HOMOLOGIE-HOMOTOPIE : NOTIONS ÉLÉMENTAIRES Table des

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HOMOLOGIE-HOMOTOPIE : NOTIONS ÉLÉMENTAIRES
MAMOUNI MY ISMAIL
Table des matières
1. Catégories et foncteurs
2. Complexe de chaines
3. Homologie
4. Simplexe standard
5. Homologie Singulière
6. Cohomologie Singulière
7. Dualité de Poincaré
8. Homotopie
9. Groupes d’Homotopie
10. CW-complexes
11. Homotopie Rationnelle
12. Un peu d’Histoire
13. Annexe : Fibrations
Références
2
2
2
3
4
5
5
6
6
7
8
9
11
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This notes were written for the 5th GeToPhyMa Summer School on ’“Rational Homotopy Theory and
its Interaction” (July 11–21, 2016, Rabat, Morocco) celebrating Jim Stasheff and Dennis Sullivan for their
respective 80th and 75th birthdays.
1
2
M.I. MAMOUNI
1. Catégories et foncteurs
Une catégorie C est la donnée :
— d’une collection d’objets.
— de flèches f : X −→ Y liant tout couple d’objets (X, Y ). Ces flèches, dont l’ensemble
est noté hom(X, Y ) sont appelés des morphismes
— D’une composition de flèches
◦ :: hom(X, Y ) × hom(Y, Z) −→ hom(X, Z)
(f, g) 7−→ g ◦ f
associative et admettant un élément neutre idX pour tout objet X.
Comme exemple de catégorie on peut citer celle des ensembles dont les morphismes sont
les applications, celle des espaces topologiques dont les morphismes sont les applications
continues, celle des groupes dont les morphismes sont les morphismes de groupes, ou enfin
celle des espaces vectoriels dont les morphismes sont les applications linéaires.
2. Complexe de chaines
On appelle complexe de chaines toute famille (Cn )n∈N de modules équippés d’une famille
de morphismes dn : Cn −→ Cn−1 vérifiant dn ◦ dn+1 = 0, avec la convention C−1 = 0. En
particulier Imdn+1 ⊂ ker dn .
Les éléments de c ∈ Cn sont dits de degré n, on écrit alors deg c = n ou bien |c| = n. Pour
des raisonsM
de simplicité d’écriture, on adoptera les notation suivantes :
Cn .
— C=
n∈N
— d : C −→ C tel que d|Cn = dn .
En particulier d2 = 0. On dit que d est une différentielle.
3. Homologie
Soit (C, d) un complexe de chaine. Comme Bn+1 := Imdn+1 ⊂ Zn := ker dn , on pose
Hn (C, d) := Zn /Bn+1
n-ème groupe de homologie
βn (C) := rgH
(C,
d)
n-ème nombre de Betti
Xn
n
χc (C) :=
(−1) βn Invariant homologique d’Euler-Poincaré.
n
— les éléments de Zn s’appellent des n-cycles ;
— les éléments de Bn s’appellent des n-bords ;
— les élèments de [x] ∈ Hn (C, d) s’appellent des classes d’homologie de degré n.
Les groupes d’homologie mesurent l’obstruction qu’un cycle soit un bord. Plus precisement
si [x] = [y], alors dx = dy = 0 et x − y = dc.
M
H∗ (C, d) :=
Hn (C, d) Homologie de (C, d).
n∈N
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4. Simplexe standard
On appelle n-simplex standard (ou simplexe standard de dimension n), la partie de Rn
notée ∆n définie par ∆n = l’enveloppe convexe dans Rn des points e0 , e1 , · · · , en , où e0 =
(0, · · · , 0) et ei = (0, · · · , 0, 1, 0, · · · , 0), le 1 étant placé à la i-ème position. Ainsi :
— ∆0 est un point ;
— ∆1 est un segment ;
— ∆2 est un triangle plein ;
— ∆3 est un tétraèdre plein.
