PRESCRIPTION DE MEDICAMENTS FORMATION D’INTERNES EN MEDECINE GENERALE FACULTE DE MEDECINE I INTRODUCTION L'acte médical se termine habituellement, mais pas obligatoirement, par la rédaction et la remise commentée d'une ordonnance au patient. Nous allons nous limiter à la prescription de médicaments. Ces dernières années, la réglementation s'est considérablement modifiée. Les obligations, anciennes ou nouvelles, sont au confluent du code de la Santé Publique, du code de déontologie médicale, du code de la sécurité sociale et de la convention nationale des médecins avec les organismes de l'Assurance Maladie. Leur stricte observation permettra au médecin de ne pas engager à tort sa responsabilité, que ce soit sur le plan disciplinaire, social, civil ou pénal. Cela permettra aussi la prise en charge rapide et efficace par la sécurité sociale des frais engagés par le patient. Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 1 II PRINCIPES GENERAUX DE LA PRESCRIPTION. Un docteur en Médecine, un remplaçant autorisé ou un interne en médecine peuvent rédiger une ordonnance médicale. De même les sages femmes, les dentistes, les infirmiers, les podologues-pédicures et les directeurs de laboratoire de biologie médicale, sont autorisés à prescrire les seuls médicaments nécessaires à l'exercice de leur art et dans la limite de leur droit de prescription respectif. L'examen clinique du malade est obligatoire avant la rédaction de l'ordonnance ( Art. 15 des Dispositions générales de la NGAP ). Si le médecin est libre de ses prescriptions, il est tenu d'observer la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins (Art. 8 du code de déontologie médicale) et respecter les RMO. Certes, les CMR ont disparu mais le principe médical de bonne pratique est maintenu. Le médecin doit informer le patient et s'assurer de sa bonne compréhension ( Art. 34 du code de déontologie médicale ). L'information, claire, loyale et intelligible, doit porter sur la nature et l'objectif du traitement, sa durée, les modalités pratiques de prise, les alternatives thérapeutiques, les effets secondaires, la conduite à tenir en cas de complication ( Art. 35 du code de DM ). La charge de la preuve est inversée. C'est au médecin de faire la preuve qu'il a bien informé son patient. L'ordonnance appartient au malade. Rappelons 2 interdictions formelles : •Á La prescription de stupéfiants en nature, c'est à dire non contenus dans une spécialité pharmaceutique, ou dans une préparation magistrale. •Á La prescription de préparation magistrale comportant un certain nombre de principes actifs appartenant à ces groupes : diurétiques, psychotropes, anorexigènes, dérivés thyroïdiens (Loi Talon Décret N°2004-802 du 29/07/2004) Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 2 III LES REGLES DE REDACTION Ces règles sont importantes à considérer, tant sur la forme que sur le fond. 1°) Sur la forme Une ordonnance doit comporter un en-tête imprimé ou manuscrit avec nom, prénom et qualité du prescripteur, qualification, titres connus par l'ordre, numéro d'identification (ADELI), adresse, téléphone. Une ordonnance ne peut concerner qu’un seul malade. Cette précision peut sembler une évidence, mais la pratique nous a prouvé le contraire, même s’il s’agit de cas isolés. Le malade doit être identifié par ses nom, prénom, sexe, âge et si nécessaire, sa taille et son poids. Les deux dernières mentions sont indispensables, s'il s'agit d'un enfant. Le cas échéant, la mention de la disposition législative en vertu de laquelle la participation financière de l'assuré est limitée ou supprimée (AT.MP par exemple ). Elle doit être datée du jour de la rédaction, et signée immédiatement sur la dernière ligne de la prescription pour éviter toute falsification. Elle doit être claire, précise, complète, sans rature ni surcharge, et lisible. La responsabilité du médecin (mais aussi celle du pharmacien) peut être engagée, si une erreur de lecture, et par là de délivrance, est due à une mauvaise rédaction. Si l'utilisation d'ordonnances préétablies est interdite, celle du traitement de