RSCA 4 : Docteur, j’ai mal au dos ! 4ème semestre, me voici en rhumatologie à l’hôpital Saint Joseph. Les lomboradiculalgies n’ont plus de secret pour moi, mais tous les patients ne les vivent pas de la même façon. Mr P. 52 ans, travaille chez UPS en bureau, et présente une lomboradiculalgie L5 droite évoluant depuis un mois, jusqu’à en devenir invalidante. Les douleurs sont d’horaire mécanique avec une limitation du périmètre de marche. Le contexte est celui d’un accident de trajet deux mois auparavant, pour lequel il est donc pris en charge et en arrêt de travail. Initialement Mr P a bénéficié d’un traitement par AINS et paracétamol qui ne l’ont pas franchement amélioré. Son médecin lui prescrit alors des séances de kinésithérapie qui le soulage partiellement mais l’effet est de courte durée. Les radios du rachis lombaire ne retrouvant pas d’anomalie spécifique. Puis devant la persistance des symptômes avec difficultés majeure à la marche sans déficit moteur constaté, le patient est adressé en hospitalisation pour infiltrations épidurales. Un scanner du rachis lombaire a été réalisé et retrouve une petite protrusion discale paramédiane et foraminale L5-S1 droite pouvant concorder avec le trajet L5. Nous décidons de réaliser deux infiltrations épidurales à 48h d’intervalle, d’Hydrocortancyl. L’amélioration est plutôt bonne et le patient repart avec une poursuite de son arrêt de travail 7j, une ordonnance de kinésithérapie et des antalgiques de pallier 1. Le patient est informé sur le retard possible d’efficacité des infiltrations et qu’une réévaluation à un mois est à envisager pour juger du bénéfice de ces dernières. Une semaine plus tard le patient se représente aux urgences pour persistance de sa lombosciatique et nous est readressé pour prise en charge. Il marche depuis avec une canne, mal utilisée. Les médicaments ne le soulage que partiellement et ne peut reprendre le travail. Une troisième et dernière infiltration est réalisée et le patient ressort avec une ordonnance d’antalgique pallier 2. On l’informe du peu d’utilité de la canne et son arrêt de travail est prolongé de 7 jours. A nouveau une semaine plus tard, Mr P. rappelle dans le service car « extrêmement douloureux » et demande à être à nouveau hospitalisé. Après avoir convenu d’une hospitalisation de 48h maximum, nous acceptons à nouveau ce patient pour lui expliquer que nous ne ferions pas de geste supplémentaire et que pour conclure de façon collégiale, son dossier sera discuté au staff pluridisciplinaire (regroupant rhumatologues, radiologues, chirurgiens) le lendemain de son arrivée. Comme convenu, nous avons présenté son dossier, qui ne montrait pas de signe radiologique majeur pouvant justifier une intervention chirurgicale, et de l’avis général il n’a pas été retenu d’indication de geste supplémentaire. Cette information a été communiquée au patient. Par ailleurs, sur le plan antalgique il semblait plutôt bien soulagé par l’IXPRIM donc nous n’avons pas changé son traitement antalgique. La demande à la sortie s’est davantage tournée vers ses papiers d’accident du travail pour lequel il me demande de poursuivre son arrêt de travail, (que j’ai prolongé de 7j) et de rajouter dans le motif médical « cervicalgies » (dont il ne s’est jamais plaint lors de ses trois passages dans le service), car a priori il s’agissait du motif initial de son accident de travail, et que la sécu « l’embêterait » si on ne remplissait pas la case de cette manière, ce que finalement j’ai refusé de faire en indiquant simplement lombosciatique persistante. Mr P. est parti énervé, en me précisant que de toute façon il ne pourrait pas envoyer ce papier et qu’il allait devoir repasser voir son médecin traitant pour qu’il lui remplisse correctement, « comme il a toujours fait, lui ». Ce patient a été difficile à gérer, car le contexte d’accident de travail est toujours compliqué pour obtenir une guérison. Il n’était pas hyperalgique comme on peut en voir certain, mais revenait systématiquement dès la fin de ses arrêts de travail pour les renouveler. Les bénéfices secondaires obtenus de manière consciente ou pas, l’empêchait de se rétablir complètement. Problèmes posés et Compétences Illustrées : PREMIER RECOURS – URGENCES : Lombosciatique, du diagnostic au traitement, que peut-on proposer aux patients et à quel moment ? EDUCATION, DEPISTAGE, PREVENTION : Hygiène lombaire, quelques gestes simples à la maison comme au travail. Chez quels patients en particulier