RECUPERATION ET PLASTICITE APRES AVC G. Rode Université de Lyon, Université Lyon 1, Inserm UMR-S 864, et Hospices Civils de Lyon, Service de Médecine Physique et Réadaptation, Hôpital Henry Gabrielle. [email protected] Lundi 30 mai 20101 3 questions se posent en rééducation: Lésion B Plasticité C Déficit A Récupération A Quelle est la récupération spontanée du déficit ? B Quels sont les mécanismes de plasticité cérébrale mis en jeu? C Quelle est l ’impact de la rééducation sur ces mécanismes? 2 PLAN DU COURS I. Rappel historique 1. Deux théories du fonctionnement cérébral 2. L’approche connectionniste 3. l’approche localisationniste II. Définitions 1. Plasticité cérébrale 2. Mécanismes neuro-anatomiques et fonctionnels 2. Rétablissement – réorganisation III. La récupération spontanée 1.les facteurs de récupération 2. les courbes de récupération 3. la récupération par paliers 4. les gradients de récupération: proximal versus distal 5. récupération motrice ipsilatérale et controlatérale à la lésion IV. Mécanismes de plasticité cérébrale 1. Régression d’un diaschisis 2. Plasticité de l’hémisphère cérébral lésé 3. Implication des voies motrices ipsilatérales 4. Mise en jeu de nouvelles voies motrices LA COMPREHENSION DU FONCTIONNEMENT CEREBRAL Descartes, René (1596-1650). L'homme de René Descartes • La compréhension du fonctionnement cérébral – 2 approches intellectuelles distinctes • 1ère approche: connexionniste Le cerveau fonctionne comme un ‘tout’ • 2ème approche: localisationniste Le cerveau est la juxtaposition d’aires cérébrales spécialisées L’APPROCHE CONNEXIONNISTE Le cerveau fonctionne comme un ‘tout’ Les travaux de FLOURENS (1824) La destruction partielle des lobes cérébraux dans différentes espèces animales n’entraîne pas de déficit quel que soit le siège de la lésion et même lorsque l’ablation est importante. Une partie même limitée des lobes cérébraux serait suffisante pour assurer la fonction. « La faculté propre du cerveau est essentiellement unitaire, puisque toutes les fonctions s’affaiblissent et s’éteignent ensemble lorsque la destruction des lobes cérébraux dépasse certaines limites ». L’APPROCHE CONNEXIONNISTE Faisceaux de substance blanche Connexions intra-hémisphériques Connexions inter-hémisphériques Catani, 2010 L’APPROCHE LOCALISATIONNISTE Le cerveau est la juxtaposition d’aires cérébrales spécialisées Le concept de phrénologie de F.J. Gall (1758-1828) Anatomiste du système nerveux Propose une nouvelle conception de l’éncéphale qui comprend: des amas de substance grise des structures fibrillaires le cortex cérébral qui serait le support des fonctions cérébrales Il établit une liste de 27 facultés innées et indépendantes dont 7 seraient propres à l’homme et localisées sur la moitié supérieure du cortex des lobes antérieurs Le cortex cérébral serait la structure la plus élevée du système nerveux L’APPROCHE LOCALISATIONNISTE Une méthode originale la cranioscopie Un concept la phrénologie L’APPROCHE LOCALISATIONNISTE Travaux de Paul Pierre BROCA (1824-1880) – Étude du cerveau de patients aphasiques – Patient Mr Leborgne surnommé Père ‘Tan’ car c’est la seule syllabe qu’il parvenait à prononcer et qu’il répétait – Déficit du langage articulé – Secondaire à une atteinte d’une partie du cortex frontal situé au niveau du pied de F3 – De l’hémisphère G chez un patient droitier 9 L’APPROCHE LOCALISATIONNISTE • Localisation cérébrale • Déduction scientifique – Le langage articulé est une fonction cérébrale identifiée, dépendant de l’intégrité d’une aire corticale spécifique unilatérale située au niveau du pied de F3 de l’hémisphère G chez les sujets droitiers – Aire 44 de Brodmann ou aire de Broca Aire de Broca BA 44 Lésion pied F3 Langage articulé Déficit du langage articulé 10 L’APPROCHE LOCALISATIONNISTE Trois conséquences de ces travaux: Argument en faveur de la théorie localisationniste Bases de la neurologie moderne, la démarche anatomo-clinique C’est à partir de ces travaux que va se poser la question de la récupération même partielle d’une fonction après une lésion cérébrale chez l’homme. La démarche anatomo-clinique Structure Lésion Fonction Déficit Un exemple: le langage LA PLASTICITE CEREBRALE Ensemble des processus visant à développer, améliorer ou constituer des