24 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N°324 - AVRIL 2016
Chirurgie ambulatoire
Une place
à prendre
Le développement de la chirurgie ambulatoire soulève
avec acuité la question de la coordination entre
professionnels de ville et établissements hospitaliers.
Et elle pourrait conduire à une meilleure reconnaissance
des Idels. Petit inventaire dinitiatives rapprochant
les infirmières libérales des services de chirurgie.
DOSSIER RÉALISÉ PAR MARIE-CAPUCINE DISS ET ILLUSTRÉ PAR JULIA DASIC
dossier
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
Déclae priorité de
santé publique
par la Direction
générale de l’offre
de soins (DGOS)
en 2010, la chirur-
gie ambulatoire repsente à p-
sent plus de la moitié des interven-
tions réalisées à l’hôpital. Parmi les
actes les plus pratiqués, l'opération
de la cataracte, les chirurgies des
varices et de la main. Le patient
opéré en ambulatoire rentre chez
lui le soir me de son opération.
Lors de sa consultation pré-opéra-
toire et le jour de son opération,
des consignes lui sont données,
consignes qu’il devra observer une
fois de retour chez lui. Un appel est
généralement effectué le lendemain
par un membre de l’unité de chi-
rurgie ambulatoire, afin de sassurer
des bonnes suites de l’oration.
IDEL À LA RESCOUSSE
Mais quand survient un imprévu,
c’est bien souvent l’Idel qui est sol-
licitée. Professionnelle de santé la
plus disponible, elle est appelée au
moment où le patient est en panique,
face à un matome, des saigne-
ments ou de fortes douleurs. Outre
l’état d’anxté du patient et sa situa-
tion délicate, lIdel doit alors souvent
faire face à une autre difficulté: lab-
sence ou la pauvreté des informa-
tions qui lui sont transmises par
l’pital et la difficulté de joindre
les membre de l’équipe qui ont pris
en charge le patient.
Pour combler ce manque, des ini-
tiatives infirmières ont été prises
ces dernières anes afin dassurer
une ritable coordination avec les
établissements hospitaliers, pour
anticiper au mieux le retour à domi-
cile des patients pris en charge en
chirurgie ambulatoire.
Depuis 2013, le dispositif Isipad
(Intervention de soins infirmiers
post-ambulatoires à domicile) est
expérimenté par l’Union gionale
des profesionnels de santé (URPS)-
infirmiers de Picardie et l’Agence
gionale de san(ARS), en parte-
nariat avec l’pital intercommunal
de Compgne-Noyon (Oise). Isipad
prévoit la visite à domicile d’une
Idel le soirme de l’intervention
chirurgicale et le lendemain. Elle
assure la surveillance clinique post-
opératoire du patient, peut repren-
dre avec lui les consignes qui lui
ont été transmises et si nécessaire
aliser des soins. Quand un mem-
bre de l’équipe hospitalière a appelé
le patient avant son opération, il
s’est assuré que ce dernier avait
bien contacté une Idel en pvision
de son retour à domicile. Celle-ci
est prévenue par l’établissement
hospitalier de la sortie du patient.
Le compte rendu de sortie lui est
alors transmis et elle peut joindre à
tout moment l’équipe de chirurgie
ambulatoire si des problèmes par-
ticuliers se présentent.
PASSEPORT PATIENT
Dans l’Hérault, à Ganges et dans
ses environs, les membres de l’as-
sociation EIL (Entente infirmière
lirale) ont élabo un projet afin
d’améliorer la prise en charge du
patient de l’amont à l’aval de l’inter-
vention en ambulatoire. « Alorsque
nous avions pris conscience que nous
manquions de lien avec lhôpital pour
une prise en charge adaptée, nous
avons é sollicitées par les équipes
chirurgicales et anesthésistes de notre
établissement de proximité, la clinique
Saint-Louis de Ganges, explique
AVRIL 2016 - N° 324 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 25
CHIRURGIE AMBULATOIRE UNE PLACE À PRENDRE
La chirurgie ambulatoire s’est
dévelope avec les progrès de
la chirurgie, moins invasive, et de
lanesthésie, plus ciblée. Outre les
économies qu’il nère (en termes
d’hébergement notamment), qui
alimentent nombre de débats,
ce type de chirurgie permet de réduire
les risques d’infections nosocomiales
et offre un meilleur confort aux
patients, globablement très satisfaits
(lire aussi l’encadré p.39). Les malades
pris en charge en ambulatoire
doivent être en mesure de
comprendre ce qui leur est proposé
et d’observer leur traitement, et
disposer d’un logement offrant des
conditions d’hygiène équivalentes à
celles offertes par une hospitalisation.