faut-il cibler cette prévention ? CONTINUITE, SUIVI, COORDINATION : Accident du travail, Accident du trajet, comment rédiger une déclaration et organiser le suivi des patients. Se sont donc là les trois points que je vais développer ci-après. PREMIER RECOURS – URGENCES : Lombosciatique, du diagnostic au traitement, que peut-on proposer aux patients et quand ? Diagnostic Le diagnostic de la lombo-radiculalgie commune repose sur l’association de plusieurs critères cliniques : - Lombalgie latéralisée ou non d’horaire mécanique Signe de Lasègue direct/indirect Trajet systématisé : L5 (face latérale du mb inferieur jusqu’au gros orteil), S1 (face posterieure du mb inferieur jusqu’au petit orteil), L3 et L3 (face antérieure de cuisse) Abolition unilatérale des réflexes (Achilléen : S1, Rotulien : L4) Ainsi que la présence de signe de gravités à rechercher systématiquement : - Déficit moteur (≤ 3/5) Syndrome de la queue de cheval (hypoesthésie en selle, troubles sphinctériens) Hyperalgie (résistant à un traitement opioïde bien conduit) Enfin il faut éliminer une lombo-radiculalgie symptomatique : - ATCD néoplasie Altération de l’état général Contexte infectieux Age > 70 ans Traumatisme ou tout contexte pouvant faire évoquer une fracture Imagerie Il n’y a pas d’indication à réaliser d’imagerie en première intention devant un tableau de lomboradiculalgie typique sans signe de gravité. Selon les recommandations de Février 2000 sur la prise en charge des lombosciatiques communes < 3 mois d’évolution : « En dehors de ces cadres (recherche d'une lombalgie dite symptomatique ou urgence), il n’y a pas lieu de demander d’examens d’imagerie dans les 7 premières semaines d’évolution sauf quand les modalités du traitement choisi (comme manipulation et infiltration) exigent d’éliminer formellement toute lombalgie spécifique. L’absence d’évolution favorable conduira à raccourcir ce délai (accord professionnel). Les examens d’imagerie permettant la mise en évidence du conflit discoradiculaire ne doivent être prescrits que dans le bilan précédant la réalisation d’un traitement chirurgical ou par nucléolyse de la hernie discale (accord professionnel). Ce traitement n’est envisagé qu’après un délai d’évolution d’au moins 4 à 8 semaines. Cet examen peut être au mieux une IRM, à défaut un scanner en fonction de l’accessibilité à ces techniques. » Traitement En première intention, sont recommandés les traitements médicamenteux par - antalgique de pallier 1 type PARACETAMOL puis 2 si besoin type TRAMADOL associé à un anti-inflammatoire de type BI-PROFENID en absence de contre-indication. l’utilisation de myorelaxant peut être utile (type THIOCOLCHICOSIDE) Les corticoïdes n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Il n’y a pas d’indication à réaliser des manipulations ou des séances de kinésithérapie à la phase aigüe. Elles se discutent surtout en cas de chronicité. De même la poursuite des activités ordinaires compatibles avec la douleur semble souhaitable. Pas de repos strict au lit. En cas d’échec des traitements médicamenteux en 4-8 semaines, on discutera la réalisation d’infiltrations épidurales d’hydrocortancyl, après réalisation d’une imagerie lombaire à la recherche de conflit disco-radiculaire. En cas de persistance de la symptomatologie, malgré les antalgiques et les infiltrations, on discutera une chirurgie, dans le cas où l’imagerie conclue à un conflit disco-radiculaire concordant à la clinique. Il est alors important de préciser au patient que la chirurgie a pour but d’améliorer la symptomatologie radiculaire mais qu’elle n’améliorera en rien les lombalgies. A noter que la balnéothérapie, l’homéopathie et la phytothérapie n’ont pas démontrées leur efficacité. Il n’y a pas de recommandation quant au port de la ceinture lombaire. L’arrêt de travail doit être, en règle générale, de courte durée. Selon les recommandations HAS et les référentiels de durée fournis par l’Assurance Maladie : la durée de l’arrêt est à adapter : - au patient aux facteurs psychologiques à l’emploi et au contexte socio-économique à la possibilité d’adaptation ou de modification du poste par l’entreprise Par exemple, en fonction du travail effectué : - Sédentaire : 1j Travail Physique léger (ponctuelle <10kg ou répété < 5kg) : 3j Travail physique modéré (ponctuelle <25kg ou répété < 10kg) : 14j Travail physique lourd (>25kg) : 35j Références www.ameli.fr www.has.fr : - PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE ET