chapitre xiv les sens de la vue, de l`audition et de l`odorat

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CHAPITRE XIV LES SENS DE LA VUE, DE
L'AUDITION ET DE L'ODORAT
14.1 Le sens de la vue
14.1.1. La mise en place de l'ébauche optique (figure 14.1)
Le développement de l'œil débute par une évagination latérale du proencéphale, avant
la fermeture complète du tube neural. Cette évagination prend la forme d'une cupule reliée au
proencéphale par un pédicule : la cupule optique. Cette cupule optique induit, en surface, la
formation de la placode optique par épaississement de l'ectoderme. La cupule s'invagine au
niveau de son sommet pour former la vésicule optique secondaire. Cette invagination se
poursuit sur le pédicule où elle réalise ventralement la fente colobomique. Par cette fente,
pénètre le futur axe vasculaire rétinien (a. et v. centrales de la rétine). La placode optique se
déprime pour suivre le mouvement de la vésicule optique et met en place la vésicule
cristallinienne. Cette vésicule s'isole bientôt de l'ectoderme pour se transformer en cristallin.
14.1.2. L'évolution de la vésicule optique secondaire (figure 14.2)
Le feuillet externe de la vésicule donne la couche pigmentaire de la rétine et le feuillet
interne donnera la rétine optique proprement dite. L’espace intrarétinien devient vite virtuel.
Cependant, les deux feuillets ne fusionnent pas, ce qui peut occasionner un décollement de la
rétine lors d’un simple choc à la tête.
Les cellules les plus externes de la rétine optique, accolées à la couche pigmentaire se
différencient en cônes et bâtonnets, cellules sensibles aux ondes lumineuses. Les cellules les
plus internes de ce feuillet, en contact avec l’humeur vitrée, se différencient en neurones
multipolaires dont les axones rejoignent le cerveau en empruntant l’espace interne du
pédoncule rétinien. Ils constituent le futur nerf optique. La lumière doit donc traverser
l’épaisseur de la rétine optique pour impressionner les cônes et les bâtonnets.
Antérieurement, le feuillet interne se lie au cristallin en formation par de fins
ligaments suspenseurs dérivés du mésenchyme environnant qui élabore aussi le muscle
ciliaire responsable de l'accommodation. Le muscle ciliaire est constitué de fibres à
orientation circonférentielle et de fibres à orientation radiaire. Chez l’être humain, les équins,
les carnivores et les porcins, les fibres en circonférentielles prédominent. Leur contraction
provoque un relâchement des ligaments suspenseurs du cristallin. La convexité de ce dernier
augmente grâce à son élasticité propre et l’accommodation se fait sur un plan rapproché.
L’œil de ces espèces est donc adapté à la vision à l’infini. L’élasticité du cristallin diminue
avec l’âge, ce qui entraîne une difficulté à voir de près (hypermétropie sénile ou presbytie).
Chez les ruminants, les fibres radiaires seraient prépondérantes. En se contractant,
elles tendent les ligaments suspenseurs du cristallin. La convexité du cristallin diminue et
l’accommodation se fait à l’infini. L’œil de ces animaux est donc adapté à la vision
rapprochée.
Juste en avant des ligaments suspenseurs, le feuillet interne met également en place les
procès ciliaires qui produiront l'humeur aqueuse. Au niveau du pourtour de l'ouverture de la
vésicule, les deux feuillets rétiniens s'accolent pour former l'iris. L'ouverture ainsi délimitée
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est la pupille. L'iris comporte des fibres musculaires circonférentielles situées près du bord
pupillaire (m. sphincter de la pupille) et des fibres radiaires (m. dilatateur de la pupille). Ces
deux muscles lisses dérivent des cellules du neurectoderme et ont pour fonction de régler le
diamètre pupillaire en fonction de l'intensité lumineuse. Leur activité est sous le contrôle du
système nerveux autonome.
Extérieurement, l'ectoderme forme deux replis, les futures paupières. Ces replis se
rejoignent, fusionnent et recouvrent l'œil en formation. L'épithélium qui tapisse la cavité ainsi
formée donnera l'épithélium cornéen et l'épithélium conjonctival. Intérieurement, l'épithélium
cornéen est renforcé par une lame conjonctive dérivée du mésenchyme.
Cette lame se couvre intérieurement d'un endothélium : l'endothélium cornéen. L'ensemble
épithélium de surface, lame conjonctive et endothélium interne forme la cornée dont les
cellules suivront une différenciation particulière qui rendra cet organe parfaitement
transparent. La cornée est également colonisée par de nombreuses fibres nerveuses qui en font
l'endroit le plus sensible de l'organisme (nociception).
