Trouble du spectre autistique et cécité congénitale Un casuiste pour la psychopathologie développementale 109
de porter essentiellement sur les calculs de prévalence, mais juste sur la
disparition des sous-groupes en rapport avec les conditions médicales associées
aux TSA (associated features). Beaucoup de ces sous-groupes étaient basés de fait
sur ces conditions médicales particulières et acceptaient une clinique un peu
spécifique. C’était le cas du syndrome de Rett, du Syndrome d’Asperger (absence
de déficience intellectuelle), des syndromes dégénératifs de l’enfance. On
remarquera qu’aucun sous-groupe n’avait été proposé pour définir l’association
entre autisme et cécité.
Dans ce cadre, les conditions médicales associées peuvent être considérées à
ce jour comme des facteurs de risque, voire des facteurs d’aggravation. Leur calcul
(Odds ratios) nécessite la constitution des deux critères croisés (cas «autistes »et
témoins, et cécité ou non). On peut également quantifier ce risque à l’aide de
technique de régression, mais alors les calculs deviennent très coûteux en sujets.
À ce jour aucune étude n’a démontré une relation entre le risque d’exposition à la
cécité et le trouble autistique.
C’est dans ce cadre général que nous aborderons cette association particulière,
il paraît assez naturel de traiter la présence simultanée chez un même sujet,
d’un TSA et d’une cécité congénitale comme une simple comorbidité. En
effet, dans l’état actuel des recherches il n’y aucune raison de penser que
ces deux caractéristiques développementales soient liées par un quelconque
lien de causalité. Dans une position classique en psychopathologie, il est tout
aussi naturel de les décrire dans un registre qui est celui de la limitation
fonctionnelle des activités (Organisation mondiale de la santé, 2011) et d’aborder
la question en termes de déficiences. Par contre, si on se place d’un point
de vue développemental, la question devient plus compliquée et, il est tout à
fait légitime alors de replacer l’apparition de ces deux phénomènes dans une
séquence temporelle (l’âge de survenue de la déficience visuelle : congénitale vs
tardive), de prendre en compte l’intensité des déficiences (déficience intellectuelle,
déficiences sociales, cécité congénitale ou malvoyance), d’expertiser les facteurs
d’environnement plus ou moins facilitant, dont on sait qu’ils peuvent donner des
formulations comportementales et évolutives très différentes. Dans chaque cas
de figure, l’impact de la cécité sur le trouble autistique sera différent.
IMPACTS DE LA CÉCITÉ SUR LE DÉVELOPPEMENT
Il paraît difficile de contester aujourd’hui qu’une cécité congénitale retarde plus
ou moins la mise en place de certains apprentissages : apprentissage moteur
(déplacements et manipulations des objets) (Tröster & Brambring, 1993), ap-
prentissages linguistiques, notamment lexicaux (Pérez-Pereira & Conti-Ramsen,
1999), et apprentissages sociaux (compréhension des intentions d’autrui) (Minter,
Hobson, & Bishop, 1998 ; Brambring, 2001 ; Brambring & Asbrock, 2010 ;
Kee, Casey, Cea, Bicardet, & Bicard, 2012). Tous ces apprentissages partagent
la nécessite de faire des simulations entre des attentes et des observés, ou
de confronter des modèles internes à des stimulations sensorielles issues de
nfance n◦1/2014