les pages bleues Texte rédigé par Rita Karam, Pharm. D., stagiaire chez Jubilant DraxImage Inc. Texte original soumis le 4 mars 2013. Texte final remis le 24 juin 2013. Révision : Marie-France Beauchesne, M. Sc. (Pharm.), Pharm. D., professeure titulaire de clinique, cotitulaire de la Chaire pharmaceutique AstraZeneca en santé respiratoire; pharmacienne, Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Remerciements à France Fournier, technicienne en médecine nucléaire (TEMN) et chef Support marketing chez Jubilant DraxImage Inc. L’auteure et la réviseure scientifique ne déclarent aucun conflit d’intérêts dans la rédaction de cet article. L’iode-131 et la thérapie des troubles thyroïdiens objectifs d’aPPrentissage : 1. Comprendre la médecine nucléaire, plus spécifiquement la radiopharmacie; 2. Connaître la place des antithyroïdiens, de la chirurgie, et plus particulièrement de l’iode-131 dans la thérapie des désordres thyroïdiens; 3. Conseiller les patients sur le traitement à l’iode radioactif et les précautions nécessaires lors de son utilisation. Présentation de la patiente Mme Bequerelle, 42 ans, se présente à la pharmacie, car elle a remarqué que son état a changé depuis quelques semaines. Elle dit ressentir des palpitations, elle a de la difficulté à dormir et est plus irritable. De plus, elle a observé une perte de cheveux. Elle vous révèle avoir déjà eu un épisode d’hyperthyroïdie dans le passé. Vous pensez donc qu’elle présente un nouvel épisode d’hyperthyroïdie. Elle dit d’ailleurs avoir pris un antithyroïdien, le méthimazole, lors de son premier épisode. Elle se demande si elle devrait en reprendre ou s’il existe un autre traitement plus efficace puisque la maladie est revenue. Que faire? À première vue, un patient sera réticent à recevoir de la radioactivité en raison d’une connotation dangereuse. Pourtant, la radioactivité se révèle bénéfique en médecine nucléaire, car elle permet de réaliser des diagnostics et des traitements à l’aide d’agents radiopharmaceutiques. Un de ces agents, l’iode-131, est particulièrement important dans les troubles et cancers thyroïdiens. Cet article permettra au pharmacien de s’initier à la radiopharmacie pour mieux conseiller son patient. Une introduction à la radiopharmacie sera présentée, en plus des caractéristiques de l’iode-131 et des pathologies pour lesquelles il est utilisé. Médecine nucléaire et radiopharmacie La médecine nucléaire est l’ensemble des applications médicales utilisant des substances radioactives. Aussi appelées « produits radiopharmaceutiques » ou « traceurs radioactifs », ces substances sont des médicaments contenant un ou plusieurs radionucléides. En général, les examens en médecine nucléaire impliquent moins de risques que la plupart des autres tech- niques, comme les biopsies et certaines procédures radiologiques. En effet, certaines biopsies peuvent impliquer un risque d’infection ou d’hémorragie. De plus, pour la plupart des examens diagnostiques, la quantité d’irradiations lors d’examens en médecine nucléaire est moindre que celle reçue lors d’examens radiologiques spécifiques. Les procédures radiologiques (rayons X, tomodensitométrie, échographie et résonance magnétique) étudient les changements anatomiques, alors que la médecine nucléaire met en évidence la physiologie de l’organe étudié. Par exemple, il est possible d’étudier, à l’aide de la médecine nucléaire, le flot vasculaire, la perfusion cérébrale, le métabolisme hépato biliaire et la dynamique vésiculaire biliaire, les fonctions de filtration et d’élimination rénale, les fonctions de remplissage et de vidange de la vessie, l’efficacité et la rapidité de la vidange gastrique et la fonction pulmonaire. Il est aussi possible de déterminer la densité osseuse et de vérifier s’il y a amélioration après une fracture des os, d’évaluer les dommages cardiaques après un infarctus du myocarde et de détecter des cancers1-4. Les produits radiopharmaceutiques sont introduits dans le corps humain par voie orale, parentérale ou inhalée pour visualiser leur trajectoire. La gamma-caméra capte les rayons émis par le radiopharmaceutique et les enregistre sous forme d’images statiques, dynamiques ou en trois dimensions. Cette technique, la scintigraphie, aide à poser un diagnostic de façon non invasive et non douloureuse. Les radiopharmaceutiques sont aussi utilisés en thérapie, car ils peuvent cibler un organe ou tissu afin de le détruire1-3. les hormones thyroïdiennes. Si une carence survient, un retard de croissance et un risque de retard mental chez l’enfant sont possibles. Une des manifestations de cette déficience est l’apparition d’un goitre, soit la turgescence de la glande thyroïde. Un apport nutritionnel en iode est alors recommandé afin d’éviter ce problème. Pour un adulte, l’apport journalier en iode recommandé est de 150 mcg. Les carences en iode ne s’observent presque plus dans les pays développés du fait des apports alimentaires. On retrouve de l’iode dans notre alimentation : poissons, fruits de mer, produits laitiers, pain et sel de table iodé5-8. L’iode compte 37 isotopes, dont l’isotope stable 127. Tous les autres sont radioactifs et certains, dont l’iode-131, sont d’une importance capitale pour la médecine nucléaire5,9. Lorsque les radionucléides se désintègrent, ils libèrent de l’énergie sous forme de radiation pour retourner à un état stable. L’iode-131 se désintègre sur une période d’un peu plus de huit jours, en émettant des rayons bêta (β-) et gamma (γ) de haute énergie. Il est produit industriellement dans un réacteur nucléaire à partir de la fission de noyaux lourds (uranium, plutonium, etc.)9,11. À faible dose, l’iode-131 a une utilité diagnostique. En raison de ses émissions de rayons γ, il est utilisé comme traceur radiopharmaceutique. À dose plus élevée, il permet de traiter l’hyperthyroïdie et certains cancers de la thyroïdie. Certains utilisateurs préfèrent l’iode-123 comme radiotraceur, car il n’émet que des rayons γ, et cet isotope possède une demi-vie plus courte. Par contre, l’iode-123 n’est pas offert partout et il est plus coûteux, car sa production nécessite un cyclotron9,15. Pharmacocinétique Après son administration per os, l’iode-131 est absorbé rapidement, sous forme d’ions, dans le tractus gastro-intestinal. Ensuite, la glande thyroïde capte l’iode radioactif et la concentration y est maximale après environ 24 heures. Environ 30 % de