La publicité en ligne - Institut national de la consommation

29 novembre- 5 décembre 2004
No1322
INC Hebdo
V
INC
document
ÉTUDE JURIDIQUE
LCEN 3
LA PUBLICITÉ EN LIGNE
Le chapitre 2 de la loi no2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)
traite de la publicité par voie électronique. En réalité, trois aspects de la publicité sont traités par les ar-
ticles 20 à 24 : la publicité proprement dite, les offres promotionnelles et la prospection commerciale.
Trois aspects analysés dans ce troisième volet d’une série de quatre études juridiques autour de la LCEN.
L’OBLIGATION D’IDENTIFICATION DE LA PUBLICITÉ EN GÉNÉRAL
La loi nouvelle transpose à la publicité par voie électronique
les principes généraux du droit de la communication qui,
dans les domaines de la presse écrite, de la radio et de la télé-
vision, imposent que les messages à caractère publicitaire
soient clairement distingués des informations non commer-
ciales. La LCEN vise ainsi à éviter les messages commerciaux
déguisés ou clandestins.
L’article 20 de la LCEN transpose l’article 6 de la directive
2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin
2000, dite directive sur le commerce électronique1: «Toute
publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un
service de communication au public en ligne, doit pouvoir être
clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement
identifiable la personne physique ou morale pour le compte de
laquelle elle est réalisée.
L’alinéa précédent s’applique sans préjudice des dispositions
réprimant la publicité trompeuse prévues à l’article L. 121-1
du code de la consommation.»
La référence à la publicité trompeuse va de soi et ne suscite
donc aucun commentaire particulier2.
Tant la publicité que l’annonceur pour le compte duquel elle
est réalisée doivent être clairement identifiables.
Il s’agit de permettre au destinataire d’identifier la publicité
sans avoir à ouvrir” le courrier électronique, pour lui per-
mettre de l’effacer, voire de recourir à un service de filtrage
automatique qui bloque le message avant son arrivée dans sa
boîte aux lettres. Cela vise aussi les messages ou informa-
tions présentés comme anodins mais qui cachent en réalité
une démarche publicitaire, qui peuvent être présents dans
les forums de discussions.
L’identification de la publicité en tant que telle est une obli-
gation qui figure aussi dans le décret du 27 mars 1992 relatif à
la publicité télévisée3. Cependant, si cette identification est
relativement aisée à la télévision en raison de la diffusion de
génériques de début et de fin d’émission publicitaire, et en
faisant abstraction de la question de la publicité clandestine,
cette identification suscitera certainement des difficultés et
des controverses s’agissant d’Internet.
Certes, certaines formes de publicité sont clairement identi-
fiées comme telles par les internautes. Il s’agit des bannières,
des “pop-up, “pop-under”4et autres nouveaux supports
aisément reconnaissables5.
Mais de manière générale, il est tout d’abord nécessaire de
déterminer ce qui est de la publicité et ce qui n’en est pas.
—————
1Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de
l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur; JOCE noL 178 du 17 juillet 2000, p. 1. Sur cette directive, cf.
“Premier rapport de la Commission sur l’application de la directive, doc. COM (2003) 702 du 21 novembre 2003.
2Outre ces textes, d’autres dispositions sont applicables à la publicité. Il s’agit notamment des dispositions de l’arrêté 77/105/P relatif à la publi-
cité d’annonces de réduction de prix (condamnation du responsable d’un site web pour non-respect de ce texte : tribunal de police Boissy-Saint-
Léger, 3 février 2004, procureur de la République c/ O. S.; jurisprudence publiée sur < www.foruminternet.org>).
3Concernant les radios privées diffusées par voie hertzienne terrestre ou par satellite, l‘article 8 du décret no87-239 du 6 avril 1987 dispose que
«les messages publicitaires doivent être clairement annoncés et identifiés comme tels».