THERAPEUTIQUE DES LOMBALGIES ET LOMBOSCIATIQUES COMMUNES DE MOINS DE TROIS MOIS D’EVOLUTION, TEXTE DES RECOMMANDATIONS, FEVRIER 2000 - Réponse à la saisine du 22 octobre 2010 en application de l’article L.161-39 du code de la sécurité sociale : Référentiels concernant la durée d’arrêt de travail dans 4 cas : La sciatique, La cure de hernie discale par discectomie, L’entorse du ligament collatéral médial du genou, La cholécystectomie ; Décembre 2010 EDUCATION, DEPISTAGE, PREVENTION : Hygiène lombaire, quelques gestes simples à la maison comme au travail. Chez quels patients en particulier faut-il cibler notre éducation? L’école du dos Aujourd’hui, de nombreux supports existent pour aider à prévenir et soulager les problèmes de dos (sites internet, dépliants proposés par les kinésithérapeutes….et en particulier les « Ecoles du dos » que l’on peut trouver partout en France et qui se sont multipliées ces derniers années, parfois même dans les structures hospitalières). Alors comment bien orienter ses patients et vers qui ? Attention, le nom d’ « école du dos » n’est pas déposé, et chacun peut donc faire ce qu’il veut. Il s’agit le plus souvent de cours collectifs de gymnastique spécifique, de rééducation fonctionnelle ou de sessions théoriques et gestuelles pour comprendre ce qu’est le dos et comment l’utiliser dans les meilleurs conditions. Par ailleurs ce genre de session n’est pas remboursé. Hygiène lombaire Quelques règles simples à proposer aux patients : - Éviter le port de charges lourdes. Porter une ceinture lombaire au moment des douleurs, et penser à la retirer la nuit et dans les positions non douloureuses. Soigner son couchage, bon matelas, bon oreiller. Pratiquer la relaxation allongée et les positions antalgiques pour le dos. Aller à la piscine et pratiquer des étirements en décharge. Éviter les postures prolongées que ce soit assis ou debout, alterner régulièrement. Bouger ! Faire des exercices de gainage du dos. Soigner ses pieds (pédicurie, podologie) et éviter le port de talons hauts. Se suspendre pour laisser le poids du corps étirer les articulations et disques intervertébraux. Pratiquer la physiothérapie, la balnéothérapie et les bains chauds si ça soulage les douleurs Aller aux séances de kinésithérapie. Kinésithérapie Les recommandations de bonne pratique de la HAS de 2005 proposent un nombre de séances: « Dans certains cas exceptionnels, de lombalgies aigues, un nombre limité de séances de kinésithérapie peut être proposé (2 à 6), à un rythme de 2 à 3 séances par semaine » ; D’autre part dans les lombalgies subaiguës, récidivantes et chroniques, en début de traitement : « Les experts ont proposé une première série de 10 à 15 séances. Les séances ne doivent pas être trop rapprochées pour éviter une médicalisation excessive et pour laisser le temps au patient d’apprendre les exercices et gestes de prévention. » Facteurs de Risque de passage à la chronicité Les facteurs de risque de passage à la chronicité des lombalgies aigues sont souvent les mêmes retrouvés dans différentes études. On peut les classer en six catégories : - Personnels : mauvais état général de santé (vrai ou ressenti), âge élevé, sexe féminin, antécédent de lombalgie ou chirurgie lombaire… Propres à la maladie : épisode sévère, sciatique associée, douleur importante Professionnel : insatisfaction, inadaptation physique Socio-économiques : bas niveau de ressource ou d’éducation Médico-légaux : Procédure d’accident de travail ou tout litige médico-légal Psychologiques : terrain anxio-dépressif… L’identification de ses facteurs de risque est importante pour la prise en charge initiale du patient. En effet, pour prévenir le passage à la chronicité, les patients à risque doivent être identifiés afin d’entreprendre rapidement une éducation thérapeutique adaptée. Références Prise en charge masso-kinésithérapique dans la lombalgie commune : modalités de prescription, HAS, Mai 2005 Référentiel concernant la rééducation en cas de lombalgie commune, HAS, Mars 2011 Chronic low back pain: Risk factors for chronicity, (Lombalgie chronique : facteurs de passage à la chronicité), Mai 2009, Revue du Rhumatisme CONTINUITE, SUIVI, COORDINATION : Accident du travail, Accident du trajet, comment rédiger une déclaration et organiser le suivi des patients. Certificat médical d’Accident de Travail 1 2 3 Définition L’accident de travail est défini par : un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, quelle qu'en soit la cause. Il