Les formes substantielles chez Malebranche et Leibniz Introduction

Les formes substantielles chez Malebranche et Leibniz
Introduction: Malebranche et Leibniz
En approfondissant à la suite de nos auteurs la notion de forme substantielle, j'ai montré que les
concepts les plus décriés pouvaient retrouver une actualité à condition d'être placés sur le plan qui leur
était propre. Il y a là une certaine idée de la philosophie, et cette idée, c'est précisément celle de Leibniz
: la Philosophia perennis. Cette Philosophie éternelle ou intemporelle consiste à chercher le plan de
consistance des concepts et à révéler leur puissance au travers d'une enquête d'histoire de la
philosophie, mais qui ne s'arrête pas pour autant dans un relativisme du changement. Nous avons
ensemble cherché à construire une telle Philosophia perennis de la forme substantielle et le signe que
nous sommes parvenus à un résultat certain est bien l'enrichissement considérable auquel Leibniz est
parvenu en inventant les concepts de série, de connexion universelle et de contingence de l'existence.
Ces développements résument toute la force de la raison quand elle se met au service de formes
éternelles.
La critique cartésienne des formes substantielles
Descartes contre la scolastique et ses qualités occultes
Deux cartésiens : Malebranche et Leibniz
La critique cartésienne des formes substantielles
Descartes contre la scolastique et ses qualités occultes
Malebranche et Leibniz sont des élèves de Descartes et font partie des grands cartésiens, avec Spinoza.
Il faut mesurer la violence par laquelle Descartes a construit les concepts du monde moderne. Cette
violence se rencontre dans l’exigence de liberté qui gouverne sa pensée et se constate également dans sa
capacité à mettre en doute des réalités aussi colossales que le Dieu de la théologie. Mais ces grands
combats cartésiens pour la liberté contre la théologie tyrannique ne peuvent être bien compris sans les
rapprocher de la question de la nature. C’est dans la révolution du concept de la nature impliquée par la
position cartésienne qu’on mesure toute la puissance de cet homme et tout le versant destructeur de sa
pensée. Descartes gagne un nouveau concept de la liberté, mais en déchaînant des puissances contre la
nature : c’est sur ce point que nous aurons à réfléchir, en plaidant pour la nature contre la violence de
Descartes.
Descartes déclare que le monde extérieur est une chose qu’il appelle une res extensa, un réalité étendue.
Le monde de la vie, des parfums, des odeurs, tout ceci n’est rien d’autre que de l’étendue, un espace
tridimensionnel permettant de géométriser tout. Ce qui jadis était porteur de vie et qui constituait la vie
secrète profonde de la nature, Descartes la réduit à un objet géométrisable. On pourrait y voir, comme
cela se fait habituellement, un avantage, car on se donne alors un contrôle mathématique de la nature
dont nous étions esclaves. Nous disposons d’un moyen de comprendre et de maîtriser tout événement se
passant sur la surface de la terre et dans le ciel. Le monde est devenu un monde de trajectoires pour les
fusées, les obus, le contrôle du mouvement des objets technologiques.
Jadis on célébrait cette avancée cartésienne, on y voyait le gain du fondement philosophique de la
science. Et s’il advenait qu’on s’inquiète de cette réduction de la nature à de l’étendue, le professeur de
philosophie répondait que Descartes proclama qu’il y avait une autre res, l’âme, qui devenait le point
fixe pour organiser la nouvelle conquête de la nature, et qui est le lieu où se développait tout un monde
de sensibilité, de qualités sensibles, d’émotions, d’amour, de volonté. La res cogitans est le nouvel
espace des Modernes : les hommes mesurent la nature et trouvent leur satisfaction dans le champ
spirituel, dans l’expérience intérieure, dans la méditation. Le monde de Descartes est la condition du
monde moderne, mais il est désormais composé de deux choses qui se font face et coupent toute
tentative de réunifier l’univers : la res extensa et la res cogitans.
Cette techno-science que Descartes propose comme moyen privilégié d’entrer en dialogue avec la nature
n’en reste pas moins un mauvais cadeau. On doit adorer et haïr Descartes, car il est l’auteur d’un
dualisme qui règne et gouverne intégralement nos vies. Plus nous croyons sortir de l’autorité des
systèmes cartésiens, plus nous nous y enfonçons. Quand on répète l’expression du Discours de la
méthode - «devenir comme maître et possesseur de la nature» -, on parle de l’appropriation, de la tutelle
jetée sur la nature qui fait le drame profond de Descartes. Ceci culmine dans la théorie de l’animal-
machine. Ce dispositif autoritaire et violent nous coupe en deux.
