Télémédecine : quelle responsabilité pour le médecin

publicité
Télémédecine : quelle responsabilité pour le médecin ?
03 /2013
Jean VILANOVA – Juriste
[email protected]
1
La télémédecine, entrée dans les mœurs depuis plusieurs années, dispose aujourd’hui d’un périmètre clairement défini par le biais du décret n° 2010-1229 du 19 /10 /2010.
Modifie-t-elle, la responsabilité professionnelle des médecins qui en use ? Est-elle susceptible d’accroître le risque de poursuites contre ces médecins ?
Définition et consécration de la télémédecine
Selon les termes du décret cité ci-dessus… « Relèvent de la télémédecine les actes médicaux réalisés à distance, au moyen d’un dispositif utilisant des technologies de
l’information et de la communication… » A ce titre, constituent des actes de télémédecine :
-
La téléconsultation, matérialisée par la consultation d’un patient à distance ;
-
La téléexpertise au titre de laquelle le praticien sollicite un avis à distance d’un ou plusieurs confrères ;
-
La télésurveillance médicale permettant à ce praticien d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi du patient et, le cas échéant, de prendre des
décisions relatives à sa prise en charge ;
-
La téléassistance médicale qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’assister à distance un confrère au cours de la réalisation d’un acte ;
-
Enfin la réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale.
De fait, la télémédecine ouvre une voie nouvelle dans la pratique médicale, voie nouvelle incontournable en regard de l’extraordinaire démocratisation de l’information en
réseaux. De surcroît, la télémédecine est apparue comme un moyen de répondre, au moins partiellement, aux problèmes aigus posés par les déserts médicaux. Rapprocher
ainsi le patient isolé de son praticien.
Télémédecine, relation patient-soignant et responsabilité
L’objet de la présente synthèse n’est certes pas de décrire par le détail les conditions de mise en œuvre et d’organisation de la télémédecine. Tout ceci a déjà été, en son
temps, énoncé puis rappelé. Il s’agit aujourd’hui pour nous de resituer la télémédecine dans la fonction de soins. Et ici, les choses sont d’une parfaite clarté. L’acte de
télémédecine est un acte médical à part entière, doté d’attributs identiques aux autres actes médicaux. La Direction Générale de l’Offre de Soins s’est d’ailleurs fait un devoir
de le préciser dans son rapport « Télémédecine et responsabilités juridiques engagées » de mai 2012.
Dès lors, le débat pourrait ici se clore. Si la télémédecine est un acte médical à l’instar des autres, elle ne présume nullement d’un régime particulier de responsabilité. Le
patient consent ou non, après avoir été informé. Cette information se fait dans le cadre d’un entretien physique et porte bien entendu aussi sur la procédure proposée et à
venir de télémédecine. Le médecin perçoit des honoraires pour l’acte de télémédecine. L’acte en question fait l’objet d’un compte rendu et de prescriptions, etc. L’obligation
du médecin reste bien entendu « de moyens », par la mise en œuvre des moyens intellectuels, techniques et humains à sa disposition pour tenter de guérir le patient ou, à
2
tout le moins, atténuer sa souffrance. Quant à la couverture assurantielle, elle doit naturellement s’opérer à la condition que l’acte est pratiqué dans le respect du texte
réglementaire.
Pour autant, des spécificités doivent être mentionnées.
Une responsabilité accrue ?
Peut-on soigner, soulager une souffrance sans qu’il y ait « toucher du corps » ? Oui puisque la télémédecine, en tant qu’acte médical se voit reconnue et réglementée. Pour
autant, la distance qu’elle induit crée-t-elle un risque accru pour le patient pour lequel on aura eu peine à poser le bon diagnostic et, par-delà, une responsabilité au périmètre
élargie pesant sur le médecin ?
Le risque existe quel que soit l’acte médical. Et quel que soit cet acte, l’objectif consiste à réduire autant qu’il est possible le risque. La compétence du praticien, son écoute et
son humanisme associés ici à sa formation à la télémédecine apparaissent comme les conditions d’un risque mieux contrôlé mais bien évidemment toujours réalisable (il faut
hélas parfois rappeler que le risque 0 n’existe pas et n’existera jamais).
Plutôt qu’une responsabilité accrue pesant sur un seul médecin – celui qui réalise l’acte de télémédecine – nous distinguons davantage une responsabilité diffuse sur
plusieurs praticiens. Car l’un des fondements de la télémédecine s’appuie sur l’association de plusieurs soignants qui s’engagent ainsi à tenter d’atteindre l’objectif de
guérison du patient. Cette association de plusieurs compétences contribuant aussi à diminuer le risque. Entendons-nous bien, c’est au médecin traitant de répondre en
premier lieu eu égard au contrat passé avec le malade. Mais les confrères requis notamment dans le cadre de la téléexpertise, dès lors qu’ils assistent leur confrère médecin
traitant se chargent, pour la partie qui leur incombe, d’une responsabilité…
Dossier médical et secret
Comme pour tout acte, il convient d’apporter attention au dossier médical du patient. L’ensemble du cheminement de nature à faire intervenir quelque médecin que ce soit
autre que le médecin traitant doit y être mentionné ; donc l’identité du ou des praticiens requis. Et le rôle joué par chacun figure au dossier. Par ailleurs, le patient aura
préalablement consenti à la transmission et au partage d’informations le concernant entre plusieurs soignants.
Le droit écarte toute dérogation au secret médical quand bien même, ou plutôt a fortiori dans le cadre d’une dématérialisation de l’information. Télémédecine ou pas, le secret
est instauré dans l’intérêt du patient et il ne saurait être dévoilé sauf situations spécifiquement énoncées dans les textes. Or la télémédecine suppose la collecte et des
transferts d’informations, sensibles ou non propres au patient. On pense alors à une possible porosité avec l’internet qui attenterait à ce secret et rendrait inéluctable des
poursuites pénales.
A noter enfin que l’Ordre des médecins pose le principe de l’interdiction de l’annonce d’un pronostic vital par télémédecine. L’institution précise en outre que le patient reste
en droit de recourir ou de refuser de recourir à cette pratique.
3
En conclusion
La télémédecine est de notre temps, technologique et il était impensable – impossible – que la médecine n’y ait pas recours à un moment ou à un autre. D’autant, nous
l’avons dit qu’elle recrée, même de façon imparfaite, un lien entre patients et soignants dans un contexte de permanence des déserts médicaux.
Ce double constat fait, il appartient ensuite à ses promoteurs de « l’humaniser » autant que possible. Le patient reste le patient, c’est-à-dire celui qui consent ou non ; celui
dont le secret reste protégé, secret « général et absolu » selon les qualificatifs retenues par la Cour de cassation.
Enfin, il n’a pas été question, dans cette synthèse du matériel propre à la télémédecine, matériel avec lequel le médecin doit être familiarisé mais aussi, en amont, matériel
soumis à une exigence de conformité et entraînant un manquement à une obligation de résultat dès lors qu’il défaille et que cette défaillance porte préjudice au patient.
Pour autant, nous ne voyons pas dans la télémédecine si elle s’avère bien encadrée, une source inquiétante par le nombre de contentieux. Puisse l’avenir nous donner
raison.
4
Téléchargement