Stabat Mater - Opéra Orchestre National Montpellier

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Stabat Mater
Oratorio
31 janvier et 1, 2 et 3 février 2017 Opéra Comédie
Cahier pédagogique - Saison 2016-2017
Service Jeune Public, Enseignement Supérieur et Actions Culturelles
04 67 600 281 – www.opera-orchestre-montpellier.fr
Service éducatif Opéra : Bénédicte Auriol Prunaret [email protected]
Stabat Mater
Opus 58, B.71
Antonín Dvořák (1841-1904)
Livret en latin de Jacopone da Todi
Création le 23 décembre 1880 à Prague
Laurence Equilbey direction musicale
Sandra Pocceschi conception et réalisation
Giacomo Strada conception et réalisation
Matteo Bambi lumières
Helena Juntunen soprano
Dovlet Nurgeldiyev ténor
Agata Schmidt mezzo-soprano
Ilya Silchukov basse
Noëlle Gény chef de chœur
Christophe Grapperon chef associé accentus
Chœur accentus
Chœur Opéra national Montpellier Occitanie
Orchestre national Montpellier Occitanie
« Dvořák n’écrit pas une œuvre tragique. Par pudeur certainement, plus que
par foi. Il est étonnant de voir comment il a su dépasser ses propres souffrances
pour atteindre une grandeur universelle. Le Stabat est une œuvre jaillissante,
spontanée même dans l’affliction […] »1
1
La Musique sacrée, François-René Tranchefort, Fayard, Paris, 1993.
Le Stabat Mater
Le texte du Stabat Mater, traduit littéralement du latin par, « la mère se tenait
debout », fait référence au personnage de Marie dans la religion chrétienne tenant
son fils, Jésus, mort, après la crucifixtion. Sa composition a été attribuée à l’italien
Jacopo da Todi qui l’aurait écrit au XIIIe siècle. C’est un poème rimé de 20 strophes
de trois vers chacune.
A l’époque, le texte du Stabat Mater une prière chantée que l’on trouve dans les
livres de prière privée.
Elle intègre sous le nom de séquence en 1727 le missel romain et entre donc dans la
liturgie. Un groupe de 4 séquences qui sont destinées à être chantées avant
l’Alleluia, point central de l’office catholique.
Chaque séquence correspond à une fête religieuse spécifique et le Stabat Mater est
destinée à la célébration de Notre Dame des Douleurs, le 15 septembre. A l’époque
de Dvořák, le Stabat Mater tout comme le Dies Irae sont des séquences.
La mélodie officielle du type séquence est composée par dom Fonteine, chantre de
Solesmes. Elle est officialisée dans le graduel romain édité par le pape Pie X.
Marie apparaît dans ce texte comme une mère qui souffre et pleure la mort de son
fils. C’est à la fois un texte de piété et de dévotion mariale. Ce texte a été mis en
musique par de nombreux compositeurs mais il est aussi le thème central de
nombreuses peintures.
Pour son Stabat Mater, Anton Dvořák utilise le texte original de Jacopo da Todi sans
aucune modification.
1) Stabat Mater dolorosa
2
Juxta crucem lacrimosa
malgré sa douleur,
dum pendebat Filius.
En larmes, près de la croix,
Cuius animam gementem,
Tandis que son Fils subissait son
contristatam et dolentem,
calvaire.
pertransivit gladius.
Alors, son âme gémissante,
O quam tristis et afflicta
Toute triste et toute dolente,
fuit illa benedicta
Un glaive transperça.
Mater Unigeniti.
Qu'elle était triste, anéantie,
Quæ mœrebat et dolebat,
La femme entre toutes bénie,
Pia Mater cum videbat
La Mère du Fils de Dieu !
Nati pœnas incliti.
Dans le chagrin qui la poignait,
Elle était debout, la Mère,
Cette tendre Mère pleurait
Son Fils mourant sous ses yeux.
2
Traduction : https://fr.wikipedia.org/wiki/Stabat_Mater
2)
Quis est homo qui non fleret,
Quel homme sans verser de pleurs
Matrem Christi si videret
Verrait la Mère du Seigneur
in tanto supplicio?
Endurer si grand supplice ?
Quis non posset contristari,
Qui pourrait dans l'indifférence
Christi Matrem contemplari
Contempler en cette souffrance
dolentem cum Filio?