On appelle k-face d’un n-simplex donné ∆n , tout k-simplex σ ⊂ ∆n engendré par une famille
de k éléments parmi e0 , e1 , · · · , en . En particulier
— les 0-faces d’un n-simplex stantard sont ses sommets ;
— ses 1-faces sont ses arêtes ;
— ses 2-faces sont ses triangles ;
Quand on calcule le nombre des n-faces des simplexes, on obtient une sorte de triangle de
Pascal comme suit :
Simplexe
Point
Segment
Triangle
Tétraèdre
Pentachore
5-simplexe
6 simplexe
En posant
sommets
1
2
3
4
5
6
7
n−1
X
arêtes
1
3
6
10
15
21
2-faces
1
4
10
20
35
3-faces
1
5
15
35
4-faces
1
6
21
5-faces
1
7
6-faces
1
0
2
3-3=0
4-6+4=2
5-10+10-5=0
6-15+20-15+6=2
7+21-35+35-21+7=0
(−1)i Ni , où Ni est le nombre de i-faces de ∆n , on obtient la caractéristique
i=0
d’Euler-Poincaré du simplexe, qui vaut 0 pour les simplexes de dimension pair et 2 pour les
simplexes de dimension impair.
L’application bord ∂ est définie sur tout n-simplex, ∆n , par :
n
X
∂∆n :=
(−1)i ∆in−1 ,
i=0
où ∆in−1 sont les (n − 1)-faces de ∆n , il y en a exactement n + 1. En particulier, on a :
— Si ∆0 = A est un 0-simplex, alors ∂∆0 = 0 (convention) ;
— Si ∆1 = [A, B] est un 1-simplex, alors ∂∆1 = B − A ;
— Si ∆2 = (ABC) est un 2-simplex, alors ∂∆2 = [A, B] − [B, C] + [C, A].
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M.I. MAMOUNI
Un calcul simple montre que ∂ 2 A = 0, ∂ 2 [A, B] = 0 et ∂ 2 (ABC) = 0.
Exercice 1. ∂ 2 ∆n = 0 pour tout n ∈ N.
P
Soit K un module, on appelle n-chaine toute somme formelle
ni σi , à coefficient dans K
et a support fini de n-simplex. Si Cn designe l’ensemble desM
n-chaines, alors ∂ : Cn −→ Cn−1 .
On obtient alors un complexe de chaines (C∗ , ∂) où C∗ :=
Cn .
n∈N
Exercice 2. Donner des exmples de
— 0-cycles et 0-bords ;
— 1-cycles et 1-bords ;
— 2-cycles et 2-bords.
5. Homologie Singulière
On appelle n-simplex singulier d’un espace topologique X, toute application continue
σ : ∆n −→ X. En identifiant σ avec son image dans X, on conclut que
— 0-simplex singulier de X : point inclu dans X ;
— 1-simplex singulier de X : chemin inclu dans X ;
— 2-simplex singulier de X : "surface" inclue dans X ;
— 3-simplex singulier de X : "volume" inclu dans X.
P
Si K est un module, on appelle n-chaine toute somme formelle
ni σi de n-simplex, à
coefficient dans K et a support fini. Cn (X; K) designera dans toute la suite l’ensemble de
telles chaines.
L’opérateur de bord ∂ : Cn (X; K) −→ Cn−1 (X; K) est défini par
n
X
∂σ :=
(−1)i σ|∆in−1 .
i=0
Exercice 3.
∂2 = 0
On obtient un complexe de chaines (C∗ (X; K), ∂), dont l’homologie associée s’appelle
homologie singulière de X à coefficients dans K et se note H∗ (X; K).
H0 (X; Z) décrit le nombre de composantes connexes, Hn (X; K) celui des creux independants
de dimension n. Un creu de dimension 1 est un cercle, en dimension 2 c’est sphère, ...
Exercice 4.
(1) H∗ (pt; Z) =? ;
(2) H∗ (S1 ; Z) =? ;
(3) H∗ (S2 ; Z) =? ;
(4) H∗ (T2 ; Z) =?.
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6. Cohomologie Singulière
Un complexe de cochaines est la donnée d’une famille (C n )n∈N de modules équippés d’une
famille de morphismes dn : C n −→ C n+1 vérifiant dn+1 ◦ dn = 0.