nécessite deux conditions : -Un fait accidentel : Le fait à l'origine de l'accident du travail doit être soudain (ce qui le distingue de la maladie professionnelle). Il peut provenir d'un événement ou d'une série d'événements, qui doivent être datés de manière certaine. - Une origine professionnelle : Ce fait doit intervenir du fait ou à l'occasion du travail, le salarié doit donc être placé sous l'autorité de l'employeur lorsque l’accident se produit. Il est présumé d'origine professionnelle dès lors qu'il se produit dans les locaux de l'entreprise, même sur un temps de pause. La lésion peut être corporelle ou psychologique À noter : - un accident qui se produit pendant un stage de formation professionnelle, même en dehors du temps de travail, sera considéré comme un accident du travail. La qualification d'accident du travail peut être écartée si le fait accidentel est la conséquence de faits non professionnels (par exemple, un suicide sur le lieu de travail en raison de problèmes personnels) Cas particulier de l’Accident de Trajet définis par : tout accident qui survient pendant le trajet effectué entre les points suivants : - sa résidence (principale, secondaire stable, tout autre lieu où le salarié se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial) et son lieu de travail, son lieu de travail et le lieu où il prend habituellement ses repas. À noter : Si l'accident a lieu entre le lieu de travail et le lieu où il suit une formation, il s'agit d'un accident du travail. - Le trajet entre résidence et lieu de travail peut ne pas être le plus direct si le détour est effectué dans le cadre d'un covoiturage régulier. L'accident de trajet est reconnu si : o L’interruption ou détour est justifié par les nécessités essentielles de la vie courante (arrêt pour faire des courses de la vie courante, détour pour accompagner des enfants à l'école ou à leur lieu de garde, par exemple), o L’interruption ou détour est lié au travail. Conséquences Indemnisation : La reconnaissance d'une maladie comme étant d'origine professionnelle ouvre droit à différentes indemnités : - En cas d'arrêt de travail, indemnités versées par la sécurité sociale et indemnités versées par l'employeur En cas d'incapacité de travail, indemnisation spécifique, et indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l'employeur. Protection du salarié contre le licenciement : Il ne peut être licencié durant l'arrêt maladie, sauf dans l'un des cas suivants : - faute grave (ou lourde) du salarié, motif étranger à la maladie professionnelle rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise (licenciement économique, notamment). En pratique Le certificat médical initial d’accident du travail (formulaire S6909) doit être rempli par le médecin traitant sur présentation de la déclaration d’accident de travail par le patient (formulaire S6201). Zone 1 Ce dernier permet ainsi une prise en charge des soins à 100% (consultations, examens complémentaires, traitements etc..) en liens avec l’accident de travail, sans avance des frais. Il faut préciser au patient de bien présenter la feuille de récapitulatif des soins fournie avec la déclaration d’AT, à chaque consultation, pharmacie ou examen complémentaire réalisé afin qu’il soit pris en charge. (cf. feuille de soins ci-dessous) Quant au certificat initial le médecin doit y indiquer avec précision l’état (localisation et nature des lésions avec les symptômes éventuels) et les conséquences éventuelles de l'accident (séquelles fonctionnelles). Zone 2 Les volets 1 et 2 sont à adresser à la caisse d'Assurance Maladie et le patient conserve le volet 3. Il peut être accompagné (ou non) d’un arrêt de travail. Dans tous les cas un rendez-vous devra être fixé dès la première consultation pour réévaluer l’état du patient et décider de la poursuite des soins ou pas. Un nouveau formulaire sera à remplir à cette occasion pour décider de la prolongation ou de la clôture de l’accident de travail. Zone 1 S’il est décidé un arrêt des soins, cela signifie que l’accident est clos et il convient donc de conclure (dernière partie du formulaire), de cocher la case certificat final en haut du formulaire et de noter la date de reprise du travail à temps complet si c’est le cas. Zone 1 et 3 A noter que l’assurance maladie a 30j pour se prononcer sur la validité de l’accident de travail. En absence de réponse le patient est en droit de considérer sa situation comme reconnue. Feuille de soins durant la période de l’AT