03.2012 - article dans Le Manipulateur

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dossier Téléradiologie
En Lorraine, une application de téléradiologie
est intégrée dans l’offre de soins depuis 2010
Damien Clerc
Cadre-manipulateur
Hôpital de
Freyming-Merlebach
Dr Élisabeth Parizel
Radiologue
chef de service
Hôpital de
Freyming-Merlebach
Pour faire face à la pénurie croissante de radiologues,
le GCS Télésanté Lorraine a mis en place
dans l’ancien bassin minier de la Moselle-est
(secteur Freyming-Merlebach-Saint-Avold) une application
de téléradiologie (basée sur la plateforme TLor-TélésantéLorraine) qui permet de mutualiser les actes entre
radiologues d’astreinte.
En fonctionnement depuis 2010, cette application,
avec 3 000 actes de téléradiologie réalisés en deux ans,
est devenue incontournable dans l’offre de soins
de la région.
< Un projet régional mené en coopération
avec tous les acteurs impliqués
La plateforme TLor est l’aboutissement d’une coopération
continue et fructueuse entre informaticiens et acteurs du
système de santé, depuis la production du cahier des charges
(2007-2008), la mise en place de l’infrastructure (mi-2009), la
validation des procédures, la formation des intervenants,
jusqu’à la mise en service en avril 2010.
Cette solution de téléradiologie a permis de mutualiser les
praticiens exerçant sur plusieurs sites à Freyming-Merlebach
et Saint-Avold. Les radiologues d’astreinte assurent un télédiagnostic à l’aide d’un terminal dédié connectable au réseau
depuis leur lieu de séjour. Les acteurs impliqués sont le médecin urgentiste ou le neurologue, le manipulateur en électroradiologie (MER) présent auprès du patient à l’hôpital,
ainsi que le téléradiologue qui interprète les images et envoie
son diagnostic selon un processus sécurisé.
< La solution utilisée repose
sur les bonnes pratiques
Le consentement du patient pour la mise en œuvre d’une procédure de téléradiologie est recueilli par le médecin prescripteur. Celui-ci, généralement un médecin urgentiste, après
avoir eu un contact téléphonique avec le radiologue d’astreinte, accède à la plateforme TLor et remplit une demande
d’examen en renseignant différents champs : identité, date de
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naissance, antécédents et contexte clinique du patient, etc. Le
téléradiologue est prévenu par SMS et mail de l’arrivée de
cette demande. Il la valide, rédige sur le même support le protocole souhaité et envoie le formulaire au MER présent sur
site qui réalise alors l’examen. En cas d’injection d’iode, l’acte
se fait en présence du prescripteur qui assure la couverture
médicale.
Une fois l’examen réalisé et après avoir vérifié la concordance des identifiants, le MER associe les images à la demande d’examen et met le dossier en ligne sur le serveur de
la plateforme TLor. Prévenu par SMS et mail, le téléradiologue, au vu du dossier, a la possibilité de demander via le
serveur une série complémentaire d’examens. Il réalise ensuite son interprétation, écrit le compte rendu et par SMS signifie au prescripteur que le résultat est accessible en ligne.
La solution mise en œuvre respecte les normes de qualité
édictées par le G4. Elle a permis de maintenir le recours à l’expertise radiologique - malgré la pénurie de radiologues pour une prise en charge de qualité des patients dans le cadre de la permanence des soins. La délivrance de l’avis radiologique H24/365 constitue en effet une importante aide à
la décision : dans la prise en charge des patients arrivant en
service d’urgence ou dans la gestion de patients hospitalisés
présentant une dégradation d’état clinique. La sécurisation
des patients pendant l’examen a été mise en place suite à une
information en Commission médicale d’établissement qui a
validé la procédure de téléradiologie et adopté la charte de
bonne pratique.
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dossier Téléradiologie
Une équipe d’informaticiens d’astreinte 24 heures sur 24 du
GCS Télésanté Lorraine assure la permanence du bon fonctionnement de la plateforme : dépannages et en cas de besoin, mise en œuvre de solutions de repli.
< L’avis du radiologue, Élisabeth Parizel
En deux ans, l’application a permis la réalisation de plus de
3 000 actes de téléradiologie. Non seulement TLor répond
pleinement à ses objectifs initiaux, mais l’application a également changé la vie des médecins d’astreinte. Elle leur évite
d’avoir à se déplacer en cas d’urgence (sur un examen qui ne
demande que vingt minutes en moyenne, le gain de temps lié
au déplacement peut être de quarante minutes). La plateforme leur donne aussi une certaine liberté d’itinérance, du
moment qu’ils restent joignables et peuvent se connecter au
réseau.