la dose sera fixée dans la thyroïde et envi- L’iode-131 Avant de comprendre l’utilité de l’iode-131, il faut d’abord s’intéresser à ses caractéristiques ainsi qu’à celles de l’iode, l’atome d’origine (tableau I ). L’iode est un oligo-nutriment essentiel à la vie humaine, car il sert à fabriquer www.Professionsante.ca | juillet – août 2013 | Québec Pharmacie | 15 pomme d’Adam. Cette glande en forme de papillon est constituée d’un lobe droit et d’un lobe gauche situés de part et d’autre de la trachée, et pèse environ 20 grammes. Bien qu’elle soit de petite taille, c’est un organe très important pour le contrôle du métabolisme. Elle influe sur celui-ci grâce aux hormones qu’elle produit à partir de l’iode : la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3). Ces dernières existent sous deux formes dans le sang : la forme libre, active (moins de 1 %), et celle, inactive, liée à une protéine constituant les réserves6,7,16-18. La T4 plasmatique est convertie dans les cellules en T3 par l’action de l’enzyme déiodinase. L’hormone T3 se lie à son récepteur intracellulaire et active la synthèse protéique. Ces hormones thyroïdiennes influent sur presque toutes les fonctions et activités des organes en stimulant leur métabolisme, comme celui des sucres et des gras, ainsi que la température du corps et la fréquence cardiaque. Ces hormones thyroïdiennes sont aussi impliquées dans la croissance, le développement, la fonction et le maintien de tous les tissus. Normalement, les niveaux de T3 et de T4 sanguins sont régulés par une hormone, la thyréostimuline (TSH) ou thyrotrophine, sécrétée par l’adénohypophyse. Ainsi, si la sécrétion de TSH augmente, les niveaux de T3 et de T4 augmenteront et inversement. Il existe également un mécanisme de rétrocontrôle négatif : lorsqu’une chute des taux d’hormones thyroïdiennes dans le sang est perçue, la sécrétion de TSH augmente et inversement (figure I )6,7,18. les pages bleues ron 70 % sera répartie ailleurs dans l’organisme. On retrouve de faibles pourcentages de la dose administrée dans les glandes salivaires, la muqueuse gastrique, le plexus choroïde et le lait maternel. L’élimination de l’iode-131, majoritairement rénale, est mesurée par la demi-vie effective. Cette dernière représente le temps requis pour qu’un radionucléide introduit dans le corps humain soit réduit de moitié, résultante de l’action combinée de la décroissance radioactive (demi-vie physique) et de l’élimination biologique (demi-vie biologique). La fraction fixée dans la thyroïde a une période effective d’environ sept jours. La fraction répartie ailleurs dans l’organisme a une demi-vie effective d’environ six heures. Une faible proportion de l’iode-131 est éliminée dans les selles, la salive, la sueur et l’air exhalé1,11,16,17. Afin de comprendre l’action de l’iode-131, les deux principales pathologies où l’iode-131 a une importance catégorique seront revues, soit l’hyperthyroïdie et les cancers différenciés de la thyroïde. Pathophysiologie de la glande thyroïde La thyroïde est une glande située dans la partie inférieure du cou, devant le larynx et juste sous la I II Caractéristiques de l’iode5,9-14 Découvert en 1811 à partir des cendres d’algues marines Solide cristallin, couleur violette-noire, aspect légèrement métallique, composé de molécules homonucléaires I2 Vient du terme grec « iodes », qui signifie « violet » Masse volumique : 4,9 g/cm3 Température de sublimation : 184 0C en un gaz très irritant, le di-iode I2 Température de fusion : 114 0C Peu soluble dans H2O Soluble dans les solutions aqueuses à pH basique Se dissout facilement dans les alcools, le chloroforme et les solvants organiques Utilisations : lampes halogènes, purification de l’eau potable Utilisations médicales : ■ Agent de contraste IV en imagerie médicale : forte opacité aux rayons X ■ Teinture d’iode (diiode dissout dans l’alcool) : solution antiseptique pour la peau 16 Isotopes Demi-vie (T1/2) Rayons Utilisation I-123 13, 2 heures γ I-125 59,4 jours γ, X I-131 8,02 jours γ, X, β- - Exploration morphologique et fonctionnelle de la thyroïde - Curiethérapie de la prostate : implantation chirurgicale de composants radioactifs dans la prostate pour détruire la tumeur et ses prolongements - Exploration morphologique et fonctionnelle de la thyroïde - Thérapie thyroïdienne | | Québec Pharmacie Hyperthyroïdie et goitre Pathophysiologie L’hyperthyroïdie est l’hyperfonctionnement de la glande thyroïde qui provoque une « thyrotoxicose », état clinique caractérisé par une surproduction d’hormones thyroïdiennes. Dans ce cas, la sécrétion de TSH diminue en raison du rétrocontrôle négatif. L’hyperthyroïdie subclinique se caractérise par une TSH supprimée mais par des taux de T4 et de T3 libres normaux et par l’absence de symptômes cliniques apparents6,7,18,19. Chez les trois quarts des patients, l’hyperthyroïdie découle de la présence d’un anticorps dans le sang : on parle alors de la maladie de Basedow ou de Graves. L’anticorps stimule la thyroïde, ce qui provoque une sécrétion excessive d’hormones et peut entraîner une augmentation du volume de la glande engendrant alors un goitre6,7,18,20. D’autres maladies ou causes peuvent provoquer un goitre (cancer de la thyroïde, thyroïdite de Hashimoto, etc.). Toutefois, la cause de plusieurs des goitres reste inconnue. Par ailleurs, une carence en iode peut provoquer son apparition. En effet, en présence d’une carence en iode, la production d’hormones thyroïdiennes est réduite. Par conséquent, le corps compense en haussant la sécrétion de TSH dans le but de produire une quantité suffisante de T4 et T3, ce qui se traduit par une hypertrophie de la glande. En Amérique du Nord, le problème de carence en iode a été réglé par l’iodation du sel de table. Par contre, dans les pays en développement, le pro- juillet – août 2013 | www.Professionsante.ca Signes et symptômes de l’hyperthyroïdie6,18,20,21 Perte de poids Transpiration Irritabilité Insomnie Rythme cardiaque accéléré Palpitations Essoufflements Tremblements Faiblesse musculaire Douleur musculaire et articulaire Augmentation de la fréquence d’élimination des selles Menstruations irrégulières et/ou peu abondantes Démangeaisons sur tout le corps Ongles cassants Perte de cheveux Problèmes ophtalmiques : pour la maladie de Graves seulement Exophtalmie Larmoiement excessif s’aggravant avec le vent ou une lumière intense Sensation de sable dans