Probablement que Descartes, par la puissance de son instauration, a permis à l’Occident de prendre ses
distances avec la religion, ce qui est positif. En effet, il devient difficile de se jeter dans les superstitions
alors qu’on est à même de douter. Descartes est la grammaire minimale et universelle d’une pensée
laïque. Descartes a rendu possible le corps post-humain ; n’oublions pas qu’il cherchait une santé
soutenue par et dépendant d’un projet mécaniciste. Ce Descartes a créé une fracture, celle de la terre, de
la nature, et son extraordinaire puissance s’est mise au service d’un dessein conduisant aux catastrophes
naturelles. Il faut relire Descartes en se disant qu’il a touché à l’équilibre entre l’homme et la nature,
qu’il a projeté l’humanité dans une vie artificielle qui a réussi, qui nous enivre, nous menace en
permanence.
Descartes, formé par les Jésuites, connaît très bien l’ancienne philosophie qu’il détruira entièrement. Les
Jésuites du collège de la Flèche affirmaient que, pour être fidèle à Aristote, il faut être attaché à la notion
organisant la pensée aristotélicienne : les formes substantielles. Ce mot forgé au Moyen-âge à partir de
l’Arabe rend compte de passages difficiles chez Aristote (Métaphysique, Z, 10). Il a été transmis en
Europe par la tradition d’Averroès et devient le credo de la philosophie. C’est une traduction d’ousia.
Une ousia est une réalité existante, mais cette existence se définit comme un acte. Le réel est mélange
d’acte et de puissance ; le monde est un échelonnement d’actualisation progressive de la puissance. Les
réalités vivantes sont une combinaison d’acte et de puissance, et Aristote précise que la part d’acte d’une
réalité est sa forme, ce qui permet de la définir. La forme actualise ce qui est en puissance, à savoir la
matière. L’ontologie d’Aristote est une ontologie de la forme et de la puissance. L’union de ces deux
réalités (forme et matière) produit l’ousia, qui est donc la domination d’une matière par une forme.
Ce mot de «formes substantielles» se méfie de Platon : car prétendre que la réalité n’est que l’acte d’une
forme risque de nous faire tomber dans la théorie des Idées de Platon. Et inversement, si l’on abandonne
les formes, on devient matérialiste, et on ne voit pas comment une matière devient quelque chose de
vivant. Il ne faut être ni enfermé dans le culte des formes, ni dans le culte brutal des chocs matériels.
Mais il faut une forme qui s’engage dans une matière, il faut une forme agissant sur un substrat (la
matière). Cette union des contraires produit le réel vivant, organique, disposé d’une vie intérieure. La
notion de «formes substantielles» est une forme qui s’engage dans un substrat matériel et qui comme tel
constitue la structure ontologique de toutes les substances. C’est l’hylemorphisme : la philosophie qui
propose une ontologie mixte entre le matérialisme de Démocrite et le platonisme. La forme substantielle
désigne l’axe hylemoprhique des individus.
Descartes apprend cette doctrine par la lecture de Thomas d’Aquin ou de Suarez, disciple de Thomas
d’Aquin. Or, avec une lucidité extraordinaire, Descartes sait que, pour opérer la révolution spatiale qui
est la condition de la physique mathématique, il doit détruire les formes substantielles, produire une
philosophie qui abolisse les formes substantielles. Descartes a déterminé le petit point qu’il suffisait de
faire tomber pour détruire tout le reste. Il a cassé le nœud de connexion qui permettait de comprendre la
nature autrement que comme un espace techno-maîtrisable.
Ceci est devenu critique par l’argumentation de Descartes : il dit adorer les formes substantielles, mais
en demande une définition claire. Car il existe pléthore de théories des formes substantielles, et l’on se
battait sur la définition exacte de la forme substantielle. Descartes décide alors de nommer les formes
substantielles : les qualités du monde. Et, comme on ne sait les définir, ce sont des qualités occultes. La
thèse qui apparaît alors est que tout le monde construit sur la forme substantielle n’est qu’un résidu de
magie que Descartes désigne sous le nom de qualité occulte. D’un coup, l’ancien monde scolastique fut
réduit au rang de qualité occulte, c’est-à-dire au rang de rémanence de magie mal digérée de l’Occident
incapable de devenir plus lucide. Descartes est le premier penseur non magique de l’Occident. La seule
chose qui soit claire et non occulte, c’est la quantité et non la qualité. Désormais règne l’équivalence
entre quantité et clarté. Le règne de la quantité est la victoire totale de Descartes après avoir rendu
équivalents les termes «occulte» et «qualité».
