CENTRE NATIONAL DE REFERENCE NARCOLEPSIE ET HYPERSOMNIE Dr Yves Dauvilliers, Neurologie B, Hôpital de Montpellier Dr Isabelle Arnulf, Unité des Pathologies du sommeil, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris Dr Michel Lecendreux, Unité Pédiatrique des Pathologies du sommeil, Hôpital Robert Debré, Paris Dr Patricia Franco, Unité Pédiatrique des Pathologies du sommeil, Hôpital Debrousse, Lyon L’hypersomnie idiopathique Informations et conseils pour les malades et leur famille Nous avons diagnostiqué chez vous une hypersomnie idiopathique. Voici des informations et conseils sur votre maladie, en fonction de ce que nous en connaissons à l’heure actuelle. N’hésitez pas à en parler avec votre médecin. Qu’est ce que l’hypersomnie idiopathique ? L’hypersomnie idiopathique est une maladie rare qui affecte la veille et le sommeil. Elle entraine une désorganisation des états de veille et de sommeil. Les personnes affectées ne se sentent jamais suffisamment éveillées dans la journée, et éprouvent des besoins de dormir soit irrépressibles, soit trop longs. L’hypersomnie idiopathique est considérée comme une maladie rare et orpheline : bien que sa fréquence exacte soit mal connue (car elle n’est pas toujours diagnostiquée, ou avec retard), on estime qu’elle touche environ 3000 personnes en France. Elle atteint autant les hommes que les femmes et débute souvent à l’adolescence. Elle peut cependant apparaitre de façon variable précocement ou tardivement, parfois à la suite de circonstances déclenchantes (stress, maladie, traumatisme). Un sommeil allongé la nuit avec des difficultés pour se réveiller (ivresse de sommeil), des accès de sommeil souvent longs dan la journée et une hypersomnolence caractérisent la maladie, alors que le sommeil est normal, non fragmenté, sans apnées anormales, et devrait logiquement être reposant. Le terme « idiopathique » signifie qu’il n’y a pas d’autre cause identifiée à cet excès de sommeil. Des difficultés de concentration, des problèmes de mémoire et de l’humeur ainsi qu’une « fatigue » plus ou moins quotidienne sont parfois associés à ces symptômes. Ces symptômes sont plus ou moins handicapants selon leur degré de sévérité, mais les traitements éveillants permettent à certains patients de mieux maîtriser la qualité de leur éveil Quelle est la cause de l’hypersomnie idiopathique ? Cette maladie neurologique n’est repérée que depuis une vingtaine d’années. Le mot « idiopathique » signifie qu’il n’y a pas d’autre cause identifiée à cet excès de sommeil. Les autres causes recherchées avant de porter ce diagnostic sont généralement les apnées du sommeil, une tendance à ne pas dormir autant que ce qu’il faut à notre âge, un décalage horaire interne, une maladie neurologique, psychiatrique, ou la prise de médicaments trop sédatifs. L’hypersomnie idiopathique est une maladie des systèmes cérébraux d’éveil et de sommeil. L’origine précise de la maladie reste inconnue : elle fait l’objet de recherches actuelles. Généralement, il faut, en plus de enregistrements de sommeil, qui sont indispensables au diagnostic, faire une imagerie du cerveau (IRM), et dans quelques cas une ponction lombaire. Quels sont les symptômes de l’hypersomnie idiopathique ? La maladie apparaît souvent à l’adolescence, mais peut débuter à tous les âges de la vie. Les manifestations sont variables d’un individu à l’autre. Les principales manifestations de la maladie sont : -­‐ -­‐ -­‐ -­‐ -­‐ -­‐ La nuit, un sommeil souvent très profond, de durée normale ou allongée Souvent de grandes difficultés à se réveiller le matin (un symptôme appelé « ivresse de sommeil »), malgré plusieurs sonneries du réveil, pouvant vraiment devenir handicapantes avec des problèmes de retard ou d’absentéisme. L’impression que le sommeil de nuit, quelle que soit sa durée, n’est pas « récupérateur » Des épisodes de somnolence et d’accès de sommeil parfois incoercibles, survenant