Conférence sur la guerre d`Algérie et ses mémoires (6 et 7

Conférence sur la guerre d’Algérie et ses mémoires (6 et 7 novembre 2013)
Tramor QUEMENEUR, Professeur à l’université de Paris VIII
Intro :
-Mémoires de guerre d’Algérie = questions sensible, suscitent d’intenses débats, même entre
historiens
-Mémoires militaires et pieds-noirs commencent dès 1954, d’où la nécessité d’observer l’histoire
longue (de conquête à la phase de pré-décolonisation
-importance de l’avant colonisation (par ex. la présence ottomane important dans la transmission
du droit) + les rapports franco-algériens sont bien antécédents (cf : sous Henri IV ; la piraterie à
laquelle la France est confrontée) Rem : des pirates chrétiens convertis à l’islam (les frères
Barberousse font construire un port en eau profonde et dvpent le commerce).
I. La période coloniale avant 1954
1) La Conquête
-1689-1789 : paix de Cent Ans : relations franco-algériennes se détendent ; tension nvelle des
relation avec Napoléon Bonaparte (dette de blé contractées par la France que les Français refusent
de rembourser au Dey d’Alger)
-En juin 1830 : retour la piraterie en Méditerranée. Départ de Toulon avec 37.000 hommes ; 1ères
batailles dans la plaine d’Alger (dont Fort l’Empereur pris aux janissaires ottomans). Le Dey Hussein
capitule le 5 juillet 1830 (d’où la fête de l’indép. Algérienne le 5 juillet 1962, pas le 3 juillet comme
pour les Français)
Dès le départ, violation des accords (confiscation des biens du Dey, pillages et viols à Alger)
Que faire d’Alger ?
-juillet 1830 : les 3 Glorieuses chassent Charles X, d’où flottement stratégiques. Donc une conquête
au coup par coup, menée le longs des côtes (Constantine prise le 4 janvier 1831). Intérêt également
pour l’intérieur des terres (richesse agricole : vergers, agrumes), notamment la plaine de la Mitidja
(qui sera la plus valorisée par les Français)
-Le Maréchal Bugeaud (le « saigneur de l’Algérie ») organise alors la conquête de l’Algérie « par les
armes et par la charrue ».Conquêtes très violentes (politique des « enfumages ») Dès les années
1830 débute la politique de peuplement de l’Algérie.
-Résistance algérienne : l’émir Abd el-Kader émir des Croyants à 24 ans mais très européanisé
dans son organisation étatique) : il suscite débat en Algérie : négociateur avec les Français ou
résistant patriote ?) La guérilla se propage (1835 : défaite de la Maqta) mais Abd el-Kader négocie
également (1/3 ouest de l’Algérie reste sous sa domination), adapte la guérilla à la tactique de
Bugeaud (déplacement rapide)
-Au niveau mémoriel, comment qualifier la conquête des années 1830 ? : nocide ? (Algérie perd
près de 50% de sa population en 40 ans !) ; extermination ? (pratique du massacre, villages rasés)
pourtant pas de volonté de génocide ni d’extermination.
-Rem : La Smala d’Abd el-Kader, ville itinérante de centaines de tentes, donc centralité d’un pouvoir
itinérant : prise en 1841 et reddition d’Abd el-Kader (trahi par les Marocains ?) le 26 décembre 1847
-Dès lors, conquête de l’Est : le Bey Ahmed de Constantine cède ; la résistance kabyle prend fin en
1857 (reddition d’une femme combattante et religieuse « Jeanne d’Arc du Djurdjura : Lalla Fatma
M’Soumer) –cf : La Kaïna, femme combattante (juive ?) contre les musulmans en Kabylie.
