2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
que celui d’une TB à germes sensibles.10 De plus, l’im-
pact de la co-infection tuberculeuse sur la progression
de la maladie chez les sujets atteints par le VIH signi-
e qu’une augmentation de la TB-XDR peut exacer-
ber de manière signi cative l’épidémie de VIH/SIDA
(syndrome d’immunodé cience acquise).9
Dès lors, la signi cation de la TB-XDR en matière
de santé publique est substantielle, non seulement
en termes de survie des patients individuels, où elle
est conçue quasiment « comme une condamnation à
mort »,11 mais aussi pour les risques potentiels qu’en-
courent les membres de la famille et les contacts
étroits et, nalement, aussi en termes de risques de
dissémination dans le réservoir infectieux d’Afrique
du Sud et de ses conséquences pour le système de
santé. Par exemple, on cite un of ciel de la santé qui
décrit la TB-XDR comme une « guerre biologique »
qui, si on la perd, risque de « décimer la popula-
tion ».14 Dans la population d’Afrique du Sud, déjà
rendue vulnérable par une séroprévalence du VIH qui
dépasse 30% chez les adultes en âge de reproduc-
tion, la TB-XDR éveille le spectre d’une épidémie
incu rable entraînant une escalade de dévastation so-
ciale et économique jamais connue antérieurement.
De telles pré dictions du type « jugement dernier »
ne sont pas uniquement le produit du sensation-
nalisme des journaux6,11,15 elles se retrouvent égale-
ment dans les avertissements plus sobres d’une me-
nace de désastre énoncés par toute une série de
sources scienti ques.16–19
Dans ces circonstances, il n’est peut-être pas éton-
nant que l’Afrique du Sud ait connu la réapparition
d’actions coercitives de santé publique comme des
décisions des tribunaux imposant à des patients XDR
le traitement et/ou une admission forcé dans les hôpi-
taux.10 Ces actions des tribunaux ont été largement
diffusées dans la presse et ont attiré l’attention au
niveau national20 et international :6,9,10,14,15 elles ont
comporté des statistiques sauvagement mal citées sur
la fréquence des cas XDR,21 des af rmations d’une
menace pour des millions de vies en Afrique du Sud,22
et des avertissements spéciaux de conseils de santé
adressés aux étudiants qui se rendent en Afrique du
Sud pour des études.23 Malheureusement, une grande
partie de la couverture des média publics s’est focalisée
sur les aspects les plus sensationnels d’un dilemme
qui est complexe,24 et elle a réduit les choix à une
décision binaire simpliste entre le bien public et les
droits de l’homme chez les patients individuels.
Cet article af rme que les analyses super cielles
des problèmes de droits de l’homme et des problèmes
éthiques dans la prise en charge des patients TB à
germes résistants sont plus susceptibles de faire du
tort que du bien, et il propose un dialogue plus nuancé
au sujet de ces questions dif ciles. En particulier, il se
focalise sur l’application d’une analyse des droits de
l’homme qui reconnait les droits tant des individus
que ceux des collectivités et qui admet que la protec-
tion de la santé publique est une obligation de droit
très spéci que qui s’impose à l’Etat. Ce cadre donne
la possibilité d’explorer quand il est légitime de limi-
ter les droits humains individuels dans l’intérêt du
bien public avec comme exemple les dilemmes autour
de l’hospitalisation forcée pour TB-XDR. Alors que
cet article se focalise sur l’Afrique du Sud comme cas
primaire, il est évident que la question d’internement
pour maladie infectieuse est un phénomène mon-
dial.25 Le recadrage d’une approche plus sensible aux
droits pour le problème de la TB-XDR pourrait bien
être utile dans d’autres contextes, particulièrement
dans les pays en développement qui doivent faire face
à la fois à des ressources limitées et à des taux très
élevés de prévalence du VIH et/ou de TB, ainsi qu’aux
dé s de systèmes de santé soutenables dans la durée.
LA SANTÉ PUBLIQUE ET LA
TRADITION AUTORITAIRE
L’idée de mettre en quarantaine les patients atteint de
maladies contagieuses est peut-être une des facettes
qui dé nit le mieux la tradition de santé publique ;26
elle a de profondes racines dans le « mouvement sa-
nitaire »27 de l’Angleterre en voie d’industrialisation
ainsi qu’également dans les civilisations anciennes.28
La connaissance des voies de transmission des épidé-
mies contagieuses a poussé les premiers pionniers à
établir comme un standard de pratique le principe de
séparation des sujets infectés par rapport aux non-
infectés. Le fait de considérer la ségrégation comme
la réponse sanitaire aux maladies infectieuses a été
remis en question au cours des récentes décennies par
la disponibilité de traitements pour de nombreuses
conditions : ces traitements constituent des alterna-
tives meilleures et plus ef cientes que la quarantaine.
De plus, l’épidémie de VIH a fait prendre conscience
du fait que la protection des droits de l’homme peut
être nécessaire à une bonne santé publique,29 en pro-
mouvant la prise en charge par les services de santé,
en améliorant l’adhésion thérapeutique et en créant
la con ance à l’égard des services de santé.30,31
Néanmoins, lorsqu’on se place dans la perspective
de la population, la pratique de la santé publique s’in-
spire fortement d’une tradition de contrôle centra lisé
avec restriction des choix individuels. Par exemple,
presque tous les règlements de santé publique compor-
tent la xation de limites à l’autonomie individuelle
a n de protéger la santé de la population.31 Dans de
telles actions, une évaluation des risques et avantages
est toujours implicite, et elle requiert des jugements
de valeur basés sur la compréhension des risques.26
Il n’est pas étonnant que, pour cette raison, cer-
taines critiques aient pris position en af rmant qu’il
faut considérer que toutes les politiques de santé pu-
blique violent les droits de l’homme, sauf preuve du
con traire.29 Dans ce sens, les débats actuels au sujet
des hospitalisations forcées pour la TB-XDR18,32–35