Deux cartésiens : Malebranche et Leibniz
Le message de Descartes va être compris par ses grands amis. Malebranche, ennemi de la nature mais
vrai génie, est décidé à détruire les formes substantielles encore plus que Descartes. Il radicalise la
destruction des formes substantielles, et il devient si important par cette destruction des derniers
reliquats des formes substantielles.
Chez les protestants allemands, assez proches des mages et réfléchis, on s’est partagé en deux
voies. D’une part, les vieux magiciens restaient sur les formes substantielles. C’est le cas de Paracelse.
Mais il ne faut pas oublier Boehm et la théosophie ; cette dernière tente au prix d’une nouvelle magie
issue d’une réflexion sur la nature contradictoire de Dieu de restaurer les formes substantielles. Ce sera
aussi Goethe dans la figure de Faust, vieux magicien. Ce romantisme allemand est une façon de retenir
une magie, qui conduit au surréalisme.
D’autre part, les Allemands développent une école cartésienne, accomplie par Leibniz. Il se tourne
contre Van Helmond, disciple de Paracelse, défenseur de la ligne théosophique. Leibniz lit Descartes
avec Pascal et conclut que le monde contemporain commence par le refus des formes substantielles
(Antibarbarus physicus, œuvres complètes en GF, volume 2).
Leibniz démontre que les lois du mouvement établies par Descartes, et qui sont au principe de sa
physique, comportent une erreur mathématique. Le cartésianisme traduit les mouvements des corps
comme des trajectoires continues et linéaires, or Leibniz montre que le trajet suppose un effet de ressort
au départ et à l’arrivée (choc entre le corps et ce qu’il percute). Il manquait à Descartes un instrument
mathématique que Leibniz invente : le calcul infinitésimal. Grâce à ceci Leibniz montre qu’il faut
corriger les calculs du mouvement de Descartes (L’erreur mémorable de M. Descartes, œuvres
complètes en GF, volume 1).
Enfin, Leibniz, dans son Discours de métaphysique, §15, écrit qu’il est de l’opinion qu’il serait possible
de réhabiliter la notion tant décriée de formes substantielles. Ce pur moderne, se rendant compte des
conséquences de l’ontologie de Descartes, revient sur le partage initial entre les qualités occultes et les
sciences modernes - à condition de ne pas tomber dans une néo-magie, mais en redonnant à la forme
substantielle une ontologie digne d’elle.
Ce n’est pas un retour à l’hylemorphisme mais à un autre ennemi de Descartes: la force. Descartes
préférait la ligne et détestait la force ; il faisait de la force un concept obscur dont il ne voulait pas
entendre parler. Leibniz pense que la force n’est pas une qualité occulte, mais qu’elle est calculable
mathématiquement dans les termes d’une action. Il faut donc ajouter à la panoplie de la science moderne
une action calculable par le calcul infinitésimal, et ainsi on a une clarification mathématique de la forme
substantielle.
Leibniz permet de redonner une nouvelle dignité à la nature que Descartes avait éradiquée dans son être
propre. Leibniz avance des thèses tellement audacieuses que, dans les éditions de La recherche de la
vérité, Malebranche corrige son œuvre sous la pression des découvertes mathématiques de Leibniz.
Malebranche va reconnaitre les limites de la science cartésienne. Il reste qu'il ne corrige pas son
ontologie contre les formes substantielles, et il durcira encore sa guerre contre les formes substantielles
afin qu’elles n’aient pas la tentation de revenir par les mathématiques de Leibniz. Mais par là
Malebranche perfectionne son propre système et arrive à éradiquer les formes substantielles dans le
système des causes occasionnelles (occasionnalisme). C’est le résultat d’un monde dont les formes
substantielles ont été ôtées dans la suite de Descartes.
Bibliographie:
Malebranche, De la recherche de la vérité, volume III, éclaircissement 15, Vrin
Malebranche, De la recherche de la vérité, «De l’erreur la plus dangereuse de la philosophie des
Anciens», livre VI, Partie II, chapitre 3.Leibniz, Antibarbarus physicus, GF, volume 3 des œuvres
complètes.