les yeux Vision dédoublée, floue blème demeure. Durant les premiers stades, la glande hypertrophiée continue à produire des quantités normales d’hormones. Le patient est donc euthyroïdien. On fait alors référence à un « goitre diffus simple » (non toxique et sans baisse de la TSH). Quelquefois, le volume de la thyroïde continue à augmenter; elle peut atteindre un volume critique et présenter des nodules : c’est ce qu’on appelle un « goitre multinodulaire simple ». Souvent, contrairement à la thyroïde, ces nodules produisent des hormones thyroïdiennes en excès de façon autonome, indépendamment du contrôle de la TSH. On parle alors d’un « goitre multinodulaire toxique »6,7,18. épidémiologie et étiologie La maladie de Basedow ou de Graves peut survenir à tout âge, mais elle touche surtout les femmes âgées de 40 à 50 ans. On ignore encore la cause de la production d’anticorps dans cette maladie, mais cette dernière étant héréditaire, les gènes jouent certainement un rôle. Il est possible qu’un facteur environnemental (stress important, tabagisme, post-partum, apport d’iode, prise de certains médicaments comme l’amiodarone) la déclenche chez les personnes à risque sur le plan génétique6,7,20,21. Quant au goitre, il est plus fréquent chez les femmes et les personnes âgées6,7,18. symptômes L’hyperthyroïdie subclinique est plus discrète et moins évidente cliniquement. Par contre, ses conséquences peuvent être inquiétantes, comme une densité osseuse diminuée et de la fibrillation auriculaire . Chez la personne âgée, on remarque plus particulièrement une perte de poids et d’appétit, une faiblesse musculaire et de l’apathie. De plus, dans cette population, même si la hausse des taux d’hormones thyroïdiennes est négligeable, l’hyperthyroïdie est problématique avec ses complications cardiaques 6,18,19,21,22 . Le tableau II présente les signes et symptômes de l’hyperthyroïdie. Les symptômes d’un goitre peuvent varier en intensité d’une personne à l’autre. On observe d’abord une enflure uniforme et symétrique du cou non douloureuse au toucher. Aucune difficulté à avaler n’est ressentie, mais une sensation de serrement dans le cou peut être présente. Lorsque le volume du goitre augmente, la déglutition devient plus difficile et la respiration devient ardue si la trachée est compressée6,7,18. Diagnostic et objectifs de traitement La plupart des patients éprouvent des symptômes depuis au moins six mois avant de consulter. Le médecin devra évaluer les antécédents familiaux, procéder à un examen physique pour détecter la présence d’un goitre, effectuer des tests de laboratoire afin de déceler la présence d’anticorps et mesurer la TSH. Si cette dernière est anormale, un dosage de la T4 libre est indiqué. Dans le cas où la T4 libre demeure normale, il faut racile : d’un point de vue clinique, il permet d’obtenir plus rapidement un état euthyroïdien que le propylthiouracile, il présente moins de toxicité hépatique et affecte moins la réussite d’un traitement ultérieur à l’iode-131. Puisque ces médicaments n’agissent pas sur la sécrétion d’hormones thyroïdiennes mais sur leur biosynthèse, leur début d’activité est lent, soit de quatre à huit semaines7,24,25. doser la T3. Pour évaluer l’état de la thyroïde, une scintigraphie à l’aide de l’iode radioactif pourra être effectuée6,18,19. Pour l’hyperthyroïdie subclinique, il est généralement recommandé de traiter les patients qui ont une TSH inférieure à 0,1 mUI/L. De plus, ceux qui ont une TSH partiellement supprimée (de 0,01 mUI/L à 0,5 mUI/L) et dont la densité minérale osseuse est basse ou qui sont atteints d’une maladie cardiovasculaire sont aussi des candidats au traitement21. Aux premiers stades du goitre et lorsque le patient est euthyroïdien, le médecin ne recommandera probablement que la surveillance, car souvent le goitre devient moins évident et disparaît en deux ou trois ans. Un dosage annuel ou tous les deux ans du taux d’hormones thyroïdiennes sera réalisé, car une hyperthyroïdie pourrait se développer. Si le goitre simple ou multinodulaire devient toxique, une surproduction d’hormones thyroïdiennes survient6,18,23. Dans tous les cas d’hyperthyroïdie, il est primordial de viser une normalisation du taux d’hormones et même d’envisager une ablation de la glande thyroïde suivi d’une supplémentaire en T4. De cette manière, le taux d’hormones sera normalisé et les complications pourront être prévenues7,18. Indications, posologies et efficacité Pour le méthimazole, chez un adulte, la posologie initiale varie entre 15 et 60 mg/jour selon la gravité. Après quelques mois, la dose sera graduellement diminuée jusqu’à environ 5 à 30 mg/ jour7,19,26. Pour le propylthiouracile, la dose est initialement de 300 à 600 mg/jour. Après quelques mois, la dose sera réduite jusqu’à environ 50 à 300 mg/jour7,19,27. Généralement, le traitement doit se prolonger durant 6 à 18 mois. Après cette période, certains patients seront rétablis6,21,28. La thérapie par les antithyroïdiens est utilisée en particulier chez les jeunes patients qui ont une forme légère de la maladie ou chez les personnes présentant leur premier épisode. Malheureusement, même avec la prise d’antithyroïdiens, le taux de récidive est de 50 % à 70 %6,19,21,24. Traitement pharmacologique Le traitement de l’hyperthyroïdie se divise en deux parties : le traitement des symptômes pour soulager le patient et le traitement de la cause par antithyroïdiens, chirurgie ou iode-131. Pour le goitre, le traitement dépendra de la cause et du degré d’hypertrophie6,7,19-21,23. Effets indésirables et gestion La plupart des effets indésirables ressentis sont des nausées, de l’intolérance digestive, un goût amer, des étourdissements, des céphalées, de la somnolence et de l’arthralgie. Afin de faciliter la tolérance gastrique, la prise de ces médicaments peut être fractionnée en plusieurs prises par jour, en début de traitement. En cas d’éruption cutanée, un antihistaminique peut être administré et la résolution est possible6,7,25,29,30. Les effets indésirables plus graves, comme l’agranulocytose, sont rares. L’agranulocytose peut survenir avec les deux antithyroïdiens; l’affection est caractérisée par un décompte de neutrophiles inférieur à 500/mm 3 ou par un décompte inférieur à 0,5 × 109 leucocytes/mm3. Elle provoque de fortes douleurs à la gorge avec des aphtes buccaux, une forte fièvre et un malaise généralisé. De plus, une septicémie