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L’habitat prioritaire 1510, « steppes salées méditerranéennes (
Limonietalia
) »
dans le territoire du Parc Naturel Régional de la Narbonnaise en
Méditerranée. Définition floristique et écologique.
Olivier ARGAGNON
Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles
Antenne Languedoc - Roussillon
Décembre 2008
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1. Présentation de l’étude
Ce travail, réalisé à la demande du Parc Naturel Régional de la Narbonnaise en Méditerranée (PNRNM), porte sur les
« steppes salées méditerranéennes (Limonietalia) » qui constituent un habitat prioritaire de la Directive Habitat
92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la
flore sauvage (J. O. L206, 22.07.92). Il a pour but de préciser les conditions écologiques propices au développement
de cet habitat. La zone d’étude correspond au périmètre de la révision de la charte du PNRNM.
Les habitats présents dans ce périmètre ont déjà été en partie inventoriés et cartographiés. Nous nous sommes donc
appuyés sur les couches SIG fournies par le PNRNM pour identifier les zones où des steppes salées ont été
mentionnées. En complément de ce premier inventaire, des zones de présence probable de steppes salées ont été
mises en évidence grâce à la base de données du Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles
(CBNMED).
Fig. 1 Localisation des mentions de steppes salées et des zones prospectées
Au cours de la phase de terrain 174 relevés de végétation ont éréalisés dans les zones ainsi déterminées. Cela nous
a permis de nous faire une idée de l’écologie de ces groupements de steppes salées et de leur situation par rapport
aux autres groupements de sansouires. Il était prévu d’analyser les relevés engrangés pour détecter d’éventuelles
variations au sein de cet habitat, mais il est apparu rapidement que cet habitat n’avait pas été compris de la même
façon par les différents cartographes ayant travaillé dans la région. Il était donc nécessaire de définir clairement ce qui
correspond à la notion de steppe salée au sens de la Directive Habitat et de son application en France via les Cahiers
d’habitats.
Une fois cette finition mise au point, nous avons pu faire le tri de nos relevés et proposer une vision argumentée
de cet habitat dans le territoire d’étude. La confrontation des données écologiques issues de la littérature et de nos
propres observations de terrain permet de mieux cerner les conditions écologiques dans lesquelles ce type de
groupement végétal se rencontre.
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2. Définition de l’habitat « steppe salée »
L’examen sur le terrain des différentes cartographies d’habitats fournies par le PNRNM montre que l’habitat 1510*
« steppes salées diterranéennes (Limonietalia) » a été régulièrement confondu par les cartographes avec les habitats
suivants : 1410 « prés salés méditerranéens (Juncetalia maritimi) » et 1420 « fourrés halophiles méditerranéens et
thermo-atlantiques (Sarcocornetea fruticosi) ».
Il était nécessaire de définir clairement l’habitat « steppes salées » au sens de la Directive Habitat et ses limites vis-à-
vis des habitats qui lui sont proches.
Il existe deux définitions officielles de cet habitat : la première, au niveau européen, est celle du Manuel
d’Interprétation (Anonyme 2007) tandis que la seconde, au niveau national, est celle des Cahiers d’Habitats tiers
(Bensettiti (coord.) 2004).
2a. Définition du Manuel d’Interprétation
«
Définition : Associations de la côte méditerranéenne et des bordures des dépressions salées ibériques, riches en herbes pérennes (Limonium
spp. ou Lygeum spartum), sur sols temporairement envahis (mais non inondés) par l’eau salée, exposées à une sécheresse estivale extrême,
avec la formation d’efflorescences salées. Les syntaxons caractéristiques sont Limonietalia, Arthrocnemetalia, Thero-Salicornietalia et
Saginetalia maritimae.
Flore : Halopeplis amplexicaulis, Hymenolobus procumbens, *Limonium spp., Lygeum spartum, Microcnemion coralloides, Salicornia
patula, Senecio auricula, Sphenopus divaricatus.
Répartition géographique : Côtes méditerranéennes et péninsule ibérique.
Les syntaxons suivants correspondent à des variétés régionales de ce type d’habitat ; Arthrocnemetalia : Suaedion braunblanquetii (péninsule
ibérique continentale), Arthrocnemion glauci. Limonietalia : Limonion catalaunico-viciosoi (Aragon), Lygeo-Limonion furfuracei (SE de la
péninsule ibérique), Lygeo-Lepidion cardamines (Castilla-La-Mancha). Thero-Salicornietalia : Microcnemion coralloidis (péninsule ibérique
continentale), Salicornion patulae. Saginetalia maritimae : Frankenion pulverulentae, Thero-Suaedion.