Leibniz, Discours de métaphysique,
Robinet, Malebranche et Leibniz, relation personnelle, Vrin
Guéroult, Physique et dynamisme à l’âge classique
Arnauld et Nicole, Logique de Port-Royal, II, 19-2
Le thème secret est lié à la question de la théologie. Malebranche dit que les formes substantielles sont
des qualités que l’on prête aux essences pour exploiter leur forme ; mais en réalité ces chrétiens
emprunts de formes substantielles commettent un péché - parce qu’ils prêtent une force aux réalités
sensibles ayant pour vocation de les organiser et de les mouvoir. Cette pente que nous avons à prêter des
énergies aux choses vient de notre peur de voir Dieu comme seul acteur du monde. Nous peuplons le
monde de petites divinités dérisoires que sont les formes substantielles car nous ne supportons pas la loi
universelle et unique qui gouverne l’univers. Il y a une phobie de l’homme occidental à l’égard de Dieu
qu’il invente les formes substantielles comme des petites idoles le protégeant du caractère tout puissant
et donc menaçant du monothéisme.
L’analyse de la forme substantielle devient une analyse proche de Pascal. On saisit derrière les formes
physiques une psychologisation et une moralisation du concept scientifique au service de deux principes
de théologie : Dieu est caché et l’homme n’a pas le courage d’entrer dans le mystère du divin. La beauté
des formes physiques semble être la seule voie d’accès au bonheur.
D’où une critique morale par Malebranche des formes substantielles : elles sont des dons imaginaires
qui ne me rendent jamais heureux, seule l’unité de la loi universelle, de la toute puissance divine, peut
quelque chose pour mon bonheur.
On présente la philosophie des Modernes à partir d’une interrogation sur leur attitude vis-à-vis de la
philosophie médiévale et du concept de formes substantielles. La pensée médiévale de la nature se fonde
sur les formes substantielles. Les Modernes reprennent l’attitude de Descartes et la dépassent. Descartes
ne voulait plus des formes substantielles, qu’il considérait comme des résidus d’une pensée magique et
qu’il appelait des qualités occultes. Il leur substitua une pensée du mouvement à partir des chocs. Le
monde ne devint avec Descartes qu’un ensemble de rencontres de particules, les corps s’opposant
seulement avec des formes quantitatives. A la suite du cartésianisme, deux voies sont tracées:
1. Malebranche, qui durcit encore la position cartésienne, et il essaie de porter à un degré d’expulsion
encore plus radical que celui de Descartes les formes substantielles. Le monde est cet espace où il n’y
pas pas de formes substantielles, il en découle une suite de conséquences. L’occasionnalisme est le
résultat d’une évacuation totale des formes substantielles.
2. Leibniz qui ne les restaure pas, mais en cherche une forme admissible. Les formes substantielles ne
seront plus les qualités occultes, ni l’éloignement de Dieu (Malebranche). Mais on peut leur donner un
sens positif par le concept de force.
Malebranche sera l’ennemi des formes substantielles, mais Leibniz tente de les réhabiliter en les
traduisant dans cette langue nouvelle qu’est une ontologie de la force. Cette question nous touche
comme toutes les philosophies qui veulent en finir avec la magie. La philosophie doit-elle en finir avec
la magie, ou est-elle une alliance entre les pouvoirs de l’intelligence et la magie ? Ce qui est en jeu, c’est
la sauvegarde de la nature, de la Terre. C’est une actualité sur la philosophie de la nature et sur
l’écologie. Des voies philosophiques se définissent comme l'éclaircissement et la défense de la magie,
notamment à la Renaissance (Bruno et Ficin).
Malebranche, De la recherche de la vérité, Livre VI, partie II, chapitre 3
Les textes de Malebranche se renforcent l’un l’autre et permettent de comprendre mieux leurs enjeux.
Malebranche est un prêtre intégré dans la vie religieuse, et il semble doux et onctueux. Or il se fait
menaçant dès le début. Le mot «philosophe» est ironique, il désigne les Renaissants, les Médiévaux, la
part archaïque de l’humanité. Bref, c’est des aristotéliciens transmis par la scolastique, par les auteurs de
la Renaissance, par les Arabes, par les Espagnols. Malebranche les considère comme dangereux.
Malebranche ne cesse d’être ironique, à l’instar du futur Montesquieu. Il écrit le faux pour dire le vrai.
