Les combats de la Résistance contre l`occupant nazi et le régime de

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Archives départementales de l’Yonne
Service éducatif
Programme d’Histoire de Première
Thème : Les Français et la République
Question : La République, trois républiques
Les combats de la Résistance
contre l’occupant nazi et le régime de Vichy
dans l’Yonne :
les ennemis
Dossier documentaire réalisé par
Frédéric Gand
professeur du service éducatif
Avril 2012
La leçon sur les combats de la Résistance se doit d’expliquer quels ennemis
combattaient les résistants. Dans la mesure où le programme ne prévoit pas de véritable
leçon sur l’occupant nazi ni sur l’État français, ce dossier propose une partie préalable sous
forme d’étude de documents. Celle-ci est assortie de commentaires et de pistes
pédagogiques.
Un diaporama (document annexe) est une solution complémentaire à proposer aux
élèves. Un questionnaire indicatif y accompagne chaque document.
Ces aspects peuvent être par ailleurs abordés lors d'une séance de travail aux
archives départementales, animée par le Service éducatif.
Programme d’Histoire de Première–Les combats de la Résistance
1. L'intérêt du dossier
-Quelle leçon du programme ?
Thème 5 - Les Français et la République (15-16 heures)
Questions
La République,
trois républiques
Mise en œuvre
- L'enracinement de la culture républicaine (les décennies 1880 et 1890)
- Les combats de la Résistance (contre l'occupant nazi et le régime
de Vichy) et la refondation républicaine
- 1958-1962, une nouvelle République
- Quel objectif pédagogique ?
Ce dossier ne se propose pas d’étudier les combats de la Résistance, mais les conditions
dans lesquelles elle s’est constituée. À l’aide de documents significatifs, il est possible de dégager le
contexte qui fit basculer les hommes dans la clandestinité. L’identification des ennemis de la
Résistance est ainsi facilitée et l’étude des combats s’en trouve justifiée.
Deux pistes sont proposées en application du programme :
1. Présenter l’occupation nazie et le régime de Vichy ;
2. Présenter des « études significatives et mises en perspective » avec « une réflexion critique sur
des sources de nature différente ». Le programme précise aussi que « le professeur (…) a la
possibilité notamment de construire son propre itinéraire en fonction de son projet pédagogique ».
- Quelle mise en œuvre pédagogique ?
Le dossier se compose de deux sous-parties :
1. L'occupant allemand
2. Le gouvernement de Vichy, soutien de l’occupant
Le dossier aborde indirectement la collaboration d’État qui aura déjà été étudiée dans un
thème précédent du programme (La guerre au XXème siècle/ la Seconde Guerre mondiale, une
guerre d’anéantissement : le génocide des juifs et des tziganes) et réintroduit d’un même mouvement
chronologie et cohérence.
- Quel intérêt documentaire ?
Les documents sont essentiellement issus du versement 1 W [cabinet du Préfet durant la
Seconde Guerre mondiale] qui constitue un ensemble documentaire très riche pour l'histoire locale de
cette période. La vie sous l’Occupation (défense passive, pouvoirs locaux, prisonniers de guerre,
réquisition…) ou la déportation raciale (rafles) constituent d’autres pistes de recherche à consulter aux
archives départementales. Les élèves apprécieront ces documents enracinés dans leur
environnement proche. Il est d'ailleurs envisageable de les faire travailler en autonomie sous forme
d’un diaporama assorti d’un questionnaire.
Service éducatif des archives départementales de l’Yonne – avril 2012
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Programme d’Histoire de Première–Les combats de la Résistance
2. Le dossier pédagogique
Partie 1 : L'occupant allemand
Au soir du 14 juin 1940, les troupes allemandes sont signalées dans le nord du Sénonais.
Deux jours plus tard, le 16 au soir, le département est totalement contrôlé par l'armée allemande.
Dans les jours qui suivent, les Allemands s’installent et font régner la loi du vainqueur. S'impose alors
un ordre allemand très contraignant, rapidement suivi par le pillage des ressources puis un peu plus
tard par les réquisitions de main d’œuvre.
