Paléoécologie des microalgues et adaptation aux changements de l’écosystème côtier - Directeur de thèse : Laure Guillou (DR2/HDR – Station Biologique de Roscoff- CNRS/UPMC). [email protected] - Co-directeur de thèse : Raffaele Siano (CR1 – Ifremer- Centre de Brest – DYNECO/Pelagos). Tel : (+33) 02.98.22.42.04. [email protected] - Projet contractualisé de rattachement Projet LABEX Mer 2012-1013 VEHSPA Projet EC2CO Palmito 2013-1015 FP7 ERA-NET BiodivERsA EMERGE (demande en cours) - Laboratoire/unité, département d’accueil : Ifremer DYNECO/Pelagos, Centre de Brest - Résumé et mots-clés : Mots clés : Phytoplancton, paléoécologie, écosystèmes côtiers, variations temporelles, forçages anthropiques, espèces invasives, efflorescences toxiques nuisibles (HABs), metabarcoding, kystes, adaptation fonctionnelle, évolution des communautés Les espèces du phytoplancton marin peuvent être considérées comme des espèces sentinelles de la qualité de nos côtes car elles répondent rapidement aux changements de l'écosystème grâce à leur cycle de vie très rapide. En particulier, la prolifération excessive de certaines espèces toxiques représente une menace grandissante tant d’un point de vue écologique, économique que de santé publique. Dans le cadre de cette thèse, nous nous attacherons à comprendre comment les communautés phytoplanctoniques ont évolué dans leur ensemble au cours de ces dernières décennies sous diverses pressions environnementales (aménagement de l'écosystème côtier, élévation du ratio N/P, changement climatique,..). Les espèces présentes depuis longtemps dans un écosystème se sont-elles adaptées aux nouvelles conditions environnementales, où ont-elles été remplacées par d’autres, plus compétitives ? Les espèces responsables de proliférations toxiques sont-elles des espèces invasives (introduites), ou des espèces envahissantes (présentes à l’origine, mais soudainement capables de proliférer) ? Pour cela, nous étudierons les traces biologiques (kystes, spores, ADN fossile) laissées par ces organismes dans les sédiments stratifiés, où la structure des populations anciennes peut donc potentiellement être appréhendée au cours du temps. Notre approche sera multidisciplinaire, depuis le séquençage à haut débit afin d’appréhender la diversité génétique des protistes, jusqu’à la remise en culture à partir de stade de résistance afin d’étudier la structure et l’évolution des populations ainsi que les caractéristiques phénotypiques de souches anciennes et récentes. Dans le cadre de ce projet des carottes de sédiments seront prélevées le long de la façade Manche-Atlantique française dans différents écosystèmes particulièrement exposés aux proliférations de microalgues toxiques. Le (la) candidat (e) sera amené (e) à se former à différentes disciplines scientifiques (morphologie et écologie, physiologie, génétique des populations et metabarcoding). - Abstract Keywords: phytoplankton, paleoecology, coastal ecosystems, temporal variations, anthropogenic forcing, invasive species, harmful algal blooms (HABs), metabarcoding, cysts, functional adaptation, community evolution. Phytoplankton species can be considered as proxies of water quality as they respond fast to environmental changes thanks to their rapid life cycles. In particular the proliferations of harmful microalgae (Harmful Algal Bloom, HAB) along French coasts are an increasing ecological, economical and sanitary threat for coastal ecosystem management. In the frame of this thesis we will analyze how whole phytoplankton communities changed across the last decades under different environmental forcings (use of coastal ecosystem, variation of N/P ratio, climatic changes). Are earliest phytoplankton species adapted to new environmental conditions or have they been replaced by more competitive ones? Have harmful species been newly introduced in French coastal ecosystems or originally present and becoming able to proliferate with time? In the frame of this PhD thesis in order to try to answer to these open ecological questions, the biological traces preserved in coastal sediments will be exploited. In stratified sediments, the structure of ancient population can be potentially stored across time. Indeed several phytoplankton species are known to form resting stages (cysts and spores) that can survive after several years in sediments. These forms can be revived in culture and used for ecophysiological experiments and analyses of the genetic population structure. In addition DNA traces can be preserved in sediments (especially in