MISE AU POINT Progrès en Urologie (2000), 10, 1255-1257
1255
L’intention de traiter
Pascal GLEMAIN
Clinique Urologique, Hôtel Dieu, Nantes, France
Si la signification de ces mots est évidente pour le cli-
nicien qui a pour vocation de traiter ses patients, le
méthodologiste ne l'entend pas tout à fait ainsi.
L'analyse en intention de traiter consiste à analyser tous
les patients dans leur groupe de randomisation initial.
L'exclusion de patients a posteriori est illicite, et ceci
quelles que soient les éventuelles justifications telles,
non respect des critères d'inclusion, inclusions à tort,
même par erreur diagnostic, non respect des posologies
ou des procédures soumises à comparaison, abandons
de traitement, sortie d'essai. Cette liste n'est pas
exhaustive. L'intention de traiter concerne aussi les
études non randomisées, à partir du moment où un
groupe initial de patient a été constitué en vue de
répondre à une question.
La première justification de l'intention de traiter est
d'ordre méthodologique. La validité, du raisonnement,
des tests statistiques, et donc des résultats, est fondée sur
la qualité de la randomisation initiale. Celle-ci doit abou-
tir à la constitution de groupes comparables pour tous les
paramètres sauf les procédures soumises à comparaison.
Ainsi l'analyse causale [1] sera possible, avec un risque
d'erreur quantifié (risque a). Les différences observées
pourront bien être imputées à la différence de traitement,
et non pas à des paramètres, ou critères de confusions,
répartis de façons inégales entre les groupes. Certes, la
comparabilité des groupes pour les paramètres connus
peut être maîtrisée, et surtout doit être vérifiée dans les
résultats, mais pas celle des paramètres inconnus. C'est
l'intérêt de la randomisation que de les répartir de façon
aléatoire, donc a priori de façon équitable, même si on ne
peut pas le vérifier. Le non respect de l'intention de traiter
revient à donner au hasard une chance supplémentaire
d'intervenir en faveur de la démonstration d'une diff é r e n-
ce, en modifiant les groupes initiaux. Plus on fait de sous
groupes, plus il y a de chance d'observer entre certains
d'entre eux des différences par le simple fait du hasard des
répartitions, ou par une sorte de biais de sélection non
a l é a t o i r e .
La deuxième justification est clinique. Elle relève d'une
attitude réaliste. Lorsqu'on attribue un traitement à un
patient, c'est dans l'intention initiale d'obtenir un résul-
tat dans un contexte donné et ceci compte tenu de tous
les aléas possibles dans une procédure thérapeutique.
Parmi ces aléas, deux peuvent être liés à la structure
même de l'étude : les inclusions à tort et les sorties d'es-
sais pour échecs thérapeutiques.
Certains patients sont inclus à tort dans une étude parce
que leur état clinique impose un traitement rapide. La
randomisation est donc effectuée avant d'avoir la
connaissance d'un examen complémentaire ou d'avoir
la certitude du diagnostic. Prenons un exemple dans le
domaine de l'infectiologie. Un essai randomisé contre
placebo [4] avait permis au Centoxin® (HA-1A) de
bénéficier d'une forte présomption d'efficacité
(Figure 1). Cet anticorps anti-endotoxine devait per-
mettre de mieux contrôler le choc septique des patients
atteint de septicémies à germes Gram négatifs et donc
de réduire la mortalité. Compte tenu de la gravité du
contexte, les patients éligibles avaient été randomisés
avant la connaissance des résultats des hémocultures.
Ensuite, des sous-groupes ont été constitués afin de ne
Manuscrit reçu : mars 2000, accepté : mai 2000.
Adresse pour correspondance : Dr.P.Glémain, Clinique Urologique, Hôtel Dieu,
44093 Nantes Cedex 01.
RESUME
L’intention de traiter consiste à garder tous les patients inclus, dans leur groupe ini-
tial en cas de randomisation, pour effectuer l’analyse finale d’une étude. Cette atti-
tude se justifie au plan méthodologique puisqu’elle permet de préserver la validité du
raisonnement statistique et au plan clinique puisqu’elle permet de se rapprocher des
conditions réelles de prescription. Cette mise au point a pour but de montrer, à par-
tir d’un exemple classique, quelques situations cliniques où le problème de l’intention
de traiter peut se poser.
Mots clés : Statistiques, méthodologie, intention de traiter.