PATHOLOGIES DU CŒUR GAUCHE ET BPCO
Les patients atteints de BPCO présentent un risque
élevé de maladies cardiovasculaires. Certaines sont
directement en rapport avec la maladie respiratoire
(en raison de la surcharge de pression dans les cavi-
tés cardiaques droites) et d'autres en rapport indirect
(modifications de besoins et des apports en O2, fac-
teurs de risque communs, terrain débilitant, effets
néfastes des thérapeutiques).
Le retentissement sur le ventricule gauche de l'
élévation des pressions droites
L'HTP induit des altérations géométriques dans le
VD et empiète sur la géométrie et le remplissage du
VG. C'est ainsi que le remplissage du VG est altéré
précocement dans la diastole par les anomalies de la
cinétique septale qui peut devenir paradoxale.
Le remodelage ventriculaire gauche est aussi directe-
ment altéré par les modifications des pressions
endothoraciques en particulier pleurales, d'où
dysfonction de remplissage et dysfonction systolique
induite.
La conséquence en est que le maniement des vasodi-
latateurs devra être particulièrement méticuleux.
La maladie coronarienne
La BPCO constitue un facteur de risque important
d'athérosclérose (multiplication par 2 ou 3), le rôle
d'une inflammation systémique est suggéré avec
l'effet nocif de la fumée de cigarettes et le rôle bénéfi-
que des statines. La fréquence des syndromes
métaboliques accroît aussi le risque de pathologie
coronarienne associée.
Les mécanismes sont multiples
Augmentation des besoins en O2: tachycardie liée à
l'hypoxémie et/ou secondaire aux β- stimulants.
Réduction des apports en O2 du fait de
l'hypoxémie.
Le terrain à risque commun.
Le diagnostic est difficile et la clinique souvent pau-
vre noyée dans la symptomatologie respiratoire.
C'est ainsi que l'angor est rare et se traduit souvent
par de la dyspnée ou par une blockpnée d'effort.
L'arsenal diagnostique complet devra être déployé
Modifications de la repolarisation sur l'ECG de
repos.
Les tests d'effort seront de réalisation difficile
compte-tenu de la dyspnée.
L'échographie cardiaque de repos pourra orienter
en cas d'altérations de la cinétique régionale.
La scintigraphie myocardique est limitée par les
capacités à l'effort du patient et sa sensibilisation
médicamenteuse (dipyridamole) est en principe
contre-indiquée en cas d'asthme associé.
L'échocardiographie de stress sous dobutamine est
l'examen non invasif de référence.
La coronarographie devra être couplée à un test
fonctionnel pour une bonne interprétation et affir-
mer le caractère ischémiant d'une sténose coronaire.
S'il est commun de rechercher une pathologique
cardiaque (coronaire en particulier) chez les bron-
chopathes fumeurs actifs ou abstinents, la recherche
d'un BPCO, reconnu comme facteur de risque à part
entière, devrait être systématique chez les patients
de plus de 40 ans et dont le tabagisme cumulé
dépasse les 10 paquets-années.
Le traitement de la pathologie coronaire est classique
(β-bloquant, antiagrégants plaquettaires, statine,
inhibiteurs de l'enzyme de conversion, correction des
facteurs de risque, oméga 3) +/- revascularisation
coronaire par endoprothèse ou chirurgicale par
pontage.
Un consensus entre cardiologues et pneumologues
s'est dégagé pour l'utilisation des β-bloquants
(traitement instauré en période respiratoire stable, β-
bloquant cardiosélectif initié à faibles doses et à
posologie progressivement croissante).
L'insuffisance cardiaque gauche parfois constatée
est plurifactorielle
Altérations de la géométrie du VG notifiées plus
haut.
Participation ischémique pouvant aller jusqu'à la
nécrose myocardique.
Effet délétère de l'alcool.
Eclosion de pathologies valvulaires en particulier
aortiques chez des patients âgés (dont le traitement
sera très délicat sur ces terrains de BPCO – le TAVI
(valve aortique percutanée) est une alternative
séduisante).
Les troubles du rythme
S'il est admis que la fréquence des arythmies chez les
patients porteurs d'une BPCO est grande, la préva-
lence exacte varie d'une étude à l'autre selon les cri-
tères sélectionnés et les méthodes utilisées.
Les arythmies supraventriculaires sont fréquentes en
période de déstabilisation de la maladie respiratoire
et sont sources de poussée d'insuffisance cardiaque
sur un cœur déjà fragilisé. On peut retrouver une
tachycardie sinusale, une fibrillation auriculaire, une
tachycardie atriale multifocale...
Il semblerait que les troubles du rythme ventriculaire
P. CUVILLIER
LE COEUR ET LES BPCO
J Fran Viet Pneu 2012;03(06):20-27
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VOLUME 3 - NUMERO 6