anoxic layers) and be genetically analyzed by highthroughput genetic sequencing. In the frame of this project sediments cores will be sampled in French Atlantic and English Channel coastal ecosystems particularly affected by proliferation of HAB species. The PhD student will be involved in different scientific disciplines (morphology and ecology, physiology, genetics and metabarcoding). - Profil de candidature souhaitée (en français et en anglais pour affichage sur les sites. Cette information figurera sur l’appel à candidatures et permettra à la source de sélectionner les candidatures les plus adaptées au sujet). - Formation en biologie et écologie microbienne - Connaissance des techniques de base de génétique (extraction de l’ADN, PCR, clonage) et de microscopie (comptages cellulaires) - Connaissance de base de bioinformatique (utilisation de Linux) et statistique (logiciel R) souhaitable - Habilité au travail de terrain - Connaissance de l’anglais (parlé et écrit) - Education in microbial ecology and biology - Knowledge of basic genetic (DNA extraction, PCR, cloning) and microscopy (cell counting) techniques - Basic knowledge of bioinformatics (Linux) and statistic (software R) tools are desirables - Field sampling capacities - Knowledge of spoken and written English Détail du projet 1. Contexte scientifique ou technologique Au cours du siècle passé, l’intensification des pratiques agricoles a engendré une augmentation considérable des concentrations en azote et phosphore dans les bassins versants, ce qui a entrainé des apports en nutriment déséquilibrés en zone côtière. Cette augmentation des apports (eutrophisation) s’est traduite par une augmentation de la biomasse phytoplanctonique (Diaz et al. 2008), et a été associée à des déséquilibres trophiques (dystrophie). On remarque par exemple une augmentation du rapport N/P de 40 à 80 au cours des 40 dernières années (Guillaud et al. 2007), ce qui a entraîné un changement de la structure des communautés (Philippart et al. 2000) et la recrudescence des efflorescences algales toxiques (Hallegraeff 2010). La compréhension de ces changements est cependant limitée car la composition des communautés phytoplanctoniques antérieure à la mise en place des réseaux de surveillance (par exemple le REPHY) est relativement méconnue. L’étude des traces biologiques (formes de résistances et ADN fossile) préservées dans les sédiments pourrait permettre de contourner en partie ce problème. Les analyses morphologiques des formes de résistances phytoplanctoniques ont permis de documenter les successions de communautés sur des périodes de quelques dizaines d’années à plus de 10 000 ans (StoofLeichsenring et al, 2012; Mudie et al, 2002). De plus, de l’ADN fossile a pu être extrait de sédiments très anciens (Coolen et Overmann 2007; Boere et al, 2011) et être utilisé pour caractériser l’évolution des espèces (Coolen 2011) ou l’évolution des communautés phytoplanctoniques (Stoof-Leichsenring et al, 2012). Les formes de résistances du phytoplancton, y compris ceux d’espèces toxiques comme le dinoflagellé Alexandrium minutum et les diatomées Pseudo-nitzschia spp, peuvent rester dormants pendant de nombreuses années dans les sédiments et l’ADN qu'ils contiennent est naturellement protégé. Les facteurs abiotiques (température, concentrations de sel nutritifs, irradiance, stabilité de la colonne d'eau, etc.) et les rythmes endogènes associés (Anderson et Rengefors, 2006) qui contrôlent la germination ainsi que la multiplication d'A. minutum et de Pseudo-nitzschia spp. ont été étudiés in situ et in vitro (Garcés et al, 2004; Trainer et al, 2012). Grâce à ces connaissances, des kystes de dinoflagellés et de diatomées datant de plusieurs dizaines d’années ont pu être remis en culture (Ribeiro et al, 2011; Härnström et al, 2011), y compris des kystes d'Alexandrium (Miyazono et al, 2012) et des spores de Pseudo-nitzschia spp. (Lundholm et al, 2011). Ce matériel biologique représente une trace vivante des communautés du passé et de leur adaptation aux conditions environnementales. Si le nombre de souches est suffisantes, nous étudierons également la structure génétique des populations de certaines espèces invasives ou envahissantes toxiques. Liste de références : Anderson D.M., K. Rengefors (2006). Community assembly and seasonal succession of marine dinoflagellates in a temperate estuary: The importance of life cycle events. Limnol Oceanogr 51: 860–873. Boere A.C, Rijpstra W.I.C., De Lange G.J., Sinninghedamsté J.S, Coolen M.J.L. (2011). Preservation potential of ancient plankton DNA in Pleistocene marine sediments. Geobiology 9: 377-393. Coolen M.J.L. (2011). 