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LES MARQUES DES PRODUITS DE LUXE
FACE AUX MEDIAS SOCIAUX
Hilda Bairamian - Maitre de Conférences à la FGM
Résumé /Abstract
Les medias sociaux deviennent un phénomène qui créent une dépendance des utilisateurs et
donnent ainsi un pouvoir à ces utilisateurs .Le luxe est un domaine privilégauquel seuls
les riches ont accès. Cependant l’accès aux medias sociaux des marques de luxe pose la
question suivante: cette présence est-elle dévalorisante ou est-ce une nouvelle approche
marketing que les maisons de marque de luxe appliquent ? La réponse est à l’honneur des
marketers de marques de luxe qui ont su apprivoiser à travers les stratégies de communication
cet élément de technologie et - équilibrer les enjeux du pouvoir en faveur des entreprises.
Social media are creating an addiction in its users and giving them at the same time a power.
Luxury is a privileged field only open to the wealthy people.
However as the luxury brands are using the social media, the question is whether this
presence in the social media is a threat demeaning the value of luxury brands or is it a new
marketing approach that the managers are implementing. The evidence through this paper
indicates that marketing managers of luxury brands were able to control this new technology
and balance back the power into their field of company decision makers.
Mots clés
Luxe, service luxueux, marque de luxe, medias sociaux, réseaux sociaux, blogs,
communautés privilégiées, stratégies marketing, nouveaux riches, internautes.
Key terms
Luxury, luxury service, luxury brand names, social media, social networks, blogs, privileged
communities , marketing strategies , « nouveaux riches » ,story telling.
INTRODUCTION
Le produit de luxe est par définition aspirationnel et émotionnel. De par sa qualité, sa beauté,
sa rareté mais aussi sa cherté, il suscite bien des envies. Le « luxe » est un mode de vie
sortant de l’ordinaire et qui se caractérise par de grandes dépenses, souvent inutiles et qui
dépassent le strict nécessaire. Le luxe s’est toujours différencié des autres industries.
Le mode de diffusion du « luxe » est différent de celui des produits de mass-premium car le
luxe vise une classe sociale bien déterminée et met à l’écart la majorité de la population.
2
Avec l’invasion de l’Internet dans nos vies, le client internaute devient de plus en plus
dépendant de ces moyens de communication sur la toile. Il surfe sur le web pour s’informer,
pour choisir, pour acheter. Or, une navigation, même rapide sur des sites Internet nous fait
découvrir un nombre important de marques de luxe qui rivalisent en créativité pour attirer
l’intérêt des Internautes. Les marques de luxe sont présentes sur les medias sociaux
privilégiant le partage, la socialisation et l’universalité.
L’entreprise de recherche on line « Tamba » a publié en mai 2012 une étude sur le
comportement des consommateurs des produits de luxe affichant les données suivantes :
- Les consommateurs sont nombreux à s’informer sur le Web avant d’acheter un produit de
luxe notamment : 68% recherchent des informations directement sur les sites Web des
entreprises ; 45% recherchent des informations sur des sites divers et 13% sur des réseaux
sociaux.
- Suite à l’achat d’un produit de luxe 14% inter- agissent avec la marque via leur mobile et
30% parlent de leur achat sur des réseaux sociaux.
- Ceux qui parlent de leur achat d’un produit de luxe sur les réseaux sociaux le font : à
60%sur Facebook ,17% sur Twitter,17% sur un blog et 16% d’entre eux utilisent d’autres
lieux de Web pour s’exprimer( comme les forums ou les autres réseaux sociaux) .
Une autre étude menée aux Etats Unis d’Amérique par « Unity Marketing » en
2011concernant plus de 1500 consommateurs à haut revenu montre que 80% sont inscrits sur
les réseaux sociaux, 50% interagissent avec les marques sur les réseaux sociaux, soit à travers
des communautés ,soit à travers des messages ou des commentaires.