-poursuite de la résistance : 1871 : révolte d’El Mokrani ; 1916 dans les Aurès ; années 1930 :
poursuite de la conquête dans le Sahara (1937 : Tindouf)
2) La colonisation
-Dès le départ : dans l’Oranais, arrivée de travailleurs, de commerçants… Les premières installations
agricoles françaises commencent (cultures intensives sur des fermes de 1000 ha et +). Mais
beaucoup de mvt (retours très nombreux, compensés par les arrivées)
-Installation de population européenne et pas uniquement française
-Parmi les Français, beaucoup de paysans pauvres (auvergnats, alsaciens lorrains)
-Départementalisation de l’Algérie sous la Seconde République (Constitution, chap. 10) : loi du 9
décembre 1848 (Algérie du nord uniquement : 3 dépts) Les territoires du Sud ont un autre mode de
gestion
-Dès 1847, mesures de cantonnement des Algériens sur une partie de leurs terres : spoliation des
terres. D’abord les terres du Bey, ensuite les terres Abbous (appartiennent aux confréries religieuses)
1868-1869 : famines et choléra. La question de la propriété n’a jamais été réglée, même pas au
moment de la décolonisation (pas de titre de propriété)
-Second Empire : régime toujours largement militaire mais qui va se détendre. Ismaël Urbain
gouverneur de l’Algérie sous Napoléon III (rêve de faire de l’Algérie un « empire arabe », nostalgie de
l’Egypte de Napoléon 1eret rêve de reproduire le modèle de l’empire ottoman 1868 : voyage de
napoléon III en Algérie)
-Révolte menée par el Mokrani sous la IIIe Rép.: écrasée dans le sang (déportation de plus de 200
individus en Nvelle Calédonie)
-Politique de naturalisation des populations d’Algérie : hostilité des colons qui refusent d’acquérir la
nationalité française ! et résistance des Algériens. IIIe Rép (années 1871-1875) : lois républicaines
appliquées durement (plus que sous Napoléon III !) Les juifs d’Algérie sont automatiquement
naturalisés français. Naturalisation par le droit du sol des Européens d’Algérie dès 1889.
-Dichotomie forte entre villes (quartiers arabes, quartiers européens) et bled (Algériens presque
uniquement)
-« pied noir » : popularisé au moment de la décolonisation par les Européens d’Algérie ; serait
d’une épidémie de phylloxéra ayant rendu noirs les pieds de vigne ; autres suppositions : les bottes
noires des militaires colons ? le foulage du raisin ? par rapport aux mémoires pied-noires, grdes
différences entre grands propriétaires latifundiaires absentéistes (partis avant 1956 !) et populations
urbaines (celle-là plus qualifiée de « pieds noirs »). Mixité possible (cf : Bellecourt à Alger, quartier
mixte Français et Algérien -A. Camus) Mémoire de Camus très controversée cf : Expo Camus de
Marseille 2013 critiquée, alors que Camus commençait à être réhabilité en Algérie.
-Code de l’indigénat (1834) se cristallise à partir des années 1870 : code très flou, sauf pour la liste
des interdits : indigènes soumis au bon vouloir administratif + les peines administratives peuvent être
beaucoup plus lourdes que le code pénal (amendes collectives possibles, mesures d’éloignement sine
die du douar) Suppression définitive du code par l’ordonnance de mars 1944 ; il s’assouplit durant le
1er XXe s., notamment à partir de 1919 (eu égard à la 1GM) De 1944 à 1949, succession des statuts.
-loi du 7 mai 1946 : sont Français tous citoyens des territoires d’Outre-Mer
-Statut de 1947 (possibilité de la citoyenneté et de vote pour les hommes algériens mais dans un
collège propre –pour 9M de PAX contre le collège de 1M de français d’Algérie : entravé par le « parti
colonial » ; Cf : projet Blum Violette de 1936 (accès de l’élite algérienne à la citoyenneté française
pleine et entière) le statut de 1947 est voté mais jamais appliqué.
-montée progressive du nationalisme : celui du petit-fils d’Abd el-Kader, le parti des Jeunes algériens
(volonté d’obtenir des améliorations) Mais bascule avec l’émigration des Algériens (surtout kabyles)
en France début XXE s pour échapper à la situation coloniale : Messali Hadj (né à Tlemsen, a fait la
1GM, s’installe en France, y fait ses études, épouse une Française cf : thèse de Benjamin Stora) Fin
années 20 : il intègre l’Etoile Nord-africaine (créée par le PCF) puis se détache du PCF car il est le 1er à
parler d’indép. algérienne, tire un journal propre ; le Front Populaire interdit ce journal. Interdiction
du parti de Messali Hadj, il est arrêté, mis en résidence surveillée dans le grand Sud algérien puis
entre en clandestinité. Ferhat Abbas : est dans une politique de négociation avec les autorités
françaises mais bascule vers la question de l’indép. Sous l’influence de Hadj ; Les oulémas (Ibn
N’Baadis, principal ouléma) (gardiens de la foi) : dans une politique de négociation, ne se rallient à
l’indép. qu’en 1956.
