Syndromes hémophagocytaires. Syndrome d`activation des

Syndromes hémophagocytaires.
Syndrome d’activation des macrophages
T. Papo
Le syndrome hémophagocytaire est responsable d’une activation des macrophages qui ingèrent les
éléments figurés du sang (globules rouges, leucocytes, plaquettes). Dans sa forme habituelle, le syndrome
comprend une profonde altération de l’état général, une hépatite, une pancytopénie, une hypofibrinémie
et une hyperferritinémie importante. Il apparaît comme une voie finale commune de déficits immunitaires
primitifs, de syndromes lymphoprolifératifs, de certaines infections, voire de réactions médicamenteuses
ou de maladies systémiques. L’identification des gènes incriminés dans les formes pédiatriques a permis
d’avancer dans la compréhension globale du syndrome et de disséquer les mécanismes de cytotoxicité
des lymphocytes et des cellules tueuses (natural killer), régulièrement déficiente. La mise en jeu du
pronostic vital impose un diagnostic précoce, la recherche systématique d’une cause et la mise en route
d’un traitement idéalement étiologique.
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Mots clés : Hémophagocytose ; Lymphohistiocytose ; Cytotoxicité ; Virus EBV ; Étoposide
Plan
Classification, définition 1
Épidémiologie 2
Clinique 2
Symptômes généraux 2
Organomégalie 2
Atteinte cutanée 2
Atteinte neurologique 2
Atteinte pulmonaire 2
Signes digestifs 3
Biologie 3
Atteinte hématologique 3
Coagulopathie 3
Atteinte hépatique 3
Autres anomalies biologiques 3
Cytologie, histologie 3
Myélogramme 3
Biopsie médullaire 3
Étiologie 3
Lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale 3
Syndrome hémophagocytaire associé aux infections 4
Syndrome hémophagocytaire associé aux autres déficits
immunitaires primitifs 4
Syndrome hémophagocytaire associé aux hémopathies 4
Syndrome hémophagocytaire associé aux maladies systémiques 4
Syndrome hémophagocytaire et cancers solides 5
Étiologies diverses associées au syndrome hémophagocytaire 5
Physiopathologie 5
Évolution 5
Traitement 7
Classification, définition
Le syndrome hémophagocytaire, ou syndrome d’activation
inappropriée du système monocyte-macrophage, appartient au
groupe des histiocytoses non langerhansiennes et non malignes
(Tableau 1)
[1]
.
Les maladies macrophagiques hémophagocytaires non mali-
gnes se distinguent par la prolifération systémique de macro-
phages phagocytant et digérant des éléments figurés sanguins
incluant globules rouges, lymphocytes, polynucléaires neutro-
philes et plaquettes.
Ces macrophages sont cytologiquement non malins et
apparaissent comme « réactionnels ».
Tableau 1.
Histiocytoses et syndromes hémophagocytaires.
Cellules dendritiques
Histiocytose langerhansienne
Xanthogranulomatose juvénile, maladie de Erdheim-Chester
Histiocytome solitaire à cellules dendritiques
Macrophages
Syndromes hémophagocytaires
- primitifs (lymphohistiocytose familiale, etc.)
- secondaires
Rosai-Dorfman
Histiocytome solitaire à macrophages
Réticulohistiocytose multicentrique
Histiocytome éruptif généralisé
Histiocytoses malignes (rares)
Leucémie monocytaire
Sarcome monocytaire
Sarcome histiocytaire ou dendritique (folliculaire, interdigité,
Langerhans, indeterminé)
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Parmi les syndromes hémophagocytaires fulminants, la
lymphohistiocytose familiale érythrophagocytaire (hémophago-
cytose lymphohistiocytaire) apparaît comme un modèle de
syndrome hémophagocytaire génétique associé à un déficit de
l’immunité humorale et cellulaire, mais dont les caractéristiques
cliniques et histopathologiques sont similaires à celles observées
dans les syndromes hémophagocytaires sporadiques réactionnels
qui surviennent chez des patients plus âgés
[2]
.