doit être soupçonnée en cas de montée de fièvre rapide, de frissons et en présence de faiblesse et d’extrême fatigue. L’agranulocytose survient habituellement lors des trois premiers mois de traitement, de façon subite et imprévisible. Le risque d’agranulocytose serait plus élevé chez les patients de plus de 40 ans et ceux qui prennent des doses de méthimazole supérieures à 40 mg/ jour. Il faut dire aux patients de signaler tout symptôme inhabituel, car l’agranulocytose constitue une urgence médicale. Cet effet est réversible à l’arrêt des thionamides et ces derniers ne devront pas être represcrits6,7,25,29,30. Quelques cas d’hépatite fulminante et de nécrose hépatocellulaire ont été rapportés avec le traitement symptomatique Afin de soulager les symptômes adrénergiques (p. ex., les tremblements) et de diminuer le rythme cardiaque, des bêtabloquants sont utilisés. Le propranolol est particulièrement utile, car il diminue la conversion de T4 en T3. Si les bêtabloquants sont contre-indiqués, des bloquants calciques non dihydropyridiques, comme le diltiazem ou le vérapamil, sont indiqués. Des larmes artificielles sont bénéfiques pour la sécheresse des yeux et le larmoiement. Bien que ces traitements soulagent le patient, la cause sous-jacente doit être traitée par des médicaments spécifiques6,7,19,21. antithyroïdiens ou thionamides Pharmacologie Le méthimazole (TapazoleMD) et le propylthiouracile (Propyl-thyracileMD, ou PTU) bloquent la biosynthèse des hormones thyroïdiennes. Ils inhibent de façon compétitive l’activité de la thyroïde peroxydase responsable de l’organification de l’iode. De plus, le propylthiouracile agit au niveau périphérique en bloquant la conversion de T4 en T3 par l’inhibition de l’enzyme 5-mono-déiodinase. Le méthimazole est environ 10 fois plus puissant que le propylthiouwww.Professionsante.ca | juillet – août 2013 | Québec Pharmacie | 17 tum, il y a risque d’exacerbation de l’hyperthyroïdie chez la mère et il est recommandé de mesurer les concentrations sériques d’hormones thyroïdiennes entre la sixième et la huitième semaine, et trois mois après l’accouchement. Le propylthiouracile et le méthimazole sont compatibles avec l’allaitement, car ces deux agents sont sécrétés en faible quantité dans le lait maternel. Par prudence, il est suggéré d’allaiter le bébé avant de prendre le médicament et de suivre sa fonction thyroïdienne7,20,24,34,35. Il est à noter que l’ablation radioactive est proscrite chez la femme enceinte et que la chirurgie est réservée aux rares cas d’effets indésirables graves ou dans le cas d’échec aux antithyroïdiens7,34,35. les pages bleues propylthiouracile à doses élevées. Ces réactions surviennent habituellement au cours des deux premiers mois de traitement et l’administration du médicament doit être cessée et ne plus être reprise par la suite6,7,29. Quant au méthimazole, quelques rares cas d’ictère cholestatique ont été observés. Les patients doivent être au courant des symptômes de dysfonctionnement hépatique, tels que prurit, anorexie et douleur au niveau du quadrant supérieur droit, afin de les rapporter. L’administration du méthimazole devra également être cessée6,7,30. chirurgie Pour les goitres plus sévères, comme ceux causés par un cancer, s’il y a échec aux autres thérapies, dont l’iode radioactif, ou s’il y a recrudescence de l’hyperthyroïdie, la chirurgie s’avère une solution possible. Cette opération consiste à exciser la majeure partie de la thyroïde6,7,24. Avant la chirurgie, le patient hyperthyroïdien devra prendre un antithyroïdien pendant environ six à huit semaines afin d’atteindre un état euthyroïdien, ce qui préviendra le risque de complications cardiaques ou une thyrotoxicose. Aussi, afin de diminuer la vascularité de la glande, le patient devra prendre de l’iode non radioactif pendant environ 10 à 14 jours avant l’intervention et des bêtabloquants, s’il présente des symptômes.Après la chirurgie, la plupart des patients devront prendre une hormone thyroïdienne, la lévothyroxine (SynthroidMD) ou la liothyronine (CytomelMD), car les tissus restants de la thyroïde ne suffiront peut-être pas à produire la quantité nécessaire d’hormones6,7. Cette chirurgie est majeure et les lésions aux parathyroïdes, glandes situées sur la surface postérieure de la thyroïde, sont possibles, entraînant une hypoparathyroïdie caractérisée par un faible taux de calcium sanguin. Un supplément de vitamine D peut alors être administré à long terme6,7. Suivi, précautions et populations spéciales Un suivi de la TSH, T3 et T4 libre est recommandé environ quatre à six semaines après le début du traitement et toutes les quatre à six semaines par la suite, jusqu’à stabilisation de la maladie. L’état euthyroïdien sera atteint après environ six à huit semaines. Le suivi de la fonction thyroïdienne devra alors être fait à deux ou trois mois d’intervalle au cours des six mois suivants et, enfin, tous les quatre à six mois pendant le reste du traitement. Les symptômes devraient commencer à s’améliorer trois à huit semaines après l’instauration du traitement. Le patient devrait se sentir mieux dans environ 10 à 14 semaines. Notons qu’une fois l’état euthyroïdien atteint, une période excédentaire de six mois à l’état euthyroïdien permettrait de prolonger la période de rémission. Lors du passage de l’état hyperthyroïdien à euthyroïdien, il peut être nécessaire de modifier la posologie de certains médicaments : bêtabloquants, warfarine, digoxine et théophylline7,20,21,28-32. Chez la population âgée, les antithyroïdiens ne sont pas à privilégier en raison de leurs effets indésirables et du taux de rechutes élevé. Si un antithyroïdien doit être utilisé, le méthimazole serait choisi de préférence au propylthiouracile en raison de son effet d’inhibition prolongé22,33. Chez les femmes enceintes, les antithyroïdiens sont le traitement de premier choix et seule la maladie de Graves justifie leur utilisation. Durant le premier trimestre, il est recommandé d’administrer le propylthiouracile, car le méthimazole a été associé à certaines malformations congénitales. Après le premier trimestre, les auteurs conseillent de prendre le méthimazole afin d’éviter l’hépatotoxicité associée au propylthiouracile. Les antithyroïdiens passent dans le placenta et peuvent affecter la fonction thyroïdienne du fœtus. Il est donc important de mesurer la fonction thyroïdienne de la femme enceinte