4Définitions extraites de l’Encyclopédie e-business (www.journaldunet.com/encyclopedie) :
Le “pop-up” (de l’anglais, to pop up :apparaître, surgir) : une fenêtre pop-up s’ouvre au-dessus d’une page existante, de manière à n’en recou-
vrir qu’une petite partie. Elle est fréquemment utilisée pour afficher de la publicité sur une page d’information. À noter que cette technique
publicitaire serait en voie de disparition : «Avec la mise à jour SP2 de Windows XP, le format publicitaire le plus rentable est condamné à disparaître.
Mais des solutions de substitution apparaissent déjà», écrit le Journal du Net dans un article du 24 septembre 2004 (“La fausse mort du pop-up,
<www.journaldunet.com/0409/040924popup.shtml>).
Le “pop-under” : cette fenêtre de publicité s’ouvre sous la fenêtre principale.
5Les nouveaux formats publicitaires se fondent dans la partie éditoriale du site et ne s’y superposent plus. Ce sont le carré (250 x 250 pixels) et le
flash transparent (une animation créée sur un calque transparent qui permet de visualiser le reste de la page où n’est pas présente l’animation),
selon le Journal du Net (<www.journaldunet.com/dossiers/sites/e-pub/annuaireformats.shtml>).
29 novembre- 5 décembre 2004
No1322
INC Hebdo
VI
Aucune définition générale de la publicité n’est donnée par
le législateur, y compris dans la LCEN. Cela est d’autant plus
curieux que cette dernière loi définit la notion de prospection
directe par courrier électronique en s’inspirant de la notion
de publicité telle que dégagée par la jurisprudence (voir ci-
après).
La directive 2000/31/CE fait référence aux communications
commerciales, définies comme «toute forme de communica-
tion destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des
biens, des services, ou l’image d’une entreprise, d’une organisa-
tion ou d’une personne ayant une activité commerciale» ou
autre (article 2-f).
Toutefois, ne constitue pas une telle communication la dif-
fusion des coordonnées de l’entreprise, dont le «nom de do-
maine ou une adresse de courrier électronique» permettant
un accès direct à l’activité de l’entreprise, pas plus que les
«communications relatives aux biens, aux services ou à l’image
de l’entreprise, de l’organisation ou de la personne élaborées
d’une manière indépendante, en particulier lorsqu’elles sont
fournies sans contrepartie financière».
Voici les interrogations actuelles sur l’application de cette
mesure. S’agit-il de tous les messages émanant d’un annon-
ceur ayant acheté de l’espace et sous quelle forme (message
particulier, page web, parties entières de site) en vue de la
promotion de biens ou de services ou de la promotion com-
merciale d’une entreprise? Le site d’un fabricant ou d’un dis-
tributeur vendant en ligne est-il un site publicitaire, analogue
au catalogue papier” d’un vendeur à distance? Le décret de
1992 précité exclut de la définition de la publicité télévisée
«les offres directes au public en vue de la vente, de l’achat ou
de la location de produits, ou en vue de la fourniture de ser-
vices contre rémunération». Mais il est vrai que le téléachat et
le parrainage sont définis par ailleurs et obéissent à des règles
propres. Faut-il distinguer les pages relatives à la commu-
nication institutionnelle de l’entreprise de celles qui sont
consacrées à sa publicité commerciale?
Se posent aussi les questions de frontière entre le rédaction-
nel et le publicitaire, qui sont pour le moins aussi délicates
qu’en matière de presse où elles sont signalées par la men-
tion équivoque et ambiguë de communiqué” 6. D’autres
questions se posent à propos de l’appréciation du caractère
publicitaire de certains courriels, de la distinction entre
simple lien et lien sponsorisé, forums et “chats. Quid du
«contenu éditorial d’un site non marchand, en réalité produit
et réalisé par une marque»7?