1.1 L’ordre allemand
Document n° 1
L’entrée en vigueur de l'armistice, 25 juin 1940
Ce document justifie la signature de
l'armistice par le maréchal Pétain et fait du
Royaume-uni, l’ancien allié de la France, un
ennemi. Il fait allusion, sans les citer, aux rigueurs
imposées à la France « les conditions de
l’armistice » et préfère détourner l’attention sur la
République, accusée de donner une image
négative des soldats allemands. L’Allemagne est
pratiquement présentée comme une alliée.
L’attention des élèves est à attirer sur la
nature du document : une reproduction d’une
affiche de propagande allemande, placardée dans
le département. Il peut être aussi utile de
s’interroger sur la liberté de la presse, en
l’occurrence L'Informateur auxerrois, qui s’était
provisoirement substitué au Bourguignon lors de
l’invasion du département (Le Bourguignon est
l’ancêtre de l’Yonne républicaine).
La Kommandantur d’Auxerre est le centre
de commandement de la Wehrmacht dans
l’Yonne, l’armée d’Occupation allemande. Le
Feldkommandant en est l’homme fort. Les
Allemands,
qui
se
sont
adaptés
aux
circonscriptions départementales de la zone
occupée, sont également représentés par des
Kreiskommandantur dans les deux souspréfectures de Sens et d’Avallon.
L'Informateur auxerrois, 2 juillet 1940,
arch. dép. Yonne, PER 1013/43.
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Document n° 2
Les soldats allemands dans l’Yonne : des officiers sortant du camp d’Auxerre-Monéteau (actuelle avenue
Jean-Mermoz )
La présence militaire allemande est forte jusqu’en juin 1941, date de l’invasion de l’URSS, et se concentre
dans les centres urbains. L’armée allemande, la Wehrmacht, ne doit pas faire oublier d’autres organismes
d’occupation comme la Feldgendarmerie, une police militaire chargée des contrôles routiers et des arrestations.
Celle-ci est souvent confondue avec la Gestapo à cause des plaques de poitrine et des manteaux de cuir de ses
soldats. La Gestapo n’est pas présente dans l’Yonne avant 1942.
Coll. P. Bertin (www.cheny.net),
arch. dép. Yonne, cotation en cours.
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Document n° 3
Les soldats allemands dans l’Yonne : la caserne Hindenburg, actuel lycée Vauban à Auxerre
Dans les villes, les Allemands occupent de nombreuses maisons bourgeoises, les casernes, les écoles et
tous les bâtiments de leur choix. Des panneaux indicateurs en allemand font leur apparition, un couvre feu est établi
tandis que les réunions publiques sont interdites.
Coll. P. Bertin (www.cheny.net),
arch. dép. Yonne, cotation en cours.
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Document n°4
Les soldats allemands dans l’Yonne : des soldats allemands en permission dans le vieux Joigny
Coll. P. Bertin,(www.cheny.net),
arch. dép. Yonne, cotation en cours.
Il est important de faire saisir aux élèves la pesanteur de cette occupation militaire. Le
croisement des documents y invite. Les Allemands, sont assez nombreux pour quadriller le
département, dont ils contrôlent strictement la population. Des réactions de refus et des sentiments
patriotiques sont donc fréquents dans l’opinion.
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1.2 Le poids des réquisitions allemandes
L’occupant impose d’énormes réquisitions prioritaires qui pèsent d’abord sur la production
agricole du département. Une bonne partie en est envoyée en Allemagne. Le service du
Ravitaillement général, sous contrôle du préfet, doit d’abord satisfaire les Allemands avant de
ravitailler la population. Dans les faits, ce sont les Icaunais qui sont spoliés. Au fil des mois la
répartition des impositions (par commune) se fait plus rigoureuse et contraint la population à vivre un
rationnement (cartes et tickets) toujours plus sévère. Ainsi en juillet 1941, le directeur du
Ravitaillement général diminue la ration de viande de la population icaunaise pour fournir une plus
grande quantité de viande aux Allemands.
Document n° 5
Le préfet face au pillage allemand des ressources agricoles, 1941
Appel du préfet Bourgeois aux cultivateurs de l'Yonne,
arch. dép. Yonne, 1 W 18.
En octobre 1941, les réquisitions allemandes pèsent déjà lourdement sur la population de
l'Yonne et « les besoins de la population (…) ne sont encore qu’imparfaitement assurés. » Le préfet et
le service du Ravitaillement général lancent un appel à la solidarité des « cultivateurs de l’Yonne »
dans l’attente de livraisons de pommes de terre supplémentaires.