La Mère auprès de son Fils ?
Pro peccatis suæ gentis
Pour toutes les fautes humaines,
vidit Iesum in tormentis
Elle vit Jésus dans la peine
et flagellis subditum.
Et sous les fouets meurtri.
Vidit suum dulcem natum
Elle vit l'Enfant bien-aimé
morientem desolatum,
Mourant seul, abandonné,
dum emisit spiritum.
Et soudain rendre l'esprit.
3) Eia Mater, fons amoris,
Ô Mère, source de tendresse,
me sentire vim doloris
Fais-moi sentir grande tristesse
fac, ut tecum lugeam.
Pour que je pleure avec toi.
4) Fac ut ardeat cor meum
Fais que mon âme soit de feu
in amando Christum Deum,
Dans l'amour du Seigneur mon Dieu :
ut sibi complaceam.
Que je Lui plaise avec toi.
Sancta Mater, istud agas,
Mère sainte, daigne imprimer
Crucifixi fige plagas
Les plaies de Jésus crucifié
cordi meo valide.
En mon cœur très fortement.
5) Tui nati vulnerati,
Pour moi, ton Fils voulut mourir,
tam dignati pro me pati,
Aussi donne-moi de souffrir
pœnas mecum divide.
Une part de Ses tourments.
6) Fac me vere tecum flere,
Donne-moi de pleurer en toute vérité,
Crucifixo condolere,
Comme toi près du Crucifié,
donec ego vixero.
Tant que je vivrai !
Iuxta crucem tecum stare,
Je désire auprès de la croix
et me tibi sociare
Me tenir, debout avec toi,
in planctu desidero.
Dans ta plainte et ta souffrance.
7) Virgo virginum præclara,
Vierge des vierges, toute pure,
mihi iam non sis amara:
Ne sois pas envers moi trop dure,
fac me tecum plangere.
Fais que je pleure avec toi.
8) Fac ut portem Christi mortem,
Du Christ fais-moi porter la mort,
passionis fac consortem,
Revivre le douloureux sort
et plagas recolere.
Et les plaies, au fond de moi.
Fac me plagis vulnerari,
Fais que Ses propres plaies me
fac me cruce inebriari,
blessent,
et cruore Filii.
Que la croix me donne l'ivresse
Du
Sang
versé
par
ton
Fils.
9) Inflammatus et accensus,
Je crains les flammes éternelles;
per te Virgo, sim defensus
Ô Vierge, assure ma tutelle
in die judicii
À l'heure de la justice.
Christe, cum sit hinc exire,
Ô Christ, à l'heure de partir,
da per Matrem me venire
Puisse ta Mère me conduire
ad palmam victoriae.
À
10) Quando corpus morietur,
À l'heure où mon corps va mourir,
fac ut animæ donetur
À mon âme, fais obtenir
Paradisi gloria.
La gloire du paradis.
Amen ! In sempiterna sæcula.
Amen ! Pour les siècles des siècles.
Amen.
Amen.
la
palme
des
vainqueurs.
La Vierge, source d’inspiration.
Les premières allusions à Marie apparaissent dans les Evangiles. Elle est au centre
de certains récits, puisqu’elle est la mère du Christ. L’évangile de saint Luc fait le
récit de
l’apparition d’un ange qui lui annonce qu’elle va enfanter le Sauveur
attendu des juifs, Jésus (Annonciation). Elle est au centre de plusieurs épisodes
importants (Visitation, Nativité). Elle accompagne son fils dans ses déplacements (à
Cana, par exemple). C’est une présence discrète, mais continue. C’est une des
seules personnes qui a le courage d’être auprès de Jésus, condamné à mort sur une
croix. Des récits plus fantaisistes existent à son sujet dans les textes qu’on appelle
les évangiles apocryphes, récits plus imagés qui racontent sa vie de la naissance à la
mort. Grâce à ces récits populaires, son personnage séduit par son humanité : c’est
une femme qui éprouve les sentiments de toutes les mères. Mais elle fascine
puisque Dieu l’a choisi pour être la mère du Sauveur.