En réfléchissant à ce qui précède et en prenant comme hypothèse que « Médias sociaux » et
« luxe » sont deux notions opposées quant à leur fondement et à leur but, nous avons été
amenés à soulever une problématique que nous proposons de traiter dans les pages suivantes.
Les interrogations soulevées sont :
- Comment le secteur du luxe se rapproche des medias sociaux?
- La présence sur les medias sociaux est-elle dévalorisante pour les marques de luxe ?
- L’utilisation des medias sociaux peut-elle se faire dans le respect des règles des stratégies
Marketing ?
Après des définitions des termes clés de cette recherche, c’est-à-dire le luxe et les medias
sociaux, nous ferons un exposé sur les medias sociaux et les réseaux sociaux en présentant
les pratiques des marques de luxe quant à leur présence sur les medias sociaux. Nous
essayerons de comprendre les stratégies marketing appliquées dans un environnement
fortement influencé par la technologie de l’information.
LE LUXE ET LES MEDIAS SOCIAUX
Apparu pour la première fois en 1607, le mot « luxe » est issu du latin « luxus » qui signifie
« débauche et excès dans la manière de vivre ». Sous l’Ancien Régime, le luxe était réservé à
la noblesse et à la Société de la Cour ; ce n’est qu’au 19ème siècle que le luxe marchand, le
métissage avec la bourgeoisie d’affaires apparaissent. En France, il a vu le jour au temps de
Louis XIII et de Louis XIV pour ensuite se répandre géographiquement à travers la porte des
cours européennes.
3
Le luxe est associé à la richesse, destinée à des investissements créant un pur agrément, mais
aussi, à l’abondance et au superflu conférant une sensation particulière que Voltaire a fixé
dans une formule paradoxale : « Le superflu, une chose nécessaire »
1
.
Partout dans le monde, le luxe a toujours favorisé la créativité et l’innovation technique ; il
touche plusieurs secteurs d’activités et peut être concilié avec la mode, les loisirs, la
gastronomie, les meubles etc. Par conséquent, il est favorable au commerce puisque les clients
sont incités à effectuer des renouvellements d’achats sans qu’ils soient nécessaires.
Le luxe ne se mesure pas uniquement au prix des produits mais par les valeurs qu’il véhicule.
Le produit de luxe est défini par le mode de vie qui l’accompagne sur un plan culturel,
esthétique ou même gastronomique.
Cependant, le luxe n’a pas toujours été apprécié de tous : en effet, la doctrine de Diderot s’est
fortement opposée au luxe et a jugé que : « Le luxe confère à l’Homme un caractère
inhumain »
2
. Au 18ème siècle en France, on considérait que les besoins élémentaires des
pauvres avaient été sous-estimés en raison de l’accroissement du luxe. Pourtant, dès cette
époque, Paris a acquis la réputation d’être la « capitale du luxe ».
Marie-Claude Sicart dans son livre : « Luxe, mensonges et marketing » fait descendre de son
piédestal la notion de l’univers du luxe, pour nous démontrer qu’avec la multiplication des
marques de luxe, la logique industrielle se met à l’œuvre et donc toutes les techniques du
markeitng classique peuvent dès lors s’appliquer à ce domaine alors que Jean Noel Kapferer
et Vincent Bastion, dans leur livre intitulé Marketing du luxe » définissent les anti-lois du
marketing pour développer une nouvelle approche marketing qui serait spécifique au
domaine du luxe.
Sans entrer dans des considérations philosophiques de cette notion de luxe, qui constitue le
premier axe de notre recherche, nous retiendrons les caractéristiques suivantes du luxe.