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Le Ravitaillement général qui contrôle le prix des denrées pour éviter l’inflation ne peut
empêcher l’existence d’un marché parallèle clandestin : le marché noir. Certains paysans en profitent,
d’autres résistent par méfiance. Mais c’est l’importance des réquisitions allemandes qui explique avant
tout la pénurie. Les élèves peuvent facilement comprendre que les Français sont rationnés.
Document n° 6
Le sous-préfet de Sens sollicite les paysans, 1941
Appel aux paysans de l'arrondissement de Sens du sous-préfet de Sens Stéphane Leuret,
arch. dép. Yonne, 1 W 20.
L’intérêt de cette affiche est de montrer que Vichy minimise ce problème dont il rend les
paysans responsables. Le sous-préfet Leuret, très vichyste, appelle la paysannerie au civisme au nom
de la « solidarité nationale » et les accuse de ne pas livrer « tout le grain » ; il compte aussi sur les
maires pour « se surpasser ».
Les élèves pourront déduire que le système fonctionne mal et que cet appel cherche à lutter
contre la résistance des paysans. Cette pénurie est en tous cas une source de mécontentement
quotidienne des Icaunais.
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1.3 Les réquisitions de main d’œuvre
À partir de 1942, les Allemands mobilisent leurs ouvriers pour renforcer leurs troupes sur le
front russe. Ils compensent ces pertes par la mobilisation de main d’œuvre dans les pays qu’ils
occupent. En France, Vichy favorise cette politique par une propagande d’incitation au travail
volontaire puis par le système de la Relève. Mais le nombre d’ouvriers reste beaucoup trop faible : en
1943, ils procèdent, toujours avec l’aide du gouvernement de Vichy, à des réquisitions de main
d’œuvre. C’est le Service du travail obligatoire (STO) qui convoque les jeunes gens principalement
nés entre 1920 et 1923.
Document n° 7
L'échec du travail volontaire, 1942
Brochure de propagande en faveur du travail volontaire en Allemagne,
arch. dép. Yonne, 1 W 136.
En 1942, les Allemands chargent Vichy de recruter pour eux. Un Bureau français de
recrutement des travailleurs pour l’Allemagne est mis en place et fait le tour des usines françaises. Il
propose aux ouvriers de signer des contrats en leur proposant de meilleurs salaires et en leur faisant
miroiter de meilleures conditions de vie. Cette brochure est à resituer dans ce contexte et a été
imprimée pour l’ensemble de la France.
Dans l’Yonne, les ouvriers démarchés ont dû passer une visite médicale avant d’être
définitivement embauchés. À partir du printemps 1942, la multiplication des fronts et leur enlisement
sur le front de l’Est conduisent les Allemands à accroître leurs exigences. Vichy leur propose, en juin
1942, le système de la Relève, c’est-à-dire le départ volontaire de trois travailleurs français en
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Allemagne en échange de la libération d’un seul prisonnier de guerre français. L’opération est un
échec.
Dans l’Yonne, le nombre de volontaires est resté très inférieur aux demandes allemandes. En
octobre 1942, la Feldkommandantur d’Auxerre attendait un contingent de 2 400 manœuvres et de
619 spécialistes ; il n’y eut que 850 départs au cours du mois de novembre 1942. Cette situation était
fréquente dans les autres départements.
Document n° 8
Les premières convocations au Service du travail obligatoire (STO), 1943
Avis du Feldkommandant d'Auxerre (1943),
arch. dép. Yonne, 1 W 136.
Cette affiche permet d’illustrer la convocation au STO des jeunes Icaunais. Plusieurs
questions peuvent être aisément posées sur les lieux de convocation, sur les modalités, sur le rôle
des maires et sur les personnes susceptibles de sanctions. On notera qu’« aucune exception » n’était
admise. En revanche, il était prévu des exemptions notamment dans l’agriculture. Elles seront
rapidement supprimées.