Marie est une source d’inspiration pour les artistes dès les premiers siècles du
christianisme. Peintres, sculpteurs, musiciens la glorifient
mais ce ne sont pas
toujours les mêmes aspects qui sont mis en avant. Au Ve siècle, le concile d’Ephèse
(431ap. J.C) la déclare Mère de Dieu ce qui entraine le développement d’un culte
dont elle est le centre. C’est dans l’empire byzantin que les icones célèbrent sa
personne, tandis que des hymnes sont composés en son honneur.
Sur une mosaïque de la basilique Sainte Sophie (Istanbul), la Vierge tient l'enfant
Jésus dans ses bras. Deux inscriptions en grec la nomment « Mater Thétokos » (en
grec θεοτόκοϛ : « Celle qui a enfanté Dieu »). Elle devient ainsi une manifestation de
la puissance divine. Elle apparait alors en majesté. Dans l’empire byzantin, c’est une
symbolique très fréquente. Dans cette mosaïque elle est entourée par l’empereur et
l’impératrice de Byzance.
Mosaïque La Vierge et l'Enfant, XIIe siècle, Sainte Sophie
En Occident, des récits sur la maternité heureuse de Marie, parfois tirés des
évangiles apocryphes, inspirent le décor des lieux et objets de culte. Ainsi ce
sarcophage datant de la première moitié du IV° siècle présente de façon assez naïve
les rois mages apportant leurs présents à Jésus. L’un d’eux désigne l’étoile qui les a
conduits à bon port.
Sarcophage du cimetière Sainte-Agnès à Rome, IVe siècle
Vers le XIIIe siècle, période de développement économique, les images très
humaines se multiplient, témoignant d’une époque optimiste : La Vierge devient
une femme comme les autres, ou presque. Même si un ange lui annonce qu’elle va
mettre au monde le Sauveur des hommes, elle exprime des sentiments humains.
Plusieurs peintres prennent comme sujet sa vie (de sa naissance à sa mort), en la
mettant dans le décor de leur époque. Ce sont surtout les aspects heureux de sa vie
qui sont montrés. Comme toutes les mères, elle tient tendrement son enfant dans
les bras, l’allaite parfois.
Raphaël, La Madone et l’enfant, 1505, Washington
Cette image perdure à travers le temps, mais, à partir du XIVe siècle (éprouvé par
des problèmes économiques, de terribles épidémies et des guerres), à l’image riante
d’une mère qui s’occupe tendrement de son enfant, succède l’évocation des
souffrances de la Vierge auprès de son fils mort crucifié. Les représentations la
montrant au pied de la croix se multiplient. De l’évocation de la maternité heureuse,
on passe donc aux aspects douloureux de sa vie. Tout croyant compatit (au sens
premier « souffre avec ») car, avant les progrès de la médecine des derniers siècles,
la mort fauchait largement et à tout âge. Elle était donc très présente dans la vie
quotidienne et toute famille connaissait la douleur de la perte de proches, souvent
très jeunes.
Un poème, écrit au XIIIe siècle, sans doute par un franciscain, Jacopone de Todi,
commence par ces mots « Stabat Mater » (« La mère se tenait debout »).
Tout au
long des vingt tercets (strophes de trois vers), il évoque la douleur de la Vierge qui
se tient auprès de Jésus, torturé, crucifié puis expirant sur la croix. De nombreux
peintres, surtout en Flandre ont illustré les premiers vers :
« Elle était debout, la Mère, malgré sa douleur,
En larmes, près de la croix ,
Tandis que son Fils subissait son calvaire. »
Rogier van der Weyden, La Crucifixion, 1460, Madrid
Rogier van der Weyden, Descente de croix (détail), 1435, Madrid
Après avoir longuement décrit les souffrances de la Vierge, le poème rappelle que
c’est pour sauver l’humanité que le Christ est mort. La prière continue en associant
le croyant au désespoir de Marie:
« Pour moi, ton Fils voulut mourir,
Aussi donne-moi de souffrir
Une part de Ses tourments. »
Il se termine sur l’espérance d’être sauvé et de parvenir au Paradis grâce à
l’intercession de la Vierge. C'est donc, paradoxalement, une prière d'espoir, puisque
la souffrance de l'amour permet d'atteindre la joie surnaturelle d'être auprès de
Dieu dans la vie éternelle.
