[196] Du corail de la vie

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LES PEUPLEMENTS CORALLIENS DE GUADELOUPE
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LEGENDE
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Herbiers marins
Sable
Fond vaseux
Substrat mixtes :
corail , sable, algues
Peuplements coralliens
sur massifs rocheux
volcaniques.
Peuplements coralliens épars et sable
BASSE - TERRE
Récifs frangeants et
barrière
Tombants :-lOà-20m
Profondeur supérieure
à 30 m
LES SAINTES
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Source: CAREX ENWIRONNEMENT
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LES CAVES
La caye est un mot de vieux français passé dans le créole désignant
les formations coralliennes ou rocheuses sous-marines très proches de
la surface de la mer. Le récif est la manifestation par excellence de la
caye. Autour des îles de l'archipel de la Guadeloupe, les colonies de
polypes ont d'abord bâti des massifs au bord des côtes. Là, sur le platier
(plateau sous.marin côtier à 1 m de profondeur), très vite les coraux ont
atteint la surface et se sont alors développés vers le large, formant au gré
du relief marin un front récifal sur lequel vient se briser la houle. Ce type
de caye est appelé Récif frangeant. Étroitement liée à la lumière, la
croissance des coraux est limitée à la profondeur de pénétration des
rayons du soleil (voir «Le Corail n'est pas un tendre » : algues zooxanthelles) , ce qui limite cette croissance sur la pente externe de récifs très
abrupts.
Quand le platier s'étend vers le large sur plusieurs centaines de
mètres, la partie comprise entre le front récifal et la côte va évoluer. L'eau
circulant moins librement, les coraux vont disparaître et se faire remplacer par des herbiers (Bois-Jolan, Ste Anne) ou sous l'effet dé l'érosion ,
donner naissance à une dépression d'arrière-récif peu profonde. Celle-ci
va s'appeler lagon si elle devient profonde (de 4 à 10 ml . La caye devient
alors un Récif-barrière.
Le récif-barrière est une ceinture récifale qui peut être longue de plusieurs centaines de mètres, voire kilomètres, sa pente externe peut dépasser les 100 m de profondeur. Lè plus connu en Guadeloupe est celui du
Grand Cul-de-Sac Marin, citons aussi celui de Capesterre de MarieGalante, plus petit. Ce récif-barrière peut être coupé par des passes plu.s
ou moins profondes qui sont souvent dans l'axe de l'embouchure des
cours d'eau·.gouce. Cette eau et les sédiments charriés freinent la croissance corallienne provoqu,ant des discontinuités dans la barrière récifale.
LE CORAIL N'EST PAS UN DUR 1
Sous son apparence solide, Misyé Koray Gwo-bra, roi des cayes et des
roches, est très fragile. Certes, celui dont le bateau s'échoue nous dira le
contraire, mais regardons de plus près notre corail , nos barrières, nos
«sèk" (monticules sous-marin sableux et coralliens affleurant à la surface) .
Nous voyons de la roche, autrement dit les squelettes de nos polypes. Les
grandes formations comme le Corai l Corne d'Élan ont disparu en 20 ans
du Petit et du Grand Cul-de-Sac Marin. Les cycles climatiques de la planète (réchauffement) n'en sont pas la seule cause, c'est l'objet de ce
dépliant : pousser plus qu'un cri d'alarme, un appel au bon sens et à un
comportement de respect vis à vis d'un patrimoine dont les Antilles tirent
source de nourriture et de revenus (tourisme bleu).
Dans quel état es-tu Misyé Koray Gwo-bra?
Seuls 10 % du peuplement corallien sont considérés aujourd'hui en bon
état, les 90 % restant sont dégradés.
Quelles sont les causes principales de dégradation ?
Nous les classons dans deux groupes : les causes naturelles et les
causes anthropiques (sous responsabi lité humaine) . Pour les cause naturelles; les cyclones , chacun a encore en mémoire Lenny et sa houle dévastatrice ; la maladie des coraux et celles des oursins diadèmes (noirs) qui se nourissent des algues qui étoufferaient le corail sans cela ; le blanchissement
des coraux est un résultat du réchauffement de l'eau par le fameux «effet
de serre" pour lequel l'homme n'est pas, lui, blanc comme neige.