La définition du syndrome hémophagocytaire est non seule-
ment cytohistologique mais aussi clinique et biologique
(Tableau 2)
[2]
. En effet, le constat cytologique d’une hémopha-
gocytose est relativement banal au contraire du véritable
syndrome hémophagocytaire, maladie potentiellement mortelle.
Les hémophagocytes peuvent être présents dans n’importe quel
tissu (moelle, ganglions, foie, rate, peau) et dans le sang.
Épidémiologie
Le cadre physiopathologique auquel appartient le syndrome
hémophagocytaire peut différer selon l’âge du patient : la
lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale apparaît, par
exemple, comme un syndrome hémophagocytaire génétique-
ment déterminé qui survient précocement chez l’enfant.
L’activation inappropriée des macrophages liée à une pathologie
maligne apparaît en général chez l’adulte. Le syndrome hémo-
phagocytaire associé aux virus peut survenir à tout âge
[3]
.Ilne
semble pas y avoir d’atteinte préférentielle en fonction du sexe.
L’incidence de ce syndrome n’est pas définie précisément, mais
sa fréquence semble sous-estimée.
Clinique
La durée d’évolution des différents symptômes présentés par
les patients avant la réalisation du diagnostic final varie de
façon importante, entre quelques jours et plusieurs mois
[4]
.
Symptômes généraux
Les signes généraux sont en général très marqués, de début
brutal et d’évolution rapidement progressive. La fièvre est
quasiment constante, souvent très élevée (> 39 °C), parfois
désarticulée, avec sueurs et frissons. Elle représente le symptôme
le plus caractéristique et réalise souvent le premier signe
d’appel. L’altération de l’état général est habituellement
profonde, associant une asthénie, une anorexie et un
amaigrissement.
Organomégalie
Elle est le témoin de l’infiltration tissulaire par le contingent
histiocytaire : hépatomégalie, splénomégalie et plus rarement
polyadénopathie superficielle. Cette organomégalie est
d’expression variable, prenant parfois un aspect pseudotumoral
dans les formes infantiles.
Atteinte cutanée
Un ictère est souvent présent. Les signes hémorragiques
(purpura, hématomes, etc.) sont fréquemment au premier plan
On retrouve parfois un œdème localisé ou généralisé (anasarque
dans certaines formes de syndrome hémophagocytaire chez
l’enfant). La panniculite histiocytaire cytophagique correspond
à une manifestation cutanée spécifique du syndrome hémopha-
gocytaire. Les lésions peuvent aussi être morbiliformes, nodulai-
res, ulcérées, ou croûteuses.
Atteinte neurologique
L’atteinte du système nerveux central est possible, surtout
notable dans les formes infantiles (lymphohistiocytose fami-
liale) : irritabilité, confusion mentale, ataxie, troubles visuels,
crises convulsives, raideur de nuque avec vomissements,
hémiplégie ou tétraplégie et des signes non spécifiques d’hyper-
tension intracrânienne. Ces troubles neurologiques peuvent être
responsables du décès des patients.
Des atteintes neurologiques périphériques, essentiellement par
axonopathie avec paralysies périphériques et/ou des paires
crâniennes, ont également été décrites.
Atteinte pulmonaire
Une dyspnée avec toux sèche, ou même un syndrome de
détresse respiratoire aiguë, ont été rapportés. Il n’est pas rare de
mettre en évidence un infiltrat interstitiel diffus sur la radiogra-
phie des poumons.
Point fort
Critères diagnostiques du syndrome hémo-
phagocytaire (d’après Henter, 2007)
[2]
Cinq critères validants parmi huit :
• Fièvre
• Splénomégalie
• Cytopénie
CHémoglobine (Hb) < 9 g/dl
CPlaquettes < 100 000/mm
3
CPolynucléaires neutrophiles < 1 000/mm
3
Hypertriglycéridémie (> 3 mmol/l) et/ou hypo-
fibrinémie (< 1,5 G/l)
Hémophagocytose moelle (ou autre tissu : ganglion,
rate, etc.)