toutes les deux à quatre semaines durant la grossesse. Durant la période post-par18 | Québec Pharmacie | juillet – août 2013 3 thérapie par l’iode-131 Outre la chirurgie, l’iode-131 peut être utilisé en particulier pour les goitres toxiques, et c’est souvent le traitement de premier choix pour ces derniers. Des précautions sont aussi à prendre avant l’administration orale de doses d’iode-131. En effet, pendant environ six à huit semaines avant un traitement par l’iode-131, il faudra administrer des antithyroïdiens afin d’atteindre un état « euthyroïdien ». Cela permettra d’éviter une crise thyréotoxique suivant le traitement par l’iode-131, car ce dernier engendrera une libération d’hormones thyroïdiennes. Trois à sept jours avant d’administrer l’iode-131, le patient devra cesser ses antithyroïdiens7,16,20,21,23,24,37. L’efficacité de l’iode-131 sera obtenue six à huit semaines après son administration. Dans la | www.Professionsante.ca mesure où l’effet de l’iode radioactif met un certain temps à se manifester et où l’hyperthyroïdie est sérieuse, l’antithyroïdien peut être repris environ sept jours après le traitement par l’iode-131 afin de pallier ce délai d’action, ce qui soulagera les symptômes 6,7,16. À la suite d’un traitement par l’iode-131, un suivi est effectué afin de détecter la manifestation d’une hypothyroïdie. C’est une complication très courante du traitement par l’iode-131 qui peut se manifester à court ou à moyen terme. En effet, selon les données rapportées dans la littérature médicale, environ 25 % à 50 % des patients deviennent hypothyroïdiens dans la première année après le traitement, alors que les autres deviennent hypothyroïdiens à un rythme de 2 % à 4 % par année6,7,16. Cancer de la thyroïde (papillaire et folliculaire) Pathophysiologie Il existe trois grands types de cancer de la thyroïde : médullaire, anaplasique ou indifférencié et bien différencié. Ce dernier type regroupe le cancer papillaire et le cancer folliculaire, dit aussi « vésiculaire »38-40. L’iode-131 a un intérêt particulier pour les cancers différenciés, car leurs cellules peuvent être détruites grâce à leur captation de l’iode radioactif38. Les termes utilisés pour nommer les types de cancer décrivent entre autres l’apparence de la tumeur au microscope. Dans le carcinome papillaire, la tumeur contient des papilles ou des frondes semblables à des feuilles de fougère. L’apparence du carcinome folliculaire est clairement anormale. Cependant, certaines structures ressemblent encore aux follicules normaux de la thyroïde6,40. La thyroglobuline est une protéine produite exclusivement par la thyroïde ou par un cancer thyroïdien différencié. À la suite du traitement radioactif ou de la chirurgie, il reste peu ou pas de tissu. Par conséquent, les niveaux de thyroglobuline sont bas. S’il y a augmentation de celle-ci dans le sang, cela indique une récidive du cancer6,18,40. épidémiologie et étiologie Les tumeurs malignes de la thyroïde sont rares. Parmi les différents cancers de la thyroïde, ceux qui sont bien différenciés sont les plus fréquents. Le carcinome papillaire touche habituellement les enfants et les jeunes femmes. Le cancer folliculaire, quant à lui, est inhabituel avant l’âge de 30 ans. L’irradiation de la thyroïde dès le plus jeune âge est le facteur de risque le plus souvent impliqué dans le cancer de la thyroïde6,39,40. Diagnostic et objectifs de traitement Le cancer de la thyroïde est souvent soupçonné lors de la palpation d’une masse ou d’un nodule au niveau du cou. Afin de confirmer le diagnostic de cancer papillaire, la cytoponction est l’examen le plus fiable. Cependant, pour confirmer un cancer folliculaire, la chirurgie est nécessaire, car les critères de malignité de ce cancer dépendent de l’envahissement vasculaire ou capsulaire observé à l’examen histologique38,39. La cytoponction, utile pour l’évaluation de la nature du nodule, peut se faire à l’aide de l’échographie lorsque la lésion est profonde ou possiblement kystique38-40. L’aspect fonctionnel du nodule est évalué par la scintigraphie thyroïdienne à l’aide de l’iode radioactif. De plus, la TSH et la thyroglobuline devraient être analysées 6,38,39. Par ailleurs, il arrive que ce type de cancer soit découvert de façon fortuite, lors d’une échographie ou d’une tomodensitométrie effectuée pour toute autre cause38. Lors du traitement, on vise à éliminer les cellules cancéreuses, à réduire les risques de récidives et à diminuer les taux sériques de TSH6. conséquences et pronostic Les conséquences d’une tumeur thyroïdienne dépendent de sa taille et de sa propagation au moment du diagnostic. Habituellement, « une personne atteinte d’un petit carcinome papillaire, qui est traitée adéquatement, aura probablement une espérance de vie normale, même si le cancer s’est propagé aux ganglions lymphatiques du cou. De plus, même un patient atteint d’un carcinome folliculaire qui s’est propagé aux os et aux poumons peut survivre pendant de nombreuses années avec une bonne qualité de vie »6. traitement Lorsqu’un cancer bien différencié est diagnostiqué, il faut procéder à une thyroïdectomie totale ou partielle. Aucun traitement particulier n’est requis avant l’intervention. Généralement, trois à six semaines après la chirurgie, un traitement par l’iode-131 peut être administré pour détruire le tissu thyroïdien résiduel et ainsi éviter les risques de récidives6,18,37,38,40. Afin que l’iode radioactif soit bien absorbé par les cellules cancéreuses résiduelles, il faut que la TSH soit élevée. Pour augmenter les niveaux de TSH, il faut soit provoquer l’hypothyroïdie, soit injecter de la thyrotropine alfa (ThyrogenMD), forme recombinante de la TSH humaine6,38,40. Pour provoquer l’hypothyroïdie, le patient doit cesser ses médicaments de remplacement s’il en a déjà reçu après sa chirurgie. La lévothyroxine devra être cessée durant quatre à six semaines avant le traitement par l’iode-131. Quant à la liothyronine, il faudra la cesser seulement deux semaines avant, car sa demi-vie est plus courte. Cette technique occasionnera par contre des symptômes d’hypothyroïdie, comme de la fatigue et de l’irritabilité. Le patient peut reprendre ses hormones 48 heures après le traitement par l’iode-1316,38,40. Une autre option est d’injecter de la TSH recombinante humaine de façon intramusculaire une fois par jour durant les deux jours pré- cédant le traitement par l’iode-131. Avec