14.1.3. L'évolution du cristallin et les cavités internes de l'œil
(figures 14.3 à 14.5)
En arrière du cristallin, le mésenchyme qui remplit initialement la vésicule secondaire
évolue en humeur vitrée ou corps vitré. Ce corps vitré est d'abords constitué de cellules qui se
transforment ultérieurement en une gelée acellulaire transparente. L'axe vasculaire disparaît
pour ne laisser que l'artère et la veine centrales de la rétine.
Le cristallin se positionne derrière l'iris. Aux premières cellules cristalliniennes ou
fibres cristalliniennes primaires, viennent s'ajouter les fibres secondaires et ce, jusqu'à la fin
de la croissance de l'organe (20 ans chez l'être humain). La cavité interne du cristallin devient
virtuelle et le mésenchyme de la vésicule secondaire rattache le cristallin au feuillet rétinien
interne par la "couronne" de ligaments suspenseurs du cristallin.
La courbure progressive de la cornée crée une cavité dans le mésenchyme situé entre
elle et le cristallin. Cette cavité se poursuit jusqu'aux ligaments suspenseurs du cristallin.
Elle se subdivise en deux chambres situées de part et d'autre de l'iris : la chambre antérieure et
la chambre postérieure. Ces deux chambres sont initialement séparées par une fine membrane
issue du mésenchyme, la membrane pupillaire, qui disparaît bientôt. Les deux chambres
communiquent par la pupille et sont remplies d'un liquide sécrété par les procès ciliaires :
l'humeur aqueuse.
14.3.4. Les enveloppes protectrices et les muscles de l'œil
Le mésenchyme environnant met en place deux enveloppes conjonctivo-vasculaires
autour du feuillet externe de la rétine. Ces deux enveloppes sont en fait le prolongement des
enveloppes conjonctives du système nerveux central : les méninges (lepto- et pachyméninges). L'enveloppe la plus interne est colorée et vascularisée. C'est la choroïde qui
prolonge la leptoméninge cérébrale. La sclère (ou sclérotique) est l'enveloppe externe,
beaucoup plus fibreuse qui prolonge la pachyméninge.
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Autour de la sclère se mettent en place les muscles oculaires chargés de la mobilité du
globe oculaire (mm. obliques et droits) mais aussi le muscle rétracteur du bulbe et le releveur
de la paupière supérieure.
14.1.5. Les glandes lacrymales et les paupières
Les paupières sont des replis de l'ectoderme soutenus par un axe mésodermique. Ces
replis fusionnent devant la cornée et créent de ce fait une cavité appelée sac conjonctival.
Dans l'épaisseur de l'axe mésodermique se différencie le muscle orbiculaire des paupières.
La soudure des paupières ou ankyloblépharon disparaît avant la naissance chez les
ongulés, les suidés et l'être humain, mais se maintient pendant 10-15 jours chez les carnivores.
Les glandes lacrymales sont des invaginations de l'épithélium ectodermique des sacs
conjonctivaux. Elles se forment suivant un schéma similaire à celui des glandes salivaires.
Une première invagination en doigt de gant s'arborise jusqu'à former des acini aveugles.
14.1.6. Quelques anomalies du sens de la vue
Persistance de la membrane pupillaire : cette anomalie est rare et généralement peu
voire non invalidante. Le pronostic est bon.
Glaucome congénital : ce trouble entraîne une surpression dans les chambres
antérieure et postérieure par disfonctionnement de la régulation de l'humeur aqueuse. Il
entraîne des troubles plus ou moins graves de la vision et engendre de la douleur. Le
pronostic est mauvais.
Cataracte congénitale : le cristallin s'opacifie par altération de l'organisation de ses
cellules constitutives. Ce trouble peut être d'origine génétique ou engendré par des agents
chimiques voire viraux durant la gestation. Le pronostic est mauvais.
Microphtalmie : développement anormalement faible du globe oculaire associé à
diverses malformations structurelles de l'œil comme le colobome. Le pronostic est fonction
de la gravité des malformations.
Colobome : persistance de la fente colobomique. Ce trouble peut s'étendre à l'iris et à
la rétine. Le pronostic est fonction de l'étendue de l'anomalie.
Anophtalmie : absence de développement d'un ou des deux yeux par défaut
d'induction de la formation de la placode optique. Les paupières et les muscles se
développent cependant car leur origine est indépendante de celle de l'œil.
14.2 Le sens de l'audition et le sens de l'équilibre
14.2.1. Les feuillets constitutifs
Le développement du sens de l'audition est indissociable de celui du sens de l'équilibre
car les organes neurosensoriels de ces deux sens sont situés dans l'oreille interne. Les trois
feuillets fondamentaux interviennent dans l'élaboration des trois étages de l'oreille : l'oreille
interne, l'oreille moyenne et l'oreille externe.
