conception est assez commode pour expliquer le sens, mais elle a vite ses limites ! quelle
forme pour un concept abstrait par exemple ? Des philosophes bien post´
erieurs (Spinoza)
diront au contraire que ”l’id´
ee de cercle n’est pas circulaire” et Descartes, quant `
a lui, en
instituant une coupure stricte (le dualisme cart´
esien) entre le corps et l’esprit, empˆ
eche que
les propri´
et´
es des objets se refl`
etent directement dans les id´
ees qui les repr´
esentent. D`
es
lors, en quoi peut bien consister le sens ? Nous reviendrons sur cette question de mani`
ere
d´
etaill´
ee en abordant la philosophie de G. Frege ([G. Frege trad. 71]).
Une autre question, bien entendu, est celle de la nature du signe. Qu’est-ce qu’un signe ?
(exercice : faire une enquˆ
ete par vous-mˆ
eme concernant la d´
efinition des mots : ”signe”,
”symbole”, ”indice”, ”icˆ
one”). D’une mani`
ere rapide, on peut dire que le signe est un ob-
jet mat´
eriel, concret, se r´
ealisant par la voix ou par l’inscription, qui sert `
a´
evoquer une
chose, un ´
ev`
enement ou une action mˆ
eme en leur absence (cet ´
el´
ement ici est important).
Nous verrons que le Platon du Cratyle avait tendance `
a expliquer le signe lui-mˆ
eme (et
pas seulement l’id´
ee que le signe est cens´
e symboliser) par une ressemblance, alors que,
pour Aristote le signe linguistique est conventionnel, ce qui pr´
efigure la c´
el`
ebre th`
ese de
l’arbitrarit´
e du signe, formul´
ee par Ferdinand de Saussure. Mais si arbitrarit´
e il y a, d’o`
u
vient quand mˆ
eme le lien qui existe entre le signe et la chose ? Platon prenait le nom propre
comme arch´
etype du signe, cela pose la question de savoir comment des noms viennent
aux choses (et particuli`
erement des noms propres aux choses singuli`
eres). Baser le signe
sur une convention n’est pas sans poser de probl`
emes : qui pose cette convention ? s’agit-
il d’un contrat ? mais si tel ´
etait le cas, alors il faudrait que l’on poss`
ede d´
ej`
a des mots
pour parler des termes du contrat ! Hume a propos´
e la ”convention tacite” (`
a l’image des
rameurs, ou des musiciens de jazz, qui n’ont pas besoin de se concerter `
a l’avance, ni d’un
chef d’orchestre, pour arriver `
a s’entendre). Plus r´
ecemment, des linguistes cogniticiens
comme Steven Pinker ([S. Pinker 94]) ont parl´
e d’un ”instinct de langage” comme d’une
sorte de force irr´
esistible qui pousse les humains `
a cr´
eer un langage s’ils n’en disposent
pas (ici, les connaissances nouvelles que nous avons sur la langue des signes peuvent nous
aider `
a r´
esoudre ce genre de question). Le nom propre a-t-il un sens ? oui, dirait Platon.
Si ”nom propre” signifie ”d´
enomination d’un objet singulier”, on peut, `
a vrai dire, ne pas
voir de diff´
erence entre ”Aristote” et ce qu’on appelle une description d´
efinie, comme
”le pr´
ecepteur d’Alexandre” ou bien ”l’auteur de l’Organon” etc. : toutes ces expressions
sont l`
a en effet pour d´
esigner un unique individu, donc selon la d´
efinition usuelle du nom
propre, ce sont des noms propres. Or, ici, nous voyons surgir un probl`
eme. En g´
en´
eral, nous
consid´
erons (cf. la discussion que nous aurons sur les futurs contingents chez Aristote) que
le cours des ´
ev`
enements n’est pas compl`
etement d´
etermin´
e (voire pr´
e-d´
etermin´
e). Ainsi,
G. W. Bush aurait tr`
es bien pu ne pas ˆ
etre ´
elu en 2000 (il s’en est fallu de peu !), autrement
dit, ”G. W. Bush” aurait certainement pu ne pas ˆ
etre ”le 43`
eme pr´
esident des Etats-Unis”.
Et de mˆ
eme, Aristote aurait tr`
es bien pu ne pas ˆ
etre le pr´
ecepteur d’Alexandre. Mais. . ..
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