Ferritine > 500 mg/l
CD25 soluble > 2 400 U/ml
Activité natural killer (NK) nulle ou abaissée
Le diagnostic moléculaire (gènes PRF,SAP,MUNC13-4,
STX11, etc.) d’une hémophagocytose lympho-
histiocytaire suffit au diagnostic.
Tableau 2.
Étiologies infectieuses du syndrome hémophagocytaire.
Virus Bactéries Parasites
EBV
CMV
HSV1-HSV2
HHV6, HHV8
VZV
VIH
VHA-VHB-VHC
VRS
Parvovirus B19
Adénovirus
Coxsackie
Echovirus
Rougeole
Rubéole
Dengue
Influenza
Mycobactéries
Salmonelles (typhoïde)
Rickettsia conorii
Coxiella burnetii
Brucella
Légionelle
Chlamydiae
Mycoplasma pneumoniae
Ehrlichia
Borrelia
Treponema
Campylobacter
Fusobacterium
Haemophilus influenzae
Bactéries pyogènes
Leishmania
Toxoplasma gondii
Babesia
Plasmodium
Strongyloides stercoralis
(anguillulose disséminée)
Candida albicans
Cryptocoque
Pneumocystis carinii
Histoplasma
Aspergillus
Fusarium
EBV : virus Epstein-Barr ; CMV : cytomégalovirus ; HSV : herpes simplex virus ;
HHV : human herpesvirus ; VZV : virus varicelle-zona ; VIH : virus de
l’immunodéficience humaine ; VHA : virus de l’hépatite A ; VHB : virus de
l’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite C ; VRS : virus respiratoire syncytial.
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Signes digestifs
Il s’agit essentiellement d’hémorragies digestives, parfois
gravissimes, témoins de la thrombopénie et de la coagulopathie.
Des troubles du transit à type de diarrhées ont également été
rapportés.
Biologie
Atteinte hématologique
La cytopénie est un paramètre constant dans le syndrome
hémophagocytaire. Celle-ci implique au moins deux lignées
cellulaires en début d’évolution, généralement les globules
rouges et les plaquettes. Cette cytopénie est de degré variable et
évolue très souvent vers la pancytopénie, notée chez 75 % des
patients dans l’ensemble de la littérature. La cytopénie relèverait
d’un mécanisme mixte : infiltration tissulaire avec hémophago-
cytose, notamment des précurseurs hématopoïétiques, et
libération de facteurs plasmatiques inhibant l’hématopoïèse.
La thrombopénie est précoce et sévère, retrouvée dans plus de
90 % des cas. La lignée plaquettaire est la première touchée.
Le nadir est régulièrement inférieur à 50 000 plaquettes
par millimètre cube. Son mécanisme est central, mais égale-
ment parfois périphérique, notamment par le biais d’une
coagulation intravasculaire disséminée, ce qui complique la
prise en charge transfusionnelle. Dans de rares cas, la pré-
sence d’anticorps antiplaquettes a été rapportée.
L’anémie est notée dans 80 % à 100 % des cas. Elle peut être
d’évolution rapide avec une perte de quatre à six points
d’hémoglobine en quelques jours. Elle est à la fois centrale,
par avortement intramédullaire lié au moins en partie à la
phagocytose des précurseurs érythroblastiques, et périphéri-
que par érythrophagocytose extrahématopoïétique. Ceci rend
compte de son caractère particulier : elle est normocytaire,
normochrome, arégénérative, mais associe des stigmates
d’hémolyse intratissulaire avec érythroblastose, chute de
l’haptoglobine, augmentation des low density lipoproteins
(LDH) et de la bilirubine non conjuguée. Le test de Coombs
érythrocytaire est habituellement négatif.
