d’étendre abusivement le champ de sa propre discipline à l’ensemble de tous les comportements humains.
L’idéologie du déterminisme génétique résulte de trois idées répandues bien que non fondées : -Les êtres
humains diffèrent les uns des autres dans leurs capacités fondamentales à cause de différences innées . -Le rôle
des gènes est prépondérant. -La nature humaine ainsi déterminée est à l’origine de la hiérarchie sociale.
L’association inconsciente de médecins et de journalistes, la recherche du pouvoir politique et économique ont
des effets pernicieux, entraînent une naïveté philosophique. La connaissance scientifique qui permet de distinguer
le vrai du faux, ne permet pas de distinguer le bien du mal. Ce qui doit être ne doit pas être confondu avec ce qui
est. Le sophisme naturaliste de la philosophie morale est dénoncé régulièrement depuis quelques dizaines
d’années. La nature peut être source de souffrances. Il y a trente ans seulement, on aurait été très étonné du
développement actuel de l’éthique. L’explosion des sciences et des techniques de la biologie et de la médecine
pose un ensemble de problèmes. La bioéthique n’est pas une sous discipline de la biologie comme la biochimie ou
la biophysique. C’est une réflexion sur la biologie, sur la médecine. Les sciences et les techniques créent des
problèmes éthiques sans donner les moyens de les résoudre. Le développement de techniques a permis de
séparer les deux fonctions maternelles. La vraie mère est-elle la génétique ou la porteuse ? C’est un problème
d’identité et pas seulement de valeur. De même le diagnostic génétique, la transplantation d’organes, la
possibilité de clonage reproductif, nous forcent à renoncer aux illusions scientistes du siècle dernier. Ni la
philosophie morale, ni la religion ne donnent de réponses possibles, acceptées par tous, à peu près universelles.
La religion apparaît comme une barrière. Vouloir faire naître un enfant à tout prix ou ne pas interférer avec la
nature, qu’est-ce qui correspond le plus à la volonté de Dieu ? Chaque religion tient un discours qui n’est
accessible qu’à ses fidèles. La philosophie morale n’apporte pas non plus de réponse universelle. Selon Kant, il ne
faut pas utiliser l’homme comme un moyen. Dans la technique des greffes d’organes, le cadavre n’est-il pas
utilisé comme un moyen ? La réponse varie selon le philosophe, son système philosophique particulier. D’après le
principe de bienfaisance, la vérité doit être annoncée progressivement, avec précaution pour ne pas aggraver la
souffrance du malade. Selon le principe d’autonomie, c’est au contraire la transparence totale qui est de mise. Le
respect de la vie, du vivant doit-il s’appliquer à toute forme de vie, à celle des cellules cancéreuses, à celle des
virus ? Le principe de précaution se détruit lui-même. Au nom du principe de précaution il ne faut pas appliquer le
principe de précaution. Le risque de l’appliquer peut être plus grand que celui de ne pas l’appliquer. On ne peut
pas quantifier un risque que l’on soupçonne seulement. Pourtant, en prévisions de procès ultérieurs on a recours
de façon presque magique au soi-disant "principe" de précaution. la philosophie est indispensable. la
responsabilité se conçoit pas sans libre arbitre. Mais celui-ci est illusoire en ce qu'il est sous la dépendance des
déterminismes biologiques et sociaux. Les crimes sexuels sont-ils des crimes dont les auteurs sont responsables ?
On fait appel à des experts psychiatres pour décider si le discernement est perdu ou atténué. Cependant on
observe une augmentation du nombre de malades mentaux dans les prisons. Sont-ils juridiquement responsables
et en même temps malades ? Ils se voient attribuer une peine de prison assortie d’une peine de suivi
thérapeutique. Cette contradiction totale pour les médecins et les juristes est approuvée par le comité national
d’éthique. Existe-t-il une possibilité d’éthique universelle ? Tout ce qui est bien pour une société peut être mal
pour une autre. Dans la pratique, la plupart des individus ne sont pas des philosophes. Ils se comportent suivant
les valeurs et les normes de leur groupe social, son histoire, ses traditions. Tout individu humain acquiert son
humanité, ses valeurs, ses critères de jugement normatifs, implicites ou explicites, à travers un groupe, une
société, sa langue, sa culture, ses traditions et non pas de façon universelle. Le jugement normatif est hérité
socialement et culturellement. Même les traditions laïques et humanistes ne sont pas neutres et universelles :
elles se manifestent en réaction aux pratiques religieuses ou politiques d’un groupe. Cette situation est universelle
mêmes si les systèmes de valeurs sont différents. Cependant, malgré des systèmes de valeurs différents, les
individus sont forcés de vivre ensemble. Une existence commune est possible malgré des croyances différentes.
La société malgré un caractère pluraliste peut avoir une universalité pratique, construite pas à pas. S’il n’existe
pas de système unique de principes, l’existence commune est indispensable malgré des valeurs pluralistes. Il
existe plusieurs niveaux auxquels les exigences de l’éthique se manifestent : . Le premier niveau est celui du
plaisir et de la douleur. Le bien est ce qui fait du bien, le mal ce qui fait du mal. Ce niveau fondamental est
universel de fait car il est commun à l’espèce humaine, étant déterminé par la physiologie. Il est du domaine de
la sensation immédiate, du plaisir et de la douleur. La difficulté du jugement moral est qu’il est différent d’un
autre jugement : il a un caractère normatif. Ici, le passage est immédiat, à peu près automatique. Le sentiment
du bien entraîne qu’il faut faire le bien. Il faut éviter ce qui fait souffrir et rechercher ce qui fait du bien. Dans
plusieurs langues, ce sont les mêmes mots qui traduisent le bien et le mal dans la morale et dans la sensation
immédiate, l’expérience subjective. Ce niveau, bien que déjà reconnu par les philosophes anciens, Platon, Aristote
et Epicure notamment, et universel, est insuffisant. C’est le premier niveau ou le niveau zéro de l’éthique. . Le
deuxième niveau intègre l’expérience du bien et du mal en utilisant les capacités cognitives propres à l’espèce
humaine, essentiellement mémoire et imagination, qui s’en emparent et la délocalisent dans le temps et dans
l’espace. La sensation de plaisir et de douleur immédiate et subjective, est transformée et devient plus abstraite.
Par projection dans le temps, un bien présent peut produire un mal à venir et inversement, et par projection sur