Ces premiers contingents de jeunes se sont rendus massivement aux centres, sans doute par
peur de sanctions. Mais à partir de mai 1943, nombreuses ont été les défections. Le gouvernement
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réagit et lance la chasse à ces « réfractaires ». La présentation d’une carte de travail est nécessaire
pour obtenir des cartes et des tickets d’alimentation tandis que la police multiplie les contrôles
identitaires dans les lieux publics (les cafés et les hôtels, les cinémas et les théâtres, les quais de
gares, les rues..). Dans l’Yonne, à l’été 1943, des milliers de jeunes sont contrôlés. Ceux qui ne sont
pas en règle sont expédiés en Allemagne (environ 70 individus).
Ces mesures grossissent le nombre des réfractaires. Les citadins fuient les villes et rejoignent
à la campagne les ruraux qui s’y cachent déjà. Les contrôles y sont beaucoup moins fréquents et plus
difficiles à mettre en œuvre. A l’automne 1943, sur 5 000 convoqués, un tiers est défaillant. Ces
réfractaires constituent la clientèle des organisations de résistance et des premiers maquis.
Document n° 9
L’état d’esprit des jeunes Icaunais convoqués au STO, 1943
En juin 1943 : « C’est à contrecœur que les jeunes gens partent travailler en Allemagne ; ils sont toujours hostiles à
l’esprit de collaboration et ne se soumettent que dans la crainte des mesures annoncées (…) ».
En novembre 1943 : « Les jeunes sont décidés à ne pas partir travailler en Allemagne. Beaucoup approuvent les
terroristes [c’est-à-dire les résistants] et les rejoindraient si besoin était (…) ».
Extraits de rapports de gendarmerie (1943),
arch. dép. Yonne, 1 W 23 et 25.
Une question croisée, portant sur les documents 7, 8 et 9, permettra aux élèves de faire le
lien entre STO et Résistance. Les réfractaires sont tentés de rejoindre la Résistance et nombre d’entre
eux le fera.
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Partie 2 : Le gouvernement de Vichy, soutien de l’Occupant
L’ordre allemand s’est imposé avec le soutien du gouvernement de Vichy. Cette collaboration,
prévue par « les conditions de l’armistice », évoquées dans le document n° 1, était un accord entre
l’occupant et Vichy. Le maréchal Pétain, assuré de la pérennité de l’État français, pouvait proclamer la
souveraineté de son gouvernement (notamment en zone sud), et surtout mettre en œuvre sa politique
réactionnaire et autoritaire. De leur côté, les Allemands pouvaient économiser des troupes
d’Occupation, tirer de solides avantages matériels du territoire français et même sous-traiter leur
politique de déportation des Juifs. Le gouvernement de Vichy s’est donc progressivement coupé des
Français et s’est aliéné son adhésion. Il est possible de le présenter sous trois angles : un régime
autoritaire et personnel, un régime d’exclusion, un régime pratiquant la collaboration d’État.
2.1 Un régime autoritaire et personnel
Document n°10
Le chef de « l’État français », 1941
Brochure,
arch. dép. Yonne, 1 W 138.
Le maréchal Pétain est devenu Président du conseil (chef du Gouvernement) le 16 juin 1940
alors que la France était en pleine déroute militaire. Le 22 juin, il a signé l’armistice franco-allemand,
reconnaissant la défaite de la France. Le 10 juillet 1940, à Vichy, les députés et les sénateurs de la
IIIe République lui ont voté les pleins pouvoirs constitutionnels. Aucun des parlementaires de l'Yonne
qui y étaient présents n’a voté contre lui : la moitié d'entre eux, deux conservateurs et deux hommes
de gauche, lui votent même les pleins pouvoirs (comme P. E. Flandin et M. Roldes).
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L’État français, qui remplace la République, est couramment désigné par l'expression
« régime de Vichy ». Dans ce régime autoritaire, les citoyens ne votent plus, les syndicats et les partis
politiques sont supprimés, les libertés sont restreintes.
Cette image est la page de garde d’une brochure distribuée dans les écoles du Sénonais en
1941. Le sous-préfet, très maréchaliste, a joué de son influence pour diffuser une image positive du
maréchal. Il y est demandé aux écoliers de recopier le message de Pétain et de « penser souvent au
bon grand-père qui les aime tant. »
Plusieurs questions sont possibles sur cette forme de propagande. Les élèves peuvent
repérer dans le texte les titres et fonctions de Pétain (maréchal et chef de l’État) puis s’interroger sur
la nature de son pouvoir. Ils peuvent aussi relever ses actions pour dégager son statut de sauveur.