La leucocytose est variable. La leucopénie est plus tardive,
apparaissant dans 60 % des cas, marquée par une lymphopé-
nie et par une neutropénie parfois profonde. Le chiffre de
leucocytes est normal chez environ 25 % des patients.
Coagulopathie
Les anomalies de l’hémostase sont retrouvées dans 50 % à
70 % des cas, selon les séries, nettement dominées par l’appa-
rition d’une fibrinopénie isolée significative, souvent inférieure
à 0,5 g/l. Il s’y associe parfois un allongement du temps de
thrombine, du temps de prothrombine et du temps de cépha-
line activé, en dehors de toute anomalie hépatique ou de déficit
en vitamine K. Une coagulation intravasculaire disséminée peut
survenir, aggravant la thrombopénie préexistante. Elle peut être
responsable de la survenue d’hémorragies gravissimes, entraî-
nant le décès, et constitue ainsi un facteur de mauvais
pronostic.
Atteinte hépatique
L’atteinte hépatique est fréquente, d’intensité variable.
L’élévation des transaminases est en général précoce, notée dans
60 % à 90 % des cas, en moyenne de cinq à dix fois la normale,
parfois majeure avec des chiffres supérieurs à 100 fois la
normale et accompagnée de signes d’insuffisance hépatocellu-
laire (baisse du facteur V, hypoalbuminémie, etc.). La cholestase
est plus tardive.
Autres anomalies biologiques
Elles intègrent une élévation des LDH, une hypertriglycéridé-
mie, une hyponatrémie par sécrétion inappropriée d’hormone
antidiurétique, voire une insuffisance rénale aiguë. L’hyperferri-
tinémie peut être majeure, découplée de la maladie hépatocy-
taire ou de l’inflammation, et atteindre des chiffres très
importants de 10 000, voire de 100 000 ng/ml. La glycosylation
de la ferritine (normalement supérieure à 50 %) peut être
abaissée (inférieure à 20 %). De pratique non courante, le
dosage plasmatique de la chaîne alpha du récepteur pour
l’interleukine 2 (IL2) (CD25), dont les taux sont extrêmement
élevés, et l’étude de la fonction natural killer (NK), déprimée,
formeraient un couple de bonne spécificité
[5]
.
Cytologie, histologie
Myélogramme
Il semble être l’examen le plus sensible. Les histiocytes
représentent souvent plus de 5 % des cellules nucléées de la
moelle dans ce syndrome ; néanmoins, ils sont parfois très peu
nombreux ou difficilement quantifiables, sans parallélisme entre
la sévérité du syndrome clinique et le nombre de macrophages.
Au stade initial, l’activité hématopoïétique peut rester conservée
avec une cellularité médullaire normale, voire accrue, notam-
ment en ce qui concerne les mégacaryocytes. La lignée rouge
peut apparaître dysplasique, avec une érythroblastose. Une
plasmocytose et la présence de lymphocytes activés sont
fréquemment retrouvées. En cours d’évolution s’installe une
diminution des précurseurs des lignées érythroïdes et granulo-
cytaires, avec au maximum un aspect d’aplasie myéloïde.
Biopsie médullaire
Elle s’avère particulièrement utile dans la mise en évidence de
pathologies associées sous-jacentes (lymphome) et devrait être
réalisée de façon concomitante avec le myélogramme, les deux
examens apportant des informations différentes.