En disant que les archaïques ont pour effet pervers d’expliquer la nature par «certains êtres», c’est-à-dire
l’expression d’un mépris consommé, ceux ci s’oppose à la clarté d’expression de la nature. Et ce ne sont
que des mots, sans représentation claire et distincte derrière. Les formes substantielles ne sont pas
claires et distinctes, car elles sont composées de deux êtres, ce sont des hydriques. Donc on ne peut en
avoir d’idée claire comme le voudrait un cartésien.
On sent un ton d’inquisiteur. Cette pensée fausse est dangereuse, et Malebranche est là
pour l’empêcher. Car ces formes substantielles pourraient mettre à mal la religion. Et pourtant les
formes substantielles viennent de Thomas d’Aquin. Malebranche est un hyper-rigoriste qui correspond à
moment de durcissement de la théologie à partir du Concile de Trente. Ce durcissement est parallèle du
développement de la science ; et ceux qui firent les sciences étaient des rigoristes. Leur explosion
s’appelle Modernité. Ce texte n’est pas si loin de ceux qui brûlèrent Bruno, et pourtant le discours de
Malebranche est d’une puissance inouïe. Malebranche, c’est la violence de la raison. Quand elle se
déploie selon ses critères spontanés, la raison est violente. L’hyper-rationalisme est violent.
Ce chapitre entre dans un argument profond et troublant. Si l’on pense que derrière les faits de la nature
il y a des réalités invisibles mais agissantes, on suppose que dans le réel il y a une certaine puissance
d’agir qui s’exprime et produit des effets naturels. Ceci produirait des effets qui viennent d’une
spontanéité. Cette puissance d’agir est plus qu’une cause ; c’est une cause non contrainte dans son
action, qui est commencement d’action. C’est une energeia. Malebranche répond que dans cette notion
de puissance d’agir on peut comprendre agir, mais non la puissance. L’être humain quand il pense ne
peut pas atteindre à une idée claire de la puissance, nous ne savons pas ce que signifie puissance. Il
faudra faire une philosophie indépendante de la notion de puissance.
La notion de puissance n’est pas faite pour nous, car pour être une puissance il faudrait être une
puissance infinie. Pour pouvoir produire un effet dans le réel, il faut que l’univers entier implique toutes
les causes totales de l’univers à chaque instant. L’interconnectivité du monde fait qu’il n’y a pas de
puissance isolée. Donc seul un être infini peut avoir une puissance. Ce que nous croyons être notre force
est faux : je ne suis qu’un moment pour une loi universelle qui communique de la puissance au moment
opportun quand je veux agir. Nous pensons avoir une puissance propre qui nous met en acte ; mais toute
puissance doit être infinie pour produire un effet. Seul un être infini peut faire une action infinie. Donc
quand je crois agir c’est toujours l’être infini qui agit en moi. Ce moment, c’est l’occasion pour la
puissance infinie d’agir dans mon action.
La liberté est celle du jugement que je produis en voulant faire quelque chose, mais la mise en œuvre
produit un néant physique. La liberté est dans la décision, mais l’effectuation est sans pouvoir physique.
Tout réel dépend de l‘occasionnalisme, nous n’avons qu’une puissance de décision et non d’action. -
Ceci n’est pas sans rappeler la Chine, que Malebranche admire : le yin et le yang comme dualité de
forces cosmiques agissant. La seule différence entre l’occasionnalisme et la pensée chinoise issue de
Confucius porte sur le statut du ciel : il est loi pour Malebranche, mais éther pour les Chinois.
Thomas d’Aquin distingue la cause première et la cause seconde. Toute action est produite par leur
coordination. La cause première est le principe général qui active la nature ; c’est un acte qui meut toute
la nature à commencer par le ciel. C’est un déploiement de l’énergie dans le ciel. Mais cette énergie ne
pourrait jamais se communiquer aux choses si elles-mêmes n’étaient pas des causes secondes. Les
causes secondes reçoivent l’énergie du ciel, la transforment pour produire un effet à leur bénéfice. Le
problème était d’unir ces deux causes, de trouver leur articulation. La doctrine de la coopération dit que
les deux causes coopèrent pour produire l’action. - Ce qui posait problème par rapport au péché : Dieu
pêche-t-il en même temps ?
Malebranche éradique la cause seconde, et il n’y a même pas de cause première. Il n’y a qu’une loi
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