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- l'ectoderme met en place les cellules neurosensorielles de l'oreille interne et
l'épithélium qui tapisse l'oreille externe.
- l'endoderme est à l'origine de l'épithélium de recouvrement de l'oreille moyenne via
le développement de la trompe auditive ou trompe d'Eustache à partir de la première poche
pharyngienne.
- le mésoderme assure la formation des cavités et conduits intraosseux qui abritent
l'oreille moyenne et l'oreille interne. Il est aussi à l'origine des osselets, de la partie fibreuse
du tympan et des cartilages de l'oreille externe.
14.2.2. L'oreille interne
A) Le labyrinthe membraneux (figures 14.6 à 14.8)
Les premiers éléments à apparaître sont les deux placodes otiques. Ces
épaississements de l'ectoderme se développent latéralement à la gouttière neurale, à hauteur
du pharynx primitif. Par croissance différentielle, chaque placode s'invagine pour former
progressivement une vésicule otique qui finit par s'isoler de l'ectoderme de surface par
apoptose des cellules de son pédicule.
Cette vésicule otique évolue progressivement en trois compartiments communicants :
l'appendice endolymphatique, la région utriculaire et la région sacculaire. Ces compartiments
sont remplis d'un liquide relativement visqueux, l'endolymphe. Les structures dérivées de ces
trois compartiments resteront en communication et constituent le labyrinthe membraneux.
L'appendice endolymphatique se différencie en un canal terminé par une extrémité
aveugle : le sac endolymphatique. Le sac endolymphatique est en contiguïté avec la duremère. Il participerait à la régulation de la quantité d'endolymphe. Il communique par sa base
avec l'utricule et le saccule.
La région utriculaire se différencie en trois canaux semi-circulaires disposés
perpendiculairement et qui se réunissent en un réservoir commun : l'utricule. Chaque canal
semi-circulaire présente un élargissement à sa base, l'ampoule. L'épithélium interne de
chaque ampoule comprend des cellules neurosensorielles qui forment une crête auditive(1)
capable de déceler les déplacements de l'endolymphe dans le canal correspondant (cf. cours
d'anatomie). La détection de ces déplacements est la base sensorielle de la mesure des
mouvements d'accélération (et de décélération) angulaire.
Au niveau de l'utricule, des cellules épithéliales se différencient en d'autres organes
neurosensoriels, les macules. Ces organes sont constitués de cellules dont les cils sont noyés
dans une membrane d'aspect gélatineux, la membrane otolithique. Cette membrane contient
des petites concrétions de carbonate de calcium, les otolithes. Les variations de pression des
otolithes sur les cils des cellules neurosensorielles permet d'apprécier les mouvements
d'accélération (et de décélération) rectiligne.
D'autres cellules dérivées de la placode se différencient en neurones ganglionnaires
qui forment le ganglion vestibulaire ou ganglion de Scarpa. Les dendrites de ces cellules
rejoignent les crêtes auditives des ampoules et leurs axones forment le nerf vestibulaire en
direction du métencéphale.
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La région sacculaire se différencie d'une part en saccule et d'autre part en cochlée. La
cochlée est un conduit dont la base comprend une portion rectiligne qui débouche dans le
saccule. A cette portion rectiligne fait suite une portion spiralée aveugle qui élabore deux
tours et demi de spire : le canal cochléaire. L'épithélium de ce canal élabore l'organe spiral ou
organe de Corti (cf. cours d'anatomie) constitué en partie de cellules ciliées neurosensorielles.
Ces cellules neurosensorielles sont capables de déceler les vibrations de l'endolymphe du
canal cochléaire provoquées par les ondes sonores.
Le saccule est un simple élargissement situé à la base du canal cochléaire et dont
l'épithélium élabore également des macules.
Des cellules dérivées de la placode otique se différencient en cellules
neuroganglionnaires qui forment le ganglion cochléaire ou ganglion de Corti.
Les dendrites de ces cellules rejoignent l'organe de Corti du canal cochléaire et leurs axones
forment le nerf cochléaire. La réunion des nerfs cochléaire et vestibulaire forme le nerf
acoustique (ou VIIIème paire de nerfs crâniens).
(1) Le mal nommé puisque cet organe n'intervient pas dans la perception des ondes sonores.
B) Le mésoderme environnant
Le mésoderme qui entoure les dérivés de la vésicule otique met progressivement en
place le labyrinthe osseux, creusé dans l'épaisseur du futur os temporal. Ce labyrinthe osseux
est plus large que le membraneux. L'espace ainsi ménagé autour du labyrinthe membraneux
est rempli d'un liquide : la périlymphe. Ce liquide est en fait du liquide céphalo-rachidien car
le labyrinthe osseux est en communication avec les espaces sous-arachnoïdiens par le canal
périlymphatique (cf. cours d'anatomie).