Étiologie
Henter et le Study Group of the Histiocyte Society distin-
guent les formes primitives et héréditaires de syndrome
hémophagocytaire, représentées par la lymphohistiocytose
hémophagocytaire familiale ou sporadique (regroupées sous le
terme général de lymphohistiocytose hémophagocytaire)
survenant dans l’enfance, et les formes secondaires de l’adulte
habituellement associées à des thérapeutiques immunosuppres-
sives, une affection maligne, auto-immune ou infectieuse
[2]
.Ce
découpage apparaît artificiel selon plusieurs arguments :
un syndrome hémophagocytaire primitif peut survenir
tardivement, y compris à l’âge adulte ;
une mutation n’est retrouvée que dans la moitié des cas de
syndrome hémophagocytaire d’allure primitive ;
une infection virale peut déclencher un syndrome hémopha-
gocytaire, qu’il soit primitif ou secondaire ;
• certains polymorphismes de gènes impliqués dans le syn-
drome primitif participent peut-être à une prédisposition aux
syndromes secondaires
[6]
.
Lymphohistiocytose hémophagocytaire
familiale
De transmission autosomale récessive, elle est rare et survient
précocement, parfois même in utero et dans 70 % des cas avant
l’âge de 1 an. Elle est déclenchée par une infection au virus
Epstein-Barr (EBV) dans la majorité des cas. La survie médiane
est d’environ 2 mois sans traitement. L’atteinte neurologique
centrale (méninges, cervelet, nerfs crâniens, cortex) fait le
pronostic clinique. Il s’agit d’une affection monogénique,
autosomique récessive et extrêmement hétérogène puisqu’en
fonction des familles ou des pays, le gène a été localisé sur les
chromosomes 9, 10, 17 ou 11 (cf. infra)
[2]
.
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Syndrome hémophagocytaire associé
aux infections
Le Tableau 2 reprend les principaux agents infectieux dont la
responsabilité a été invoquée
[3, 7]
.
L’intrication de ces infections et de pathologies sous-jacentes,
notamment dans les états d’immunodépression congénitale ou
acquise, est fréquente. L’agent infectieux pathogène pourrait
alors intervenir comme stimulus externe, facteur déclenchant
sur un terrain prédisposé, dont la réponse immunitaire inadé-
quate à l’infection entraînerait la prolifération et l’exacerbation
des fonctions macrophagiques.
Virus EBV et syndrome lymphoprolifératif lié à l’X
EBV prend une place à part dans les étiologies du syndrome
hémophagocytaire. Le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X
(XLP et XLP2), décrit par Purtilo, se déclare dans les premiers
mois ou années de la vie, chez des garçons antérieurement
sains, lors de la primo-infection à EBV. Il se caractérise schéma-
tiquement par l’apparition d’une mononucléose fatale ou par
l’évolution vers un lymphome B (lymphome de Burkitt), une
aplasie médullaire ou une agammaglobulinémie. La plupart de
ces patients développent une prolifération systémique histiocy-
taire dont les données pathologiques sont celles d’un syndrome
hémophagocytaire. L’infection par EBV traverse toute la patho-
logie du syndrome d’activation des macrophages. Il s’agit de
certains lymphomes (lymphome T/NK angiocentrique nasal,
maladie de Hodgkin, etc.). Dans tous les déficits immunitaires
discutés, le syndrome d’activation macrophagique peut être
déclenché par cette infection. Dans la primo-infection par EBV
(mononucléose infectieuse), même sans déficit immunitaire, la
mortalité est causée par un syndrome hémophagocytaire : dans
ce cas, la charge virale est particulièrement élevée et au lieu
d’infecter majoritairement les lymphocytes B, l’EBV se réplique-
rait surtout dans les lymphocytes T CD8 avec une diminution
de la cytotoxicité antivirale
[8]
. Il ne faut pas oublier certains cas
de syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse avec infection
EBV concomitante.
