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Troubles vestibulaires post-traumatiques
Raphaël Maire, Service d’ORL, CHUV
Introduction
Les vertiges post-traumatiques ne constituent pas une entité clinique mais définissent une
étiologie commune à un ensemble hétérogène de lésions du labyrinthe ou du cerveau. Après un
traumatisme crânien ou cervical, les vertiges et les troubles de l’équilibre sont fréquents et sont
rencontrés dans 40 à 60 % des cas. Ils s’accompagnent souvent de troubles subjectifs dont la
nature organique est plus difficile à préciser.
Dans une étude rétrospective de 223 patients présentant des vertiges après un traumatisme
crânien, Grosjean et collaborateurs (2002) ont pu constater l’apparition de vertiges dans les 24 h
suivant le traumatisme dans 57 % des cas, associés parmi d’autres symptômes à un trouble de
l’audition (hypoacousie et/ou acouphènes) dans 49 % des cas et des céphalées dans 37 % des cas.
D’un point de vue épidémiologique, il s’agissait dans 38 % d’un accident de la voie publique et
dans 35 % de chutes, le reste étant formé d’accidents professionnels, de sports ou d’agressions.
Le traumatisme crânien était ger dans 90 % des cas, associé à un traumatisme cervical dans 11
%. Une lésion vestibulaire organique était retrouvée dans 65 % des cas, dont 47 % de vertiges
paroxystiques positionnels bénins et 20 % de déficit vestibulaire unilatéral. Les troubles
vestibulaires centraux n’étaient identifiés que dans 3 % des cas. Le quart des patients traumatisés
crâniens ont présenté des vertiges persistants, dont 60 % faisaient partie d’une symptomatologie
multiple post-commotionnelle et 21 % étaient liés à un vertige paroxystique positionnel bénin
chronique ou récidivant.
Cette étude illustre bien l’hétérogénéicité des causes à l’origine des vertiges post-traumatiques
dont nous allons, ci-dessous, préciser la nature et les caractéristiques.
Définitions et mécanismes des traumatismes
1/ Traumatisme crânien
Nous abordons ici le traumatisme crânien ou cervical dont le mécanisme est un choc sur le crâne
ou un violent mouvement de la tête provocant une déformation, un cisaillement ou une rotation
du cerveau dans la boîte crânienne. Les traumatismes perforant n’entrent pas en ligne de compte.
L’incidence des traumatismes crâniens fermés est estimée aux USA à 1,7 millions de cas par
année, soit une prévalence de 180 pour 100 000 habitants. Selon la classification des
traumatismes crâniens rapportée dans le DSM-5, la distinction des traumatismes se fait par
l’importance de différents signes cliniques, notamment la durée de la perte de connaissance et de
l’amnésie, ainsi que l’importance de l’état confusionnel. Un traumatisme crânien léger ou mineur
est défini par une perte de connaissance ne dépassant pas 30 minutes, une amnésie de moins de
24 heures et un score de Glasgow entre 13 et 15 après 30 minutes. Pour le traumatisme crânien
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modéré, la perte de connaissance se situe entre 30 minutes et 24 heures, l’amnésie entre 24
heures et 7 jours, et le score de Glasgow entre 9 et 12. Quant au traumatisme crânien sévère, la
perte de connaissance dépasse 24 h, l’amnésie 7 jours et l’état confusionnel est évalué entre 3 et
8 selon le score de Glasgow. Pour l’OMS, le traumatisme crânien ger ou mineur reprend les
critères du DSM-5 et y ajoute la possibilité de signes neurologiques transitoires focalisés et /ou
d’une lésion intracrânienne ne nécessitant pas de traitement chirurgical, en précisant que ces
symptômes et signes ne doivent pas être liés à un traumatisme pénétrant, l’usage de drogues, de
médicaments ou consécutifs à un choc psychologique. La commotion cérébrale est définie
comme une brève altération de l’état mental (confusion, désorientation, perte de connaissance
brève et amnésie) consécutive immédiatement après un choc sur le crâne ou un violent
mouvement de la tête, dont l’évolution est spontanément résolutive. L’imagerie cérébrale
conventionnelle est presque toujours normale. De fait, la commotion cérébrale représente la
forme la plus mineure de traumatisme crânien fermé et les 2 termes sont utilisés aujourd’hui
comme synonymes.
