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Avant le début de la Seconde Guerre mondiale, l'Yonne est un département rural, peu
industrialisé, plutôt dominé par la droite sur le plan politique. La guerre n'atteint le
département qu'après l'offensive allemande du 10 mai 1940 à l'ouest : les premières
colonnes de l'Exode traversent l'Yonne le 18 mai, et les premières bombes tombent le 5
juin à Tonnerre. Le 14 juin, le jour où les Allemands entrent dans Paris, le département est
envahi par la Wehrmacht. Quelques combats d'arrière-garde ont lieu entre soldats français
et allemands autour de Sens.
Située en zone occupée après l'armistice du 22 juin 1940, l'Yonne dépend donc du
commandement militaire allemand en France. Le Feldkommandatur et la Feldgendarmerie
s'installent à Auxerre, la préfecture. Pierre-Etienne Flandin, figure importante de la vie
politique icaunaise avant la guerre, fait partie du gouvernement du maréchal Pétain. Les
Allemands ne maintiennent qu'une présence militaire symbolique dans le département
jusqu'en 1942, année où arrive aussi la Gestapo. Les trois préfets successifs de l'Yonne
sous l'Occupation ont collaboré avec l'occupant. Le département a compté aussi trois
camps d'internement et le maréchal Pétain a rencontré Göring, figure importante de l'Etat
nazi, à Saint-Florentin, le 1er décembre 1941.
La résistance commence dès le mois d'août 1940 par des sabotages de ligne
téléphoniques, mais se développe vraiment en novembre avec des actes symboliques
(aide à l'évasion des prisonniers français, collecte des armes abandonnées pendant la
campagne de France). Les premiers groupes structurés, comme Bayard à Joigny, ne se
forment véritablement qu'en 1941-1942. Le Parti Communiste Français, lui, prisonnier du
pacte germano-soviétique qui fait de l'URSS l'alliée d'Hitler, n'entre dans la bataille
qu'après le 22 juin 1941, suite à l'invasion de l'Union Soviétique par les Allemands. En
novembre 1942, la Résistance s'est installée dans le département : propagande,
sabotages, manifestations patriotiques, aide aux pilotes alliés abattus, etc.
Comme partout ailleurs en France, les réquisitions allemandes entraînent une pénurie
alimentaire et le développement du marché noir. L'Yonne fournit moins de travailleurs à
l'Allemagne que la moyenne nationale, et le Service du Travail Obligatoire (STO), instauré
en 1943, va gonfler les rangs de la Résistance. Les Juifs du département sont victimes
des mesures antisémites de Vichy, dont le discours est relayé par le journal local, Le
Bourguignon : une centaine de biens juifs sont aryanisés ; 150 Juifs ont été arrêtés et
déportés entre juillet 1942 et février 1944, soit 50%, probablement, des Juifs icaunais, un
chiffre supérieur à la moyenne du pays.
La Résistance dans l'Yonne est très fragmentée. Aux communistes s'opposent les
mouvements plus proches de la démocratie-chrétienne, voire de l'extrême-droite. Les
Britanniques ont leurs réseaux dans le département, tout comme les Français Libres de
Londres, avec le BCRA. La Résistance dans l'Yonne se caractérise par un très fort
enracinement local en fonction des groupes. Seul le Parti Communiste Français, via les
Francs-Tireurs et Partisans (FTP), est représenté un peu partout dans le département. Les
sabotages se multiplient en 1943, dans l'attente du débarquement allié en Europe. Les
résistants empêchent aussi les Allemands de réquisitionner les vivres. Les largages
d'armes commencent en novembre 1942 et se font nombreux à l'été 1944, après le
débarquement en Normandie. La répression se durcit également : de nombreux groupes
de résistants sont décapités après des arrestations, qui sont souvent le fait d'agents
infiltrés par le SD (Sicherheitsdienst, service de renseignement de la SS) ou la Gestapo,
ou bien de résistants « retournés ».