S’agissant de l’annonceur, la loi n’est pas précise et l’on peut
s’interroger sur le point de savoir de quelle manière celui-ci
doit être identifié. Sa marque ou son logo suffira-t-il, ou fau-
dra-t-il indiquer clairement son nom, ses coordonnées, son
numéro d’inscription au registre du commerce et des socié-
tés (numéro dont l’indication est rendue obligatoire sur les
documents publicitaires par l’article 72 du décret du 30 mai
1984 sur le registre du commerce et des sociétés). Quelles
seront les mentions exigées pour rendre identifiables les an-
nonceurs étrangers, sachant que, pour ces derniers, se posera
inévitablement la question du droit applicable lorsque la
plainte du consommateur portera sur un site hébergé dans
un pays dont la législation est différente?
Quant aux modalités d’identification, le texte n’exige pas que
les informations figurent directement dans la publicité même.
Le recours à un hyperlien pourrait, sous toutes réserves, être
admis.
Enfin, s’agissant de la publicité télévisée, le décret de 1992
prévoit un certain nombre de règles éthiques (véracité, dé-
cence, respect de la dignité de la personne humaine), de pro-
tection des enfants, de la langue française… et il serait utile
que la publicité sur Internet obéisse aux mêmes règles.
Un décret d’application relatif à la publicité n’est pas expres-
sément prévu dans la loi, mais son utilité paraît évidente.
La violation de l’obligation d’identification ne fait pas l’objet
de sanctions pénales au titre de l’article 20, ce qui peut s’ex-
pliquer par la reprise d’une mesure équivalente à l’article 21
de ladite loi, lequel renvoie aux dispositions applicables à la
sanction de la publicité trompeuse (voir ci-après).
LES RÈGLES SPÉCIFIQUES AUX PROMOTIONS
L’obligation d’identification
La loi complète le code de la consommation pour imposer au
prestataire en ligne des conditions de transparence et d’infor-
mation, que les publicités soient adressées à des consomma-
teurs ou à des professionnels (art. L. 121-15-3 code consom.).
Selon l’article 21, qui transpose également l’article 6 de la di-
rective 2000/31/CE, «les publicités, et notamment les offres
promotionnelles, telles que les rabais, les primes ou les ca-
deaux, ou les jeux et concours, doivent pouvoir être identifiées
de manière claire et non équivoque dès leur réception par leur
destinataire, ou, en cas d’indisponibilité technique, dans le
corps du message» (nouv. art. L. 121-15-1 et nouv. art. L. 121-
5-3 al. 1 code consom.). Par exemple, pour un rabais, cela
pourra être la formule suivante dans l’objet du message :
«C’est un rabais.»
La référence à l’obligation d’identifier la publicité en tant que
telle est redondante par rapport à celle évoquée par l’article
20, la directive évoquant uniquement les offres promotion-
nelles (article 6-c) et les concours ou jeux promotionnels (ar-
ticle 6-d).
La possibilité de placer les informations d’identification dans
le corps du message – et pas nécessairement dès le stade de
la page d’accueil – a été introduite en vue de faciliter la publi-
cité par téléphone portable.
Les conditions auxquelles sont soumises la possibilité de
bénéficier d’offres promotionnelles ainsi que celle de parti-
ciper à des concours ou à des jeux promotionnels doivent
être «clairement précisées» et «aisément accessibles» (nouv.
art. L. 121-15-2 et L. 121-15-3 al. 1 code consom.), notions qui
seront soumises à l’appréciation souveraine des juges.
Les sanctions
En cas de violation des articles L. 121-15-1 (publicités non
identifiables dès leur réception) et L. 121-15-2 du code de
la consommation (transparence pour les offres, concours
ou jeux par voie électronique), la LCEN renvoie aux peines
—————
6Mention imposée par l’article 10 alinéa 2 de la loi no86-897 du 1er août 1986.
7J.-M. Coblence, “LCEN. Le statut de la publicité dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique, Comm. com. électr. 2004, étude, p. 28.