D’un point de vue épidémiologique, les traumatismes crâniens gers représentent 70 % des
traumatismes crâniens fermés et sont causés principalement par les accidents de circulation, de
sport, des chutes ou des agressions. Les vertiges sont présents dans 40 à 60 % des cas et
représentent un des facteurs majeurs influençant la reprise du travail. La surdité et les
acouphènes sont retrouvés dans 7 à 50 % des cas et jusqu’à 30 % des patients présentent des
symptômes post-commotionnels temporaires. L’évolution du traumatisme crânien léger est
toutefois favorable en 1 à 4 semaines dans 80 à 90 % des cas. Seuls 10 à 20 % des patients avec
traumatisme crânien léger vont présenter, au delà de 3 mois, des symptômes post-commotionnels
persistants.
Symptômes (syndromes) post-commotionnels
La classification internationale des maladies (CIM-10) de l’OMS retient le diagnostic de
symptôme ou syndrome post-commotionnel. Le DSM-5 classifie cette symptomatologie comme
trouble neurocognitif après traumatisme crânien. Les symptômes post-commotionnels
constituent un ensemble hétérogène de symptômes physiques, cognitifs et émotionnels, incluant :
céphalées, vertiges, fatigue, troubles du sommeil, acouphènes, troubles visuels, hypersensibilité
aux bruits et à la lumière (symptômes physiques) ; troubles de concentration, de mémoire, déficit
de l’attention (symptômes cognitifs) ; irritabilité, symptômes de dépression et d’anxiété, troubles
de la personnalité (symptômes émotionnels). Il est toutefois important de noter que cette
symptomatologie n’est pas spécifique aux traumatismes crâniens, étant observée aussi chez des
patients non traumatisés ou souffrant de douleurs chroniques, et qu’elle ne constitue dès lors pas
un véritable syndrome post-commotionnel. Il est actuellement recommandé d’utiliser plutôt la
terminologie de symptômes post-commotionnels. Les symptômes post-commotionnels
persistants, perdurant plus de 3 mois après le traumatisme crânien, sont présents chez 10 à 20 %
des traumatisés crâniens légers. Au moins 3 des symptômes décrits plus haut doivent être
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présents, parmi lesquels on retrouve des vertiges dans presque un tiers des cas. La persistance à
terme des symptômes post-commotionnels péjore le pronostic de la reprise du travail et la
réinsertion sociale. Comme facteurs prédisposants à des symptômes post-commotionnels
persistants, sont identifiés des lésions axonales diffuses liées au traumatisme cérébral, des
troubles psychiatrique préexistants (dépression, anxiété), des lésions labyrinthiques, la perception
négative du traumatisme (souvent liée à une recherche de compensation), des douleurs
chroniques, le genre féminin et un niveau éducationnel ou social bas.
2/ Traumatisme cervical
Nous abordons ici le mécanisme du cou du lapin ou Whiplash. Selon la Québec Task Force, il
s’agit d’une lésion osseuse ou des tissus mous résultants d’un mécanisme d’accélération ou
décélération délivré à la nuque. La classification du traumatisme cervical donne 4 niveaux de
gravité. Grade 1 : pas d’atteinte observée ; Grade 2 : tension et/ou douleur au niveau des muscles
ou des os ; Grade 3 : signes neurologiques présents ; Grade 4 : fracture de la colonne cervicale à
l’imagerie. La prévalence du cou du lapin est élevée et notée chez 40 pour 100000 patients
accidentés de la circulation. Un traumatisme crânien mineur est associé dans 20 % des cas. On
retrouve, comme cause principale, des accidents de la circulation ainsi que les traumatismes par
plongeon. La symptomatologie aiguë est principalement constituée de douleurs cervicales et de
tensions musculaires, associées à des paresthésies (troubles sensitifs) des membres supérieurs,
des vertiges (40 à 80 %), une surdité et des acouphènes (5 à 50 %). Une apparition secondaires
des symptômes est possible, jusqu’à plusieurs semaines après l’accident.