Les causes anthropiques sont les plus difficiles à admettre car liées à
notre développement :
• la déforestation, et l'utilisation d'engrais et de pesticides, les eaux de
pluie et de rivières drainant terre et produits chimiques vers les milieux
coralliens.
• Les rejets urbains (mauvaise épuration des eaux usées) , industriels
(distilleries, dépôts d'hydrocarbures), les travaux de remblais littoraux (construction de ports, marinas, ... ).
• La surexploitation des ressources marines et les
techniques de pêche inadaptées, notamment l'utilisation des nasses sur les massifs coralliens.
• La plaisance avec le mouillage des ancres sur les
fonds coralliens.
Tous ces points sont lourds de conséquences pour notre
archipel tourné vers le tourisme. Des décisions ont été prises pour la création d'aires maritimes protégées, pour le traitement des eaux usées et les
rejets de distillerie. Reste les moyens et les hommes. Cet Or Bleu a la cote
parce qu'il est encore vivant. C'est notre comportement qui doit changer maintenant.
Une branche de corail pousse de l mm à 20 mm par an.
LE CORAIL N'EST PAS UN TENDRE 1
DU CORAIL DE LA VIE 1
Misyé Koray Gwo-bra, roi des cayes et des roches , a des moyens de
défense qui à notre échelle feraient frémir plus d'un militaire. Ces armes
microscopiques lui servent à capturer ses proies mais aussi à se défendre
des agressions. Chacun de ses tentacu les est garni de cellules urticantes
(cnidoblastes) : imaginez une petite poche remplie de venin et contenant
un filament urticant, sur cette poche un cil capteu r ; dès que le cil enregistre un contact, la poche se contracte , déclenche le tir du filament et
injecte le venin. Le poison foudroie les proies habituelles du Cnidaire
(larves, vers et petits poissons). Sur l'homme, se frotter à un corail (corail
de feu par exemple)
est une expérience qui
marque à jamais la
mémoire. Dire que ça
brûle n'est rien , c'est
terrible ! Le remède
consiste à appliquer
une pommade à l'hydrocortizone (indispensable à bord d'un
bateau).
Seuls les coraux de
Détail du fonctionnement d'un Cnidoblaste
feu , les hydraires, les
méduses et certaines
anémones (voir ci-contre à gauche) provoquent ce type de réaction. Dans
la mer la règle d'or est : ne touche pas ce que tu ne connais pas.
Misyé Koray Gwo-bra, roi des cayes et des roches , est très mal connu,
même de nos pêcheurs : ils l'appellent Wèch lanmè (roche de mer), mais
quelle roche formidable ! Sans corail pas de poisson, pas d'oursin, pas
de langouste. Sa disparition (voir «Corail n'est pas un dur») est une des
causes de raréfaction des poissons de récif (Pwason wouj) .
«- Quoi ? Où t'as vu ça mon frère? »
C'est assez simple à comprendre. Le corail sert de nourriture, d'habitat, de nurserie, de terrain de chasse, de jardin, de filtreur de l'eau , à quasiment toutes les espèces marines tropicales de la planète. Qu'il vienn~
à disparaître et c'est comme si nous avions une terre sans arbre, ni
plante.
Sa propre reproduction alimente la chaîne alimentaire avec une sexualité originale. Arrêtons-nous, sans censure , sur son cas.
Difficile de crbire que ce morceau de pierre vivante est aussi, à un
moment de sa vie, une méduse gélatineuse de quelques grammes se
dirigeant au gré des courants . Et c'est pourtant le cas. Le Cnidaire, au
départ, est un œuf lâché dans l'eau qui se transforme en larve (planula)
et se fixe sur un rocher pour se transformer en polype. A partir de là, il
va se diviser (reproduction asexuée) pour former une colonie , puis un
jour, il va produire un bourgeon et le libérer dans l'eau. Ce bourgeon se
transforme en petite méduse nageuse et grandit pour devenir une belle
méduse mâle ou femelle qui, en se reproduisant, va donner naissance
à des œufs. Le cycle est bouclé. Notez que certains cnidaires ont des
polypes sexués (mâle-femelle) qui produisent directement un oeuf sans
phase méduse et vice-versa, certaines méduses se reproduisent sans
Certains coraux vivent en association avec des algues unicellulaires
(zooxanthelles) qui les teintent de couleur beige à brun, cette cohabitation
profite aux deux. L'algue en transformant le gaz carbonique, rejeté par le
Cnidaire, avec la lumière du soleil, va nourrir les deux partenaires: c'est le
même processus de photosynthèse pratiqué chez les plantes terrestres. Quand l'eau de mer se
réchauffe trop, les coraux stressés expulsent leurs zooxanthelles, le tissu organique devient
blanc, ce phénomène appelé
«blanchissement des coraux », de
plus en plus courant durant les
périodes les plus chaudes, est
grave dans toutes les zones
coralliennes du monde car le
corail meurt peu après.