29 novembre- 5 décembre 2004
No1322
INC Hebdo
VII
LA PROSPECTION COMMERCIALE PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE
Jusqu’à présent, la prospection commerciale directe par un
professionnel, par des techniques de communication à dis-
tance autres que les automates d’appel ou les télécopieurs,
était autorisée si le consommateur n’avait pas manifesté
son opposition (système dit de l’opt-out”) [anc. art. L. 121-
20-5 code consom.9]. Mais, compte tenu de leur proliféra-
tion, les envois de prospection directe par voie électronique
non sollicités (dits aussi spams”) sont devenus de véritables
nuisances pour les utilisateurs de boîtes à lettres électro-
niques. Il fallait donc renforcer la protection de leurs destina-
taires tout en recherchant un équilibre entre la protection
des personnes et la liberté de développement de l’activité
économique sur Internet.
L’article 22 de la LCEN transpose l’article 13 de la directive
2002/58/CE dite “vie privée et communications électro-
niques” du 12 juillet 200210. Le texte est codifié comme étant
l’article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications,
lui-même recodifié en article L. 34-5 du code des postes et
communications électroniques (CPCE) par la loi du 9 juillet
2004 relative aux communications électroniques et aux ser-
vices de communication audiovisuelle (Cesca). Ledit article
est également reproduit à l’article L. 121-20-5 du code de la
consommation ainsi modifié.
Les conditions d’application des mesures prévues par l’article
22 de la loi nouvelle seront fixées par un décret, en tenant
compte notamment des différentes technologies utilisées.
Le texte pose le principe de l’opt-in” (A) : «Est interdite la
prospection directe au moyen d’un automate d’appel, d’un
télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous
quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne
physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à re-
cevoir des prospections directes par ce moyen.» Certaines dé-
rogations sont prévues, notamment pendant une période
transitoire (B). Enfin, la loi confie à la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (Cnil) le contrôle du respect
des dispositions qu’elle édicte (C).
À ce texte s’ajoutent les dispositions de la loi “informatique et
libertés” du 6 janvier 1978 modifiée, car les adresses de cour-
rier électronique constituent des informations nominatives.
Ainsi, tout utilisateur de telles données doit avoir déclaré
son fichier auprès de la Cnil. C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle la LCEN confie à cette autorité administrative indé-
pendante le soin de veiller au respect des dispositions qu’elle
instaure (voir ci-après).
À ces dispositions se rajoutent les articles 226-16 et suivants
du code pénal relatifs aux atteintes aux droits de la personne
résultant des fichiers ou des traitements informatiques.
Le champ d’application des nouvelles
dispositions
Les messages concernés
Sont concernés les messages de courrier électronique. Selon
la directive 2002/58/CE (art. 2-h), le courrier électronique est
défini comme «tout message sous forme de texte, de voix, de
son ou d’image envoyé par un réseau public de communica-
tions, qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement
terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère».
Cette notion est très large. Outre les courriers électroniques
classiques (c’est-à-dire utilisant le protocole SMTP, “Simple
Mail Transport Protocol”), sont également concernés les ser-
vices de minimessages téléphoniques écrits (SMS, “Short
Message Service”) ou multimédia (MMS, “Multimedia Mes-
saging Service”), les messages laissés sur répondeur, les
systèmes de messagerie vocale y compris sur les services mo-
biles, les communications net send” adressées directement
à un ordinateur identifié par son adresse IP (“Internet Pro-
tocol”)… Les lettres d’information sont également incluses.
Cette liste n’est pas exhaustive et peut devoir être révisée en
considération des développements technologiques et des
marchés.
L’envoi de courrier à des fins de prospection directe
La prospection directe est définie par la LCEN comme «l’en-
voi de tout message destiné à promouvoir, directement ou
indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne
vendant des biens ou fournissant des services».
prévues pour le délit de publicité trompeuse (art. L. 213-1
code consom.).