L’idée de vainqueur de Verdun, de défenseur de la Patrie et de sauveur de la France s’enchaînent
tacitement. Enfin le rôle du « bon grand-père » est à expliquer. L’image peut être décrite en liaison
avec le texte. La tenue (uniforme, képi et médaille) et la posture protectrice du maréchal font de lui un
homme fort, mais aussi un protecteur. Au fil de la guerre, cette image de défenseur des Français
s’affaiblit et, malgré un grand renfort de propagande, le décalage se creuse inexorablement entre le
discours officiel et la réalité d’un pouvoir autoritaire, faible et dévoué aux Allemands. Les Français se
détachent de Pétain et de son régime.
2.2 Un régime d’exclusion : « l’anti-France »
Document n° 11
Le camp d’internement de Saint-Denis (nord de Sens), 1941
arch. dép. Yonne, 1 W 468.
Pétain a expliqué la défaite par la trahison et a désigné des boucs émissaires. Il les a souvent
amalgamés sous l’appellation d’« anti-France », une association de traîtres qui aurait vendu la France
aux Allemands ou qui ne l’aurait pas bien défendue, par absence de sentiment patriotique. Pour le
nouveau pouvoir vichyste, l’amour de la France ne peut exister chez les Juifs, trop préoccupés par
leur intérêt, ni chez les communistes, d'abord obéissants à Moscou et très internationalistes. Pour lui,
les francs-maçons, adeptes du complot, font passer leurs sociétés secrètes avant la Nation, sans
oublier les étrangers (Espagnols, Polonais..) qui sont venus en France pour profiter de ses avantages.
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Pétain mène donc une politique de redressement national et d’« assainissement » de la
France. Le redressement est lancé en 1941 par une série de réformes baptisées « Révolution
nationale » et dont le slogan est « Travail, Famille, Patrie ». Elle a donné lieu à une grande entreprise
de propagande dont sont issus certains documents du dossier (n° 7, n° 10).
L’« assainissement » s’est fait par une lutte contre les ennemis de la Nation : « l’anti-France ».
Cette politique d’exclusion est marquée dans l’Yonne par l’ouverture de trois camps d’internement :
celui de Vaudeurs pour les internés politiques (surtout communistes), de Saint-Maurice-aux-RichesHommes pour les étrangers et les Tziganes et de Saint-Denis pour diverses catégories d’internés,
dont les étrangers. Ces trois camps se trouvent dans l’arrondissement de Sens, celui du sous-préfet
pétainiste Stéphane Leuret.
Document n°12
Les trois camps d’internement dans l’Yonne
Concep. Serv. Éducatif. des archives départementales de l'Yonne
Le camp de Saint-Denis, créé en février 1941 à l’initiative du sous-préfet de Sens Stéphane
Leuret, a d’abord servi à l’internement des étrangers (en grande majorité des Polonais) puis assez
rapidement à celui des internés du marché noir. Son effectif a oscillé entre 100 et 200 personnes. Il a
servi de réserve de main d’œuvre pour l’agriculture ou la station-magasin de Sens, mais aussi pour le
Service du travail obligatoire en Allemagne.
La situation était à peu près identique pour le camp de Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes
mais à une plus vaste échelle. Cet ancien camp de réfugiés espagnols accueillait environ 500
personnes dans de très mauvaises conditions de vie. Il s’agissait essentiellement d’étrangers évacués
par les Allemands de la zone « interdite » (bordant la côte atlantique) et appelés « indésirables »
(Polonais, Tziganes..).
Quant au centre de séjour surveillé à Vaudeurs, il n’a fonctionné que de décembre 1940 à
décembre 1942. Dans le château réquisitionné par la Préfecture sont surtout enfermés des internés
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« politiques », majoritairement communistes, auxquels s’ajoutent des détenus pour faits de marché
noir ou d’abattage clandestin. L’effectif ne dépassait pas quelques dizaines de personnes.
Les élèves pourront localiser les camps sur la carte puis décrire celui de Saint-Denis
(surveillance, grillage, baraquements provisoires.). Cette politique répressive n’a pas manqué de
choquer les Français, soucieux de valeurs humanistes et a poussé certains dans la Résistance, aux
premiers rangs desquels figuraient des communistes et des étrangers (Républicains espagnols,
Italiens..).