cette méthode, le patient n’aura pas besoin de cesser de prendre ses médicaments de remplacement et évitera ainsi de ressentir des symptômes d’hypothyroïdie6,37,38,40. chaque année durant trois à cinq ans en fonction de l’état du patient6,18,38,39. On estime que la croissance des carcinomes papillaires et folliculaires peut s’accélérer avec la TSH. Il faut une dose suffisante d’hormones thyroïdiennes pour que le taux sanguin de TSH soit indécelable et empêcher ainsi la stimulation du tissu potentiellement néoplasique. Les patients souffrant d’un cancer de la thyroïde ont besoin d’une dose de thyroxine légèrement plus élevée que ceux souffrant d’hypothyroïdie. En général, une dose de 150 à 200 mcg/jour suffit à interrompre la sécrétion de TSH. Le traitement par l’iode-131 peut être répété s’il y a persistance de tissu cancéreux avec une thyroglobuline augmentée6,38-40. suivi et précautions Après la chirurgie, les patients reviennent généralement quelques jours plus tard chez eux. Cette chirurgie est majeure et les lésions aux parathyroïdes sont possibles, tout comme dans le cas de la chirurgie en hyperthyroïdie. Bien que le pronostic soit favorable une fois les tissus cancéreux enlevés, il est primordial d’assurer le suivi6,38,40. Dans les 7 à 10 jours suivant le traitement par l’iode-131, une scintigraphie pancorporelle est effectuée afin de vérifier les sites captants et d’évaluer s’il y a des foyers à distance (métastases), lesquels nécessiteront un second traitement38,39. Six à 12 mois suivant l’intervention chirurgicale et le traitement par l’iode-131, la thyroglobuline sera mesurée afin de savoir s’il y a récidive du cancer. Les niveaux de TSH, de T3 et T4 seront aussi mesurés. On réalisera une scintigraphie pancorporelle et une échographie de la thyroïde afin de repérer toute apparition ganglionnaire d’allure douteuse, ainsi qu’une cytoponction si nécessaire. Ces tests seront répétés I Iode-131 Pharmacologie Tout tissu thyroïdien bénin ou néoplasique qui peut produire l’hormone thyroïdienne va capter l’iode stable ou ses isotopes radioactifs. Ce procédé se nomme « trapping »1. L’iode-131 radioactif, qui émet des rayons γ et des particules β-, se concentre et s’accumule dans la glande thyroïde. Les radiations β- de haute énergie permettent la destruction partielle ou totale du tissu hyperfonctionnel au bout de quelques semaines ou mois en cas d’hyperthyroïdie et viennent compléter l’abla- Régulation de la production des hormones thyroïdiennes Hypothalamus – + + – Anterior pituitary gland Thyroid gland Circulatory system Liver Conjugated T4 and T3 Intestine + – Stimulatory pathway Inhibitory pathway Légende : Hypothalamus = hypothalamus; anterior pituitary gland = adénohypophyse; thyroid gland = glande thyroïde; circulatory system = appareil circulatoire; liver = foie; intestine = intestin; conjugated T4 and T3 = T4 et T3 conjugués; stimulatory pathway = voie stimulatoire; inhibitory pathway = voie inhibitoire. Image reproduite dans sa version intégrale avec la permission de Ross DS. Thyroid hormone synthesis and physiology. In: UpToDate, Basow DS (Ed), UpToDate, Waltham, MA 2013. Copyright © 2013 UpToDate, Inc. Pour plus d’informations, visiter www.uptodate.com www.Professionsante.ca | juillet – août 2013 | Québec Pharmacie | 19 rôle de l’iode-131 pour le diagnostic ou le suivi Le métabolisme de l’iode fournit de l’information capitale sur le fonctionnement de la thyroïde. Ainsi, les produits radiopharmaceutiques sont utilisés pour effectuer des examens diagnostiques en médecine nucléaire, soit le test de captation et la scintigraphie de la thyroïde. L’iode-123 et l’iode-131 sont des radionucléides utilisés pour ces tests1. Le test de captation détermine la quantité d’iode radioactif que la glande va capter, révélant ainsi son statut fonctionnel et sa façon d’utiliser l’iode stable. Plus le pourcentage de captation est élevé, plus la glande est hyperactive. Si la captation est inférieure à 7 %, le patient est hypothyroïdien; de 7 % à 30 %, il est euthyroïdien, et hyperthyroïdien si la captation est supérieure à 30 %. Ce test, facilement réalisable, consiste à administrer une dose de l’ordre du kilobecquerel (kBq) d’iode-123 ou d’iode-131. Une période de les pages bleues tion chirurgicale de la glande dans le cas de cancer1,18. L’iode-131 est l’isotope le plus utile pour éliminer le tissu thyroïdien en raison de ses propriétés d’émission de rayonnement β-. En effet, l’irradiation β-, ayant un faible parcours, est limitée à la zone à traiter, ce qui est avantageux1,9. Environ une à deux semaines après son administration, il se produit une libération d’hormones thyroïdiennes à la suite de la destruction du tissu. Ce phénomène, nommé « thyroïdite radique », peut aggraver l’hyperthyroïdie de façon transitoire22. 24 heures doit s’écouler avant que l’on puisse faire la lecture de la captation1. La scintigraphie est une technique utilisant une gamma-caméra qui produit une image fournissant le maximum de détails morphologiques et indiquant si les nodules présents dans le goitre sont susceptibles de produire des hormones thyroïdiennes. L’iode-123 est l’agent de choix pour la mise en image, car ses caractéristiques sont plus favorables pour ce type de test1. Généralement, pour un adulte de poids moyen (70 kg), des doses de 0,185 à 3,70 mégabecquerels (MBq) (5 - 100 microcuries [mcCi]) d’iode-131 sont administrées pour le test de captation et la scintigraphie. Pour la localisation des métastases, des doses plus élevées sont administrées, soit de 37 à 370 MBq (1 - 10 millicuries [mCi])17. indications, posologies et efficacité En Amérique du Nord, le traitement par l’iode radioactif est très populaire et permet une réso- III Thérapie par l’iode-131 – Précautions6,37,38,42-45 Hospitalisation Retour à la maison ou consultation externe Seul à la maison ou avec personnes averties et consentantes Pour les 24-48 pRemièRes HeuRes : idéalement duRant 2 jouRs : ■ ■ Salle de bain privée Bonne hygiène (se laver les mains) Hommes : doivent uriner assis afin d’éviter les éclaboussures ■ Faire chambre à part/Dormir seul dans un lit à une distance d’au moins 2 mètres de toute autre personne/S’abstenir de relations sexuelles durant 5 jours Éviter les endroits publics Activités restreintes S’absenter de son travail Usage exclusif de la salle de bain si possible Bonne hygiène (se laver les mains) Hommes : doivent