Enfin, il faut souligner la difficulté diagnostique dans le
syndrome hémophagocytaire lié au virus de l’immunodéficience
humaine (VIH). La présence d’infiltrats histiocytaires avec
images d’hémophagocytose a été signalée fréquemment sur des
prélèvements autopsiques de patients infectés par le VIH, en
dehors d’un contexte clinique évocateur d’activation macro-
phagique. Néanmoins, le VIH pourrait véritablement induire un
syndrome d’activation macrophagique, que ce soit au stade de
primo-infection, de syndrome de l’immunodéficience acquise
(sida) avéré, au cours d’un syndrome de reconstitution immu-
nitaire ou surtout pendant la période asymptomatique de
l’infection
[9, 10]
. Cette étiologie est importante à reconnaître, le
traitement antirétroviral pouvant s’avérer, au moins en partie,
efficace
[11]
.
Comme nous l’avons noté, le syndrome hémophagocytaire
peut survenir dans tous les types d’infections. Néanmoins, il est
associé de façon préférentielle aux agents infectieux intracellu-
laires et dans un contexte d’immunodépression, y compris
iatrogène
[12]
.
Syndrome hémophagocytaire associé
aux autres déficits immunitaires primitifs
La lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale ou spora-
dique et le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X représentent
deux exemples de déficit immunitaire primitif que nous avons
déjà signalés.
La maladie de Chediak-Higashi est une maladie génétique, de
transmission autosomale récessive, dont la phase accélérée
pourrait aussi apparaître comme un modèle de syndrome
hémophagocytaire associé aux virus survenant dans un contexte
de déficit immunitaire congénital. Le syndrome de Griscelli
touche des enfants en très bas âge. Dans ces deux déficits, une
hypopigmentation de la peau est observée, avec des cheveux
gris argenté (cf. infra).
Ces déficits immunitaires (lymphohistiocytose de type II ou
III, syndrome de lymphoprolifération lié à l’X) peuvent être
révélés à l’âge adulte après 40 ans (Tableau 3)
[13]
.
Syndrome hémophagocytaire associé
aux hémopathies
Les hémopathies malignes représentent l’une des étiologies
majeures du syndrome hémophagocytaire. Parmi celles-ci, les
lymphomes non hodgkiniens prédominent largement, avec
certaines particularités :
phénotype T, souvent anaplasique CD30, ou NK ;
caractère angiotrope ;
association à EBV.
D’autres hémopathies, malignes ou non, ont été associées à
la survenue d’un syndrome hémophagocytaire : les leucémies
aiguës myéloblastiques ou lymphoblastiques, les syndromes
myéloprolifératifs, le myélome multiple, les myélodysplasies, le
purpura postviral, les anémies hémolytiques et l’éry-
throblastopénie.
Outre le myélogramme ou la biopsie médullaire, un scanner
thoraco-abdomino-pelvien couplé à la tomographie par émis-
sion de positons, un phénotypage lymphocytaire sanguin et la
recherche de clone T ou B circulant sont régulièrement deman-
dés dans ce contexte.
Syndrome hémophagocytaire associé
aux maladies systémiques
Un certain nombre d’observations rapportent la survenue
d’un syndrome hémophagocytaire au cours de l’évolution d’une
pathologie auto-immune ou inflammatoire chronique : lupus
systémique, arthrite chronique juvénile/maladie de Still,
Tableau 3.
Causes génétiques de lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale
(FHL) (défaut de cytotoxicité) (d’après Filipovich, 2009)
[13]
.
Maladie Gène/protéine Transmission
FHL 2 PRF1/perforine AR
FHL 3 UNC13D/Munc 13-4 AR
FHL 4 STX11/syntaxine 11 AR
Griscelli Rab27a/Rab27a AR
Chediak-Higashi LYST1/LYST1 AR
Hermansky-Pudiak AP3B1/AP3B1 AR
Syndromes hémophagocytaires liés à l’X
XLP SH2D1A/SAP X
XLP2 BIRC4/XIAP X
XLP : X-linked lymphoproliferative syndrome ; AR : autosomique récessif ; X : liée
à l’X.
