Une étude récente de l’Insee suggère que sur les quinze dernières années, le taux d’investissement en France est
plutôt plus élevé que chez nos voisins européens dès lors que l’on tient compte des cycles économiques. Malgré
une contraction de leurs marges, les entreprises françaises auraient en effet continué à investir en raison d’une
baisse du coût d’accès au capital. En revanche, les investissements réalisés sont plus des investissements de
remplacement du capital existant que des investissements dans de nouveaux produits ; ils contribuent donc
moins à l’amélioration de la compétitivité hors-prix de nos entreprises.
Source : Florian Mayneris « Coût et qualité. Le problème de la « compétitivité » de l’économie française,
www.laviedesidées.fr; 6 mai 2014
Document 9 : les économies qui arrivent à la frontière de production ne peuvent plus être compétitives
par l’imitation des technologies les plus avancées
Pendant la période faste des Trente Glorieuses (…) la croissance des pays européens a reposé essentiellement
sur le « rattrapage », c’est-à-dire sur la reconstitution du stock de capital et sur l’imitation technologique.
L’organisation économique était dominée par les activités des grandes entreprises, soit publiques, soit
fortement subventionnées par l’Etat, avec relativement peu d’ouverture au commerce extérieur, peu de
concurrence sur les marchés de biens et services, et peu de flexibilité sur le marché de l’emploi. Dans ce
contexte, pour assurer le plein emploi et le bien-être social, l’Etat disposait de trois leviers d’intervention. En
premier lieu, un secteur public étendu donnait à l’Etat la possibilité d’orienter la politique industrielle. Ensuite,
les politiques « keynésiennes » lui permettaient de gérer le cycle macroéconomique ; dans le cadre d’une
économie relativement fermée, on pouvait en effet impulser l’activité économique en augmentant la dépense
publique, sans craindre que cela ne profite à un pays voisin. Enfin, l’Etat-providence permettait à l’Etat de
régler les problèmes sociaux résiduels à coups de subventions et de revenus de substitution, (protection sociale,
allocations familiales …).
Depuis les années 1980, ce modèle a cessé de fonctionner. Nous sommes entrés dans une ère où la croissance
des pays développés est tirée non plus par l’imitation technologique mais par l’innovation. En effet, la
mondialisation nous met directement en concurrence avec d’autres pays « imitateurs », mais qui disposent
d’une main d’œuvre moins coûteuse ; la seule façon de survivre à cette concurrence est d’être parmi ceux qui
inventent les nouveaux procédés ou produits, autrement dit qui innovent à la frontière technologique.
Dans une économie désormais ouverte et tournée vers l’innovation, de nouvelles entreprises et de nouveaux
emplois sont créés en permanence, tandis que d’autres sont détruits ; d’où l’importance, pour l’Etat, non pas
tant de contrôler directement les entreprises, mais de les réguler. De même, dans une économie mondialisée, la
gestion macroéconomique par la demande perd de son efficacité, car relancer la dépense publique peut se
traduire par un creusement du déficit commercial, et non par une reprise de l’activité. La France en a fait l’amer
expérience entre 1981 et 1983, lorsque la relance de la consommation a profité essentiellement à nos
partenaires, en stimulant davantage les importations que la production nationale. Enfin, l’ Etat providence
théorisé par Beveridge dans les années 1940 est entré en crise : il ne s’agi plus seulement maintenant de
protéger, mais d’accompagner les individus dans un parcours professionnel plus mobile que par le passé, où
l’on change plus fréquemment d’emploi ou de métier.
Ce modèle « keynésien » ayant vécu, il est nécessaire de relever, avec d’autres outils, d’autres perspectives, les
défis imposés par la mondialisation des échanges et le passage à une économie de l’innovation. Dès lors, deux
choix sont possibles : soit, comme le proposent les néolibéraux, réduire le rôle de l’Etat ; soit, renforcer les
prérogatives de l’Etat en redéfinissant son rôle. C’est cette dernière approche que nous défendons.
Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république
des idées, 2011, p. 9
Document 10 : le rôle de la concurrence et de l’ouverture des marchés dans l’innovation
Des travaux récents le montrent : les leviers d’une croissance basée sur l’innovation sont différents de ceux
d’une croissance fondée sur l’imitation ou le rattrapage technologique.
Tout d’abord, l’innovation de pointe (ou d’innovation à « la frontière technologique ») a besoin d’un marché
des biens concurrentiels, et cela pour deux raisons essentielles :
- d’une part, parce que davantage de concurrence incite à l’innovation pour justement échapper à la
concurrence et réaliser des profits de monopole (au moins temporairement, jusqu’à ce que l’innovation
soit rendue obsolète par de nouvelles innovations) ;
- d’autre parce, parce que les nouvelles idées sont souvent introduites par de nouveaux entrants sur le
marché des biens, tandis que les firmes en place tendent à perfectionner les produits ou les technologies
qu’elles ont inventé dans le passée. Ainsi, ce ne sont pas les grands producteurs d’avions à hélices qui
ont introduit les avions à réaction, tout comme ce n’est pas IBM qui a le premier introduit les