En particulier B n := Imdn ⊂ Z n+1 = ker dn+1 , on pose alors
H n (C, d) := Z n+1 /B n n-ème groupe de cohomologie
—
—
—
Pour
les
les
les
un
éléments de Z n s’appellent des n-cocycles ;
éléments de Bn s’appellent des n-cobords ;
élèments de [x] ∈ H n (C, d) s’appellent des classes de cohomologie de degré n.
espace topologique donnée X et un module donné K. Si on muni
C n (X; K) := Hom(Cn (X; K))
de d := ∂ # (transposée de ∂), on obtient le complexe de cochaine C ∗ (X; K), d), dont la
cohomologie associée est appellée cohomologie singulière de X à coefficients dans K.
7. Dualité de Poincaré
Soit X un espace topologique et K un anneau. Le cap produit noté _ est défini par
_:: Cp (X; K) × C q (X; K) −→ Cp−q (X; K)
(σ, δ) 7−→ σ _ δ := δ(σ|[e0 ,...,eq ] )σ|[eq ,...,ep ]
où [e0 , . . . , eq ] désigne la face engendrée par les vecteurs e0 , . . . , eq . On obtient alors une application bilinéaire, qui se prolonge naturellement en homologie et cohomologie pour donner
_: Hp (X; K) × H q (X; K) −→ Hp−q (X; K).
Si X est une variété fermée orientable de dimension n, il est connu que dim Hn (X; Q) = 1 et
que Hk (X; Q) = 0 pour tout k > n. On note par [X] le généréteur Hn (X; Q), appellé classe
fondamentale de X.
En particulier, pour tout [σ] ∈ H k (X; Q), on a [X] _ [σ] ∈ Hn−k (X; Q). Ce qui permet de
définir une application linéaire :
D :: H k (X; Q) −→ Hn−k (X; Q)
.
[σ] 7−→ D[σ] := [X] _ [σ]
Théorème de dualité de Poincaré.
Si X est une variété fermée orientable de dimension n, alors l’application
D : H k (X; Q) −→ Hn−k (X; Q) est un isomorphisme. Autrement dit :
H k (X; Q) ∼
= Hn−k (X; Q). (Dualité de Poincaré)
De façon similaire et duale, on peut définir la notion du cup produit,
^: H p (X; K) × H q (X; K) −→ H p+q (X; K),
comme suit : Pour tout α ∈ C p (X; K), β ∈ C q (X; K) et tout p + q-simplexe singulier
σ : ∆p+q −→ X, on pose
(α ^ β)(σ) := α(σ|[e0 ,...,ep ] .β(σ|[ep ,...,ep+q ] ).
On a les propriétés suivantes
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M.I. MAMOUNI
— Passage en cohomologie : d(α ^ β) = δα ^ β + (−1)p (α ^ δβ) ;
— Commutativité : α ^ β = (−1)pq (β ^ α) ;
— Distributivité : (α + β) ^ γ = α ^ γ + β ^ γ ;
— Associativité : α ^ (β ^ γ) = (α ^ β) ^ γ.
En particulier, (H ∗ (X; Q), ^) est une algèbre graduée.
Cup-length.
La longueur maximale d’un mot dans (H ∗ (X; Q), ^) s’appelle cup-length de X et
se note cl(X). Plus précisement,
cl(X) := max{n, ∃a1 , . . . , an ∈ H ∗ (X; Q) : a1 ^ · · · ^ an 6= 0}.
Exercice 5. En déduire cl(X) si H ∗ (X) = Q[a]/(an ).
8. Homotopie
Dans toute la suite, I = [0, 1] et X, Y deux espaces topologiques.
— On appelle homotopie de X vers Y , toute application continue H : X × I −→ Y ;
— Deux applications f, g : X → Y continues sont dites homotopes ssi elle existe une
homotopie H : X × I → Y telle que H(−, 0) = f et H(−, 1) = g. On note alors f ∼ g
(En exercice : Il s’agit d’une relation d’équivalence) ;
— X et Y sont dits homotopes ou de même type d’homotopie s’ils existent deux applications continues f : X → Y, g : Y → X telles que f ◦ g ∼ idY et g ◦ f ∼ idX . On dit
alors que f et g sont des équivalences d’homotopie. On note alors X ∼ Y
(En exercice : Il s’agit d’une relation d’équivalence) ;
Exercice 6.