L’origine des vertiges reste controversée. Cliniquement, il n’y a pas de test spécifique pour
identifier un vertige d’origine cervicale et celle-ci n’est pas confirmée. Comme hypothèse, une
altération des récepteurs somatosensoriels du cou a été évoquée. Dans tous les cas, il faut
rechercher une autre cause de vertiges, le plus souvent liée à un traumatisme crânien associé :
commotion labyrinthique, vertiges paroxystiques positionnels bénins, fistule péri-lymphatique.
Quinze à 20 % des patients victimes d’un whiplash vont présenter des symptômes persistants
incluant des céphalées, des vertiges, de l’instabilité, une surdité, des acouphènes et des troubles
psychologiques (anxiété et/ou dépression).
3/ Barotraumatisme
Un barotraumatisme est possible après exposition à un changement de pression externe
(atmosphère ou eau) ou interne (liquide céphalo-rachidien). Il peut s’agir d’une augmentation
soudaine de la pression externe dans le conduit auditif externe, par exemple lors d’une gifle ou
d’une chute sur l’eau, ou par effet de souffle suite à une explosion (onde supersonique en
surpression). Le barotraumatisme peut provoquer une perforation du tympan, une luxation des
osselets et une atteinte vestibulaire avec possibilité d’une fistule péri-lymphatique (rupture de la
fenêtre ovale ou ronde). Le patient se plaindra de surdité ou de vertiges par atteinte d’une ou des
2 oreilles traumatisées. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un barotraumatisme secondaire à un
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défaut d’équilibrage entre la pression externe et la pression de l’oreille moyenne, lié à un
dysfonctionnement de la trompe d’Eustache. On retrouve ce mécanisme le plus souvent lors de
vols en avion (surtout la descente) et les plongées en bouteille (surtout la remontée). Dans sa
forme la plus bénigne, il s’agit d’un défaut d’équilibrage transitoire d’évolution simple ressentie
chez 10 à 25 % des plongeurs et des pilotes d’avion, correspondant à des vertiges alterno-
bariques. Dans les cas plus graves, notamment lors d’une plongée (73 % des cas lors de la
remontée, 27 % des cas lors de la descente ou de l’arrivée en surface), l’atteinte est plus sévère
avec signes d’inflammation de l’oreille moyenne (baro-otite), voire possibilité d’une fistule péri-
lymphatique. La symptomatologie se présente sous la forme de vertiges associés à une surdité le
plus souvent unilatérale. Finalement, un barotraumatisme peut survenir lors d’une augmentation
de la pression interne du liquide céphalo-rachidien, suite à un traumatisme crânien ou des
exercices physiques en glotte fermée (haltérophiles par exemple). Les lésions possibles sont
également un barotraumatisme des fenêtres ovales ou rondes ou une fistule péri-lymphatique, se
manifestant par des vertiges, une surdité et des acouphènes.
Lésions labyrinthiques post-traumatiques
1/ Fracture du rocher
On distingue les fractures longitudinales qui passent à côté du labyrinthe osseux (extra-
labyrinthique) et les fractures transverses traversant le labyrinthe (intra-labyrinthique). Les
fractures longitudinales sont les plus fréquentes et représentent 80 % des cas. Radiologiquement,
le scanner des rochers montre souvent des fractures obliques ou complexes.
La fracture longitudinale résulte principalement d’un choc latéral (temporo-pariétal) ; elle longe
le conduit auditif externe et traverse l’oreille moyenne. Cliniquement, on observe un saignement
de l’oreille (otorragie) par déchirure du tympan, un trait de fracture sur la paroi postérieure du
conduit auditif externe, associés à une surdité de transmission par lésion du tympan et de la
chaîne des osselets. Une atteinte auditive par atteinte de l’oreille interne peut également être
observée dans les hautes fréquences, similaire à un traumatisme auditif. Les vertiges sont
fréquents par atteinte de l’oreille interne (vertiges paroxystiques positionnels bénins, déficit
vestibulaire). Une paralysie faciale périphérique est également observée dans moins de 25 % des
cas, le plus souvent d’apparition secondaire au traumatisme (quelques heures à un ou deux
jours).
