Devoir Maison sur la violence et les monstres au théâtre
1) Correction de la question de corpus
Le plan de la réponse était sous-entendu dans la question, il faut le suivre !
Le corpus que nous allons étudier est un groupement de textes
théâtraux qui ont pour point commun de représenter chacun une certaine forme de
monstruosité. Racine décrit dans sa tragédie Phèdre (1677) un « monstre furieux » v.19
envoyé par le dieu Poséidon pour tuer Hippolyte. C’est une créature hybride, « taureau »
et « dragon », qui suscite l’effroi par son apparence repoussante. Le monstre se définit
ici comme l’antagoniste du héros humain, lequel est beau et courageux mais
impuissant devant lui, puisqu’Hippolyte meurt « trainé par les chevaux » v. 51. A l’acte
II de Rhinocéros d’Eugène Ionesco (1960), c’est un homme, Jean, qui se transforme peu à
peu en rhinocéros. Cette métamorphose est proprement monstrueuse, son apparition
est qualifiée d’ « effrayante » l. 29, d’autant que le personnage se rue sur son ami pour le
piétiner. Le dramaturge a ici voulu traiter et dénoncer la montée des
Totalitarismes en Europe au XXème siècle en recourant à une allégorie : en
s’animalisant, l’Homme perd son humanité au sens biologique mais aussi au sens
moral du terme. Enfin, Wajdi Mouawad dépeint dans Incendies (2009) une scène
véritablement glaçante : un jeune homme tue pour le plaisir et sans aucune compassion
un photographe de guerre qui le suppliait de l’épargner. Ce meurtre gratuit et sadique
fait de lui un monstre moral. Au XXème siècle, le théâtre semble ainsi suggérer
que le monstre est tapi quelque part en l’Homme et ne demande qu’à sortir.
Le théâtre dispose de moyens variés pour représenter la violence au
théâtre.
D’une part, le théâtre est spectacle, et ces moyens sont d’abord visuels. Dans les
deux derniers textes, les didascalies nous apportent des renseignements
importants. Ainsi dans Rhinocéros, « Jean est devenu tout à fait vert. La bosse de son
front est presque devenue une corne de rhinocéros. » l. 29-30. Il se débarrasse de ses
vêtements pour devenir tout à fait un animal, dangereux qui plus est : « Il fonce vers
Bérenger tête baissée » l. 40-41. Chez Wajdi Mouawad, ce sont les actions les plus
anodines qui révèlent la monstruosité de Nihad, puisqu’il semble tout à fait inconscient
de la mort et des souffrances des autres. Il se sert de son fusil comme d’une guitare, en
« chantant à tue-tête » l. 4. Puis il utilise son appareil photo pour photographier ses
victimes comme autant de trophées.
D’autre part, la monstruosité est également inscrite dans les paroles des
personnages. Dans Rhinocéros, Jean semble perdre peu à peu l’usage de la
parole : « Démolir tout cela, vêtements, ça gratte » l. 34. Nihad quant à lui se livre à un
exercice d’interview en anglais, et parle d’une chanson d’amour après avoir exécuté
froidement le photographe. Enfin, en raison de la règle de bienséance du théâtre
classique, la mort d’Hippolyte n’est pas représentée sur scène dans Phèdre. Théramène
vient alors rapporter à Thésée la mort de son fils, dans un récit de théâtre. Ce texte est
une véritable hypotypose : il donne à voir la scène par sa puissance évocatoire.
L’utilisation du registre épique, des verbes au présent de narration, le champ lexical de
l’horreur permettent au spectateur de revivre la scène en pensée, à défaut de la voir
représentée.
2) correction de la dissertation : la violence au théâtre a-t-elle pour seul but le
spectaculaire ?
Votre difficulté majeure a é de ne pas avoir suffisamment analysé le terme
« spectaculaire ». Cela vous aurait pourtant permis de reformuler le sujet, et de mieux le
cerner (par exemple : la violence au théâtre doit-elle être purement visuelle ? Ne sert-elle
qu’au plaisir des yeux ? Dans ce cas, elle semble un peu gratuite, et peut-être dangereuse).
J’aurais aimé que vous discerniez davantage texte et représentation, ce qu’il faut toujours
prendre en compte dans une dissertation sur le théâtre, car cela aide à trouver des
arguments.
I. La violence au théâtre a pour but principal d’être spectaculaire : elle
répond à un certain voyeurisme chez le spectateur, fasciné par la
représentation du mal
A. l’action dramatique repose toujours sur un conflit, qui s’exprime sur scène :
la violence est quasi inévitable : elle fait avancer l’action ou la clôt. La
tragédie grecque met en scène des hommes trop orgueilleux, punis par les dieux :
la pièce se clôt quasiment toujours sur des morts. Elle met en scène des
personnages monstrueux, capables du pire : Médée tue ses enfants, Phèdre fait
tuer son beau-fils. Dans les comédies, les coups de bâton qu’échangent les
personnages font l’essentiel de l’intrigue des farces au XVIème et XVIIème siècles.