Les infractions sont recherchées et constatées dans des
conditions identiques à celles prévues en cas de publicité
trompeuse, lesquelles prévoient en particulier la compétence
des agents de la Direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Toute infraction à ces dispositions est passible (art. L. 121-3,
L. 121-4 et L. 121-6, sur renvoi de l’art. nouv. L. 121-15-3 al. 2
code consom.) :
pour les personnes physiques, d’un emprisonnement de
deux ans et/ou d’une amende de 37500
, le maximum de
l’amende pouvant être porté à 50 % des dépenses de la publi-
cité constituant le délit, ainsi que de peines complémentaires
telles que la publication du jugement ou d’une annonce
rectificative sur le site du défendeur8.
pour les personnes morales, d’une amende de 180000
,
somme qui peut être portée à 250 % des dépenses de la pu-
blicité constituant le délit, ainsi que des peines complémen-
taires mentionnées à l’article 131-39 1° à 9° du code pénal
(notamment l’interdiction, provisoire ou non, d’exercer l’ac-
tivité à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, et la
diffusion de la décision prononcée soit par la presse écrite,
soit par tout moyen de communication audiovisuelle).
En outre, la cessation de la publicité peut être ordonnée
par le juge d’instruction ou par le tribunal saisi des pour-
suites, soit sur réquisition du ministère public, soit d’office
(art. L. 121-3 code consom.).
—————
8L’insertion d’une publication sur la page d’accueil du professionnel est admise par les tribunaux en matière d’action collective intentée par une
association de consommateurs (exemple de publication sur la page d’accueil de l’opérateur : CA Versailles, 4 février 2004, SA Orange c/UFC-Que
Choisir, réf. INC no3707).
9Texte lui-même issu de l’ordonnance no2002-741 du 23 août 2001 transposant partiellement en droit interne la directive no97/7/CE du 20 mai
1997 sur la vente à distance.
10 Directive no2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le
secteur des communications électroniques (JOCE noL 201 du 31 juillet 2002).
29 novembre- 5 décembre 2004
No1322
INC Hebdo
VIII
Outre les messages vantant directement les mérites d’un pro-
duit ou d’un service, voire de l’annonceur lui-même, «il sem-
blerait que cette définition permette d’inclure des formes de
marketing plus élaborées telles que, par exemple, la communi-
cation autour de la couverture d’événements par les marques,
les lettres d’information, mais peut-être pas les messages parti-
cipant de la relation client tels les vœux de bonne année».
En ce qui concerne les prospections autres que celles de
nature commerciale – comme par exemple le démarchage
politique, associatif, religieux ou caritatif –, la question s’est
posée, lors des travaux parlementaires, de savoir s’il conve-
nait de les inclure dans le champ d’application du principe
de l’opt-in. Finalement, la crainte d’une atteinte à la liberté
d’expression et l’objet commercial de la nouvelle loi ont fait
renoncer à y soumettre la sollicitation directe non commer-
ciale.
Au regard du droit communautaire, de tels messages pou-
vaient être englobés dans le périmètre de la loi. Le considé-
rant 30 de la directive 95/46/CE du Parlement européen et
du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des
personnes physiques à l’égard du traitement des données à
caractère personnel et à la libre circulation de ces données
décrivait ainsi les finalités de la prospection : «les États
membres peuvent de même préciser les conditions dans les-
quelles la communication à des tiers de données à caractère
personnel peut être effectuée à des fins de prospection com-
merciale, ou de prospection faite par une association à but
caritatif ou par d’autres associations ou fondations, par exem-
ple à caractère politique […]». Le “groupe 29” 11 dans son avis
no5/2004 en a alors déduit que l’article 13 de la directive
2002/52/CE «englobe par conséquent toute forme de promo-
tion des ventes, y compris la prospection directe réalisée par les
associations caritatives et les organisations politiques (par ex.
collecte de fonds, etc.) ».
En tout état de cause, la Cnil rappelle que cette prospection
doit s’effectuer dans le respect de la législation relative à la
protection des données (collecte loyale des données, exis-
tence du droit d’opposition…).