Tentacules
Bouche
,
Cavité gastrique
LARVE PLANULA
~
~IJ
t
ŒUF ~ O
,
POLYPE
Blanchissement du corail
~
"
Sans Corail, pas de Vie.
MEDUSE
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: :.-::'
"
PETITE MEDUSE
LE CORAIL AUX ANTILLES
,Corà'ux de Feu - Hydrozoajres
Très abondants et très urticants,
formes encroûtantes ou branchues.
Polypes sans squelette , de
couleurs variées, inoffensifs.
Hydraires ~ Hydrozoaires
, Cérianthatre's '·.Àrithozàires
'
\
Le polype sans squelette se
rétracte dans un tube, inoffensif.
Aspect de fougère, 7-14 cm
très urticants.
,
, Corail qoir ~ Anth'ozaÎres
Gorgones· Anthozaires
Colonie de polypes à squelette
Colonie de polypes à squelette
Souple et corné, Formes variées
Calcaire constructeur de récif
Colonie de polypes cornés,
arborescente ou en fil de fer.
" AnémC?~es ~ Anthozqires
Un gros polype sans squelette,
éviter le contact.
QU'EST CE QUE LE CORAIL ?
Bousculons l'image de Misyé Koray Gwo-bra, roi des
cayes et des roches, pour découvrir un animal à l'aspect
plus végétal que minéral et dont la fragilité est aussi grande que celle de nos hibiscus. Notre «fleur» marine a un
nom: le Polype.
C'est lui
L'animal nous réserve bien des surprises.
Le plus souvent, il vit en colonies de milliers d'individus et chose étrange, ils prennent alors des formes surprenantes, dures, souples ou gélatineuses ; fixées au fond pour la majeure partie ou flottantes. Le nom de
Madrépore, de Patacho désigne une colonie de polypes, pareil pour
Méduse, Anémone, Gorgone. Tous ces organismes sont issus de l'extraordinaire Polype et se regroupent sous le nom de Cnidaires, (prononcez
knidèr) .
Vous découvrirez les différentes classes de Cnidaires dans le tableau
Ci-contre. Celui qui nous intéresse c'est le Dur, Misyé Koray Gwo-bra, roi
des cayes et des roches.
Chacune de nos cayes
est le résultat du développement continu de millions de polypes qui, dans
leur quête de la lumière,
finissent par avoir un jour
la tête hors de l'eau .
C'EST LE RÉCIF.
Avant d'arriver là-haut, il a fallu à toute la colonie défendre son territoire , résister aux fortes houles cycloniques, aux poissons brouteurs de
corail , aux algues étouffantes, à la maladie, pour enfin dresser son
immense squelette de calcaire alentour de nos îles, protégeant la côte
d'une ceinture de pierre, créant des eaux limpides et calmes où nous
nous baignons dans l'océan ainsi dompté.
L'individu est petit, de 1 mm à 10 cm , doté de tentacules, d'une
bouche-anus et d'un gros estomac (cavité gastrique, voir dessin «Du
Corail de la Vie»). Il vit plutôt la nuit où il se déploie, balançant dans le
courant ses tentacules, capturant ainsi les éléments nutritifs du plancton .
Il se retracte le jour dans son calice. Il absorbe le calcaire dissous' dans
l'eau de mer pour édifier son squelette.
Colonie de Tubastrées orange,
Colonie de Tubastrées orange,
Les polypes sont cachés de jour
Les polypes sont dehors de nuit
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