»
Il s’agit en réalité de la définition de la version Eur15 (Romão (comp.) 1997), disponible en français, qui ne diffère
pas de la version actuelle (Anonyme 2007) disponible seulement en anglais. Cette définition est confuse et peu
explicite, nous allons en expliquer brièvement les raisons.
Fig. 2 Steppe salée aux Coussoules
Au niveau des espèces caractéristiques on mentionne des Limonium, or dans l’habitat 1420 « fourrés halophiles
méditerranéens et thermo-atlantiques (Athrocnemetalia fructicosae) » on trouve cité parmi les caractéristiques la plupart
des Limonium que l’on est susceptible de rencontrer au sein des sansouires.
Du côté des syntaxons (équivalents phytosociologiques des taxons de la taxonomie) ce n’est guère mieux. Les
Limonietalia sont aussi cités dans l’habitat 1420 « fourrés halophiles méditerranéenns et thermo-atlantiques
(Arthrocnemetalia fructicosae) » de même que les Arthrocnemetalia. Les Thero-Salicornietalia sont aussi évoqués à propos de
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l’habitat 1310 « Végétations annuelles pionnières à Salicornia et autres des zones boueuses et sableuses » tout comme
les Saginetalia maritimae.
Seule la description de la physionomie des « steppes salées méditerranéennes (Limonietalia) » permet de se faire une
idée, quoiqu’assez vague, du type de groupement végétal concerné.
2b. Définition des Cahiers d’Habitats
« L’habitat générique regroupe l’ensemble des végétations
pérennes à Statices des revers dunaires vers les sansouires des
étangs lagunaires, sur substrat encroûté, en situation d’aridité
estivale. Il présente une distribution géographique très limitée :
quelques points du littoral du Languedoc et Camargue. Il s’agit
d’un type d’habitat représentatif du domaine biogéographique
méditerranéen.
Compte tenu des fortes contraintes écologiques et du caractère
dynamique qui caractérisent cet habitat, la gestion sera basée,
dans la mesure du possible, sur la non-intervention. Cependant,
sur certains sites fréquentés, il est souhaitable d’assurer une
maîtrise de la fréquentation pour maintenir cet habitat dans un
état de conservation satisfaisant.
Caractéristiques stationnelles
Ce type d’habitat se développe en limite de l’influence des
inondations salées sur les cordons littoraux, sur des substrats de
types sablo-vaseux ou graveleux plus ou moins compactés et
secs.
Variabilité
Variabilité écologique :
- variabilité liée aux banquettes de sable salé, au contact des
revers dunaires vers les sansouires des étangs lagunaires :
association à Statice gérardin (Limonium gerardianum) et Satice
verge (Limonium virgatum) (Limonietum gerardino-virgati) ;
- variabilité liée aux sols secs, durcis, pierreux, en limite des
inondations salées sur les cordons littoraux : association
à Armoise bleutée (Artemisia caerulescens) et Satice verge
(Artemisio caeruleae-Limonietum virgati).
Physionomie, structure
Cet habitat présente une physionomie de petite steppe salée et
ouverte, dont la hauteur ne dépasse guère 50 cm. Il est dominé
physionomiquement par la floraison souvent massive des
Statices.
Espèces « indicatrices » du type d’habitat
Satice gérardin Limonium gerardianum
Satice verge Limonium virgatum
Armoise bleutée Artemisia caerulescens
Salicorne fruticuleuse Arthrocnemum fruticosum
Confusions possibles avec d’autres habitats
Aucune confusion possible.
Correspondances phytosociologiques
Alliance : Limonion confusi
Associations :
Limonietum gerardino-virgati
Artemisio caeruleae-Limonietum virgati »
On a ici une définition plus précise avec notamment des espèces caractéristiques et des références à des associations
plus cohérentes avec les autres habitats proposés dans l’ouvrage. Nous avons dressé un tableau comparatif des
espèces caractéristiques des steppes salées et des habitats voisins, sources de confusions, en nous basant sur les
espèces citées par les Cahiers d’habitats.
1510
1420
1410
Artemisia caerulescens L. subsp. gallica (Willd.) K. Persson x x
Sarcocornia fruticosa (L.) A.J. Scott x x
Limonium girardianum (Guss.) Fourr. x
Limonium virgatum (Willd.) Fourr. x
Suaeda vera J.F. Gmel. x
Arthrocnemum macrostachyum (Moric.) Moris & Delponte x
Sarcocornia perennis (Miller) A.J. Scott x
Limoniastrum monopetalum (L.) Boiss. x
Halimione portulacoides (L.) Aellen x
Puccinellia festuciformis (Host) Parl. x
Puccinellia convoluta (Hornem.) Hayek x
Elytrigia atherica (Link) Kerguélen x
Carex extensa Good. x
Elytrigia elongata (Host) Nevski x
Inula crithmoides L. subsp. mediterranea Kerguélen x
Juncus acutus L. x
Limonium narbonense Miller x
Plantago crassifolia Forsskael x
Aster tripolium L. x
Juncus maritimus Lam. x
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La colonne 1510 correspond à l’habitat « Steppes salées méditerranéennes (Limonietalia) ». Les Cahiers d’habitats ne le
déclinent qu’en un seul habitat élémentaire, le 1510-1 : « Steppes salées du littoral du Languedoc et de la Provence ».