Les personnes protégées
La LCEN protège «la personne physique». Cette définition est
plus large que celle d’abonné contenue dans la directive
2002/58/CE et, par renvoi, dans la directive 2002/21/CE
dite service universel” qui le définit comme «toute personne
physique ou morale partie à un contrat avec un fournisseur de
services de communication électronique accessibles au public,
pour la fourniture de tels services». Cette définition permet
ainsi de protéger les personnes physiques d’une même fa-
mille ou d’une entreprise alors que l’abonnement est souscrit
par un membre de ladite famille ou par la personne morale.
Une telle définition va bien dans le sens voulu par le texte eu-
ropéen, à savoir la protection des informations personnelles
contenues dans les courriers électroniques.
La loi visant «la personne physique» – et non pas le consom-
mateur au sens restrictif du terme tel qu’indiqué par la direc-
tive commerce électronique” (article 2-e) c’est-à-dire la per-
sonne qui agit «à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de
son activité professionnelle ou commerciale» –, les personnes
physiques professionnelles telles les professions libérales
bénéficient des dispositions protectrices.
La question de la protection des personnes morales
En visant expressément «la personne physique», comme
l’énonçait la directive, la LCEN exclut par là même l’applica-
tion du principe de l’opt-in aux personnes morales, soumet-
tant dès lors ces dernières, implicitement, au système de
l’opt-out. Toutefois, cette interprétation trouve sa limite dans
le fait que les adresses électroniques renvoient en général
vers une personne physique. Par exemple l’adresse <nom-
prénom@nom-de-l’entreprise.fr> sera soumise au principe
de l’acceptation préalable, l’utilisation d’une telle adresse
permettant l’identification d’une personne physique. Seules
les adresses dites impersonnelles telles que <comptabilité@
nom-de-l’entreprise.fr> semblent soumises au principe de
l’opt-out.
En modifiant les dispositions de l’ancien article L. 33-4-1 du
code des postes et télécommunications, la loi a entraîné par
ricochet un assouplissement du régime applicable à la pros-
pection directe par automate d’appel ou télécopieur. En effet,
auparavant, le consentement de l’«abonné ou utilisateur du
réseau de télécommunications» était nécessaire. Le rempla-
cement de cette expression par celle de «personne physique»
conduit à établir désormais une distinction entre le régime
applicable à celle-ci (opt-in) et celui applicable aux person-
nes morales (opt-out), avec selon nous, les mêmes observa-
tions que ci-dessus concernant les télécopies nominatives.
(A) Le principe de l’opt-in
Désormais, est interdite la prospection directe par courrier
électronique de toute personne physique – consommateur
ou professionnel – qui n’aura pas exprimé son consentement
préalable à recevoir de telles prospections par ce moyen (sys-
tème de l’opt-in), y compris lors du premier envoi. Cela signi-
fie notamment que les listes d’adresses électroniques qui
n’auront pas été établies moyennant le consentement préa-
lable de la personne physique ne peuvent plus en principe
être utilisées sous le régime de l’opt-in, tant qu’elles n’auront
pas été adaptées aux nouvelles exigences législatives. La lo-
cation de telles listes est illégale.
Remarque. Alors que les États membres de l’Union euro-
péenne ont choisi le système de l’opt-in, les États-Unis ont
adopté celui de l’opt-out dans la loi américaine sur le spam
(Can-Spam Act du 26 décembre 2003). La divergence de
régime est problématique puisque plus de 80 % des spams
viennent des États-Unis. Seule une lutte planétaire peut
s’avérer efficace. C’est la raison pour laquelle l’OCDE a mis
en place un groupe de réflexion sur ce sujet (voir encadré en
dernière page).
Avec la LCEN, la prospection directe bénéficie d’un régime
unifié pour les prospections par automate d’appel, téléco-
pieur et courrier électronique.
Le consentement est défini par la LCEN comme «toute mani-
festation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle
une personne accepte que des données à caractère personnel la
concernant soient utilisées à fin de prospection directe».