Autour du canal cochléaire, le labyrinthe osseux est particulièrement large. Il délimite
ainsi deux rampes situées au-dessus et en dessous du canal cochléaire : la rampe vestibulaire
(supérieure) et la rampe tympanique (inférieure) qui aboutissent à deux fenêtres,
respectivement la fenêtre ovale et la fenêtre ronde. Chaque fenêtre est fermée par une
membrane chargée d'isoler l'environnement liquide de l'oreille interne de l'environnement
aérien de l'oreille moyenne.
14.2.2. L'oreille moyenne (figure 14.9)
L'oreille moyenne s'ébauche par une invagination de l'endoderme de la première poche
branchiale. Cette invagination se positionne en face de la dépression du premier sillon
branchial pour constituer l'ébauche du tympan.
Le mésoderme environnant élabore les trois osselets. Le premier est dénommé
marteau ou malleus. Il insinue sa partie allongée dans l'épaisseur du feuillet mésodermique de
l'ébauche tympanique afin de se solidariser au futur tympan. Il s'articule par sa tête avec le
second osselet appelé enclume ou incus. Ce second osselet s'articule avec le troisième baptisé
étrier ou stapes. L'étrier fixe sa partie plane (la sole) à la fenêtre ovale. Cette chaîne
d'osselets comprend également des ligaments et des muscles chargés de modifier sa tension et
ainsi de moduler la transmission des vibrations tympaniques (cf. cours d'anatomie).
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Le mésoderme est également à l'origine de la cavité osseuse de l'oreille moyenne, la
caisse du tympan et du feuillet fibro-élastique du tympan. Ce feuillet mésodermique assure la
solidité du tympan. La face tympanique interne est recouverte par l'endoderme dérivé de la
première poche branchiale et la face externe par l'épiderme dérivé de l'ectoderme du premier
sillon branchial (cf. chap. VII).
L'endoderme dérivé de la première poche branchiale finit par tapisser l'ensemble de la
cavité de l'oreille moyenne et des éléments de la chaîne des osselets.
14.2.2. L'oreille externe (figure 14.10)
L'oreille externe est constituée d'un conduit terminé par un méat auditif externe et d'un
pavillon. L'ensemble dérive du premier sillon branchial. L'ectoderme fournit l'épiderme qui
tapisse le méat auditif et qui recouvre le pavillon ainsi que les glandes cérumineuses
associées. L'ectoderme qui recouvre l'extrémité aveugle du méat auditif externe prolifère au
point d'obstruer le conduit. Ce n'est qu'en fin de gestation et après la naissance que s'opère la
"recanalisation" du conduit.
Les cartilages du pavillon, les muscles auriculaires et le tissu sous-cutané dérivent de
plusieurs bourgeons mésodermiques des arcs branchiaux I et II : les bourgeons auriculaires.
14.2.3. Quelques anomalies des sens de l'audition et de l'équilibre
Les anomalies de l'oreille interne sont rares.
14.3 Le sens de l'odorat
14.3.1. La placode olfactive (figure 7.1)
Les deux placodes olfactives sont les premières ébauches du sens de l'odorat. Ces
épaississements de l'ectoderme surviennent au bord rostral de l'extrémité antérieure de
l'embryon. Ces placodes sont internalisées lors de la formation des narines et se retrouvent
situées au fond des futures fosses nasales (cf. chap. VII). A ce stade, les cellules des placodes
ne sont séparées du télencéphale que par une mince lame mésodermique. Elles se
différencient en cellules neurosensorielles dont les axones traversent la lame mésodermique
en direction du télencéphale. Ces fibres nerveuses y induisent la formation des deux bulbes
olfactifs au sein desquels elles font synapse. Les neurones des bulbes olfactifs établissent à
leur tour des connexions neuronales avec les aires olfactives du cortex.
La différenciation complète des placodes donnera la muqueuse pituitaire ou
épithélium olfactif qui tapisse la lame criblée de l'os ethmoïde (cf. cours d'anatomie) et dont
les fibres nerveuses forment les nerfs olfactifs (Ière paire de nerfs crâniens).
L'ectoderme banal qui entoure les placodes est à l'origine de l'épithélium de la
muqueuse des fosses nasales et des sinus.
14.3.2. Le mésoderme environnant
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La formation des narines et des fosses nasales a été étudiée au chapitre VII. La lame
mésodermique qui sépare les placodes des futurs bulbes olfactifs élabore la lame criblée de
l'os ethmoïde.
14.3.3. Quelques anomalies du sens de l'olfaction
Les anomalies du sens de l'olfaction sont le plus souvent associées aux anomalies de la
formation de la face ou du cerveau. Elles sont généralement très graves.
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