(1) X ∼ Y ⇒ H∗ (X; Z) ∼
= H∗ (Y ; Z) ;
On dit que l’homologie est un invariant homotopique.
(2) X ∼ Y ⇒ βk (X) = βk (Y ) ;
Les nombres de Betti sont des invariants homotopiques.
(3) X ∼ Y ⇒ χc (X) = χc (Y ) ;
La caractéristique homologie d’Euler-Poincaré est invariant homotopique.
9. Groupes d’Homotopie
Dans cette partie X est supposé être connexe par arcs. Ses groupes d’homotopie notés
πn (X) sont définis par
πn (X) := map(Sn , X)/ ∼,
où
— Sn désigne la sphère unité de Rn+1 ;
— map(Sn , X)/ ∼ désigne l’ensemble des application continues quotienté modulo la relation d’équivalence "homotopes" .
Exercice 7.
— Tous ses groupes sont abeliens quand n ≥ 2 ;
— π0 (X)= l’ensemble des composantes connexes de X.
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Vocabulaire :
— π1 (X) s’appelle le groupe fondamental de X ;
— X est dit n-connexe quand πi (X) = {0} pour tout 0 ≤ i ≤ n ;
— Simplement connexe=1-connexe.
— Toute application continue f : X −→ Y induit sur les groupes d’homotopie, les applications suivantes :
πn (f ) :: πn (X) −→ πn (Y )
[γ] 7−→ [f ◦ γ]
f est dite équivalence d’homotopie faible, quand tous les πn (f ) sont des isomorphismes,
dans ce cas on dit que X et Y sont de même type d’homotopie faible.
10. CW-complexes
— Recollement : Soient X, Y deux espaces topologiques, A une partie de X et f :
A −→ Y une application continue. On appelle recollement de X sur Y par f , l’espace
topologique quotient noté X ∪f Y obtenu en identifiant tout élément x ∈ A à son image
f (x) ∈ Y . Plus précisement
a
X ∪f Y := (X
Y )/x ∼ f (x),
`
où X Y désigne la somme disjointe de X et Y .
— n-cellule : notée en général en , c’est tout espace topologique homéomorphe à un disque
ouvert de Rn ;
— 0-squelette : notée en général X (0) , c’est toute collection discrète de points points ;
— n-squelette : notée en général X (n) s’obtient en attachant X (n−1) à un nombre fini de
n-cellules à l’aide d’applications continues appelés fonctions
S (n) d’attachement ;
— CW-complexe : Tout espace topologique X =
X
obtenu par recollement de
cellules, tout en respectant les propriétés suivantes :
(1) Closure-finite : La frontière de chacune des cellules est égale à la réunion disjointe
d’un nombre fini de cellules de dimensions inférieures.
(2) Weak topology : X est muni d’une structure de topologie faible, i.e., A ⊂ X est
ouvert ssi A ∩ X n est ouvert pour tout n ∈ N.
La catégorie des CW-complexes se révèle être une bonne catégorie pour travailler en homotopie, comme l’illustre les théorèmes suivants :
Définiton.
Si Une application continue f : X −→ Y entre deux CW-complexes est dite
cellulaire si pour tout n on a, f (X (n) ) ⊂ Y (n) .
Théorème d’approximation cellulaire.
Toute application continue entre deux CW-complexes est homotope à une application cellulaire.
Théorème de Whitehead.
Toute équivalence d’homotopie faible entre deux CW-complexes est une équivalence d’homotopie.
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Définition.
Un modèle cellulaire d’un espace topologique X est tout CW-complexe de même
type d’homotopie faible que X.
Théorème du modèle cellulaire.
Tout espace topologique admet un modèle cellulaire, unique à équivalence d’homotopie près.
11. Homotopie Rationnelle
Dans un groupe, un élément est dit de torsion quand il est d’ordre fini. Un groupe est
dit de torsion si tous ses éléments le sont, il est dit sans torsion (ou de torsion libre) si son
unique élément de torsion est son élément neutre. Les Q-espaces vectoriels sont des groupes
abéliens sans torsion.