Dans cette nouvelle organisation de soins, il convient de souligner la place fondamentale du MER. Il est, par sa présence
sur le site hospitalier, l’interface entre le médecin prescripteur,
le malade et le radiologue. Il doit pouvoir travailler en toute
confiance et sécurité dans ce dispositif où la traçabilité des
actes et la sécurisation du patient sont impératives. Un MER
référent pour TLor a été nommé dans chaque établissement
participant à l’application. Il est chargé de faciliter la prise en
charge de ce nouvel outil par le personnel.
Compléments indispensables de l’application pour favoriser
le contact, le téléphone et bientôt le visiophone permettent
d’assurer une véritable téléprésence à l’hôpital du radiologue
d’astreinte.
< L’avis du manipulateur, Damien Clerc
Lors du lancement de ce projet de plateforme TLor dans notre établissement, il m’a semblé évident que les manipula-
“ Cette expérience enrichit le travail
des manipulateurs en leur confiant plus
de responsabilités. C’est une solution
efficace, tout en garantissant la qualité
et la sécurité des actes ”
teurs y avaient toute leur place. C’est en participant activement au développement de nouveaux outils que nous pouvons nous assurer qu’ils répondent au mieux à nos attentes.
J’ai intégré le projet dès la phase déploiement en tant que référent TLor du site de Freyming. L’équipe de GCS Télésanté
Lorraine s’est montrée ouverte et réactive aux remarques et
corrections demandées.
L’utilisation de cet outil est aujourd’hui devenue routinière.
Ses caractéristiques fonctionnelles permettent même d’envisager son utilisation pour d’autres applications. Ainsi, nous le
testons actuellement pour assurer le remplacement ponctuel d’un de nos deux radiologues en activité programmée de
jour (vacation de scanner en matinée et d’IRM l’après-midi).
Le manipulateur a également la possibilité d’envoyer les anciens examens du patient provenant du PACS ou d’un CD. Et
en cas d’urgence, il peut donner la priorité à un examen, au
niveau de la file d’attente du serveur. Un journal d’action, tableau de bord du système, permet de vérifier que tous les
dossiers en attente sont complets et de s’assurer que les
examens ont été interprétés.
Maintenant que cet outil est intégré dans l’offre de soins, j’assure la formation de nouveaux utilisateurs : prescripteurs,
manipulateurs ou secrétaires (qui intègrent les comptes rendus issus de la plateforme TLor dans notre PACS).
Je ressors satisfait de cette expérience : elle enrichit le travail
des manipulateurs en leur confiant plus de responsabilités.
Elle fournit une solution efficace à la pénurie de radiologues,
tout en garantissant la qualité et la sécurité des actes.
< Que s’est-il passé en mars 2012 ? Le colloque Télésanté 2012…
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Télésanté 2012 : Quelle approche collaborative en télésanté ?
Le monde entier connecté le 29 mars 2012 !
Pour tout savoir : http://www.journee-telesante.com
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dossier Téléradiologie
Déploiement d’une solution de téléradiologie
Comment construire un tel projet ?
Pour déployer un projet de téléradiologie, il suffit de mettre
en place une solution technique et tout va bien !
Erreur, la technique, même si elle représente une
composante importante du projet, n’en est que la partie
émergée de l’iceberg. En aucun cas, vous ne pouvez décréter
un projet de téléradiologie sans parler de projet médical
qui doit être bâti avec tous les protagonistes.
Christian Badinier
Directeur GCS (Groupement de coopération sanitaire) Télésanté Lorraine
En premier lieu, il est nécessaire que l’ARS (Agence régionale
de santé) soit l’élément moteur dans la prise de la décision
d’engager un projet de cette nature et de l’inscrire dans son
PRS (Programme régional de santé) pour obtenir l’assentiment de tous. Ce n’est pas fini, car il y a tous les acteurs que
sont les professionnels de santé qui reçoivent les patients. En
effet, il ne faut pas oublier qu’un projet de téléradiologie a plusieurs vocations, la première est d’assurer l’équité des soins
à tous les patients face à la pénurie future de radiologues.
Donc, il faut assurer pour le patient un service rendu de qualité et sécurisé dans le respect des règles d’éthique et de
déontologie.
Cette chaîne passe par plusieurs maillons : les radiologues qui
réalisent les actes intellectuels, mais aussi les urgentistes, les
cadres de santé et, surtout, les manipulateurs.
< Les radiologues ont des comportements divers. Certains ne
veulent pas que l’on touche à leur pré carré. C’est une insulte pour eux que de vouloir demander une coopération.
C’est remettre en cause leurs compétences. Et à l’autre
bout, vous avez les leaders, ceux qui ont véritablement réfléchi aux enjeux et qui sont prêts à s’investir. Ils ont un côté
“innovateur”. Entre les deux, vous avez les suiveurs qui
veulent bien, mais ne savent pas comment.
