d’autres, et selon laquelle « la connaissance courante de la vie quotidienne est la toile de fond non
questionnée mais toujours questionnable à l’intérieur de laquelle s’origine l’investigation et bien le seul lieu
où elle puisse être menée
. »
Il y a aussi dans les textes et interventions qu’il propose ce que j’appellerai un implicite culturel et théorique
qui attise la curiosité et requière pour le suivre de partager un fond commun de connaissances
anthropologiques, sociologiques, artistiques, culturelles mais tout aussi bien appartenant à d’autre domaines
sciences naturelles, physique, littérature, histoire de l’art… Jean-Olivier Majastre se lit autant dans le texte,
entre les lignes, derrière le texte et à coté du texte. Son approche sociologique tend à croiser des registres
cognitifs et des domaines de compétences variés, de fait, ses cours, peut-être plus que d’autres, étaient en
eux-mêmes un objet à investiguer, à compléter, à documenter. Mais il ne s’agit pas pour le suivre d’acquérir
une culture érudite, intellectuello-artistique, les références qui nourrissent ses cours appartiennent à des
univers culturels des plus populaires aux plus savants, des plus communs aux plus marginaux, il s’agit de
saisir le cheminement et « l’archéologie » de son raisonnement. La compréhension de l’implicite théorique
des analyses et interprétations proposées par Jean-Olivier Majastre, quand bien même son propos oral ou son
texte écrit - sous couvert d’humour et avec un style qui n’appartient qu’à lui – peuvent paraitre facile
d’accès, appellent des connaissances et une familiarité avec la sociologie, l’anthropologie, l’art, la science en
général et réfère à une culture générale aussi riche qu’éclectique. A titre d’exemple, lorsqu’il convoque le
principe d’incomplétude de Gödel, ou encore le chat de Schrödinger pour expliciter son propos : « L’œuvre
d’art est cet "objet" problématique et problématisé, qui n’existe qu’en fonction des valeurs que les acteurs et
la culture leur attribuent, dans le même temps où elle contribue à créer et perpétuer ces valeurs. L’espace
d’interrogation de l’œuvre est donc un espace fictif et problématique, un espace de l’entre deux, ni
entièrement du coté de l’œuvre, ni totalement du coté du spectateur, mais entièrement du coté du chercheur
qui construit son objet, qui définit un espace qui comme le chat de Schrödinger existe pleinement, bien qu’il
ne soit ni tout à fait mort, ni tout à fait vivant
. » C’est ainsi une accumulation de savoirs et une convergence
d’éléments dispersés qui transparaissent dans ses analyses, au travers d’une superposition et d’une
sédimentation de connaissances qui appartiennent à des univers différents, dont les liens sont parfois ténus, et
qu’il agrège pour donner à comprendre un phénomène social dans toute sa complexité.
Il a aussi un style, une « maniera » pour reprendre l’expression des peintres italiens, personnelle, jouant
sociologiquement (comme d’autre le font d’autres en poésie, avec l’humour…) sur les mots, leur forme et
leur sens illustrant l’idée selon laquelle « l’art nous dit que le langage n’est pas simple décodage mais
création
». Maniera qui lui permet de tenir ensemble des niveaux de réalité habituellement séparés et
distingués les uns des autres par une permanence de la référence à la vie quotidienne, avec des exemples
aussi personnels et « ordinaires », faussement naïfs et anodins dans leur énoncé, hautement significatif dans
sa pensée. Certains des exemples et métaphores qu’il propose pour éclairer son point de vue en témoignent,
Schutz A., Le Chercheur et le quotidien, Paris, Méridiens Klincksieck, 2008, p. 77.
Majastre J.-O., « Sociologues, encore un effort pour être scientifique », dans Sociologie des arts. Sociologie des sciences, Paris,
L’Harmattan, p. 17-20.
Majastre J.-O., L’Art, Le corps, Le désir, Cheminements anthropologiques, op. cit., p. 75.