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toutefois a montré que c’est davantage vers l’ouvrage posthume de Locke
OftheConductoftheUnderstanding qu’il faut se tourner (Winter A.,
1986, p. 27 sqq.). Reste à savoir si l’un exclut l’autre.
Chez Kant toutefois, l’idée de la liberté de penser — en dépit de
multiples recoupements avec des thèmes abordés chez Wolff — est ins-
crite dans un contexte plus large, celui d’une raison publique devenue
critique2. Nous vivons au
siècle propre de la critique, à laquelle tout doit se soumettre. La religion, par
sa sainteté, et la législation, par sa majesté, veulent ordinairement s’y sous-
traire. Mais alors, elles excitent, contre elles, un juste soupçon, et ne peuvent
prétendre à ce respect sincère que la raison accorde seulement à ce qui a
pu soutenir son libre et public examen. (Critiquedelaraisonpure, A XI)
Dans ce qui suit, nous examinerons d’abord la conception wolf-
fienne de la «libertas philosophandi» selon l’angle précédemment évo-
qué pour ensuite nous interroger sur la présence et la signification de ce
thème selon la lettre ou/et selon la transformation de l’esprit wolffien
dans la pensée kantienne.
I. ASPECTS DE LA «LIBERTAS PHILOSOPHANDI» CHEZ WOLFF
Comme nous l’avons indiqué plus haut, c’est d’abord dans la
DeutschePolitik de 1721, ensuite au quatrième chapitre de l’Ausführliche
Nachrichtde 1726 ainsi que dans la sixième et dernière partie du Discur-
suspraeliminarisde 1728 que Wolff traite explicitement de la probléma-
tique de la liberté de philosopher. H. W. Arndt soutient que ce chapitre
constitue, dans la première Aufklärung, un des plaidoyers les plus mar-
quants pour l’autorité de la raison et qu’on y trouve des formulations qui
vont se retrouver jusque dans la réponse de Kant en 1784 à la question
«qu’est-ce que les Lumières?»3 Ce sera donc essentiellement vers cet
écrit que nous porterons notre regard.
Conformément à sa conception même de la méthode philosophique,
à savoir l’idée de l’ordre que le philosophe doit respecter dans la trans-
mission des doctrines4 et, dans ce cadre la prescription à définir les
2 Parmi les multiples études, nous renvoyons plus particulièrement à Hinske N.,
1986; cf. id., 1990, p. XLVI sqq. Cf. O’Neill O., 2001.
3 Cf. Hans Werner Arndt, «Einleitung» in AusführlicheNachricht, GW I 9, p. XV.
4 Discursuspraeliminaris, GW II 1.1., §115, p. 53.
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