Point fort
Principaux syndromes lymphoprolifératifs
associés au syndrome hémophagocytaire
Lymphome de Hodgkin (associé ou non à EBV)
Lymphome T : anaplasique CD30, pseudopanniculite,
gamma-delta hépatosplénique
Lymphome B : intravasculaire
Lymhome NK
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polyarthrite rhumatoïde, sarcoïdose, maladie de Kawasaki,
maladie de Horton, maladie de Weber-Christian.
Dans la plupart des cas, les patients bénéficiaient d’un
traitement immunosuppresseur. Néanmoins, dans plusieurs
observations, la maladie initiale (essentiellement maladie de Still
et lupus systémique) semblait être la seule cause du syndrome
d’activation macrophagique
[14]
.
Syndrome hémophagocytaire et cancers
solides
La survenue d’un syndrome hémophagocytaire a été décrite
dans l’évolution d’un certain nombre de cancers solides,
notamment lorsqu’il existait des métastases médullaires : cancer
de l’ovaire, gastrique, du nasopharynx, pulmonaire à petites
cellules, tumeur germinale médiastinale, rhabdomyosarcome,
angiosarcome.
Encore une fois, l’association de traitements immunosuppres-
seurs (polychimiothérapies) et la possibilité d’infections
s’intriquent.
Étiologies diverses associées au syndrome
hémophagocytaire
L’apparition d’un syndrome hémophagocytaire semble être
favorisée lors de situations variées, probablement par le biais
d’altérations des fonctions du système immunitaire, ou d’infec-
tions associées : transfusion sanguine, nutrition parentérale avec
des solutés lipidiques, vaccination, glycogénoses, traitements
médicamenteux (phénytoïne, acide valproïque) dans le contexte
d’un syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, intoxication
éthylique chronique, splénectomie.
En conclusion, les étiologies du syndrome hémophagocytaire
sont dominées par la triade infection, déficit immunitaire,
lymphome. Il n’est pas rare de retrouver plusieurs cofacteurs
associés favorisant l’émergence d’un syndrome hémophagocy-
taire. Enfin, dans de rares cas, aucune étiologie n’est mise en
évidence : syndrome hémophagocytaire « idiopathique ».
Physiopathologie
Le premier niveau physiopathologique est que la majorité des
symptômes ou des manifestations biologiques trouvent une
explication dans une hypercytokinémie (tumor necrosis factor
[TNF-a], interféron gamma, IL1, 2, 6, 8, 10, 12, 18, etc.)
d’origine à la fois lymphocytaire et macrophagique. Pour
prendre quelques exemples :
le TNF-aest capable d’inhiber la lipoprotéine lipase, ce qui
entraîne une augmentation des triglycérides ;
l’IL18 est susceptible de déclencher une apoptose des hépato-
cytes, voire des cellules souches hématopoïétiques ;
l’interféron gamma active la phagocytose et peut entraîner
également une myélosuppression, sans oublier une activité
procoagulante
[15]
.
La production et la consommation des cytokines, par les
différents acteurs cellulaires, sont centrées par une boucle
d’activation réciproque des lymphocytes T CD8 et des
macrophages.
À un deuxième niveau physiopathologique, le syndrome
d’activation des macrophages est une voie finale commune de
déficits immunitaires primitifs, de syndromes lymphoproliféra-
tifs, de certaines infections, voire de réactions médicamenteuses
ou de maladies systémiques. L’hémophagocytose cytologique est
un « marqueur banal » dans différentes situations (anémie
hémolytique auto-immune, cancers en phase terminale, choc
septique en réanimation, phase tardive de l’infection par le VIH,
etc.) à ne pas confondre avec le syndrome hémophagocytaire
clinique que l’on rencontre dans certaines proliférations
lymphoïdes, quelques déficits immunitaires primitifs, des
infections (virales et surtout EBV, bactériennes et principalement
la tuberculose, parasitaires en considérant la leishmaniose chez
l’enfant ou l’histoplasmose plus que le paludisme), secondaire à
une maladie systémique, et il s’agit surtout du lupus érythéma-
teux et de la maladie de Still de l’adulte, voire à une prise
médicamenteuse dans le contexte d’un syndrome d’hyper-
sensibilité.