Dans ses observations de juillet dernier, la Cnil «se félicite
que la notion du consentement soit définie par la loi, ce qui lui
confère une portée plus explicite dans les opérations de pros-
pection». Le recueil du consentement ne saurait par exemple
être dilué dans une acceptation des conditions générales,
ou encore couplé à une demande de bons de réduction ou de
participation à un jeu.
La nécessité de recueillir le consentement préalable suscite
de nombreuses interrogations sur la question suivante : com-
ment obtenir le consentement préalable, dans la mesure
où ni la directive 2002/58/CE ni la LCEN ne définissent de
méthode? Peut-il s’agir d’une adresse mail, d’un site web ou
d’un lieu d’enregistrement volontaire auprès duquel les per-
sonnes désireuses de recevoir des publicités par courrier
—————
11 Le groupe de protection des données, dit groupe 29”, est un organe consultatif européen indépendant institué par l’article 29 de la directive
no95/46/CE. Ses missions sont définies par l’article 30 de cette directive. Voir <europa.eu.int/comm/privacy>.
29 novembre- 5 décembre 2004
No1322
INC Hebdo
IX
électronique s’enregistreraient volontairement? d’une case à
cocher sur un formulaire en ligne?
Certains plaident en faveur d’une conception “pragmatique
de l’opt-in : il devrait autoriser un premier courrier électro-
nique non sollicité qui aurait pour seul objet de proposer au
destinataire de s’inscrire dans un registre opt-in en ligne, un
mail étant jugé préférable au téléphone ou au fax considérés
plus intrusifs dans la vie privée. Une telle méthode ne paraît
pas opportune.
Le considérant no17 de la directive 2002/58/CE indique que
«le consentement peut être donné selon toute modalité appro-
priée permettant à l’utilisateur d’indiquer ses souhaits libre-
ment, de manière spécifique et informée, y compris en cochant
une case lorsqu’il visite un site».
Le groupe 29”, dans son avis no5/2004, indique que «les mo-
dalités par lesquelles un abonné donne son consentement
préalable en s’enregistrant sur un site Internet et à qui l’on
demande par la suite de confirmer qu’il était bien la personne
s’étant enregistrée et de confirmer son consentement semblent
compatibles avec la directive ». Il indique cependant que
«d’autres modalités peuvent également être compatibles avec
la directive ». Par contre, «la simple demande de consen-
tement pour recevoir des courriers électroniques commerciaux
par un courrier électronique général envoyé aux destinataires
ne serait pas compatible avec l’article 13 de la directive
2002/58/CE afin de respecter l’exigence selon laquelle la finalité
doit être légitime, explicite et spécifique».
La Cnil, quant à elle, recommande que le consentement soit
recueilli par le biais d’une case à cocher et considère que
«l’apposition d’une case précochée est contraire à l’esprit de la
loi ainsi qu’au principe de loyauté de la collecte des informa-
tions» (avis précité).
Pour obtenir ce consentement, la ou les finalités du trai-
tement doivent être clairement indiquées. Cela implique,
selon le groupe 29”, que «les biens et services, ou les catégories
de biens et services, pour lesquels des messages de prospection
directe pourraient être envoyés aux fins de prospection directe,
doivent être clairement indiqués à l’abonné. Le consentement
à communiquer des données personnelles à des tiers devra
également être obtenu le cas échéant. L’information fournie à
la personne concernée devra alors inclure les biens et services
(ou catégories) pour lesquels les tiers procéderaient à l’envoi de
courriers électroniques à des fins de prospection».
Il appartiendra à la personne – physique ou morale – d’appor-
ter la preuve que le consentement libre, spécifique et informé
de l’intéressé a bien été recueilli (selon les professionnels, par
archivage de la preuve sur un support lisible).
Le Syndicat national de la communication directe (SNCD) a
annoncé qu’il prépare un code de déontologie commun aux
différentes organisations professionnelles du secteur.
(B) Les exceptions au principe de l’opt-in
La loi prévoit une dérogation au titre du suivi des relations
commerciales avec des clients existants (dérogation appelée
soft opt-in” et prévue par la directive) ainsi qu’une période
transitoire.
