La lombalgie - CCAS de la ratp

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La lombalgie
Lombalgies : s’arrêter (ou pas) ?
par agnès bouchaud-chabot, rhumatologue de l’espace Santé
En 2017, la Caisse nationale de l’assurance maladie
prévoit d’économiser 1,4 milliard d’euros. Pour y
parvenir, la Sécurité sociale s’intéresse aux
lombalgies dont souffriraient près de la moitié des
français. Dans la majorité des cas, le mal de dos
passe en quelques jours. Mais un cas de lombalgie
sur cinq donne lieu à un arrêt de travail, et chaque
année, 6 700 français sont arrêtés plus de six
mois pour ce motif. Ces arrêts longs coûtent
particulièrement cher à la Sécurité sociale
puisqu’ils représentent 24 % du total des
indemnités journalières versées chaque année,
soit 3 milliards d’euros.
que le repos au lit n’aide pas à la guérison, mais qu’il est
plutôt un facteur d’aggravation : le seuil de perception de
la douleur diminue, et les muscles s’atrophient rapidement.
C’est la raison pour laquelle la Sécurité sociale préconise
pour les lombalgies aigües une durée d’arrêt qui va de une
journée pour les professions sédentaires à 35 jours pour les
professions avec travail physique lourd (port de charge >
25 kg). Même si un arrêt de travail est justifié, il faut
conserver une activité physique douce (marche par
exemple, y compris si la douleur n’a pas disparu) qui
contribuera à la guérison.
Le mal de dos est un symptôme si banal que chaque
personne qui en souffre reçoit nombre d’avis familiaux,
amicaux voire médicaux. La grande majorité des patients
guérit en moins d’un mois. On sait depuis les années 2000
Respire N° 34 HIVER 2016 / 7
dossier
Durée d’arrêt de travail préconisée selon la profession
Type d’emploi
Durée de référence*
1 jour
Sédentaire
Travail physique léger
Charge ponctuelle < 10 kg
Charge répétée < 5 kg
3 jours
Travail physique modéré
Charge ponctuelle < 25 kg
Charge répétée < 10 kg
14 jours
Travail physique lourd
Charge > 25 kg
35 jours
* Durée à l’issue de laquelle la majorité des patients est capable de reprendre un travail, cette durée est modulable
en fonction des complications ou comorbidités du patient. (source : www.ameli.fr)
Si la douleur s’installe plus de trois mois, ce qui définit la
lombalgie chronique, les patients théorisent facilement sur
la signification et l’implication des symptômes, et les
actions à mettre en œuvre. L’analyse des pensées et des avis
de patients handicapés par des lombalgies a mis en
évidence que nombre d’entre eux adoptent de fortes
croyances disproportionnées sur l’importance de la douleur
lombaire, la vulnérabilité du rachis, et en conséquence
évitent des activités qu’ils considèrent comme pouvant
conduire à plus de douleurs ou à une nouvelle blessure.
Ces peurs, croyances et attitudes d’évitement ont des
conséquences négatives : inactivité physique, diminution
du bien-être mental, installation dans un statut de malade,
détérioration de la dynamique familiale, dépendance aux
traitements médicamenteux, etc. À noter que les
professionnels de santé ont également des peurs et des
croyances qui peuvent parfois influencer de façon négative
leurs patients.
Pour prévenir la chronicisation des lombalgies, l’Assurance
maladie va lancer une campagne auprès des médecins et
patients. Une étude anglaise synthétisée, «Le livre du dos»,
pourra être distribuée au patient par son médecin.
Les patients ayant été informés par ce moyen ont moins
de peurs et croyances erronées, au moins la première
année qui suit sa lecture.
La lombalgie est donc une pathologie fréquente, bénigne
dans la grande majorité des cas bien que très douloureuse.
Le repos au lit est une fausse bonne idée qui retarde la
guérison. Adopter les bonnes postures, faire régulièrement
de l’exercice physique réduit - sans supprimer - le risque de
lombalgie. L’Assurance maladie rappelle que, durant un à
trois mois d’arrêt maladie, seuls 15 % des patients auront
vu un rhumatologue. Consulter plus rapidement un
spécialiste permettra sans doute de vérifier le diagnostic,
de voir si des examens complémentaires sont justifiés,
et d’entreprendre plus rapidement un programme de
réentraînement à l’effort, dans le but de limiter l’impact
économique mais surtout humain de la lombalgie
chronique.
Lombalgies : imagerie médicale
par Isabelle BOHBOT, radiologue de l’espace Santé
La lombalgie est le terme médical qui désigne les
douleurs au bas du dos, dans la région des vertèbres
lombaires.
Petit rappel anatomique
La colonne lombaire est constituée de cinq vertèbres
formées de tissu osseux spongieux protégeant la moelle
épinière, composée d’un faisceau de fibres nerveuses
motrices, sensitives et associatives.
8 \ Respire N° 34 HIVER 2016
Entre chaque vertèbre se trouve un disque intervertébral
fibreux possédant en son centre un noyau gélatineux
(nucléus pulposus), dont la fonction est de permettre la
mobilité des vertèbres et d’amortir les chocs. Plus le disque
est épais, plus l’amplitude des mouvements est grande.
Son aplatissement rétrécit le trou de conjugaison (foramen),
d’où partent les nerfs rachidiens de la moelle épinière.
Le disque qui sépare la 5ème vertèbre lombaire (L5) de la 1ère
sacrée (S1) est le plus fragile. Il perd, comme tous les autres,
progressivement avec l’âge ses facultés d’hydratation et
s’amincit davantage à l’arrière qu’à l’avant sous l’effet de
dossier
l’importante charge mécanique. Le nucléus pulposus est
alors décentré et peut former une hernie susceptible
d’entrer en contact avec la racine du nerf sciatique,
provoquant alors la sciatique, la douleur irradiant dans la
fesse, la cuisse et pouvant aller jusqu’au pied.
Les vertèbres sont par ailleurs unies par des apophyses
articulaires, l’ensemble est entouré de muscles, de tendons
et de ligaments qui assurent la stabilité et la mobilité de la
colonne lombaire.
La lombalgie n’est qu’un symptôme, dont les causes sont
très variées, et le plus souvent bénignes. Chacun des
éléments anatomiques isolé ou associé peut être à l’origine
des douleurs.
Il existe plusieurs techniques d’imagerie permettant de
visualiser la colonne lombaire : en premier lieu la
radiographie standard, puis l’IRM et le scanner (TDM) qui
ne seront indiqués qu’en second lieu en fonction de la
présence de signes cliniques spécifiques.
La radiographie

