- Avant-Propos -
Avant-Propos
Partout où l'harmonie, la mélodie et le rythme sont concevables, on peut
parler de musique. Son premier domaine est l'art, et ce qui y suit le plus
loin et le plus fidèlement la voie des notes, c'est bien la voix des mots.
Même si un talent purement littéraire n'a nullement besoin de justifier ses
sources ou fondements, sa décomposition en porteuses plus concrètes
peut nous éclairer sur la nature de ce bonheur verbal.
Un talent peut se passer de savoir, d'intelligence, d'objectivité, il ne peut
pas ignorer ce que toute oreille sensible attend d'une œuvre humaine – de
la hauteur noble, de l'ampleur ironique, de la profondeur stylistique. Même
les adeptes du paradoxe, de l'hyperbole ou du cynisme tiennent compte,
ne serait-ce qu'implicitement, de ces exigences.
Les instruments verbaux sont si nombreux et si mutuellement
irremplaçables, que le genre qui leur conviendrait le mieux serait plus
proche de symphonie que de musique de chambre, d'où l'intérêt d'un
regard panoramique, dépassant toute étroitesse instrumentale. Le
compositeur, l'âme, serait privilégié, au détriment, peut-être, de
l'interprète, de l'esprit. On y croisera le sensible plus sûrement que
l'intelligible. L'acoustique d'un désert y sera supposée plus souvent que
l'auditoire mondain ; le décor ressemblera aux mirages plus qu'aux
échafaudages.
Si le fond de mes réflexions est d'ordre philosophique, leur forme sera
poétique ; la métaphore sera préférée au concept. Cette cohabitation
m'arrange parfaitement, puisque la seule philosophie que je respecte n'est
qu'une branche de l'arbre poétique. Les plus beaux sentiments, comme les
plus belles pensées, gagnent à être enveloppés d'abstractions, réunissant
l'élégance et l'imagination. Le développement est affaire de la science
laconique ou du charlatanisme bavard, ces deux courants ayant contaminé
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