Le modèle de syndrome d’activation macrophagique est la
lymphohistiocytose familiale. L’analyse de ce type de déficit
immunitaire a permis la dissection du processus de cytotoxicité
lymphocytaire dépendant des granules (lymphocytes T CD8 et
cellules NK) qui passe par plusieurs étapes :
activation du lymphocyte T ;
biogenèse du lysosome sécrétoire ;
polarisation à la synapse membranaire entre le lymphocyte T
et sa cible ;
attachement du granule à la membrane encore appelé tethe-
ring ou encore docking ;
fusion ;
exocytose du granule ;
kiss of death (Fig. 1)
[16, 17]
.
Ainsi, la lymphohistiocytose familiale de type II est liée à une
mutation du gène de la perforine, qui est une petite protéine
située dans les granules lytiques préformés dans le cytoplasme,
dans le lymphocyte cytotoxique et la cellule NK
[18]
. Cette
perforine est monomérique dans le cytoplasme et s’organise en
oligomères transmembranaires au niveau de la cible cellulaire
du lymphocyte cytotoxique, ce qui constitue un pore qui
permet de faire passer les granzymes, susceptibles d’entraîner un
signal d’apoptose (mort cellulaire de la cible), dépendant ou
non des mitochondries.
La lymphohistiocytose de type III est liée à la mutation du
gène MUNC 13-4 dont la protéine joue un rôle dans l’exocytose
du granule lytique, c’est-à-dire à la phase tardive du processus.
La lymphohistiocytose de type IV concerne la syntaxine-11,
exprimée dans les lymphocytes T et NK, qui est en partie
responsable de la fusion du granule à la membrane plasmique.
Le gène de la lymphohistiocytose de type I, porté par le
chromosome 9, n’est toujours pas isolé.
D’autres modèles, qui comportent également un syndrome
hémophagocytaire, ont pu être rapportés à ce mécanisme
général : le syndrome de Griscelli, avec la mutation du gène
RAB27A, est responsable d’un défaut d’attachement du granule
lytique à la membrane et d’un mauvais transfert de la mélanine
du mélanocyte vers le kératinocyte. Au cours du syndrome de
Chediak-Higashi, lié à une mutation du gène LYST, régulateur
du trafic lysosomal, la synapse granule-membrane est possible
mais sans exocytose.
Enfin, le syndrome de lymphoprolifération liée à l’X situe le
problème bien en amont par une mutation du gène SAP qui
obère la signalisation et l’activation lymphocytaire T et NK. Une
mutation d’un autre gène, X-linked inhibitor of apoptosis ou
XIAP, peut donner un phénotype similaire (syndrome XLP2).
La première explication globale est celle d’un défaut de
destruction de la cible macrophagique infectée par les lympho-
cytes T CD8, qui aboutit à une stimulation indéfinie des
lymphocytes T qui eux-mêmes vont hyperactiver les macropha-
ges dans un phénomène de type « explosif ».
Une autre hypothèse est que la lymphocytotoxicité, mode
naturel d’autorégulation des lymphocytes CD8 activés qui
provoque une contraction physiologique de cette population
après stimulation antigénique, devient impossible en cas de
déficit génétique, ce qui aboutit à une activation cellulaire
anormalement intense et durable.
Ces déficits immunitaires (lymphohistiocytose de type II ou
III, syndrome de lymphoprolifération liée à l’X) peuvent être
révélés à l’âge adulte après 40 ans.
Évolution
La mortalité globale rapportée dans la littérature varie entre
20 % et 40 %. Néanmoins, cette affection survient très souvent
dans un contexte de pathologie sévère et la cause du décès n’est
Syndromes hémophagocytaires. Syndrome d’activation des macrophages
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5Traité de Médecine Akos
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