uriner assis afin d’éviter les éclaboussures ■ Plateaux, verres, couverts jetables ■ Couverts exclusifs au patient; les laver séparément des autres ■ Literie, jaquette entreposée pour décroissance de la radioactivité Tous déchets jetés dans contenant spécialement identifié pour déchets radioactifs ■ Vêtements et draps lavés séparément des autres Brosse à dents, serviettes différentes de celles utilisées par les autres membres de la famille Boire beaucoup de liquides et vider souvent la vessie Tirer la chasse d’eau 3 à 4 fois afin d’éliminer la radioactivité ■ ■ ■ Chambre privée identifiée avec avertissement de radioactivité Pellicule de plastique sur murs, plancher, matelas, oreillers, téléphone, car de l’iode-131 est excrété dans la transpiration ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ 20 ■ ■ ■ Boire beaucoup de liquides et vider souvent la vessie Tirer la chasse d’eau 3 à 4 fois afin d’éliminer la radioactivité Personnel infirmier et visiteuRs : ■ Rester à une distance d’au moins 1 mètre du patient ■ Le patient ne doit pas se déplacer pendant la visite ■ Entretien ménager non permis membRes de la famille et visiteuRs : ■ Limiter les contacts le plus possible (maximiser la distance et minimiser le temps) femme enceinte, Personne de moins de 18 ans : ■ Interdiction d’entrer dans la chambre ■ Interdiction de tout contact avec le patient femme enceinte, Personne de moins de 18 ans : ■ S’absenter du domicile ■ Limiter les contacts le plus possible (maximiser la distance et minimiser le temps) * Tous les jours : évaluation du taux de radiation émis par le patient. Lorsque la mesure ≤ 1110 MBq : le patient reçoit son congé; chambre à nettoyer, tous articles et déchets entreposés pour décroissance. Se reporter à Retour à la maison. * Après 5 jours : literie, vêtements à laver séparément et salle de bain à nettoyer. Retour aux activités normales. | Québec Pharmacie | juillet – août 2013 | www.Professionsante.ca lution à long terme de la maladie avec un bon taux de réussite19,21. La solution et les capsules diagnostiques d’iodure de sodium per os sont indiquées pour l’évaluation de la fonction thyroïdienne17. Elles sont aussi utiles pour traiter l’hyperthyroïdie dans le cas de la maladie de Graves, de goitre toxique, de récurrence à la suite de la prise des antithyroïdiens ou de la chirurgie, ou si le patient ne désire pas ou n’est pas apte à subir une chirurgie. De plus, l’iode-131 est utile pour le traitement de certains types de carcinome thyroïdien avec métastases fonctionnelles après chirurgie1,6,16. L’iode-131 provoque la mort des cellules dans lesquelles il pénètre, mais peut aussi entraîner des mutations génétiques dans les cellules voisines. Une cellule irradiée qui survit peut muter en cancer. Il faut donc s’assurer d’administrer une dose assez élevée afin d’obtenir un effet létal sur la cellule41. Généralement, pour traiter l’hyperthyroïdie chez un adulte de poids moyen (70 kg), il faut prévoir une dose de 148 à 370 MBq (4 à 10 mCi). Si l’intervention nécessite une dose de plus de 1110 MBq (30 mCi), l’hospitalisation peut être requise pendant 24 à 48 heures7,16,18. L’iode-131 est le traitement de choix pour les patients âgés, car il est efficace et bien toléré, comparativement aux antithyroïdiens22,33. Il est à noter que chez les patients qui refusent le traitement par l’iode-131, la durée de traitement par les antithyroïdiens peut être prolongée pendant plusieurs années. Par contre, les antithyroï- diens sont associés à un haut taux de récidives et exigent une surveillance des effets indésirables. Quant au coût et à l’observance, ils causent souvent problème. De plus, si le traitement par les antithyroïdiens échoue, l’efficacité du traitement consécutif par l’iode-131 peut diminuer19. Dans le cas des cancers thyroïdiens, il est souvent impossible d’enlever entièrement la thyroïde par la chirurgie. S’il reste des cellules cancéreuses, l’iode-131 est alors administré afin de tuer les cellules résiduelles. Une dose encore plus élevée est nécessaire pour traiter les cancers : de 3,7 à 5,55 gigabecquerels (GBq) (100 à 150 mCi) pour l’ablation du tissu thyroïdien néoplasique et de 3,7 à 7,4 GBq (100 à 200 mCi) pour les traitements subséquents si requis (tissu résiduel et/ ou métastases)16. après le traitement. Un radiopharmacien bien renseigné sur l’iode-131 et son utilisation pourra mieux conseiller le patient. C’est à l’hôpital que l’iode-131 est administré sous forme de solution ou de capsule 6,16. Une thérapie à dose élevée (> 1110 MBq), bénéfique pour le patient, peut être nocive pour le personnel médical, le public et les membres de la famille en contact direct avec lui. Généralement, il est hospitalisé et en isolation dans une chambre blindée, avec des règles strictes à suivre. Certaines de ces règles sont aussi applicables au patient qui reçoit une thérapie en consultation externe utilisant des doses inférieures à 1110 MBq (tableau III )6,37,38,42-45. mise en garde et contre-indications En cas de vomissements, de diarrhée et d’insuffisance rénale modérée ou grave, le traitement par l’iode radioactif est contre-indiqué. Il est aussi contre-indiqué chez les personnes âgées présentant une cardiopathie thyréotoxique16. En aucun cas, on ne doit administrer de l’iode radioactif aux femmes enceintes, car il y aura des dommages au fœtus. Même si aucune étude n’a été menée dans cette population, l’iode est reconnu être transféré au fœtus et s’accumuler dans sa thyroïde. L’iode radioactif est aussi contre-indiqué durant l’allaitement, car il est excrété dans le lait maternel. Si un traitement doit être administré chez la femme qui allaite, l’allaitement devrait être cessé au moins six effets indésirables L’iode-131 diagnostique occasionne peu d’effets indésirables. En thérapie, quand la dose administrée est importante, certains effets sont rapportés dans la littérature médicale : nausées, vomissements, céphalées, sensibilité au niveau de la glande thyroïde et dysphagie. Une hyperthyroïdie transitoire peut se produire. Quant à elle, une hypothyroïdie subséquente est très fréquente16,17,21,37. Précautions spéciales Le traitement par l’iode-131 est jugé sécuritaire, mais il faut prendre des précautions pendant et références : 1. Fournier F (TEMN). Introduction à la médecine nucléaire. Manuel de formation général DraxImage. 