< Les urgentistes sont totalement partants, car ils savent
qu’il est parfois difficile d’obtenir une interprétation, surtout
durant la PDS (Permanence des soins). Toutefois, ils souhaitent qu’un relationnel puisse s’établir avec les radiologues pour créer un climat de confiance. Il ne faut pas ou-
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blier qu’ils sont souvent seuls à prendre des décisions dans
l’urgence. Aussi, avant de lancer un projet de téléradiologie,
il est indispensable que tous les professionnels de santé se
rencontrent pour mettre un visage sur une voix.
Le cadre de santé est celui qui doit assurer la cohésion entre tous les intervenants, il doit “mettre de l’huile dans les
rouages”.
Les manipulateurs sont des acteurs pivots d’un tel projet.
En dehors de la prise en charge du patient et de la réalisation de l’examen, ce sont eux qui assurent le bon fonctionnement de l’outil de téléradiologie en relation avec le radiologue. Dans un premier temps, il leur faut décrire tout le
contexte clinique afin que le radiologue prenne la décision
de l’examen. Ensuite, tous les flux d’images sont à leur
charge. Et si l’outil a une défaillance, ils doivent mettre en
œuvre une solution de contournement. Sans cette composante, un projet de téléradiologie ne pourra pas réussir.
À cela, il faut se rapprocher des institutions savantes (le G4
régional, le Conseil de l’Ordre…) qui jouent un rôle essentiel
dans l’avancée du projet et qui aident à bâtir les protocoles,
les processus et la chaîne de prescription.
Et puis, il y a toutes les institutions nationales qui participent
et qui facilitent tous les projets de télémédecine : la DGOS (Direction générale de l’offre de soins) pour tous les aspects réglementaires et juridiques, l’ASIP Santé (Agence des systèmes d’information partagés de santé) pour les référentiels
et l’aide à la conduite de projet.
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dossier Téléradiologie
Un projet de téléradiologie doit être financé. Pour le cas précis du projet lorrain, le conseil régional de Lorraine en a été
le premier financeur au même titre que l’ARH puis l’ARS.
Il a obtenu des subventions européennes : FEDER (Fonds européen de développement régional). Puis, dans le cadre du
projet de PDS radiologique régional, l’ASIP Santé a apporté
une contribution à la suite d’un appel à projet.
Dans le cadre de notre projet de permanence des soins radiologique, nous passerons par une phase expérimentale sur
le territoire vosgien en lançant tout un programme d’actions
comme la gestion de projet, la conduite du changement,
l’étude médico-économique, l’assistance juridique et ceci
avec l’appui d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.
La première démarche va être de construire un langage commun en utilisant des termes précis et concrets. Puis, nous allons bâtir une dynamique de communauté pour alimenter
une motivation de groupe, apporter une réponse aux interrogations et gagner la confiance de tous. Nous prendrons en
compte la spécificité des besoins et, en particulier, celles des
urgentistes. Nous allons définir les modes opératoires selon
les situations cliniques et mettre en place un certain nombre
d’indicateurs de mesure de performance pertinents.
Pour ce projet de PDS radiologique lorrain, tout cela se fera
enfin autour d’un groupe action qui est constitué de toutes les
composantes de la chaîne médicale, administrative, financière, juridique et technique.
Mise en place d’un projet de téléradiologie
Que se passe-t-il côté technique ?
Arnaud Vezain
Chef de projet T-LOR
La mise en place de la téléradiologie au niveau du service
d’imagerie d’un établissement est une démarche qui doit être menée
avec soin. Elle nécessite l’approbation et la collaboration de tous
les professionnels de santé.
Pour le lancement d’une astreinte radiologique dématérialisée, tout débute par une réunion de lancement qui a pour but
d’informer et de faire de la pédagogie auprès des acteurs du
projet. C’est l’occasion de définir le protocole métier précis qui
sera mis en place.
C’est ensuite au tour de la partie technique d’être réalisée,
avec notamment l’installation d’une passerelle, la connexion
des modalités d’imagerie et le déploiement sur poste, le tout
dans le respect des politiques de sécurité et d’exploitation de
la DSI (Direction du système d’information) de l’établissement
et avec l’aide du référent imagerie. Après quoi, l’équipe médicale complète est formée, appuyée des manipulateurs qui
sont un excellent relais sur le terrain. Radiologues et urgentistes pratiquent alors une phase d’utilisation pilote, pour
roder le protocole, l’ajuster au besoin, et pour repérer les derniers problèmes techniques. Un suivi et un accompagnement rapprochés sont alors réalisés.
Dès que l’ensemble est bien réglé, le feu vert au lancement
réel est donné, le tout renforcé par des procédures dégradées
et une astreinte technique H24.
La démarche se conclut avec une réunion de vérification
après quelques semaines d’activité pour obtenir les retours
terrains organisationnels et techniques, et améliorer le service
Télésanté afin qu’il soit adapté aux besoins.
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