La fracture transverse est perpendiculaire à l’axe du rocher et traverse le labyrinthe osseux. Elle
résulte principalement d’un choc occipital. Cliniquement, l’oreille moyenne est intacte et on
observe seulement la présence de sang dans la cavité tympanique (hémato-tympan). Elle peut
également être associée à une fuite de liquide céphalo-rachidien dans l’oreille moyenne. Une
surdité totale et des vertiges intenses sont de mise par destruction du labyrinthe (déficit cochléo-
vestibulaire). Une paralysie faciale périphérique est présente dans 50 % des cas, dans la majorité
des cas immédiate. Il est important de noter que le labyrinthe osseux ne consolide pas et que la
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fracture sera fermée seulement par du tissus fibreux d’origine périostée. En cas de fermeture
incomplète, il existe un risque de méningite secondaire à distance, par exemple dans le contexte
d’une otite moyenne aiguë.
2/ Commotion labyrinthique
On définit sous ce terme une lésion du labyrinthe membraneux après traumatisme crânien sans
fracture du rocher. Les causes avancées expliquant les lésions de l’épithélium labyrinthique sont
une hémorragie microscopique dans le labyrinthe (parfois visible sur une IRM) et l’énergie de
l’onde de choc transmise au labyrinthe osseux qui peut léser l’épithélium membraneux, avec
possibilité d’une rupture localisée du labyrinthe membraneux. La commotion labyrinthique est le
plus souvent secondaire à un choc occipital retrouvé dans 50 % des cas. Les symptômes sont des
vertiges, une surdité et un acouphène. Sur le plan lésionnel, on retrouve fréquemment les signes
d’un déficit vestibulaire ou d’un vertige paroxystique positionnel bénin. L’audiogramme montre
dans la majorité des cas une surdité de perception dans les hautes fréquences similaire à un
traumatisme auditif par voix aérienne (encoche entre 4000 et 8000 Hz).
3/ Vertiges paroxystiques positionnels bénins (VPPB)
Le VPPB est la cause la plus fréquente de vertiges après traumatisme crânien ou cervical. Sa
prévalence est estimée à 20 % dans les suites précoces d’un traumatisme crânien et à 34 % suite
à un whiplash (vraisemblablement secondaire à un traumatisme crânien associé). La cause est
une commotion labyrinthique ou une fracture du rocher. D’un point de vue physiopathologique,
l’onde de choc qui a ébranlé le labyrinthe provoque un détachement des otoconies des organes
otolithiques avec pénétration des débris dans les canaux semi-circulaires, sous forme de petits
calculs (canalolithiase). Il en résulte une symptomatologie typique de vertiges de changements
de positions de brèves durée, déclenchés par le lever, le coucher, la rotation dans le lit ou
l’extension de la tête. Le diagnostic clinique est établi par la provocation du vertige associé à un
mouvement oculaire pathologique typique (nystagmus) lors de manœuvres de changement de
position effectuées dans le plan du canal semi-circulaire lésé. L’apparition des symptômes est
souvent précoce (dès le premier jour après le traumatisme) mais peut aussi survenir plusieurs
semaines plus tard. Sur le plan médico-légal, il n’y a pas de consensus, mais un délai jusqu’à 3
mois est admissible. La canalolithiase est le plus souvent localisée dans un canal postérieur (70
%), mais peut impliquer 2 canaux dans la même oreille. La bilatéralité de la pathologie est
rapportée jusqu’à 50 % des cas. Par rapport au VPPB idiopathique, la canalolithiase post-
traumatique est plus difficile à traiter et présente des récidives plus fréquentes.
4/ Vertiges otolithiques
Cette entité est controversée et s’applique à des vertiges post-traumatiques sans évidence de
VPPB. Il s’agit de vertiges non rotatoires à type de tangage et d’instabilité imputés à une
dislocation des otolithes avec asymétrie des réponses otolithiques. La cause est une commotion
labyrinthique ou une fracture du rocher. La difficulté du diagnostic réside en l’absence de tests
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