la minéralisation osseuse,

la hauteur des disques intervertébraux. Les disques,
la moelle épinière et les racines nerveuses sont des
structures radio transparentes. La hernie discale ne
sera donc pas visualisée sur la radiographie,

des apophyses articulaires postérieures,

un glissement d’une vertèbre sur une autre vertèbre
(spondylolisthésis) constitutionnel ou d’origine
dégénérative.
cliché centré sur le disque L5-S1 de
» Un
face et de profil
Car cet espace est mal visualisé sur le cliché standard
de face.
’autres incidences peuvent être
» Dréalisées
en fonction des pathologies
recherchées
L’IRM
Cette technique utilise des rayons X. Elle est une représentation bidimensionnelle d’une structure tridimensionnelle.
Elle comporte plusieurs clichés qui vont permettre l’étude
précise des différents éléments du rachis :
cliché de face debout ou le cliché
» UdenSèze
Il permet d’avoir une vue d’ensemble du rachis dans
le plan frontal. Il analyse :

la statique de la colonne afin de rechercher une
courbure anormale ou scoliose,

la statique du bassin afin de vérifier s’il est bien
horizontal ou s’il présente une bascule.
n cliché de profil debout
» UIl étudie
le rachis dans le plan sagittal. Il analyse :

la morphologie des différents corps vertébraux par
recherche de tassement, de fracture ou l’existence
de formations exubérantes (bec de perroquet ou
ostéophytose),
C’est une technique d’imagerie en coupes permettant
d’explorer à la fois l’os spongieux, les disques, le canal
rachidien avec la moelle et ses racines nerveuses, et toute
la région para vertébrale. Elle comporte plusieurs séquences
T1 et T2 avec reconstruction dans les trois plans de l’espace.
Elle permet de mettre en évidence des lésions dégénératives, inflammatoires, infectieuses ou tumorales et les
hernies discales. À noter également la forte prévalence
d’images sans signification clinique pathologique avérée.
Respire N° 34 HIVER 2016 / 9
dossier
Le scanner (TDM)
C’est aussi une technique d’imagerie en coupes utilisant
des rayons X permettant des reconstructions dans tous les
plans. Cette technique est surtout recommandée pour la
détection des lésions osseuses, dix fois plus irradiante que
la radiographie standard et cependant amoindrie avec
l’apparition des scanners « low dose ». Elle est particulièrement
recommandée en cas de contre-indications à l’IRM chez les
patients porteurs de matériaux ferromagnétiques et surtout
quand l’IRM n’est pas disponible rapidement, ce qui reste
fréquent en France.
Indications à l’imagerie
Les recommandations actuelles pour déterminer la
nécessité d’une imagerie complémentaire restent basées
sur l’examen clinique et l’interrogatoire.
Dans la lombalgie aiguë (moins de trois mois), il n’est
préconisé de réaliser un bilan radiographique standard
qu’en cas de :

suspicion de fracture, soit traumatique, soit dans le cadre
d’un traitement corticoïdes au long cours ou chez des
patients de plus de 70 ans,

suspicion de tumeur ou d’infection (fièvre, perte de
poids, douleur nocturne, etc.),