Un produit ou un service est dit de « luxe » ou « luxueux » lorsqu’il revêt les caractères
suivants :
La rareté : la fabrication du produit est limitée et distribuée à faible échelle dans des
réseaux spécifiques. Le luxe ne tombe pas dans la vulgarité, contrairement aux
produits de mass-premium auxquels le commun des mortels peut accéder. Par
conséquent, sa présentation est soignée (design de l’objet, environnement de vente,
service personnalisé, emballage) ; il ne peut être vendu dans les grandes surfaces ni
être possédé par trop de personnes, et le service offert au client est valorisé.
Le prix élevé : la fixation du prix d’un produit de luxe est essentiellement fonction de
la valeur d’usage minoritaire de l’objet (vêtement, montre )en tant que tels, mais
aussi, fonction de la valeur d’usage majoritaire (la marque qui confère au propriétaire
une valeur sociale). Cette stratégie est guidée par l’envie des acheteurs de se distinguer
socialement supposant que plus le prix est élevé, plus l’objet a de la valeur.
La spécificité du réseau de distribution : le mode de publicité ou de diffusion d’un
article a un impact majeur sur l’image véhiculée par les produits et sur sa crédibilité
auprès des clients ciblés par la marque.
1
Poème « Le Mondain », 1736
2
« La dynastie des Séleucides » Conte philosophique de Diderot
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Cependant cette notion de luxe évolue vers une nouvelle définition.
« Le luxe d’hier n’est pas le luxe d’aujourd’hui et ne sera surtout pas, celui de demain », cet
adage reflète l’idée que le luxe est en évolution constante. Par ailleurs, Eliette Roux,
sociologue du luxe
3
n’a pas manqué de rappeler lors de la remise des diplômes de la 18ème
promotion de l’Institut Supérieur de Marketing de Luxe en juillet 2008 que « La marque de
luxe ne doit pas suivre une tendance mais c’est à elle de créer la tendance ».
Pour certains auteurs, le luxe de demain sera moins matériel que celui d’aujourd’hui et on
parlera de « service luxueux »,au lieu de « produit ou objet de luxe », et enfin,il se résumera
en un « savoir-posséder que pouvoir acheter ».
Le second volet de cette recherche concerne les medias sociaux qui utilisent l’intelligence
collective dans un esprit de collaboration en ligne. Ce sont les groupes d’individus qui créent
et organisent le contenu et qui gagnent donc du pouvoir pour se partager avec l’entreprise
l’effort de persuasion sur les réactions des audiences de clients.
Le développement des médias sociaux remonte à 1978 avec la création du « Computerized
Bulletin Board System ». Ce premier site a permis aux internautes de faire des échanges
d’informations, par la suite, le premier navigateur internet a été conçu et les pages du World
Wide Web se sont affichées.
L’évolution rapide de la technologie de l’information crée des medias sociaux de plus en
plus diversifiés qui donnent un pouvoir à l’internaute. Les réseaux sociaux numériques ne
sont qu’une sous partie des medias sociaux. En effet les réseaux sociaux sont destinés à
montrer de nouveaux contenus pour donner envie d’aller voir sur le site officiel de l’entreprise
et d’entrer en contact avec de nouvelles personnes qui peuvent peut-être devenir des futurs
clients.
La liste des medias sociaux serait longue et surtout très dynamique dans son évolution. Nous
nous contenterons de mentionner à titre d’exemple:Facebook,Google+,Twitter, LinkedIn,
Pinterest, les blogs, Instagram ,Tumblr et de présenter : Facebook, Google,Twitter.
Facebook entre autres caractéristiques permet une relation personnalisée et
individualisée avec les clients. Or dans le domaine du luxe cette caractéristique
semble intéressante du moment que « les fans » ont le sentiment de faire partie
d’une communauté exclusive.
Elle regroupe l’ensemble de son activité sur une seule plateforme. Elle a été
introduite en bourse en 2012 et dépend de la publicité et du comportement de ses
usagers.