Jadis considérée comme la mauvaise
éve de lEurope, la France rattrape
à présent son retard à grandes
enjames. Lobjectif quavait fi
la DGOS datteindre un équilibre
entre la pratique classsique et
lambulatoire en 2016 a été
largement dépas: 54,6% des
interventions se font actuellement
sans nuitée en établissement
hospitalier. Fortes de cette
progression, les autorités sanitaires
ont fi comme objectif, dans le
programme national de chirurgie
ambulatoire de septembre 2015,
d’atteindre un taux de 66,2%
à l’horizon 2020. Les établissements
qui ont pris du retard par rapport
à cette dynamique se concentrent
sur les gestes les plus simples afin
de diversifier et de complexifier peu
à peu leur pratique ambulatoire.
POLITIQUE DE SANTÉ
Objectif 66,2%
Analyse
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dossier
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Lydia Clairet-Charandak, présidente
de l’association. Le chirurgien, res-
ponsable des suites de l’opération,
voulait avoir l’esprit tranquille, être
certain que tout allait bien se passer
à la sortie pour le patient. Les chi-
rurgiens et les anestsistes souhai-
taient que nous travaillions ensemble
pour assurer la sécurisation du retour
à domicile du patient. » Ce projet de
coordination, qui a obtenu le soutien
de l’URPS-infirmiers et retenu l’at-
tention de lARS, a été étendu à cinq
autres établissements hospitaliers.
Un passeport patientest en cours
délaboration, recouvrant le parcours
santé et le chemin clinique du patient
à partir de sa première consultation
chirurgicale. Ces informations sont
transmises au médécin néraliste
et à lIdel et peuvent être consultées
par le patient. Dans le cadre de cette
expérimentation, un document sera
également rédigé, comprenant les
éléments généraux propres à chaque
type d’intervention, afin d’anticiper
les situations rencontrées à domicile
et de réagir de manre adaptée aux
éventuelles complications. Les Idels
souhaitant participer à cette
démarche sont amenées à compléter
leurs connaissances. Des formations
valies par les chirurgiens seront
mises en place, notamment dans le
cadre du développement profes-
sionnel continu.
PROTOCOLES EN LIGNE
Des protocoles, correspondant aux
interventions intégrées au dispositif
Isipad, ont également été dis
et mis en ligne. Les infirmières inté-
grant le programme s’engagent à
se former, viaune plateforme numé-
rique. Pour compter ce protocole,
un film, tourau sein de l’unité de
chirurgie ambulatoire, permet de
mieux visualiser les gestes engagés,
et notamment ceux à observer en
cas de complications. Les nouveaux
liens que ces initiatives créent avec
les étabissements hospitaliers sont
capitaux pour les Idels. « Quand un
établissement intègre notre dispositif,
nous organisons une rencontre hors
les murs entre ses professionnels et
les Idels, explique Marie-Odile
Guillon, présidente de l’URPS-
infirmiers de Picardie. C’est l’occa-
sion de se rencontrer, de discuter
ensemble. À présent, les chirurgiens
prennent l’habitude de contacter les
Idels. » Il devient également beau-
coup plus aisé de joindre les pro-
fessionnels des unités de chirurgie
ambulatoire pour demander des
pcisions ou des éclaircissements,
lors de la visite à domicile.