2.3 La déportation des Juifs : un exemple de collaboration d’État
Cette sous-partie peut être abordée plus rapidement si la leçon sur la déportation a déjà été
faite.
Document n°13
Joseph Parus confie ses enfants à une proche lors de la rafle du 13 juillet 1942
Attestation de Joseph Parus pour la remise de ses enfants à Mme Tassy (13 juillet 1942),
arch. dép. Yonne, 1 W 161.
Ce sont les Juifs étrangers qui sont visés par la première rafle dans l’Yonne. Elle a été prévue
quelques jours avant la rafle du Vélodrome d’hiver à Paris. Les Juifs sont arrêtés, internés à Auxerre
et à Sens puis sont transférés vers le camp de Pithiviers. Le préfet régional adresse alors un
télégramme au préfet de l'Yonne :
« Tous les Juifs de 16 à 45 ans inclus des deux sexes de nationalité polonaise, tchécoslovaque,
russe, allemande et précédemment autrichienne, grecque, yougoslave, norvégienne, hollandaise,
belge, luxembourgeoise et apatride devront être immédiatement arrêtés et transférés dans le camp de
concentration de Pithiviers. (…) Stop. Arrestations devront être commencées rigoureusement le
12 juillet courant. Stop. Elles devront être intégralement exécutées le 13 juillet à 20 heures. Stop. Juifs
arrêtés devront être livrés le 15 juillet à vingt heures dernier délai camp de concentration. Stop. »
(arch. dép. Yonne, 1 W 161).
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Les enfants de moins de seize ans ne sont pas déportés avec leurs parents. Des voisins ou
des membres de la famille peuvent les garder à la condition que leurs parents les leur confient. D’où
ces feuilles de papier où ont été griffonnés à la hâte quelques mots dans l’espoir d’assurer la sécurité
des enfants (document n° 13).
Treize enfants sont ainsi confiés à des particuliers, et six à l'Assistance publique. Peu de
temps après, le préfet régional ordonne que tous les enfants soient remis à l’Union Générale des
Israélites de France. Ceux qui les avaient accueillis durent les rendre et les confier à l'Assistance
publique à Auxerre, qui les conduisit à Paris. Si Léon et Roger Parus échappent à la déportation, les
enfants du médecin Hess de Maligny, Roger et Henriette, sont arrêtés en février 1944 et connaissent
un sort tragique.
Document n°14
Le préfet de l’Yonne organise le transfert des Juifs à Drancy, octobre 1942
Lettre du préfet au commandant de gendarmerie à Auxerre (10 octobre 1942),
arch. dép. Yonne, 1 W 161.
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L’Yonne n’a pas échappé à la mise en œuvre de la « Solution finale ». Environ 150 Juifs,
c’est-à-dire la moitié des Juifs résidant dans l’Yonne à cette époque, ont été déportés au cours de
trois rafles principales : en juillet et octobre 1942 et en février 1944. Il n’y a eu que quelques
survivants.
Au cours de cette seconde rafle, le préfet donne des instructions au commandant de
gendarmerie pour l’organisation du transfert. Les élèves pourront relever les mesures et étapes de
cette mission de transfert. Il serait utile de leur faire préciser le rôle des acteurs respectifs.
L’attention peut aussi se porter sur le dernier paragraphe et sur son souci administratif
d’obtenir une « décharge de ces internés ».Ces mesures n’ont pas manqué de choquer les Icaunais,
notamment lors de la rafle de février 1944 qui touchait les Juifs français. Certains d’entre eux ont
même caché des Juifs (on leur donne aujourd’hui le titre de Justes), alors que plusieurs gendarmes
ont mené leurs arrestations sans zèle.
Document n° 15
La chaîne de commandement de la collaboration d’État
Concep. Serv. éducatif des archives départementales de l'Yonne.
Cet organigramme présente simplement les rouages de la collaboration. Le gouvernement de
Vichy et son administration sont sous tutelle allemande. Qu’il s’agisse de dresser la liste des Juifs à
arrêter ou de donner le calendrier des rafles, l’administration agit froidement et transmet efficacement
ses ordres par télégramme et par courrier.
Pour aller plus loin :
•
Un département dans la guerre (1939-1945) : occupation, collaboration et Résistance dans
l'Yonne. (ouvrage collectif), 2007.
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