Focus: « Les entreprises familiales et leurs enjeux de transmission

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Focus: « Les entreprises familiales et leurs enjeux de transmission » / Le témoignage de
Christophe Saubiez
Christophe Saubiez est Associé au sein du cabinet Deloitte qui a co-organisé la 3ème édition des « 24h
des Nouvelles Générations ». Il a accepté pour aliath de nous parler des enjeux et des difficultés
rencontrées à l’occasion de la transmission d’une société familiale à la nouvelle génération.
Quel est, selon vous, le principal défi à relever dans la transmission d’une entreprise familiale à la
nouvelle génération ?
L’entreprise familiale ne doit pas se transmettre de manière statufiée au risque de ne pas perdurer. Le principal
défi à relever par la nouvelle génération qui reprend l’entreprise familiale est d’arriver à revisiter le modèle sans
pour autant le compromettre. Il s’agit de trouver une alchimie permettant à la fois la poursuite et la rupture ; un
exercice délicat.
En quoi la transmission d’une entreprise familiale diffère – t –elle des autres transmissions d’entreprise ?
Dans le cas des entreprises familiales, si la transmission se passe mal, cela met en péril toute la cohésion de
l’entreprise qui repose sur la cellule familiale ; l’affect joue un rôle prépondérant. Dans les autres types de
transmission, c’est plus froid et plus implacable. L’émotion n’est pas gérée de la même manière dans les deux
cas.
Comment créer les conditions d’une bonne transmission de générations en générations ?
Le préalable à toute transmission de l’entreprise familiale est l’envie démontrée par la nouvelle génération d’en
reprendre les rênes, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui et qui peut expliquer le faible taux de
transmission des entreprises familiales françaises (ndlr : à peine supérieur à 10).
Précisément, comment donner envie aux nouvelles générations ?
Il faut véhiculer très tôt une image positive de l’entreprise familiale aux enfants, les acculturer progressivement,
que ce soit au travers de visites ou d’immersions régulières dans l’entreprise ou de solutions plus innovantes.
Dans la famille Mulliez, par exemple, les jeunes générations sont systématiquement familiarisées au groupe
familial et à ce qu’il recouvre. Ce, dès leur plus jeune âge.
« Véhiculer très tôt une image positive de l’entreprise familiale aux enfants »
De façon générale, entre 5 et 15 ans, les jeunes générations sont en capacité « d’attraper le virus ». Ce fut le cas
du dirigeant actuel du Groupe Pi, qui, très jeune, a été sensibilisé à la question de l’entreprise familiale et aux
problématiques qui y étaient associées. A l’époque, le Groupe P. était l’employeur de référence de son lieu
d’implantation et le fils du dirigeant était, chaque jour, informé du climat social de l’entreprise par ses camarades
de classe, qui n’étaient autres que les enfants des salariés de son père.
Pour les générations plus âgées – entre 15 et 25 ans - et en âge d’appréhender les problématiques de
l’entreprise, on trouve au sein des entreprises familiales des initiatives comme le conseil d’administration
« miroir ». Il s’agit à travers cette instance miroir de permettre aux jeunes générations de réfléchir aux mêmes
thématiques que le véritable conseil d’administration et de les amener à envisager et à proposer leurs propres
solutions.
« Développer une âme entrepreneuriale »
L’objectif recherché avant tout par les dirigeants des entreprises familiales, en conscience et en maturité sur les
questions de transmission, est que les jeunes générations aient un projet entrepreneurial pour l’entreprise
familiale. Il est essentiel que les jeunes générations développent une âme entrepreneuriale et ne soient pas juste
en posture d’héritiers.
« Faire des visionnaires »
La reprise d’une entreprise familiale est réussie lorsque les jeunes générations ont eu le temps de prendre le
pouls de l’entreprise, les moyens de penser un projet d’avenir et arrivent aux commandes en visionnaires et non
en gestionnaires. Il en va de leur légitimité mais aussi de la pérennité de l’entreprise.
Vous avez participé à l’organisation des « 24h des Nouvelles Générations » dont c’était la 3ème édition
cette année, vous avez monté au sein de Deloitte le Club des Jeunes Générations, pouvez-vous nous en
dire plus sur le contexte actuel concernant les questions de transmission des entreprises familiales aux
nouvelles générations ?
Beaucoup de patrons d’entreprises familiales ont aujourd’hui conscience qu’ils devront bientôt laisser la main
mais ils se rendent également compte que les jeunes générations ne sont pas prêtes à prendre le relais ; soit
parce qu’elles n’en ont pas envie, soit parce qu’elles n’ont pas encore acquis l’autonomie nécessaire pour
proposer leur propre projet de développement pour l’entreprise.
La décision de créer un séminaire annuel des « 24h des Nouvelles Générations » et un Club trimestriel des
Jeunes Générations visait à répondre à cette préoccupation. L’un comme l’autre doivent permettre de sensibiliser
et d’accompagner les jeunes générations dans leur futur rôle de dirigeants de l’entreprise familiale.
Diriez-vous que le contexte des entreprises familiales a changé et si oui de quelle manière ?
D’une manière générale, les entreprises familiales sont beaucoup plus ouvertes sur l’extérieur qu’elles ne
l’étaient par le passé. Il y a une tendance à la professionnalisation, en particulier des fonctions stratégiques de
l’entreprise. Avant, les postes clés étaient très souvent occupés par des personnes de la famille, qu’elles aient
ou non les compétences. Aujourd’hui, les entreprises familiales ont de plus en plus recours à l’extérieur pour se
doter des compétences dont elles ont besoin pour leur développement.
Il y a aussi un changement dans la perception de l’extérieur par les entreprises familiales. Elles ont de moins en
moins peur de leur ombre, elles acceptent de plus en plus tout ce qu’elles considéraient jusqu’alors comme
intrusif ; à savoir : se doter de moyens financiers (financement, cotation, entrée d’un fonds notamment), faire de
la croissance externe, etc. Les entreprises familiales ont compris que pour atteindre une taille critique, faire des
économies d’échelle, de la croissance, il fallait en passer par là.
Et ce changement est essentiel. Il l’est d’autant plus que les entreprises familiales constituent une des
composantes majeures de l’économie française… Une entreprise qui perdure dans le temps, c’est un vrai socle
pour une économie.
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Le nom de ce Groupe a été volontairement modifié afin d’en garder l’anonymat.
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