-Manifestations de mai 1945 (dès le 8 mai) : réclame l’indép de l’Algérie, la libération de M. Hadj +
flotte le drapeau algérien. Répression à partir de Sétif : vers Constantine, Guelma (mai-juin 1945) ;
massacre d’1 centaine de Français, répression, émeutes (sur fond de famines depuis 1943 !)
Répression : de 10.000 à 45.000 morts. A Guelma, massacres par les milices privées qui condamnent
à mort, assassinent (charniers, disparition des corps dans 1 four à chaux) cf : JL Planche et JP
Perreloup. L’armée doit réprimer ces milices ! La Guerre d’Algérie a-t-elle commencé en 1945 ? (ce
sont pourtant les origines directes de la guerre. 1945 = une rupture : l’indép. est la seule solution et
elle ne pourra être acquise que par les armes) Les efforts de négociations postérieurs sont anéantis.
-Naegelen, gouverneur de l’Algérie après 1945 : truquage systématique, d’où la déconsidération des
élus, qui renforce la détermination des Algériens.
3) l’après 1945
-Abbas est élu (parti : Union démocratique du manifesta algérien UDMA) ; à l’inverse Hadj entre en
clandestinité : crée l’OS (Organisation Spéciale) OS démantelé, responsables arrêtés et torturés + grd
procès en 1950 (env. 50 PAX) 1ères contestations côté français (André Mandouze, chrétien
progressiste, enseignant à Alger ; Francis Gençon, philosophe ; claude Bourdet, ancien résistant,
publie « Y a-t-il une gestapo en Algérie ? » dans L’Observateur). Une partie des messalistes se
détache de Messali Hadj vieillissant ; les « centralistes » opèrent la scission clandestine et créent le
FLN en octobre 1954, à l’aube de l’insurrection. Les messalistes restés fidèles à hadj sont vaincus.
II. La guerre d’Algérie (1954-1962)
1)Le contexte.
-Les indépendances GB (surtout l’Inde) + discours tiers-mondistes.
-1952-1953 : événements en Tunisie et au Maroc ; 1955-début 1956 : textes militants, tracts
évoquent la situation « en Afrique du nord » (revendications globales).
2)La mise en place de la guerre (1954-1955).
-1er novembre 1954 : env. 70 attentats, partout en Algérie, sur les PAX et sur les biens. NB : sur la
mémoire de ces événements, l’instituteur Guy Ménerault exécuté « par erreur » (il s’est interposé
entre assaillants et un caïd présent dans le bus).
-A partir de 1955, les directives du FLN stipulent de ne pas s’en prendre aux civils et appellent le
peuple algérien à l’indép.. Courant octobre 1955 : le climat se dégrade ; déplacement de F.
MITTERRAND (il devra s’expliquer le 12 nov. 1954, à l’Assemblée nationale, sur son discours de
1955).
-Fin 1954-1955 : 1ers bombardements contre les douars (dans les Aurès : interv. lourdes contre la
guérilla algérienne bilan humain : rapport de 1 pour 10). Augmentation des effectifs : de 60.000
militaires présents en nov. 1954 (seuls 5000 à 6000 opérationnels) à 76.000 en janv. 1955 (militaires
face à une « insurrection généralisée).