dans la journée, souvent aux mêmes heures, par vagues plus ou moins rapprochées selon les personnes et la sévérité de la maladie. L’impression de ne jamais se sentir vraiment réveillé dans la journée Des siestes longues et peu récupératrices La maladie peut se manifester par d’autres signes : -­‐ -­‐ -­‐ -­‐ -­‐ Des comportements automatiques inadaptés perturbant le patient ou son entourage : jeter le linge sale ou perdre son téléphone, par exemple. Des difficultés de concentration pouvant être à l’origine d’incidents divers, avec des problèmes de mémoire gênants Une « fatigue » (hypo-éveil) plus ou moins constante et fluctuante demandant au patient plus d’efforts pour effectuer une activité même simple, et l’impression que cela « consomme de l’énergie » de se maintenir réveillé. Des troubles de l’humeur secondaires (dépression…) Une tendance à se coucher plus tard Comment fait-on le diagnostic de l’hypersomnie idiopathique ? En plus des symptômes, les enregistrements du sommeil sont indispensables pour diagnostiquer cette maladie, et surtout éliminer les autres causes de somnolence ou de fatigue. C’est un diagnostic difficile qui demande généralement à être fait dans un centre de compétence ou de référence sur cette maladie. Des examens objectifs sont généralement utilisés par les spécialistes du sommeil pour diagnostiquer l’hypersomnie idiopathique : l’enregistrement du sommeil nocturne et diurne (l’examen polysomnographique), le test itératif de latence d’endormissement. L’examen polysomnographique du sommeil enregistre de manière continue durant le sommeil, les ondes cérébrales ainsi que l’activité des yeux et des muscles. Cet examen est généralement utile pour détecter d’autres troubles du sommeil (apnées, mouvements périodiques de jambe, autres anomalies rendant le sommeil moins récupérateur) qui pourraient être à l’origine d’une somnolence diurne excessive. Réalisé sur 24 heures continues, l’examen polysomnographique permet de montrer une production excessive de sommeil ou d’un type particulier de sommeil (excès de sommeil lent profond par exemple) : de nombreux hypersomniaques, laissés libres de dormir pendant 24 à 48h, dorment entre 11 et 17 h sur 24 h. Le test itératif de latence d’endormissement s’effectue au cours d’une journée : toutes les deux heures, on demande au sujet de rester au lit sans lutter contre le sommeil. On mesure le délai d’apparition du sommeil. On considère une latence moyenne inférieure à 8 minutes comme anormale. Cependant, ce test est normal chez la moitié des hypersomniaques : il mesure surtout la capacité à s’endormir vite, pas la difficulté à se réveiller. Comment évolue la maladie ? Généralement, la maladie ne s’aggrave pas avec l’âge, et ne s’accompagne pas d’autre signe neurologique : elle n’affecte pas l’intelligence et n’évolue pas vers la démence ou vers d’autres maladies neurologiques. Selon l’environnement familial ou social, les patients rencontrent plus ou moins de difficultés à s’adapter au travail, aux horaires de la vie quotidienne. Comme il n’existe pas d’autre signe apparent pour l’entourage que cette fatigue permanente, et que la maladie est inconnue du grand public, les patients ont souvent du mal à faire passer l’idée qu’il s’agit d’une maladie neurologique invalidante et pas d’un trouble psychologique ou d’une paresse. Cependant, il faut remarquer que la maladie disparaît spontanément, avec le temps, chez 11 à 25% des patients. Comment traiter l’hypersomnie idiopathique ? On ne peut aujourd’hui guérir l’hypersomnie idiopathique ; néanmoins, il existe des traitements pour contrôler certains symptômes (en particulier la somnolence diurne excessive). Les traitements varient selon l’individu et selon la sévérité de sa maladie, c’est pourquoi trouver son traitement optimal peut prendre du temps. A ce jour, il existe un certain nombre de médicaments (modafinil, méthylphénidate, autres