La colonne 1420 correspond à l’habitat « Fourrés halophiles méditerranéens et thermo-atlantiques (Sarcocornietea
fruticosi ) » décliné en deux habitats élémentaires par les Cahiers d’habitats : le 1420-1 et le 1420-2. Le 1420-1
correspond aux « Fourrés halophiles thermo-atlantiques » alors que le 1420-2 correspond aux « Fourrés halophiles
méditerranéens ». En toute logique nous n’avons retenu que l’habitat élémentaire 1420-2.
La colonne 1410 correspond à l’habitat « Pré salé méditerranéens (Juncetalia maritimi)» décliné en trois habitats
élémentaires par les Cahiers d’habitats : le 1410-1, le 1410-2 et le 1410-3. Le 1410-3 regroupe les « prairies
subhalophiles thermo-atlantiques », nous l’avons donc écarté d’office. Le 1410-1 concerne les « prés salés
méditerranéens des bas niveaux » qui sont globalement plus humides que leurs homologues du 1420-2 des « prés
salés méditerranéens des hauts niveaux ». Seuls ces derniers rentrent suffisamment en contact avec les steppes salées
pour poser problème. C’est pourquoi nous n’avons retenu que l’habitat élémentaire 1410-2.
Nous avons tenté de rattacher de façon automatique nos relevés de terrain en nous basant sur les espèces
caractéristiques proposées dans les Cahiers d’habitats afin de tester leur valeur. Le résultat n’est pas concluant, seuls 6
% des relevés peuvent être rattachés à un des trois habitats cités ci-dessus. Pour la quasi-totalité des autres, on peut
hésiter entre plusieurs de ces habitats.
2c. Définition floristique suivant la littérature phytosociologique
L’examen de la littérature phytosociologique permet de construire un tableau synthétique plus précis que celui des
Cahiers d’habitats. Pour chaque habitat nous avons retenu, en nous basant sur les cahiers d’habitats, la ou les
associations qui nous semblaient la plus adaptée au contexte local.
Nous avons ensuite extrait de la base de données du CBNMED les relevés correspondants à la bibliographie de
chacune de ces associations de façon à pouvoir construire un tableau synthétique du même type que le précédent en
ne retenant que les espèces présentes dans plus de 40 % des relevés (ce qui correspond aux classes de fréquence III,
IV & V). Nous estimons qu’en deçà de ce seuil, la probabilité de rencontrer une espèce est trop faible pour être
significative sur le terrain.
Pour l’habitat 1510 : « steppes salées
du littoral du Languedoc et de la
Provence », nous avons retenus les
deux associations suivantes qui à
notre avis pourraient être regroupées
en une seule : l’Artemisio gallicae -
Staticetum virgatae Br.-Bl. 1933 et le
Limonietum gerardiano - virgati Géhu,
Biondi, Géhu-Franck & Costa 1992.
43 relevés ont été extraits des
publications suivantes : Molinier
(1948), Hekking (1960), Molinier &
Tallon (1965), Baudière & Simonneau
(1968), Loisel (1976), Boisset (1985),
Perdigo & Papio (1985), Géhu & al.
(1992)
Pour l’habitat 1420 : « fourrés halophiles méditerranéens », nous avons seulement retenu le Limoniastro monopetali -
Staticetum lychnidifoliae Br.-Bl. 1933. D’après notre expérience de terrain, c’est en effet avec lui qu’ont lieu les
confusions les plus fréquentes dans la Narbonnaise.
102 relevés ont été extraits des publications suivantes : Baudière & al. (1975) et Lahondère (1991).
Enfin pour l’habitat 1410 : « prés salés diterranéens des hauts niveaux », nous avons retenu uniquement le Schoeno
nigricantis - Plantaginetum crassifoliae Br.-Bl. 1931 puisque c’est visiblement cette association qui, venant au contact des
steppes salées, pose problème.
65 relevés ont été extraits des publications suivantes : Molinier (1948), Hekking (1960), Molinier & Tallon (1965),
Molinier & al. (1964), Loisel (1976), Boisset (1985), Perdigo & Papio (1985), Gesti & Vilar (2002).
Fig. 3 Steppe salée aux Coussoules
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