PRESCRIPTIONS
ANTICIPÉES
Le projet porté par l’association EIL
et l’URPS du Languedoc-Roussillon
Les ARS sont mobilisées pour
le développement de la chirurgie
ambulatoire. Celle de Bretagne,
par exemple, a mis en place une
plateforme numérique d’appui, afin
de présenter les gestes techniques,
les soins post-opératoires et les
différentes suites des opérations. Ce
projet, proposé par l’URPS-infirmiers,
a convaincu l’agence qui a ci
de lui apporter son soutien. Il porte
pour le moment sur cinq types
dinterventions et sera peu à peu
étof. Dans le cadre de son Plan
de développement régional
de la chirurgie ambulatoire pour
2011-2016, lARS a également élaboré
un modèle régional de passeport
ambulatoire, visant à améliorer la
jonction ville-pital. Face à la plainte
des professionnels de ville de ne pas
recevoir assez rapidement les comptes
rendus dopération et de manquer
dinformations, l’agence a effectué
un travail auprès des établissements
de san afin quils soient plus
attentifs à ces attentes. Une marche
de sensibilisation a également été
mee auprès des directeurs d’Ifsi
pour intégrer la chirurgie ambulatoire
dans les cursus. Enfin, Françoise
Durandre, conseillère médicale à la
direction des coorations territoriales
et de la performance à lARS de
Bretagne, considère que lagence
attend des Idels « qu’elles réalisent
un travail de promotion de la chirurgie
ambulatoire aups des patients
qu’elles connaissent bien et qu’elles
peuvent rassurer, en amont ».
POLITIQUE DE SANTÉ
La chirurgie
ambulatoire vue par une ARS
Analyse
Limplication
de lIdel dans
le circuit de
la chirurgie
ambulatoire
corrige
les faiblesses
de cette prise
en charge, très
centrée sur
le patient
et lhôpital
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Interview
CHIRURGIE AMBULATOIRE UNE PLACE À PRENDRE
Peggy Hallé,
infirmre libérale
à Compiègne (Oise)
et participante
de la premre heure
au dispositif Isipad
« Les patients
ne retiennent
quune infime partie
des informations »
Vous qui avez travaillé en unité
de chirurgie ambulatoire, avez-vous
constaté une rupture dans la prise
en charge, à la sortie de l’hôpital?
Je m’aperçois à présent que,
lorsqu’on se trouve du côté hospitalier,
on organise les sorties des patients
en s’imaginant que tout estglé
à partir du moment le patient
quitte l’unité. Mais, de fait, les patients
ne retiennent qu’une infime partie
des informations qui leur sont dones.
C’est encore plus vrai en chirurgie
ambulatoire: ils quittent l’pital
quelques heures après leur sortie
du bloc opératoire.
Comment corriger cela?
Nous, Idels, pouvons reprendre avec eux
toutes les informations quand on passe
le soir, mais surtout le lendemain:
ils ont passé leur nuit, ils ont bien dormi,
c’est alors le moment opportun.
Quelles informations sont souvent
à reprendre avec les patients?
Pour les antalgiques, l’alternance
des thérapeutiques, par rapport
aux doses et aux types de douleurs.
Nous devons aussi leur rappeler
les conduites à tenir pour éviter
l’apparition d’œdème, pour les hallux
valgus, ou des lâchage de suture,
pour les hernies inguinales.