-Messali Hadj pris de court : son parti (le PPAMTLD) est interdit, la répression s’abat sur le PPAMTLD,
les maquis de la clandestinité se développe. Les tensions augmentent entre le MNA (Mvt National
Algérien) fondé par Hadj et le FLN. Egalement l’opinion publique, en France, est persuadée que c’est
Hadj qui est à la te des maquis, d’où renforcement de la répression contre les messalistes. L’état
d’urgence (nvelle disposition créée dans le droit français car toute déclaration guerre de la France
contre la France est inenvisageable) est décrété (au départ en Kabylie et dans les Aurès, étendu à
toute l’Algérie dès la mi-1955). Instauration de décrets de maintien et de rappel sous les drapeaux
(jusqu’à 36 mois) NB : les appelés ne connaissent pas alors leur date de libération (rappel possible
sous les drapeaux même 3 ans après le service militaire. Cela engendre des protestations (avec
tracts) posant déjà le problème de la désobéissance. Ex : 600 PAX manifestent Gare de Lyon (« Le
Maroc aux marocains ! ») ; tract de la messe en l’église Saint-Séverin fin sept. 1955 (« nous ne
sommes pas prêt à tirer sur nos frères musulmans », « en lutte pour leur indépendance » (terme
souligné dans le tract) ; mutinerie à Petit-Quevilly (caserne mise à sac par des militaires avec cocktails
molotov). Cela contribuera à la chute du gouvernement en 1955 et à la victoire du «front
républicain» le 2 janvier 1956. Rem : Guy MOLLET n’était alors pas attendu à la présidence du Conseil
(on attendait MENDES-FRANCE). Manif. du 6 février 1956, d’où l’orientation progressive vers une
politique de répression (retour des mesures de rappel et de maintien sous les drapeaux dès avril
1956). Janv.-mars 1956 : période d’hésitation : implosion du mvt anticolonialiste, tension avec
l’extrême-droite (explosion du courant poujadiste en 1956).
-Les premières contestations voient le jour très tôt : les anticolonialistes (trotskistes, militants
libertaires cf : Daniel GUERIN) dès nov. 1954 ; déc. 1954 : organisation de meetings de protestation
favorables à Messali Hadj. Protestaion contre la répression et pour l’indép. + sur les méthodes de la
guerre et de la répression (cf : article de Claude BOURDET, janv. 1955 : «votre gestapo d’Algérie» ;
Fr. MAURIAC, dans L’Express : «La Question»). Dès 1955, tous les aspects de la contestation
concernant la guerre d’Algérie sont déjà abordés. Fort militantisme fin année 1955 : dans les tracts,
protestation contre une « nouvelle sale guerre » (PCF, en référence à l’Indochine, activisme de
Prévert, Picasso).
-20 août 1955 : insurrection du Constantinois : une insurrection populaire cette fois (l’ALN encadre
des paysans algériens, partant à l’assaut de villages, dont el Aliya : pop. européenne dont enfants-
massacrés) ; répression française très brutale (entre 5.000 et 10.000 morts ; à Philippeville, Algériens
décimés dans un stade). Virage approfondissant la guerre.
-mise en place de la politique de pacification en 1955 avec P. MENDES-France et Jacques SOUSTELLE
(ethnologue, opère des constats en Algérie et tente d’établir un contact avec la pop française
d’Algérie). S’appuis sur Vincent MONTEIL et Germaine QUILLON (ethnologue, thèse sur les Aurès,
résistante et déportée). Mise en place des SAS (Sections Administratives Spéciales) et des EMSI
(structures médicales) : volontaires française, infirmiers et médecins du contingent ; on se penche
sur le système éducatif déculturation » de la pop. algérienne depuis 1830 constatée : en 1954, 90
% d’analphabétisme ! Perte de la culture arabe et pas d’accès réel à la culture française ; G. QUILLON
évoque une « clochardisation culturelle », que confirme les bidonvilles et les enfants des rues durant
les années 1950). Résultats de la politique de pacification : Vers 1960, 1 Algérien sur 2 est scolarisé. +
mesures d’aide économique, grands travaux, aides aux indigents, renforcement des contacts avec la
pop. (pour le renseignement), dvpt des contrôles d’identité pour établir les cartes d’identité (même
dans les villages, avec femmes voilées ! cf : Marc GARANGER, photographe qui a exposé ses
photos : on y décèle le regard rempli de haine de femmes algériennes). Egalement pratique de la
torture dans le cadre des SAS !
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