Depuis une vingtaine d'années et l'afflux des rapatriés d'Afrique du Nord sur la Côte d'Azur,
la communauté juive des Alpes-Maritimes dépasse les 30.000 âmes, les centres religieux et
culturels Israélites se sont multipliés dans les grandes villes du littoral sans qu'il y ait eu de
problème d'intégration.
Il n'en fut pas de même pendant la deuxième guerre mondiale lorsque notre département,
territoire traditionnellement hospitalier et cosmopolite, fut confronté à des vagues successives et
parfois massives de migration de Juifs français et d'immigration de Juifs étrangers fuyant les
persécutions nazies, qui en firent un lieu de conflit entre autochtones et allogènes, administration et
réfugiés, autorités italiennes et vichyssoises avant que l'irruption des troupes allemandes, le 9
septembre 1943, ne débouchât sur une véritable chasse à l'homme, qui se prolongea plusieurs mois
durant, aboutissant à la dispersion ou à l'anéantissement d'une communauté devenue alors aussi
nombreuse qu'aujourd'hui.
Il nous a paru utile de consacrer une étude approfondie à ce sujet, à la suite de la parution de
plusieurs livres récents (1), de l'ouverture de certaines sources archivistiques et de la récolte de
nouveaux témoignages afin de compléter des études fouillées mais anciennes comme celle de Léon
Poliakov (2), de dresser un bilan sérieux de la déportation qui mette un terme à la publication
d'estimations exagérées, d'apporter des éléments inédits sur l'immigration clandestine de 1939-
1940, l'attitude des autorités françaises locales, la rafle d'août 1942, les réactions de l'opinion
publique azuréenne.
Nous avons pu disposer d'une documentation très abondante, bien qu'incomplète, puisée
pour ressentie! aux Archives départementales des Alpes-Maritimes (A.D. A.M.), aux Archives
nationales (A.N.), à l'Archivio centrale di Stato (A.C.S.) et à l'Ufficio storico dello Stato maggiore
dell'Esercito (U.S.S.M.E.) de Rome, ainsi que dans une trentaine de publications et une douzaine de
témoignages.
De nombreuses annexes permettent de citer "in extenso" des documents le plus souvent
inédits et de fournir une approche sociologique des déportés.
L'IMMEDIAT AVANT-GUERRE ET LA DROLE DE GUERRE
Jusqu'au milieu des années trente, la communauté Israélite des Alpes-Maritimes, dirigée par
le Grand Rabbin Schumacher, était plutôt réduite (environ un millier de personnes à Nice),
constituée par des éléments souvent installés depuis plusieurs générations et bien assimilés à la
population azuréenne (3) au sein de laquelle ils se livraient à des activités commerciales ou
industrielles (Lattes, Bouchara, Viterbo), occupaient une place de choix parmi les professions
libérales (Cassin, Lippmann, Milhaud, Montel), voire parmi les élites locales : il est significatif de
constater que Georges Picard exerça à la fois les fonctions de président de l'Alliance Française et
d'adjoint au maire de Nice.
(1) La France et la question juive, Actes du colloque du C.D.J.C.. Editions Sylvie Messinger, Paris, 1981, 416 p.
Alberto CAVAGLION, Nella notte straniera, gliebrei di S. Martin Vesubie. Cuneo, l'Arciere, 1981, 179 p. ; Michaël
MARRUS-Robert PAXTON, Vichy et les Juifs, Calmann-Levy, 1981, 433 p. ; Serge KLARSFELD, Vichy-Auschwitz,
Fayard, 1983, 543 p. (2) La condition des Juifs en France sous l'occupation italienne. Paris, C.D.3.C., 1946, 174 p. (3)
Un cimetière Israélite existait déjà sur la colline du Château, berceau de l'histoire de Nice.