douleur intense et résistante au traitement médical de
plus de trois semaines,

paralysie des membres inférieurs ou d’incontinence
urinaire.
Dans ces situations, il faut d’abord réaliser des radiographies
standards suivies éventuellement d’une IRM afin d’éliminer
une pathologie grave infectieuse ou tumorale, ce qui reste
une éventualité très rare (1 à 2 cas sur 500).
Dans la lombosciatique du sujet jeune ou avant infiltration
thérapeutique, un bilan radiographique et une IRM, ou à
défaut un TDM, reste une indication avérée.
10 \ Respire N° 34 HIVER 2016
Dans la lombalgie subaiguë ou chronique (plus de trois
mois), il n’existe pas de consensus formel. C’est l’évolution
clinique qui prime. La très grande majorité des lombalgies
n’a pas de causes spécifiques et ne conduit à aucune
séquelle ni handicap et ne devrait donc pas faire l’objet
d’une imagerie. D’autant que, outre le coût de ces examens,
il existe un risque non négligeable de découvertes fortuites
d’anomalies dégénératives sans signification pathologique
(discopathie, arthrose apophysaire, spondylolisthésis, etc. ).
Par ailleurs, il y a peu de corrélations entre la sévérité de la
douleur et les données radiographiques : des lombalgies
invalidantes peuvent survenir alors que les clichés sont
normaux et, inversement, il peut exister des signes
d’arthrose dégénérative sévère totalement asymptomatique.
Il est cependant à noter que la satisfaction des patients
est accrue lorsqu’un bilan radiographique est réalisé,
ce qui peut ainsi constituer un bénéfice pour éviter la
chronicisation des douleurs.
dossier
Les Lombalgies du point de vue
du médecin du travail
ar Laurent ZAVIDOVIQUE, interne en médecine du travail,
p
Valérie JOUANNIQUE, médecin du travail coordonnateur
Dans une population en âge de travailler, plus de
deux salariés sur trois ont eu, ont, ou auront une
lombalgie. Il s’agit donc d’un problème de santé
majeur en entreprise. La lombalgie est un
symptôme et non une maladie. Il s’agit d’une
douleur de la région basse du dos d’intensité et
d’étendue variable, le plus souvent d’origine
musculaire. Il peut s’agir d’une simple gêne ou
d’une douleur franche. Elle résulte en général d’un
effort excessif, d’un mouvement brutal ou extrême,
parfois d’une chute. Les contraintes professionnelles peuvent jouer un rôle déterminant dans
leur survenue. La manutention, les vibrations,
les chutes de plain-pied et les contraintes posturales
sont des facteurs de risque reconnus.
Au-delà de la crise aiguë, le risque majeur de la lombalgie
est le passage à la chronicité, favorisé par les contraintes
physiques et psychosociales du travail tels le stress,
l’insatisfaction au travail, mais également par l’inactivité,
parfois aggravée par la durée de l’arrêt de travail. Retenons
que dans plus de 90 % des cas, quelle que soit l’intensité
de la douleur et du handicap qu’elle engendre, la lombalgie
correspond à une lésion minime ne nécessitant pas d’arrêt
de travail prolongé ou d’examen complémentaire.
A contrario, il est fondamental, afin d’éviter le passage vers
la lombalgie chronique, de maintenir une activité physique,
certes prudente, mais engagée le plus précocement
possible. La reprise rapide du travail dans des conditions
adaptées est ainsi souhaitable. Le travail, activité et support
social, participe à la prise en charge des lombalgies.
la durée en s’interrogeant sur l’organisation du travail.
Enfin, il conviendra systématiquement d’informer et de
former les salariés, de veiller au quotidien à l’emploi des
moyens automatisés de manutention et de comprendre,
en cas de défaut d’utilisation de ces outils, les raisons.
Le Service de Santé au Travail ainsi que les autres acteurs
de prévention ont pour mission d’effectuer des actions
précoces, afin de préserver la santé de tous les salariés et
de prévenir la désinsertion professionnelle.
Outre la réduction des risques en situation de travail,
le médecin du travail sensibilisera l’agent à la nécessité
du maintien d’une bonne hygiène de vie : perte de poids,
activité physique. Une fois la lombalgie survenue, le salarié
concerné pourra bénéficier d’un aménagement transitoire
de son poste de travail de manière à favoriser son maintien
dans l’emploi. Il pourra y rester pendant quelques semaines
avant une reprise progressive de ses activités habituelles,
après correction de l’ergonomie du poste si nécessaire.
La prévention primaire, en priorité collective, consiste à
éviter la survenue de lombalgies sur le lieu de travail par le
biais d’une amélioration des conditions de travail.
L’élimination ou à défaut la réduction des facteurs de risque
nécessite une collaboration entre tous les acteurs de
prévention de l’entreprise. Éliminer certaines contraintes
pourra nécessiter des réorganisations, des changements
des modes de travail avec mécanisation et automatisation
de certains procédés. S’il n’est pas possible d’éliminer les
contraintes, il sera alors essentiel d’en réduire l’intensité et
En ce qui concerne la réparation, la lombalgie aiguë,
survenue de manière brutale sur les lieux de travail,
pourra être prise en charge comme accident du travail.
Dans le cas des lombalgies chroniques, certaines affections
chroniques du rachis lombaire provoquées par des
vibrations transmises au corps entier ou par la manutention
manuelle de charges lourdes pourront donner lieu à une
reconnaissance en maladie professionnelle au titre des
tableaux 97 ou 98 du régime général, sous réserve d’en
respecter les conditions.
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