En gros, l’homotopie rationnelle a pour objectif celui d’étudier le type d’homotopie rationnelle d’un espace topologique en ignorant la torsion des ses groupes d’homotopie. Elle a
connu ses début avec les travaux de Daniel Quillen (1969) puis Denis Sullivan (1973).
— Un espace topologique simplement connexe est dit rationnel quand tous ses groupes
d’homotopie sont des Q-espaces vectoriels ;
— Pour tout CW-complexe simplement connexe X, il existe un espace rationnel XQ
(unique à équivalence d’homotopie prés) tel que
πn (X) ⊗ Q ∼
= πn (XQ )
en tant que Q-espaces vectoriels ;
— XQ s’appelle le rationalisé de X, son type d’homotopie est ce qu’on appelle le type
d’homotopie rationnelle de X.
On obtient XQ à partir de X en tuant la torsion dans les groupes d’homotopie de X.
Un espace rationnel est dit elliptique quad H∗ (X; Q) et π∗ (X) ⊗ Q sont tous deux de dimension fini. Pour de tel espaces, on retient surtout les resultats suivants et les questions
ouvertes suivantes :
Théorème (Halperin).
Tout espace elliptique vérifie la dualité de Poincaré.
Théorème (Halperin).
(1) χc (X) ≥ 0 , χπ (X) ≤ 0.
(2) χc (X) 6= 0 ⇔ χπ (X) = 0. Dans ce cas H ∗ (X; Q) = H pair (X; Q).
Conjecture du rang torique (Halperin, 1986).
Pour tout espace elliptique, on a :
dim H ∗ (X; Q) ≥ 2rk0 (X) .
Où rk0 (X)= plus petit entier n tel que le tore Tn agit presque librement sur X,
s’appelle le rang torique de X.
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Conjecture H (Hilali, 1990).
Pour tout espace elliptique, on a :
dim H ∗ (X; Q) ≥ dim π∗ (X) ⊗ Q.
12. Un peu d’Histoire
Les premiers signes de modèles. Vers la fin des années 1940, des topologues de renommée
(G. Hirsh, J.-L. Koszul, R. Thom) commencent à s’intéresser à l’idée de construire des
modèles algébriques sur R pour certaines classes d’espaces topologiques. Leur idée consistait
à trouver des cochaines d’algèbre commutatives dont la cohomolgie réelle est isomorphe à
celle de l’espace topologique considéré. R. Thom conjecturait que c’est possible pour les CWcomplexes, et le démontra en 1957 dans le cas réel, vingt ans après Swan résolva le problème
dans la cas rationnel.
D’autres éminents topologues contribuaient autrement à la naissance de l’homotopie rationnelle. Les travaux précis et complets de John Milnor et John Moore sur les algèbres,
coalgèbres, algèbre de Lie et algèbres de Hopf graduées influençaient beaucoup D. Quillen
dans ses travaux pour établir une équivalence d’homotopie entre la catégorie des espaces
rationnels et celle des chaînes d’algèbre de Lie sur Q. J.P. Serre fùt le premier en 1953 à
étudier la non-torsion des groupes d’homotopie et d’homologie. Il établira par exemple l’existence d’une équivalence d’homotopie faible rationnelle entre tout groupe de Lie, semi-simple,
connexe compact avec le produit fini de sphères de dimensions impaires.
Les fondateurs.
D. Quillen. En 1967, D. Quillen présentait à la communauté mathématique dans un cadre
axiomatique la théorie de l’homotopie. Deux ans après dans, il fonda les bases de l’homotopie
rationnelle. Son résultat le plus important reste celui que :
L’étude du type d’homotopie rationnelle de tout espace simplement connexe pointé revient à
celle du type d’homotopie d’une Q-algèbre de Lie.
Il répondait aussi positivement à un problème posé par Hopf :
Toute Q-algèbre de Lie graduée représente le type d’homotopie d’une espace topologique.
Les travaux de D. Quillen représentaient une étape cruciale dans le développement de l’homotopie rationnelle, en justifiant théoriquement la fiabilité des modèles algébriques comme
outils pour déterminer le type d’homotopie rationnelle d’un espace topologique. Toutefois
ces travaux souffraient d’un défaut de taille : Les calculs s’avéraient en général difficiles voire
impossibles.