B. le rôle du metteur en scène est donc d’exacerber cette violence, de la mettre
en valeur par des effets visuels (lumières, maquillages, costumes, décors,
scénographie) et sonores (bruits, musiques). Le théâtre est aussi un
spectacle vivant qui s’incarne dans le corps des comédiens. Il est à noter
que les metteurs en scène contemporains sont aujourd’hui fascinés par
cette violence, comme en témoignent les œuvres de Rodrigo Garcia, qui
repousse de plus en plus loin les limites : dans Et balancez mes cendres sur Mickey
en 2007 au Théâtre du Rond Point, une jeune comédienne assise parmi les
spectateurs, différente tous les soirs, se rasait la tête. Actuellement, sa pièce
Accidens au théâtre de Montpellier subit les foudres de la SPA puisqu’un homard
dont on entend les battements de cœur grâce à un micro se fait trancher vif en
deux.
C. Cette violence est d’autant plus spectaculaire qu’elle est stylisée : le
metteur en scène en fait un objet esthétique, puisqu’il est parfois vain de
tendre au réalisme : le spectateur n’est pas dupe. Ainsi, cette année à la
Cartoucherie, Ariane Mouchkine suggère plus qu’elle ne montre l’assassinat de
Lady Macduff et son jeune enfant dans Macbeth de Shakespeare : les comédiens
tendent un grand drap blanc sur scène , la lumière s’éteint, et des sons effrayants
se font entendre. Lorsque les lumières se rallument, le drap est taché de sang, et
les corps sont inertes. Nous n’avons rien vu, et pourtant nous avons été saisis des
ellipses utilisées pour évoquer le massacre.
II. Cependant, comme toute œuvre d’art, le théâtre a d’autres fins que la
simple fascination visuelle
A. La violence émeut le spectateur : terreur et pitié dans la tragédie
mais aussi dans le drame romantique. La mort des amants dans
Hernani bouleverse le spectateur qui peut s’indigner du sort injuste qui
leur est réservé. La violence suscite aussi parfois le rire : on s’amuse de
voir Géronte roué de coups dans un sac par Scapin. Pourquoi rit-on de
cette violence ? Sans doute parce que le théâtre a une fonction
carnavalesque : il permet d’inverser les rôles, de voir le plus faible (le
valet) dominer le plus fort (le maître), dans un jeu de masques qui est
celui du carnaval. On rit aussi de celui qui tombe, qui se fait mal, parce que
cela enfreint les convenances, brise la normalité du monde.
B. La violence peut avoir une fonction morale, c’est d’ailleurs le rôle
traditionnellement attribué à la catharsis : le spectateur se purge de
ses pulsions et mauvais penchants grâce au spectacle de la violence et des
malheurs tragiques représentés sur scène. Cette fonction morale est
également pleinement assumée par Molière, qui fait la satire des vices
humains et nous amène à nous corriger de nos pires défauts : les
personnages qu’ils satirise sont souvent des tyrans domestiques, des êtres
qui vivent dans l’excès (cf le monologue d’Harpagon qui envisage de
torturer toute sa maison pour retrouver sa cassette).
C. Enfin, la violence pousse à la réflexion quand elle dénonce une
situation. Ex de Rhinocéros : la montée des totalitarismes. Incendies : la
banalité du mal en temps de guerre. Le metteur en scène vient parfois
donner un nouveau sens au conflit, comme dans le roman Le Quatrième
mur de Sorj Chalandon (2013). Un metteur en scène a l’idée de monter
Antigone de Sophocle au Liban, dans les années 80, alors que le pays est
déchiré entre différentes minorités (Juifs, Palestiniens, Druzes,
Chrétiens…). Il choisit des acteurs des différents camps pour montrer à
quel point le conflit est fratricide dans la tragédie grecque, et cette
dernière prend alors une résonance très contemporaine.
III. La question de l’aspect spectaculaire de la violence au théâtre ne doit
pas nous faire oublier que celle-ci est d’abord dans le texte : peut-il y
avoir un spectaculaire des mots ?
A. L’imagination du spectateur est reine, notamment dans le cas des
récits de théâtre. Par souci des bienséances au XVIIème siècle, la violence
et la mort ne sont pas représentées, mais racontées. Ex du récit de
Théramène dans Phèdre: détaillez différents procédés qui permettent de
faire de ce passage un moment marquant de la pièce, alors même qu’il ne
se passe rien sur scène.
B. La violence est d’abord dans les mots : notez comment Jean perd tout ce
qui fait de lui un homme dans Rhinocéros, et notamment son langage. Les
insultes, les stichomythies sont très importantes, et fonctionnent aussi
bien à la lecture qu’à la représentation. Dans La Leçon d’Ionesco, c’est le
langage qui pousse le professeur au crime : bien avant d’étrangler son
élève, il devient de plus en plus agressif, et tente de l’étouffer
métaphoriquement sous le poids de son savoir et d’une certaine folie. Ses
répliques sont de plus en plus longues, le langage prend toute la place.
C. Enfin, le théâtre est comme nous l’avons dit, l’endroit où s’exprime le
mieux le conflit, parce que c’est ce qui permet à l’action d’avancer ou de se
clore, mais aussi parce qu’il est à l’image de la société, une société
naturellement violente. De tous temps, le théâtre a mis aux prises
des antagonismes : dans les familles, entre hommes et femmes,
maîtres et valets…Le langage révèle cette violence, même dans les pièces
qui semblent les plus badines. Exemple de Marivaux dans Le Jeu de
l’amour et du hasard : Arlequin essaie d’imiter son maître Dorante en
adoptant ses manières, mais il est trahi par son langage et ses façons un
peu vulgaires. Il croit pouvoir épouser Silvia, mais son maître le ramène
brutalement à la alité, en affirmant à nouveau son autorité.
Déterminisme social brutal. N’est-ce pas la pire violence qui puisse être
faite aux individus ?
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