connexions en conformité avec le modèle fixé génétiquement pour chaque espèce. Capacité du cerveau, et plus particulièrement chez l’Homme de se modifier par l’expérience. Le cerveau est ainsi qualifié de « plastique » ou « malléable ». Ce phénomène intervient durant le développement embryonnaire, l’enfance, la vie adulte et les conditions pathologiques (lésions et maladies). Le cerveau est un système dynamique, en perpétuelle reconfiguration PLASTICITE CEREBRALE MECANISMES NEURO-ANATOMIQUES ET FONCTIONNELS • Au niveau cellulaire • Régénérescence nerveuse, synaptogénèse Par bourgeonnement axonal (sprouting) • Modification de l’efficience synaptique Libération de synapses pré-existantes mais non fonctionnelles (latentes) • Hypersensibilité de désafférentation Augmentation de l’excitabilité des neurones désafférentés en réponse à la stimulation d’afférences intactes, prolifération du nb de récepteurs membranaires • Au niveau d’un réseau neuronal – Changement dans les propriétés de communication entre 2 cellules ou 2 réseaux neuronaux – Possibilité de vicariance (aires associatives) – Réorganisation des cartes corticales motrices 3 PLASTICITE CEREBRALE DEUX CONCEPTIONS DE LA RECUPERATION (Rosner 1970) Le RETABLISSEMENT postule une représentation redondante d’une capacité fonctionnelle. La REORGANISATION postule qu’une fonction peut réapparaître lorsque les centres qui y sont normalement affectés ont été détruits. La réorganisation peut dépendre de: la création de nouveaux systèmes fonctionnels grâce aux éléments intacts ou au remplacement du chaînon détruit du développement des capacités vicariantes des parties non lésées des modifications du milieu extérieur des stratégies comportementales visant à contourner l’obstacle que constitue la lésion pour aboutir au retour de la fonction mais sur un mode différent PLASTICITE CEREBRALE CORTEX FONCTION LESION RETABLISSEMENT CORTEX CORTEX CORTEX FONCTION FONCTION DEFICIT REORGANISATION Lésion Déficit A Récupération A Quelle est la récupération spontanée du déficit ? 6 FACTEURS DE RECUPERATION 1. Âge Phénomène d’épargne fonctionnelle de Kennard (1936) Les déficits observés sont moins sévères lorsque la lésion survient chez des sujets jeunes Il existerait des mécanismes différents de compensation en fonction de l’âge avec prépondérance du modèle de remodelage structural chez le jeune avec prépondérance du modèle de remodelage fonctionnel chez l’adulte, incluant les processus de substitution 7 FACTEURS DE RECUPERATION 1. Âge Observation de Déjerine et Mme Déjerine (1902) -malade porteur d’une hémiplégie cérébrale infantile -hypertrophie compensatrice du faisceau pyramidal du côté sain -décussation bulbaire de l’énorme pyramide restante: il s’agit d’une hypertrophie numérique et non d’une augmentation de diamètre des fibres 8 Dejerine J, Dejerine A. Sur l’hypertrophie compensatrice du faisceau pyramidal du côté sain, dans un cas d’hémiplégie cérébrale infantile. Rev Neurol 1902; 10: 642–6. A B FACTEURS DE RECUPERATION C Patiente âgée de 64 ans Hémiplégie infantile gauche Reference Thomas B, Eyssen M, Peeters R, Molenaers G, Van Hecke P, De Cock P, Sunaert S. Quantitative diffusion tensor imaging in cerebral palsy due to periventricular white matter injury. Brain 2005; 128: 2562-77 FACTEURS DE RECUPERATION 2. Lésion: • Taille de la lésion • • • Plus large est la lésion, moins grandes sont les possibilités de récupération fonctionnelle • Lésion anatomique / Lésion fonctionnelle Localisation de la lésion • • • Localisation corticale / sous-corticale Lésion unique / multiple Lésion unilatérale / bilatérale • Lésion focale / diffuse Nature de la lésion • • • Pathologie vasculaire: hématome / ischémie Tumeur bénigne / maligne Traumatique, inflammatoire, dégénérative 10 FACTEURS DE RECUPERATION 2. Lésion (taille, nature, origine, localisation, mode d’installation) Exemple de l’influence de la nature et du mode d’installation d’une lésion sur l’expression du déficit et de la récupération -Patient âgé de 70 ans -Compression médullaire secondaire à une myélopathie cervicarthrosique évoluant depuis plus de 30 ans -Installation progressive du déficit -Le patient présente un syndrome tétrapyramidal et marche toujours ►Les capacités d’adaptation du système sont importantes 11