AVRIL 2016 - N° 324 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 27
DR
concerne l’ensemble du parcours
santé et du chemin clinique du patient
(lire le point de vue de la présidente
d’EIL, p.29). Il prévoit aussi dans cer-
tains cas de proposer au chirurgien
de diger des prescriptions antici-
es. « Si le chirurgien accepte de
déléguer et souhaite anticiper les
risques, cela nous permet d’avoir la
bonne prescription en temps voulu
au domicile du patient, de agir rapi-
dement et souvent déviter un passage
par les urgences en cas de compli-
cations prévisibles, assure Lydia
Clairet-Charandak. C’est aussi par-
ticulièrement intéressant pour adapter
le traitement de la douleur: il s’agit
alors de prescriptions évolutives. »
QUAND LIDEL PASSE
Limplication de lIdel dans le circuit
de la chirurgie ambulatoire permet
de corriger les faiblesses de cette
prise en charge, ts centrée sur le
patient et sur lpital. Si la chirurgie
ambulatoire tend à responsabiliser
le patient, appelé à être plus actif
dans sa prise en charge, il n’est pas
toujours en mesure de suivre les
consignes qui lui ont é données à
l’hôpital. L’appel du lendemain ne
fait pas toujours ses preuves. De
nombreux patients ne parlent pas
de tous leurs doutes, se confient
peu et parfois ne sont pas présents
au domicile. Pour Dominique Jako-
venko, vice-président de l’URPS-
infirmiers Languedoc-Roussillon
(et par ailleurs membre de notre
comité scientifique), le passage dune
Idel le lendemain de loration per-
met d’optimiser cet appel et le suivi
post-opératoire: « Si un infirmier
vient constater l’état du pansement,
faire une évaluation clinique, une
évaluation de la douleur, et qu’il y a
un contact entre l’infirmier liral et
l’infirmier de la structure, deux pro-
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28 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N°324 - AVRIL 2016
fessionnels parlent ensemble et savent
de quoi ils parlent. C’est une assu-
rance pour tout le monde. » Et le
témoignage des Idels effectuant des
passages le soir ou le lendemain de
l’intervention est unanime: il existe
un besoin ritable.
Le soutien psychologique apporté
par lIdel est une notion fondamen-
tale pour Marie-Odile Guillon, p-
sidente de l’URPS-infirmiers de
Picardie. « Le patient est rassuré par
le cocooning de l’pital, avec tout
le monde autour de lui. De retour
chez lui, c’est souvent le lendemain
de l’intervention que les douleurs
se réveillent. Si elles s’installent, cela
peut l’angoisser. En reprenant bien
avec lui les informations qu’il a
reçues, notamment en matière
d’analgésie, nous améliorons son
bien-être physique et moral. » Pour
Peggy Hallé, Idel participant au dis-
positif Isipad, « le fait d’arriver chez
le patient sans questionnement, en
sachant ce qui lui est arrivé grâce
aux informations transmises par
l’hôpital, permet de mettre en
confiance le patient et de pratiquer
un soin personnali ».
Dans les Bouches-du-Rhône,
un réseau de santé polyvalent
assure l’aval de la chirurgie
ambulatoire pratiq en nologie
à l’Institut de lutte contre le cancer
Paoli-Calmettes, à Marseille. L’hôpital
prévient le réseau Ilhup (Intervenants
liraux et hospitaliers unis pour le
patient) lors de la programmation de
l’opération. L’infirmre coordinatrice
du réseau entre alors en contact avec
l’Idel désige par la patiente et lui
transmet le protocole de soin propre
à chaque intervention. Linfirmière
se rend au domicile le lendemain
de loration, afin de surveiller
les constantes post-opératoires
de la patiente, d’évaluer ses besoins
et de réaliser auprès d’elle une
marche éducative. Pour les
interventions les moins invasives,
zonectomie ou tumorectomie,
la plaie de la patiente, refere
avec une colle chirurgicale,
ne nécessite pas de pansement, mais
doit être régulièrement surveillée
par la patiente. L’infirmière lui
apprend les signes à observer. Elle
répond à ses interrogations, l’écoute
et évalue la cessi d’un recours
à un psychologue. Un accord a é
trou avec la CPAM du Sud-Est
pour facturer cette visite infirmière
du lendemain: une DSI avec cotation
d’AIS4. Des soins assocs comme
les pansements peuvent être
ajous. Durant toute la riode
post-opératoire, le seau de san
reste le principal interlocuteur de
la patiente, hors urgencedicale.
RÉSEAU ILHUP
Laval coordonné
par un réseau de santé
Analyse
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