7000 Years of Emiliania huxleyi viruses in the Black Sea. Science 333: 451–452. Coolen M.J.L., Overmann J. (2007). 217 000-year-old DNA sequences of green sulfur bacteria in Mediterranean sapropels and their implications for the reconstruction of the paleoenvironment. Environ Microbiol 9: 238–249. Diaz R.J., Rosenberg R. (2008). Spreading dead zones and consequences for marine ecosystems. Science 321: 926-929. Garcés E., Bravo I., Vila M., Figueroa R.I., Masó M., Sampedro N. (2004). Relationship between vegetative cells and cyst production during Alexandrium minutum bloom in Arenys de Mar harbour (NW Mediterranean). J. Plankton Res 26: 637-645. Guillaud J. F., Bouriel L. (2007). Relation concentrationdébit et évolution temporelle du nitrate dans 25 rivières de la région Bretagne (France). Rev Sci Eau 20: 213-226. Hallegraeff G.M. (2010). Ocean climate change, phytoplankton community responses, and harmful algal blooms: formidable predictive challenge. J Phycol 46: 220-235. Härnström K., Ellegaard M., Andersen T., Godhe A. (2011). Hundred years of genetic structure in a sediment revived diatom population. Proc Natl Acad Sci USA. 108: 4252–4257. Lundholm N., Ribeiro S., Andersen T.J., Koch T., Godhe A., Ekelund F., Ellegaard M. (2011). Buried alive – germination of up to a century-old marine protist resting stages. Phycologia 50: 629-640. Miyazono A., Nagai S., Kudo I., Tanizawa K. (2012). Viability of Alexandrium tamarense cysts in the sediment of Funka Bay, Hokkaido, Japan: over a hundred year survival times for cysts. Harmful Algae 16: 81-88. Mudie P. J., Rochon A., Levac E. (2002). Palynological records of red tide-producing species in Canada: past trends and implications for the future. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 180: 159-186. Philippart C. J. M., Cadée G. C., van Raaphorst W., Riegman R. (2000). Long-term phytoplankton nutrient interactions in a shallow coastal sea: algal community structure, nutrient budgets, and denitrification potential. Limnol Oceanogr 45: 131–144. Ribeiro S., Berge T., Lundholm N., Andersen T. J., Abrantes F., Ellegaard M. (2011). Phytoplankton growth after a century of dormancy illuminates past resilience to catastrophic darkness. Nature Commun 2: 311. Stoof-Leichsenring K. R, Epp L. S., Trauth M. H., Tiedemann R. (2012). Hidden Diversity in Diatoms of Kenyan Lake Naivasha: a Genetic Approach Detects Temporal Variation. Mol Ecol 21: 1918–1930. Trainer V.L., Bates, S.S., Lundholm N., Thessen A.E., Cochlan W.P., Adams N.G., Trick C.G. (2012). Pseudo-nitzschia physiological ecology, phylogeny, toxicity, monitoring and impacts on ecosystem health. Harmful Algae 14: 271-300. 2. Originalité et le caractère innovant du projet Ce projet de thèse combine différentes disciplines scientifiques (biologie, écologie, palynologie, génétique et physiologie) de manière innovante et moderne. Les approches moléculaires n'ont que très peu été utilisées en paléoécologie bien qu'elles puissent permettre de suivre l'évolution des communautés phytoplanctoniques totales, ainsi que de groupes d’intérêts et de taxa cibles. Dans la cadre de la thèse il est envisagé de faire germer les formes de résistances (plus ou moins anciennes et conservées vivantes à l’état quiescent au sein des sédiments. Si la mise en culture de formes de résistances datant de plusieurs dizaines d'années a déjà été rapportée (voir contexte scientifique), elle n'a jamais été utilisée pour comparer les performances physiologiques de souches du passé et souches actuelles d’une même espèce et tracer la diversité et la structure génétique des populations de l’espèce au cours du temps. L’évolution de la diversité génétique des communautés phytoplanctoniques au fil du temps peut également être analysée aujourd'hui grâce aux techniques de séquençage à haut débit (pyrosequencage, metabarcoding). L’histoire d’une invasion d'une espèce toxique pourrait donc théoriquement être documentée, et comparée aux données du réseau de surveillance du REPHY, ce qui est tout à fait inédit. 