La prospection au titre du suivi des relations
commerciales
Selon l’article L. 34-5 du CPCE, «la prospection directe par
courrier électronique est autorisée si les coordonnées du desti-
nataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le
respect des dispositions de la loi no78-17 du 6 janvier 1978 re-
lative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’occasion
d’une vente ou d’une prestation de services, si la prospection
directe concerne des produits ou services analogues fournis
par la même personne physique ou morale, et si le destinataire
se voit offrir, de manière expresse et dénuée d’ambiguïté, la
possibilité de s’opposer, sans frais, hormis ceux liés à la trans-
mission du refus, et de manière simple, à l’utilisation de ses
coordonnées lorsque celles-ci sont recueillies et chaque fois
qu’un courrier électronique de prospection lui est adressé».
En clair, il pourra être dérogé au principe du consentement
préalable si les quatre conditions suivantes sont réunies :
•1
re condition. Une collecte loyale des coordonnées du des-
tinataire.
Les coordonnées du destinataire auront été recueillies direc-
tement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi
no78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, à l’occasion d’une vente
ou d’une prestation de services. La collecte des informations
devra avoir été loyale, le fichier déclaré, etc.
•2
econdition. Des services ou produits semblables.
La prospection directe doit concerner des produits ou ser-
vices analogues fournis par la même personne physique ou
morale. Mais le législateur n’a pas défini ce que sont des pro-
duits ou services «analogues », ce que n’avait d’ailleurs pas
fait non plus la directive no2002/58/CE.
Lors des travaux parlementaires, il a été néanmoins précisé
que l’on peut considérer comme tels ceux qui appartiennent
à une même grande famille de produits (biens culturels, ser-
vices financiers, produits touristiques, etc.). Il appartiendra
aux tribunaux de départager les tenants d’une interprétation
large et les partisans d’une interprétation stricte de cette no-
tion.
Devraient être assimilés au titre d’une même catégorie de
produits les CD, les DVD, les cassettes vidéo, et, sous réserve
d’une interprétation différente, les livres au titre de la catégo-
rie “biens culturels. En revanche, une banque qui envoie des
publicités pour des produits bancaires peut-elle adresser des
publicités pour un nouveau produit d’assurances?
Dans son avis no5/2004 précité, le groupe 29” indique que
cette exception doit être interprétée de manière restrictive et
que «la similarité pourrait en particulier être jugée du point
de vue objectif du destinataire (attentes raisonnables), plutôt
que du point de vue de l’expéditeur». Dans sa communication
du 22 janvier 2004 sur les spams, la Commission affirme très
clairement que «cette exception doit toutefois être rédigée
strictement afin de ne pas compromettre le fonctionnement
du régime opt-in».
En raison du risque de divergence d’interprétation, la Cnil
envisage, en concertation avec les professionnels, d’établir
une ligne directrice sur l’interprétation qui pourra en être
faite, selon les secteurs d’activité concernés.
La référence aux «produits […] fournis par la même personne
physique ou morale» s’oppose à la notion de tiers. A priori,
devraient donc être exclues du bénéfice de cette dérogation
les «entreprises appartenant au même groupe de sociétés que
le prestataire ayant obtenu le consentement de la personne
(filiales, sociétés sœurs, société mère…), étant donné qu’il s’agit
de personnes juridiques différentes». Ce qui signifie égale-
ment que les échanges ou locations de fichiers clients ne sont
pas possibles au titre de cette dérogation.
•3
econdition. La possibilité de s’opposer à l’utilisation des
coordonnées.
«Le destinataire se verra offrir, de manière expresse et dénuée
d’ambiguïté, la possibilité de s’opposer, sans frais, hormis ceux
liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l’utili-
sation de ses coordonnées lorsque celles-ci seront recueillies et
chaque fois qu’un courrier électronique de prospection lui sera
adressé.» Les frais liés à la transmission du refus visent ceux
qu’entraînent une communication par téléphone mobile ou
tout autre moyen de connexion.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!