© Cerveau &Psycho - n° 44 mars - avril 2011 93
Jérôme Palazzolo
psychique (une dépression ou une angoisse) ;
une maladie physique (angine de poitrine ou
asthme), la consommation d’alcool ou de toxi-
ques avant de se coucher.
Les troubles du sommeil sont en majorité
associés au stress. À cela s’ajoute un comporte-
ment inadapté de gestion de l’insomnie qui ne
fait que favoriser son installation et son main-
tien. Ainsi, le sujet s’inquiète des conséquences
de l’insomnie sur ses performances du lende-
main (« Il est trois heures du matin et je ne dors
toujours pas… Demain, je vais être incapable de
faire une présentation claire »). Son stress est
renforcé par ses prévisions négatives (« Il est
trois heures et maintenant que je suis réveillé, je
sais que je ne vais pas pouvoir me rendormir»).
Il tente de mettre en place des stratégies pour
trouver le sommeil, mais quand il constate
qu’elles sont inefficaces, cela ne fait qu’augmen-
ter son sentiment de frustration : il prolonge
pour rien le temps passé au lit. Enfin, face à
cette insomnie et au stress qui la cause et qu’elle
entretient, il peut céder à la tentation d’utiliser
un hypnotique, voire de consommer de l’alcool.
Limiter l’usage
des somnifères
Lorsqu’ils sont prescrits pendant un temps
limité et avec parcimonie, les hypnotiques peu-
vent rendre un grand service à l’insomniaque,
notamment pour l’aider à sortir d’un cercle
vicieux dans lequel il s’enfonce. Encore faut-il
bien en connaître les risques. Pour la majorité
d’entre eux, ils sont à l’origine d’effets sédatifs
encore présents le matin au réveil : ils dimi-
nuent donc la concentration, voire les capacités
intellectuelles et physiques. Leurs effets dimi-
nuent avec le temps, ce qui entraîne une accou-
tumance (il faut augmenter les doses pour obte-
nir le même effet), renforçant le cercle vicieux
dont il faudrait au contraire essayer de s’ex-
traire : un mauvais sommeil est traité par des
hypnotiques, qui deviennent inefficaces à long
terme, il faut donc augmenter les doses, voire
associer plusieurs substances ; cette consomma-
tion abusive renforce la consommation, etc.
Comment s’en sortir ? Certainement pas en
décidant d’arrêter brusquement le traitement,
car il se produit alors un rebond d’insomnie,
lequel conforte le sujet dans l’idée qu’il ne peut
plus se passer d’hypnotiques. Le résultat le plus
patent de cette escalade est une désorganisation
accrue du sommeil, plus mauvais qu’avant tout
traitement. À ce stade, il ne reste plus qu’une
solution : le sevrage progressif (avec le soutien
du médecin traitant). On prescrit un seul
médicament à la fois, avec diminution progres-
sive de la dose. Le sevrage total nécessite parfois
plus de trois mois. Aussi, dans bon nombre de
cas, mieux vaut ne pas prendre un traitement
continu, mais préférer une médication discon-
tinue : un comprimé la première nuit, un demi
la deuxième nuit, un quart la troisième et plus
rien pendant le reste de la semaine. Un tel
schéma thérapeutique empêche le « renforce-
ment conditionné » de l’insomnie dû à la suc-
cession des mauvaises nuits, et conserve l’effi-
cacité à long terme de l’hypnotique tout en per-
mettant de se « programmer » quelques bonnes
nuits chaque semaine.
Pour terminer, quelques recommandations :
un hypnotique ne doit être utilisé qu’après une
consultation de son médecin traitant, et sur
prescription médicale ; l’association d’alcool et
d’hypnotiques est formellement contre-indi-
quée (le risque vital est en jeu, la personne pou-
vant être victime d’une insuffisance respiratoire
aiguë) ; la durée du traitement hypnotique doit
être limitée à moins d’un mois ; l’arrêt du trai-
tement doit être progressif, et se faire selon un
protocole établi par le médecin traitant. Et, sur-
tout, la prise de médicament doit avoir lieu « en
dernier recours », sachant que quelques règles
de sommeil bien respectées, dispensées notam-
ment par les centres du sommeil peuvent res-
taurer cette fonction… vitale.
I
Bibliographie
Le sommeil et ses
troubles
,
L’Essentiel
Cerveau&Psycho
, n° 2,
mai-juillet 2010.
J. Palazzolo,
En finir
avec l’insomnie
,
Hachette Pratique,
2006.
J. Palazzolo et L. Roure,
Écarts de conduite.
Sécurité routière et
psychopathologie
,
Ellipses, Collection Vivre
et Comprendre, 2004.
M. Billiard,
Le sommeil
normal et pathologique
,
Masson, 1998.
Pour retrouver le sommeil
• Allez vous coucher seulement quand vous somnolez déjà.
• Évitez de dormir dans la journée (évitez les siestes).
• Durant l’heure qui précède le coucher, ne pratiquez pas d’activité
stressante, ne regardez pas un film d’horreur !
• Si le sommeil ne survient pas au bout d’une demi-heure,
relevez-vous et pratiquez une activité calme dans une autre pièce,
jusqu’au moment où vous aurez envie de dormir.
• Le temps passé au lit doit être consacré à dormir.
• Levez-vous tous les jours à la même heure, même les week-ends,
quelles que soient la durée et la qualité de votre sommeil.
• Ne vous inquiétez pas après une ou deux nuits où vous avez
mal dormi.
• Évitez la caféine quelques heures avant le coucher. Évitez l’alcool,
la cigarette, les repas copieux proches de l’heure du coucher.
• Pratiquez une activité physique dans la journée, mais pas en
fin de soirée.