce
sont les routines qui remplissent en effet la fonction de rétention qui est, dans le paradigme de la
sélection naturelle, l’une des trois fonctions constitutives de la sélection (avec la sélection proprement
dite et la mutation). Selon Nelson et Winter les « organisations se souviennent en agissant » et les
routines « constituent la plus importante forme de stockage des connaissances spécifiques
opérationnelles des organisations » (p. 99). L’histoire qui va ainsi de 1950 à 1982, constitue l’un des
vecteurs essentiels de l’émergence progressive d’une approche cognitive des entreprises. Mais il n’est
pas le seul car E. T. Penrose, qui était intervenue dans le débat des années 50 pour contester l’analogie
naturaliste à laquelle on soumettait l’entreprise, va également, par une voie toute différente, proposer et
développer une approche de l’entreprise réservant une part importante à la dimension cognitive.
• C’est en 1959 que E. T. Penrose publie son ouvrage fameux sur la théorie de la croissance de la
firme, issu de sa thèse préparée sous la direction de F. Machlup. Elle part du principe, original dans le
contexte de la théorie micro-économique de l’époque 1, que l’entreprise doit être abordée comme « un
centre administratif autonome de planification », qu’il s’agit à la fois d’une organisation et d’un
ensemble de moyens de production. Dans la mesure où, rappelle Penrose, ce ne sont jamais les
ressources elles mêmes qui constituent ce qu’on appelle les facteurs de production, mais les services
qu’elles peuvent rendre, elle est conduite à poser que l’activité productive dépend de son « potentiel
productif, lequel comprend toutes les possibilités de production dont les entrepreneurs ont
connaissance et dont ils peuvent tirer parti ». A partir de là, toute la théorie que développe Penrose
repose sur ce qu’il nous semble justifié d’appeler une conception cognitive de l’entreprise. L’une des
manifestations parmi les plus notables de cette approche est constituée par le fameux théorème de