stimulants de l’éveil en usage hospitalier) à la disposition des votre médecin pour traiter l’hypersomnie idiopathique. Ces traitements peuvent vous aider à améliorer votre vie quotidienne. Beaucoup de malades se réveillent plus aisément si un proche les réveille plutôt qu’un réveille-matin, même très puissant. Où en est la recherche sur cette maladie ? Il y a eu très peu de recherche depuis 20 ans sur cette maladie. Par analogie avec la narcolepsie, une autre maladie de l’éveil, on suspecte qu’un des circuits d’éveil cérébral (il y en a beaucoup : adrénaline, histamine, sérotonine, dopamine, acétylcholine) ne fonctionne pas ou peu. Le programme de recherche sur les maladies rares, initié par le ministère de la santé, finance actuellement une recherche sur les causes de cette maladie, en demandant aux patients un prélèvement de sang, d’ADN (bien qu’elle ne soit que très rarement familiale), et si possible de liquide céphalorachidien. Cette recherche a lieu dans plusieurs centres hospitalo-universitaires français. Certains nouveaux médicaments sont aussi testés. Les règles d’or Votre médecin traitant et votre médecin spécialiste de l’hypersomnie idiopathique organisent ensemble, avec vous, le suivi de votre pathologie qui comporte : -­‐ -­‐ Une consultation, au minimum annuelle, faisant le bilan des troubles du sommeil et de leurs conséquences dans la vie quotidienne. Des examens complémentaires selon les cas, par exemple bilan biologique, IRM Soyez attentifs à la réalisation de ce suivi médical. Consultez le médecin en cas de majoration importante et non contrôlée de la somnolence diurne En cas d’anesthésie générale, d’intervention chirurgicale, d’hospitalisation, de consultation urgente ou non, signalez au médecin votre pathologie et les modalités de votre prise en charge et montrez lui votre carte. N’interrompez pas votre traitement sans avis médical, même quand tout va bien, respectez et faites respecter les contres indications médicamenteuses que vous a indiqué votre médecin. Apprenez à connaître le rythme de vos accès de sommeil et à repérer les facteurs qui les déclenchent. Essayer de garder un rythme de vie correct et régulier avec un minimum de sommeil qui vous correspond. Veuillez à une bonne hygiène de vie (exercice physique, alimentation). Informez votre entourage des signes d’alerte de votre maladie et demandez aux professionnels de santé d’apprendre à vos proches les conduites à tenir et gestes utiles en cas d’aggravation de vos symptômes. En raison du risque potentiel d’accident, l’hypersomnie idiopathique n’est pas compatible avec la conduite automobile. Toutefois, une aptitude à la conduite peut être délivrée par la préfecture de police sur avis de la commission médicale départementale du permis de conduire pour une durée limitée à un an, sous condition d’aptitude médicale. Demandez l’avis au médecin assurant votre prise en charge qui réalisera avec vous un bilan clinique et des explorations de votre vigilance (tests de maintien d’éveil) sous traitement médical afin d’évaluer vos aptitudes. A l’école, le médecin scolaire, en concertation avec le médecin traitant, aidera à organiser l’accueil de l’enfant ou de l’adolescent malade par la rédaction d’un « projet d’accueil individualisé » (PAI). Prévoyez avec l’enfant en lien avec votre médecin et les professionnels de l’éducation, une orientation professionnelle adaptée. Organisez, avec le médecin du travail, en lien avec votre médecin, une orientation ou une réorientation professionnelle adaptée et les aménagements nécessaires éventuels sur votre lieu de travail afin de limiter les risques d’accidents. En cas de grossesse débutante ou de projet de grossesse, informez votre médecin car il faudra adapter votre prise en charge. N’hésitez pas si vous ou votre entourage éprouvez le besoin d’un soutien, à demander un rendez-vous avec un psychologue ou un assistant social.