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Page consultée le 10 janvier 2013.] www.urgencenucleaire.qc.ca/documentation/iodemdque.pdf www.Professionsante.ca | juillet – août 2013 | Québec Pharmacie | 21 interactions Les aliments goitrigènes tels que ceux de la famille des choux, les arachides, les graines de soya, le millet, la patate douce, le radis, le raifort et le rutabaga; les produits de contraste iodé et les médicaments contenant de l’iode, dont l’amiodarone, et certaines vitamines prénatales sont à éviter, car ils pourraient provoquer une diminution de la captation d’iode radioactif 6,16,17. les pages bleues semaines avant l’administration de l’iode radioactif et ne devrait pas être repris par la suite. On ignore si ce radiopharmaceutique peut altérer la capacité de reproduction autant chez les femmes que chez les hommes. Il faut éviter une grossesse de 6 à 12 mois après la prise d’iode radioactif. L’utilisation d’une méthode de contraception appropriée est recommandée6,7,16,17,20,34,37,43,45. En pédiatrie, il faut évaluer rigoureusement les risques et les bienfaits éventuels avant d’administrer ce traitement. En effet, la radiotoxicité varie beaucoup avec l’âge de la personne exposée. Les nourrissons, les très jeunes enfants et les adolescents sont beaucoup plus sensibles à la radiation que les adultes, car l’iode se fixe sur la thyroïde, qui joue un rôle crucial dans la croissance9,16,17. allergie Certains patients rapportent être allergiques à l’iode. Il existe trois entités cliniques qu’on semble retrouver sous l’expression « allergie à l’iode » : la réaction aux produits de contraste radiologiques, les réactions aux fruits de mer et l’allergie de contact aux désinfectants à base d’iode. Pourtant, l’être humain consomme sans problème de l’iode dans son alimentation. Ainsi, le patient qui présente une de ces trois entités cliniques n’est pas allergique à l’iode mais à un autre élément : la protéine du mollusque, ou la molécule de povidone iodée, cette dernière étant le véhicule de l’iode. De plus, l’allergie n’est pas causée par l’iode lui-même, mais par l’effet direct FC de la molécule du produit de contraste sur les mastocytes et l’osmolarité mise en cause. Ces trois types de réaction constituent des problèmes différents, pas nécessairement interreliés. L’expression « allergie à l’iode » est donc inexacte, car bien que les produits susceptibles d’induire une « allergie à l’iode » contiennent tous de l’iode, des substances différentes interviennent. Le pharmacien peut donc rassurer son patient qui recevra de l’iode radioactif. De plus, l’iode radioactif ne provoque pas d’allergie46. Conclusion L’iode-131 occupe une place de choix en médecine nucléaire, notamment pour traiter certains cas d’hyperthyroïdie et de cancer papillaire ou folliculaire de la thyroïde. En Amérique du Nord, le traitement par l’iode-131 est très populaire et efficace, et il permet une résolution à long terme de la maladie. L’iode-131 est jugé sécuritaire, mais il faut prendre des précautions selon la dose reçue. En se renseignant sur cet isotope et sur la radiopharmacie, le pharmacien peut alors informer son patient et tenter d’apaiser ses inquiétudes. ■ Questions de Répondez en ligne sur www.professionsante.ca, section Ma FC en ligne; rechercher Québec Pharmacie, juillet-août 2013. Date limite : 12 août 2014. Donne 4 UFC. 4. Parmi ces symptômes communs dans les troubles thyroïdiens, lequel est plus spécifique aux cas d’hyperthyroïdie qu’à ceux d’hypothyroïdie ? A Essoufflement B Tremblements C Perte de cheveux D Faiblesse musculaire E Insomnie 5. Concernant le cancer de la thyroïde, quel énoncé est faux ? A La cytoponction n’est pas l’examen le plus fiable pour le cancer folliculaire. B Dans le cas de cancer, il faut procéder à une thyroïdectomie partielle ou totale et des antithyroïdiens devront être pris avant l’opération. C Lors du traitement d’un cancer, on vise entre autres à éliminer les cellules néoplasiques et à diminuer les taux sériques de TSH. D La TSH doit être élevée afin de permettre à l’iode-131 d’être bien absorbé par les cellules cancéreuses résiduelles. E Le cancer de la thyroïde peut être causé par l’irradiation de la glande dans l’enfance. 6. Concernant la médecine nucléaire, quel énoncé est vrai ? A La médecine nucléaire ne permet pas d’observer des changements sur le plan anatomique. B La médecine nucléaire utilise les agents de contraste comme l’iode. C La radioactivité est produite dans un tube à rayons comme le rayon X. D La médecine nucléaire implique l’utilisation d’un traceur pharmaceutique radioactif qui ne contient qu’un seul radionucléide. E Les examens en médecine nucléaire comportent des risques moins élevés qu’avec les autres techniques d’investigation. 22 | Québec Pharmacie | juillet – août 2013 | www.Professionsante.ca 7. Concernant Mme Bequerelle citée dans le cas clinique, qu’allez-vous lui répondre ? A Vous pourriez demander à votre médecin de vous prescrire à nouveau du méthimazole, car même si vous avez une deuxième crise, il n’y a pas vraiment d’autre thérapie possible. B Il est normal que la crise revienne, car il y a possibilité de rechute avec le méthimazole. Vous pourriez alors prendre un autre antithyroïdien qui n’occasionnera pas de rechute. C Il est normal que la crise revienne, car il y a possibilité de rechute avec le méthimazole. Vous devriez absolument recevoir de l’iode-131 cette fois-ci, car vous êtes trop jeune pour une chirurgie. D Il est normal que la crise revienne, car il y a possibilité de rechute avec le méthimazole. De l’iode-131 ou une chirurgie pourrait être une meilleure option thérapeutique pour vous. Vous devriez en discuter avec votre médecin pour faire un choix éclairé. E Il est normal que la crise revienne, car il y a possibilité de rechute avec le méthimazole. Une chirurgie est nécessaire afin d’éliminer toute possibilité de récidives. 8. Concernant l’iode-131, quel énoncé est faux ? A On tire avantage des rayons bêta de l’iode-131 afin de créer des images de la thyroïde. B L’iode-131 peut être particulièrement utile lorsqu’un patient présente un goitre toxique. C L’iode-131 est éliminé par les reins et est donc contre-indiqué lors d’une insuffisance rénale modérée ou grave. D Pour la mise en image de la thyroïde, l’iode-123 est préférable à l’iode-131. E L’iode-131 thérapeutique est administré à l’hôpital sous forme d’iodure de sodium en solution ou en capsule, généralement en une seule dose.