Google souvent qualifié comme le géant d’Internet est quasiment partout. Ses
avancées technologiques dans l’exploitation de l’information permettent à
l’utilisateur d’accéder facilement (comme Google Flight Search,Google Adwords)
et rapidement à toute information requise .Cependant pour profiter pleinement des
services de Google, l’Internaute ne devrait plus faire fixation sur les « données
privées ».
3
Professeure et titulaire de la chaire LVMH à l’École Supérieure de Sciences Économiques et Sociales,
professeur associé à l’Institut d’Administration des Entreprises d’Aix-en- Provence, auteur de plusieurs
ouvrages comme : « L’analyse des risques », « Nos modes, nos rites, nos mythes »…Edition management et
société.
5
Google dispose d’un panel de services très larges offrant des solutions aux
internautes. Cependant Google n’est pas une entreprise à but non lucratif.
La quasi-totalité des revenus générés par Google proviennent de sa plateforme
publicitaire : Google Adwords.
D’après une étude publiée en cembre 2012 par e-Buzzing, il semblerait que
Google, en tant que moteur de recherche soit la principale porte d’entrée des
Internautes sur les medias Internet.
Twitter est un outil de micro « blogage » qui permet à un utilisateur d’envoyer de
brefs messages sur Internet par messagerie instantanée ou par sms.
L’industrie du luxe a souvent été perçue comme réservée et prudente par rapport au digital,
de par l’aura accolée au terme « luxe », mais on remarque de plus en plus que le « luxe » sous
ses différentes formes investit la toile laissant de côté ses hésitations des débuts. Ce secteur
profondément en contradiction avec le monde numérique dompte chaque jour plus le
marketing digital. La dépendance de l’Internaute des medias sociaux a donné naissance au
Web marketing dont l’utilisation des réseaux sociaux en est la dernière innovation.
Il devient possible aujourd’hui aux entreprises de créer des communautés, de faire naitre des
blogueurs.
Quelles que soient les sources consultées ou les études réalisées les données convergent vers
la conclusion suivante : Poussés par les appareils mobiles les médias sociaux ont le vent en
poupe. Facebook reste le leader, Twitter grossit les rangs et Google+ est deuxième au
classement d’après un article écrit par Pierrick Aubert pour WatchIT Mai 2013.
LES STRATEGIES MARKETING A TRAVERS LES MEDIAS SOCIAUX
Comment s’effectue donc le passage du marketing traditionnel au web marketing ? Peut-on
parler de rejet de marketing traditionnel ou plutôt des adaptations à apporter aux stratégies de
communication ? Et pourquoi la communication ? Est-ce-que l’utilisation de médias sociaux
se réfère essentiellement à l’outil communication opérationnelle marketing ? Les décisions
stratégiques de segmentation, de ciblage et de positionnement sont elles aussi affectées par
cette nouvelle donne ? Nous proposons de répondre à ces questions dans la partie suivante.
Le marketing est la rationalisation des pratiques commerciales, il est issu de la grande
consommation et sert à diffuser les produits accessibles à toutes les catégories de personnes.
A priori, serait-il mal adapté au concept du « luxe », qui ne privilégie point la banalisation des
produits ?
Anne-Claire Taittinger, femme d’affaires Française, administratrice du PlaNet Finance, du
Groupe Carrefour, du Thales, soutient cette acception en disant que : « Si la gestion d’une
maison de luxe est donnée à des spécialistes du marketing, il arrive rapidement un jour où tout
s’arrête »
4
.Mais la lecture de la littérature récente dans le domaine du luxe avec en tête des
auteurs tels Jean-Noël Kapferer et Vincent Bastion (2011) ou Michel Chevalier et Gérard
Mazzalovo (2010) ou Marie Claude Sicart (2012) nous permet de découvrir l’approche
4
« Luxe, mensonges et marketing », Marie- Claude Sicard, dans la troisième partie : marketing et luxe : le grand
malentendu
5 Vincent Bastion, Jean Noel Kapferer : « Marketing du Luxe » p 67-68
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