texte et de l'imprimante est autorisée. Par obligation conventionnelle, les ordonnances doivent comporter un feuillet autocopiant. Dans le cadre de l'exonération du ticket modérateur, les prescriptions sont établies sur l'ordonnance bi-zone. La prescription d'un médicament d'exception doit être faite sur une ordonnance spécifique, fournie par la CPAM. Ce sont des médicaments coûteux d’indications précises , dont la prescription peut être faite par tout médecin ( ex. Kytril ), ou de prescription restreinte ( somatotropine – PIHA) Ce dispositif vise à faire particulièrement réfléchir le prescripteur au respect des seules indications thérapeutiques remboursables, figurant dans la Fiche d’Information thérapeutique (FIT) propre à chaque médicament d’exception. La prescription, effectuée pour des indications non prévues par la FIT n’est pas remboursable : le praticien utilise une ordonnance habituelle et informe le malade des conséquences, vis-à-vis de l’assurance maladie. Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 3 D’autres médicaments peuvent être soumis à prescription restreinte. Leur prescription ou leur prescription initiale est réservée à certains médecins spécialistes. Ex. Aricept – Ex : Rivotril : Depuis 15/03/12 prescription initiale et annuelle réservée aux neurologues et pédiatres) Dans l'hypothèse où seule la prescription initiale est réservée, le traitement peut être renouvelé par tout médecin avec les mentions de l'ordonnance initiale. En cas de nécessité, la posologie ou la durée de traitement peuvent être modifiées. Dans certains cas, l'AMM peut fixer un délai au terme duquel la prescription initiale devient caduque et ne peut être renouvelée que par des médecins spécialistes autorisés à effectuer la prescription initiale. Certains médicaments nécessitent une « surveillance particulière ». Leur prescription est subordonnée à la réalisation d'examens périodiques auxquels doit se soumettre le patient (exemple Curacné (isotrétinoine)). (Art. R. 5121-94 du CSP) L'AMM indique la nature et la périodicité des examens que le médecin doit prescrire et, le cas échéant, la conduite du traitement. Elle peut aussi prévoir que le prescripteur doit mentionner sur l’ordonnance que ces examens ont été effectués, et que les conditions prévues pour conduire le traitement sont respectées. La prescription de médicaments stupéfiants et de certains produits assimilés (rohypnol, tranxene 20 mg, subutex) est établie en toutes lettres sur ordonnance sécurisée. Cas particulier des substituts nicotiniques. A compter du 1er février 2007 l’Assurance Maladie prend en charge un traitement nicotinique de substitution dans la limite de 50 € par année civile et par bénéficiaire. Depuis le 1er septembre 2011, pour les femmes enceintes le montant de cette prise en charge est porté à 150 €. Pour bénéficier de cette prise en charge, ces substituts doivent être prescrits par un médecin ou une sage-femme sur une ordonnance consacrée exclusivement à ces produits. Le pharmacien réalise une facture distincte sans tiers-payant. Cas particulier des médicaments susceptibles de faire l’objet de mésusage, d’un usage détourné ou abusif (Art. L. 162-4-2du CSS) La prise en charge par l'assurance maladie de soins ou traitements susceptibles de faire l'objet de mésusage, d’un usage détourné ou abusif, dont la liste est fixée par arrêté ministériel, est subordonnée à l'obligation faite au patient d'indiquer au prescripteur, à chaque prescription, le nom du pharmacien qui sera chargé de la délivrance et à l'obligation faite au médecin de mentionner ce nom sur la prescription. Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 4 Spécialités concernées : buprénorphine haut dosage (Subutex , Suboxone et autres spécialités à base de buprénorphine haut dosage), - flunitrazépam (Rohypnol®), - méthadone, - méthylphénidate (Ritaline®, Concerta® et Quasym®), 2°) Sur le fond - La délivrance Sur la prescription, il faut indiquer le nom de la Dénomination Commune (DC), du générique ou de la spécialité, la forme galénique, obligatoirement sa posologie et, soit la durée du traitement, soit le nombre d'unités de conditionnement (limitée à 30 jours ou à 4 semaines selon le conditionnement). Si la durée est supérieure à un mois, le prescripteur doit indiquer le nombre de renouvellements, par période de un mois (limitée à 11 renouvellements). Pour en permettre la prise en charge, le pharmacien délivrera le traitement mois par mois, et dans les cas de maladies chroniques stabilisées il délivrera des conditionnements plus économiques de 3 mois renouvelables et ce dans la limite d'un an. Pour les contraceptifs, la délivrance peut s'effectuer sur 12 semaines à la fois dans la limite d'un an. Cette durée de prescription et de délivrance est cependant limitée pour certains médicaments : - 4 semaines pour les hypnotiques ( Liste I ) - 12 semaines pour les anxiolytiques ( Liste I ) - 2 semaines pour Halcion* ( Liste I ) pour Rohypnol (Liste I assimilé stupéfiant) - 28 jours pour les médicaments stupéfiants (ex. morphine per os), réduite à 14 jours (ex durogesic patchs transdermiques) ou 7 jours (morphine injectable ). Arrêté du 20/09/1999 – JO du 24/09/1999. - Cas particuliers : • Méthadone : prescription initiale réservée aux médecins exerçant en centres spécialisés ou Médecin d'un établissement de santé. Depuis octobre 2011, la prescription initiale de la forme gélule de méthadone reste réservée aux centres spécialisés, mais il n’y a plus d’obligation de renouvellement semestriel dans ces mêmes centres. La durée de prescription est de 14 jours et la délivrance doit être fractionnée pour 7 jours. Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 5 • Subutex : Limitée à 28 jours par période de 7 jours (Arrêté du 20/09/1999 ) NB : Droit de substitution, génériques et prescription en DC. Spécialité de référence ou produit Princeps : Après avoir découvert une nouvelle molécule ayant eu l’autorisation de mise sur le marché (AMM), délivrée par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), pour une ou plusieurs indications précises, les laboratoires pharmaceutiques déposent un brevet auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle leur garantissant une exclusivité de la commercialisation de leur molécule. Cette exclusivité a une durée moyenne en France de 10 ans. Lorsque le brevet arrive à expiration la molécule tombe dans le domaine public et elle peut être commercialisée sous la forme de copies. Le produit original est alors qualifié de spécialité de référence ou princeps par opposition aux spécialités génériques qui en sont des copies. Générique Un générique est défini par la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même biodisponibilité, la même forme pharmaceutique que le médicament d’origine appelé princeps. Cette définition du Code de la Santé Publique, très stricte permet d’affirmer qu’il s’agit d’une authentique copie. Le médicament générique présente les mêmes garanties de sécurité et d’efficacité que son médicament de référence. A noter qu’un « autogénérique » est un terme qui définit une spécialité strictement identique (même principe actif, même excipient) fabriquée par le même laboratoire que celui qui fabrique le princeps. Un répertoire publié par l’AFSSAPS classe les génériques par groupes. Il précise la spécialité de référence (lettre R ) et ses génériques ( lettre G ). Jusqu’à une date récente, il était indispensable qu’il y ait une spécialité de référence pour que l’AFSSAPS en définisse les génériques. C’est ainsi que l’aspirine et le paracétamol n’étaient pas inscrits au répertoire des génériques et ne pouvaient en conséquence faire l’objet d’une substitution par le pharmacien. La LFSS 2003 a ouvert la possibilité d’inscription au répertoire des génériques en l’absence de spécialité de référence. Le droit de substitution (1999) permet au pharmacien de délivrer une spécialité de même groupe générique, sauf opposition du prescripteur, par la mention manuscrite non substituable, avant chaque spécialité. Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 6 L’article R 5125-55 du CSP stipule qu’une prescription en DC doit comporter le principe actif désigné par sa DC, le dosage en principe actif, la voie d’administration et la forme pharmaceutique. L’article L. 5125-23 du CSP précise que la prescription libellée en DC est obligatoire pour les spécialités pharmaceutiques figurant au répertoire des génériques de l’AFSSAPS. . La convention médicale de 2011 favorise la prescription et la délivrance de génériques des classes Antibiotiques, IPP, Statines, Antidépresseurs, Antihypertenseurs. -Le remboursement Les articles R.5123-1 et R5123-2 du Code de la Santé Publique, obligent le prescripteur d'indiquer la posologie et, soit la durée de traitement lorsque la prescription comporte la dénomination du médicament au sens de l'article R. 5121-2 (nom de fantaisie ou dénomination commune assortie d'une marque ou d'un nom de fabricant), soit le nombre d'unités de conditionnement, faute de quoi, le remboursement serait rejeté. Dans la plupart des cas, les indications thérapeutiques remboursables (ITR) sont celles qui figurent à l'AMM, dans certains cas les ITR peuvent être restrictives par rapport aux indications retenues pour l’AMM. Si le médicament est prescrit hors AMM ou hors ITR, la mention NR doit être précisée ( Art. L 162.4 CSS et R 162.1.7. CSS). L'AMM est délivrée soit au niveau national par l’ANSM (Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), soit par une procédure centralisée par l'Agence européenne du médicament (EMEA). Une procédure de prise en charge à titre dérogatoire est prévue exceptionnellement pour certaines spécialités ou produits de santé : Les ministres de la santé ou de la sécurité sociale, ou l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurances maladies), peuvent demander pour un produit une Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU) à l’HAS (haute autorité de Santé). L’ANSM donne un avis motivé qui porte notamment sur l'efficacité présumée et les effets indésirables éventuels du produit ou de la prestation dans l'utilisation envisagée et mentionne, le cas échéant, l'existence d'alternatives thérapeutiques appropriées et la nécessité d'un suivi particulier des patients. Toute prescription en dehors de l’AMM engage la responsabilité du prescripteur. Le praticien, sollicité par le visiteur médical, doit exiger la remise par celui-ci du RCP (Résumé de Caractéristiques du Produit) et l’avis de la commission de Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 7 transparence sur le médicament faisant l'objet de la promotion et sur laquelle doit être mentionnée l’ITR. Par ailleurs, l'arrêté du 29/07/2003 institue un TFR (tarif forfaitaire de responsabilité) qui est un tarif de remboursement de base pour de nombreux groupes génériques, impliquant plus de 1300 spécialités. -Le coût Le médecin a la responsabilité de tenir informé le patient du coût des soins qu'il lui délivre. Ce coût comprend certes le montant, mais aussi le caractère remboursable ou pas par l'Assurance Maladie. En effet il ne peut établir de feuille de maladie que si les soins sont remboursables (Art. 1111.3 du code la SP et Art. 53 du code de DM). Les professionnels ne peuvent donc facturer à l'Assurance Maladie que les seuls soins remboursables. Facturer des soins non remboursables est une infraction. Le directeur de l'organisme social peut récupérer les sommes indues auprès du professionnel de santé ( Art. L 133.4 du code la SS ). IV CONCLUSION On voit donc que la prescription engage la responsabilité du praticien. Cette prescription doit être conforme aux données acquises de la science et à la réglementation. Les anomalies les plus graves : fautes, fraudes, abus de soins, pratiques dangereuses peuvent donner lieu à des actions contentieuses (pénalités financières, ordinales, conventionnelles ou pénales). Elles restent heureusement très limitées en pratique. L’essentiel du rôle du service médical est d’accompagner les praticiens dans l’exercice de leur pratique médicale. Ces actions sont incitatives mais également d’information ainsi que nous le faisons ce jour dans le cadre de la formation initiale. Dr BEZ – Dr CALAZEL – Dr S. BISMUTH juin 2012 8