IGAS, RAPPORT N°RM2011-071P 5
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Dans la grande majorité des cas, les malades fuguent à pied, en plein jour, par le portail central
de l’établissement. Ils sortent de l’unité de soins qui les héberge par la porte de celle-ci ou en
enjambant le grillage de la cour, (éventuellement après avoir placé un fauteuil sur une table pour y
arriver), plus rarement par la fenêtre. Dans certains cas, et notamment pour les détenus, l’évasion
peut se faire par effraction ou prise d’otages (le malade ceinture l’infirmière ou l’agent de service
pour lui voler ses clefs), voire, de façon exceptionnelle, par une sorte de mutinerie collective.
Dans la quasi-totalité des cas, le retour est rapide et les fugues n’ont pas de conséquences graves.
Mais elles induisent des ruptures thérapeutiques et un risque de rechute des addictions lorsque le
patient n’est pas ramené par son entourage, la police ou la gendarmerie ou ne revient pas de lui-
même. De surcroît, plusieurs décès se produisent chaque année au cours de ces fugues : outre
trois exemples récents de meurtres, on déplore une quinzaine de suicides par an, ainsi que des
accidents et des agressions graves de malades, dont le rapport donne des exemples. Enfin ces
fugues peuvent avoir des conséquences judiciaires, pour les détenus qui s’évadent ou les
professionnels concernés.
1.4 - Les données récentes de la littérature montrent que certains malades présentent un risque
accru de commettre un meurtre, même si la majorité n’est pas dangereuse.
Il existe depuis les années 80 et 90, des études nord-américaines menées dans la population
générale, des études scandinaves de suivi de cohorte à partir de la naissance, des données anglo-
saxonnes provenant du suivi des malades mentaux traités et des données judiciaires croisées avec
des données médicales (ex : rapport anglais 20065 portant sur 2 670 homicides et 235 morts subites
et inexpliquées survenues en 5 ans, qui montre qu’entre 9 et 18 % des homicides sont le fait de
personnes souffrant de troubles mentaux graves) qui apportent des éclairages sur la dangerosité
psychiatrique.
Malheureusement cette question n’a jusqu’à présent pas fait l’objet en France d’études
épidémiologiques de grande ampleur. Comme le souligne un des rares spécialistes français de la
question, « le problème de la violence des malades mentaux a toujours oscillé entre une
stigmatisation sans nuance et une affirmation non moins militante de l’absence de dangerosité du
malade mental »6.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a organisé en décembre 2010 une audition publique sur la
dangerosité psychiatrique s’appuyant sur les travaux des experts et des documentalistes qui ont lu
et synthétisé près d’un millier d’articles scientifiques internationaux. Ces travaux sont désormais
publics. Ils montrent clairement qu’une fraction des malades schizophrènes et une fraction des
porteurs de troubles bipolaires présentent un risque accru de violence et d’homicide et que les
addictions à l’alcool et au cannabis majorent ce risque. C’est le facteur multiplicateur qui varie
d’une étude à l’autre, pas le constat général.
5 « Avoidable deaths. Five year report of the national confidential inquiry into suicide and homicide by
people with mental illness » dec 2006. University of Manchester
6 « Les malades mentaux sont-ils plus violents que les citoyens ordinaires ? ». J.L.SENON, M.HUMEAU
Info psy 2006 ; 82 :645-52