3. Les approches méthodologiques L’étudiant en thèse utilisera une approche par PCR quantitative (qPCR) spécifique d'espèces modèles pour détecter et quantifier leur présence dans les différentes strates sédimentaires préalablement datées. Pour retracer l’évolution de la communauté phytoplanctonique totale du passé en relation avec celle des espèces toxiques, nous utiliserons le séquençage à haut débit de l’ADN environnemental (454-pyroséquençage, jusqu’à 1 million de séquences par échantillon). Cette nouvelle technologie de séquençage permet d'envisager des réductions de coût de deux ordres de grandeur par séquence produite et donc d’obtenir un niveau de résolution taxinomique de la communauté phytoplanctonique jamais atteint auparavant. Nous nous attacherons à caractériser les communautés de la façon la plus exhaustive possible et sans a priori : sans se limiter au niveau de l'espèce ou de la classe, comme effectué jusqu'à présent en paléoécologie. L’efficacité du séquençage massif sur de l’ADN préservé dans les sédiments récents (couche superficielle) a été déjà démontrée dans le cadre de l’ANR Biomarks (www.biomarks.eu). De plus une base de données complète et taxonomiquement fiable a récemment été développée pour la taxonomie moléculaire du phytoplancton et plus particulièrement celle impliquant des données issues des nouvelles technologies de séquençage (Guillou et al, 2012; http://ssu-rrna.org/). Les expérimentations en milieux contrôlés envisagées dans la cadre de la thèse avec des souches de différentes 'époques' permettront de tester si les espèces se sont véritablement adaptées aux changements environnementaux qui ont eu lieu au cours du siècle passé. Il s’agira de comparer les réponses adaptatives à des changements environnementaux, en termes de taux de croissance, des souches plus ou moins anciennes dans des conditions environnementales contrastées mimant notamment les modifications du ratio N/P observées lors du siècle passé. Les groupes d’espèces toxiques A. minutum et Pseudo-nitzschia spp. seront privilégiés dans cette étude. La structure génétique des populations pourra également être étudiée par l’utilisation de marqueurs microsatellites (déjà utilisés dans le cadre de Paralex, en collaboration avec l’équipe de Myriam Valéro, Station Biologique de Roscoff) en fonction du nombre de souches obtenues en culture pour chaque espèce. Ces modèles ont été choisis du fait i) de la répétitivité et des impacts négatifs de leurs efflorescences sur les activités humaines le long du littoral français; ii) de nos capacités à mettre en place des expérimentations sur ces modèles (germination et mise en cultures facilement reproductibles en laboratoire, taux de croissance relativement rapide, reproduction sexuée connue, etc) ; iii) de l’expérience acquise par le laboratoire DYNECO/Pelagos et la Station Biologique de Roscoff (participant au projet de thèse avec l’encadrement de L. Guillou) sur ces deux modèles; iv) des informations disponibles dans la littérature (écologie, physiologie, gène cibles pour le barcode et les amplifications directes). 4. Identification des avancées qui donneront lieu à publication, Les traces biologiques préservées dans les sédiments (stades de résistance et ADN fossile) n’ont été que peu utilisées pour répondre aux questions d’écologie microbienne. Cet axe de recherche est donc encore exploratoire et prometteur. Les informations qui seront obtenues dans le cadre de la thèse pourront donner lieu à des publications qui décrivent : - l’invasion des espèces toxiques sur le littoral français et les raisons de leur succès écologique ; - l’évolution de la totalité des communautés phytoplanctoniques dans le temps suite aux changements de l’écosystème côtier en utilisant l’approche de metabarcode ; - la comparaison des patrons écologique, génétique et morphologique (donnée REPHY) au niveau des communautés et des espèces. Les échantillons (ADN et cultures) obtenues dans le cadre de cette thèse pourront par la suite être utilisés pour répondre à d’autres questions scientifiques d’évolution, d’interaction et d’écologie. 5. Les collaborations Au niveau national (partenaire dans le projet EC2CO Palmito) - Station Biologique de Roscoff - CNRS/UPMC (génétique) - EPOC (Environnement et Paléoenvironnement Océaniques et Continentaux-Université de Bordeaux) (datation de sédiments) - CNRS UMR 7138 (Parc Valrose Université de Nice) (bioinformatique) Autres collaborations envisagées au niveau national : - UMR CNRS/UBO/IRD/Ifremer Lemar (Laboratoire de Science de l’Environnement marin) (metabarcode) - UMR CNRS EDYTEM Université de Savoie & UMR INRA CARRTEL de Thonon (paléoécologie de lacs) Au niveau international (partenaires du projet européen Biodiversa) - Departement de Marine Ecology, Université de Lund et Gothenburg, Suède (Dr. Anna Godhe et Dr. Rosa Figueroa) - Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research (AWI), Allemagne (Dr. Uwe John)