seur, commence la dédicace de son livre par ces versets du Cantique
des Cantiques 1, 5-6: « Je suis noire et belle, filles de Jérusalem… Les
fils de ma mère ne m’aimaient pas. Et ils m’ont fait travailler dans
leurs vignes. Ma propre vigne, je ne pouvais m’en occuper». Et John
Baur de commenter: « La fiancée brûlée par le soleil qui parle ici est
l’Église d’Afrique. Pendant des siècles, l’Afrique a dû faire l’expé-
rience de l’absence d’amour des fils de sa mère, à savoir les hommes
blancs qui ont dévasté sa vigne et l’ont forcée à travailler dans les
vignes des autres peuples, c’est-à-dire à vivre en esclavage12 ». L’on
aura observé que dans le texte du Cantique des Cantiques repris, l’au-
teur ne redonne pas la traduction initiée par saint Jérôme et dont le
texte se lisait: nigra sum sed formosa, je suis noire mais belle. A ce
propos, John Baur écrit: « Dans les temps anciens, on croyait traduire
ce texte, avec une idée de regret, comme le fit Jérôme: ‘ Je suis noire
mais belle ‘. Cependant, Origène, le premier théologien chrétien écri-
vant sur le sol africain, a insisté sur noire et belle; car, dans la fiancée,
il a vu l’Église de chez les Gentils, avec un droit de naissance égal à
celui de la Synagogue13 ». En parlant d’Origène, il sied de rappeler
qu’il était Africain à part entière et que c’est lui qui a initié la méthode
exégétique de l’École d’Alexandrie (en particulier dans son Peri
archon) dont il a été question.
Quant l’historien John Baur parle de la défiguration de l’Afrique
par l’Occident, le mot esclave doit s’entendre dans un sens plus large
et non seulement en relation avec l’histoire de la traite des noirs. Il
s’agit de voir l’oppression de la race noire dans toutes ses ramifica-
tions, y compris la dimension culturelle dont la non-reconnaissance
par les Blancs a fait dire au Père jésuite camerounais Engelbert
Mveng que le vrai problème du Noir africain est la pauvreté anthro-
pologique qui consiste en la perte totale de son identité14.
Au plan du christianisme, l’on sait que l’évangélisateur venu en
Afrique voulait faire la tabula rasa de la religion africaine. Le mot
«païen » signifiait qu’il fallait faire abstraction de toute la foi en Dieu
et imposer ce qui venait du christianisme déjà interprété en Occident.
C’est ainsi que dans certains pays, les missionnaires sont allés jusque
changer le nom de Dieu qui existait dans les langues africaines. Un
exemple frappant est celui du Rwanda et du Burundi où le nom Imana
qui désigne Dieu fut remplacé par le terme swahili Mungu que le
12. J. BAUR, 2000 ans de Christianisme en Afrique. Une histoire de l’Église afri-
caine, Paulines, Kinshasa 2001, p. 5.
13. Ibid., p. 5.
14. Cf. le livre de E. MVENG, L’Afrique dans l’Église. Paroles d’un croyant, Paris
1985.
163LE CHRISTIANISME AFRICAIN ET SA THÉOLOGIE
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