D. Sullivan. Vers les débuts des années 1970, D. Sullivan s’attaqua à ce problème de calculs.
Motivé par son désir de comprendre la vraie nature des variétés différentielles compactes et
inspiré par les travaux de H. Whitney, il défina sur tout corps de caractéristique nulle une
cochaîne d’algèbre commutative duale au modèle de Quillen. Mais cette dualité présentait
aussi d’autres défauts :
— Son modèle n’est pas de type fini.
— Les formes différentielles sont définies uniquement sur les variétés différentielles, alors
que son objectif est de définir un modèle pour tout espace topologique.
— La cohomologie de de Rham est définie sur R, alors que son but était d’étudier celle
sur Q.
10
M.I. MAMOUNI
D. Sullivan résolva ces problèmes en basant son modèle sur les formes rationnelles linéaires
par morceaux sur un ensemble simplicial, et définit pour tout espace topologique X, le modèle
AP L (X).
D. Sullivan en publiant ses premiers résultats, signalant par la même occasion la possibilité
d’appliquer ses modèles pour la résolution de problèmes géométriques tel l’étude des périodes
non abéliennes dans une variété différentielle. Sa philosophie était que :
Toute construction géométrique raisonnable sur un espace topologique peut être reflétée par
une autre finie, algébrique, à l’aide des modèles minimaux.
Il appliqua sa théorie sur l’espace des lacets et celui des sections d’une fibrations entre autres.
Il montra surtout que le modèle minimal d’un espace topologique X, 1-connexe de type fini
est engendré par un Q-espace vectoriel isomorphe à Hom(π∗ (X), Q), que ce résultat est
encore valable pour un espace nilpotent.
La relève. Une fois les fondations de l’homotopie rationnelle posées, D. Quillen et D. Sullivan
tournèrent leurs attentions vers d’autres domaines de recherche, mais le développement de
l’homotopie rationnelle n’en souffrait pas autant car d’autres jeunes chercheurs enthousiastes
étaient déjà prêts à prendre la relève.
L’homotope de marque de cette génération fût sans doute S. Halperin, déjà aux milieux des
années 70 il collaborait avec D. Sullivan pour corriger la définition de modèle minimal et démontrer que les espaces elliptiques vérifient la dualité de Poincaré. S. Halperin travailla aussi
avec Jim Stasheff sur le problème de voir quand un espace est formel, (i.e., quand l’espace et
sa cohomolgie rationnelle ont même modèle minimal) autrement dit quand la cohomologie
rationnelle de l’espace détermine son type homotopie rationnelle. Ils ont introduit par l’occasion la notion d’obstruction dans l’homotopie rationnelle, les modèles bigradués ainsi que
les modèles filtrés. Il s’est avéré par la suite que ces deux dernières notions permettaient de
faire des calculs autrefois impossibles.
Vers 1974, Daniel Lehmann, intrigué du fait que d’un point de vue topologique l’algèbre
des formes différentielles sur un complexe de chaînes contient plus d’information que son
algèbre de cohomologie, décida alors d’inviter S. Halperin pour passer l’année universitaire
à Lille. Les fruits ne fûrent pas trop attendre : Jean-Claude Thomas, alors étudiant de D.
Lehman, appliqua dans sa thèse les modèles de Sullivan pour l’étude des fibres pour montrer
que
le modèle minimal de la fibre n’est autre que la cofibre du modèle minimal.
En 1977, deux imposants groupes de recherche commençait à se former : un en Amérique
(Halperin, Stasheff, Friedlander, Allday, ...) et un autre européen (Vigué, Thomas, Felix,
Lemaire, Tanré,...) ils participaient de façon fondamentale à l’encadrement d’actuels homotopes connus (K. Hess, M.R. Hilali, B. Jessup, A. Murillo, L. Vandembroucq, ...). L’histoire
continue encore avec les récents travaux de U. Buijs, Y. Félix et A. Murillo pour étendre la
notion de modèle minimaux aux espaces topologiques non simplement connexes. L’homotopie rationnelle trouve plusieurs applications et intérations avec d’autres théories, notamment
les opérades, la topologie robotique, la théorie des cordes, ...
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13. Annexe : Fibrations
Définition. Une application continue p : E −→ B est dite une fibration si elle
vérifie la homotopy lifting property (HLP) pour tout espace topologique Y . Ca
signifie que pour toute homotopie H : Y × I −→ B, elle existe une homotopie
H̃ : Y × I −→ E rendant commutatif le diagramme suivant :
H(−,0)
Y ×  {0}
_
/
<
E
H̃
p
i
Y ×I
/
H
B
Vocabulaire :
— B s’appelle la base de la fibration ;
— E s’appelle son espace total ;
— Pour tout b ∈ B, Fb := p−1 {b} s’appelle la fibre de p en dessous de b.
Quand B est connexe par arc, toutes les fibres sont homotopes (i.e., Fb ∼ F, ∀b, on note
p
alors F −→ E −→ B.
Exemples et Exercices :
— Toute projection p : B × F −→ B est une fibration, de fibre F ;
— La fonction d’évaluation ev : P X −→ X
est une fibration.
γ 7−→ γ(1)
I
Ici P X := X designe l’ensemble des chemins de X. Fb =?
— Pull-back : Soit p : E −→ B fibration et f : X −→ B application continue. On appelle
pull-back de p par f , l’ensemble noté X ×B E défini par
X ×B E := {(x, e) ∈ X × E, p(e) = f (x)}.
On obtient alors le diagramme commutatif suivant :
pr2
X ×B E
/
E
p(f )
pr1
X
p
" /
f
B
Où p(f ) : X ×B E −→ B
est aussi une fibration.
(e, x) 7−→ p(e) = f (x)
(i.e., le pullback d’une fibration est aussi une fibration.)
Vocabulaire : Soient p : E −→ B, p : E 0 −→ B deux fibration.
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M.I. MAMOUNI
— Un morphisme de fibration entre p et p0 est toute application f rendant le diagramme
suivant commutatif :
f
E
/
p
E0
p0
B
— Une fiber homotopy entre deux morphismes de fibration fi , i = 0, 1 est toute homotopie
H rendant le diagramme suivant commutatif :
/
H
E×I
E0
p0
p×id
B×I
pr1
/
B
Avec H(−, i) = fi pour tout i = 0, 1.
— p et p0 sont dites de même fiber homotopy type s’il existe deux morphismes de fibration
f : E −→ E 0 et g : E 0 −→ E tels que f ◦ g est fiber homotopique à idE 0 et g ◦ f fiber
homotopique à idE .
Autrement dit : Elle existe une homotopie H : E ×I −→ E telle que p◦H(−, t) = p, ∀t,
H(−, 0) = f ◦ g et H(−, 1) = idE (et pareil pour g ◦ f avec idE 0 .)
On dit alors que f et g sont fiber homotopy equivalence.
Théorème. Toute application continue f : X −→ Y peut être remplacée par
une fibration p : Pf −→ Y dans le sens où elle existe une homotopie d’equivalence
h : X −→ Pf rendant commutatif le diagramme suivant
/
h
X
f
Pf
p
B
Ici Pf := P Y ×Y X est le pullback de la fibration ev : P Y −→ Y
via l’application
γ 7−→ γ(1)
f : X −→ Y .
Autrement dit Pf = {(γ, x) ∈ P Y × X, γ(1) = f (x)}).
Références
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(2001), Springer-Verlag, New York.
[Ha02] A. Hatcher, Algebraic Topology, Cambridge University Press (2002), 281-283
[Hs99] K. Hess, A history of rational homotopy theory, in History of Topology (1999), 757-796.
HOMOLOGIE-HOMOTOPIE
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[Hy99] J. P. May, A Concise Course in Algebraic Topology, Chicago Lectures in Mathematics Series (1999).
[Qu69] D. Quillen, Rational homotopy theory, Ann. of Math. 90 (1969), 205-295.
[Su77] D. Sullivan, Infinitesimal computations in topology, Publ. I.H.E.S 47 (1977), 269-331.
Département de Didactique des Mathématiques, CRMEF, Av. Allal Al Fassi, Madinat Al
Irfane, Rabat, Morocco
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