Sur la Pieta sculptée par Michel-Ange en 1498 (basilique Saint Pierre à Rome) le
visage du Christ ne présente aucune trace de sa Passion et celui de la Vierge n’est
pas ravagé par la douleur. La main ouverte de celle-ci exprime l’acceptation de la
volonté divine. Michel-Ange explique un autre de ses choix:
« La mère devait être jeune, plus jeune que son fils pour paraître éternellement
vierge, tandis que son fils, qui a pris notre nature humaine, doit être, dans le
dépouillement de la mort, un homme comme les autres ».
Michel-Ange, Pieta, 1498, Saint Pierre de Rome
Le Stabat Mater a connu un grand succès. En effet, à la fin du Moyen-Age, la piété
devient plus personnelle. Des livres de prières privées diffusent le texte. Peu à peu,
dans certaines cérémonies (par exemple le Vendredi saint), on le chante.
«La mélodie se limite aux trois vers de chaque demi-strophe et se caractérise par sa
modulation majeure et son syllabisme rigoureux et rien n'empêche de lui attribuer
une ancienneté équivalente à celle du poème. » Marc Honegger.
Au cours des siècles, le texte du poème connaît quelques variations, mais la
structure générale en est conservée. De nombreux compositeurs écrivent sur ce
thème, le premier étant Josquin Després (1450-1521). Le Stabat Mater devient ainsi
une source d'inspiration pour de nombreux musiciens. On a recensé 200 partitions
depuis la Renaissance jusqu’au XXIe siècle, mais on sait que beaucoup d'autres,
disparues à ce jour, ont été écrites. Des artistes peu connus, mais aussi les plus
célèbres ont composé sur ce poème : Marc Antoine Charpentier, Antonio Vivaldi,
Giovani
Francis
Battista
Pergolèse,
Luigi
Bocche-rini, Gioacchino
Rossini,
Poulenc, Arvo Pärt. Toutes les époques, des compositeurs de très
nombreux pays et tous les styles de musique s'y sont donc attachés. Chacun met en
musique l’œuvre en fonction de son époque et de sa sensibilité.
Ainsi, Pergolèse, en 1736, choisit de faire dialoguer deux personnages, d’abord des
castrats, puis deux voix de femmes. Celles-ci expriment de façon beaucoup plus
réaliste la douleur maternelle. Quant à Schubert, il préfère composer pour la langue
allemande (1806), alors que la plupart des musiciens conservent le texte latin. Plus
récemment, en 2013 le groupe Sexi Sushi, d’inspiration punk, interprète les 9
premiers tercets en français.
Le Stabat Mater et les musiciens
Le Stabat Mater, qui est un appel à la dévotion privée attire l’intérêt des
compositeurs puisqu’il est une source d’inspiration de la musique polyphonique dès
le XVIe siècle et au XIXe siècle principalement.
Josquin des Prés a composé sur le Stabat Mater un motet à 5 voix dont la teneur est
une chanson profane de Gilles Binchois, Comme femme déconfortée. Toujours à
l’époque de la renaissance, Giovanni Palestrina a composé un Stabat Mater à 8 voix
sans accompagnement.
Au XVIIe siècle, en France, à l’époque baroque, Marc-Antoine Charpentier compose
un Stabat Mater pour une voix et basse continue. Mais on retiendra principalement
l’émouvante version de Giovanni Battista Pergolèse (hymne à deux voix et 4
instruments).
Mais c’est à l’époque romantique que le Stabat connaît un renouveau fort
certainement grâce au potentiel élégiaque et dramatique de son livret. Gioacchino
Rossini compose une hymne à 3 voix et chœur avec accompagnement de piano. En
1877, Antonín Dvořák commence la composition de son Stabat et Giuseppe Verdi en
propose une nouvelle version en 1897.
Le XXe siècle a laissé deux versions d’autorité : celle de Francis Poulenc en 1950 et
de Krzysztof Penderecki en 1962.
La structure de l’œuvre
1. Stabat Mater (Quatuor avec chœur)
2. Qui est homo (Quatuor)
3. Eja Mater (Chœur)
4. Fac, ut ardeat (air de basse avec chœur)
5. Tui nati vulnera (Chœur)
6. Fac me vere (Air de ténor avec chœur)
7. Virgo virginum (Chœur)
8. Fac, ut portem (Duo : soprano & ténor)
9. Inflammatus (Air d’alto)
10. Finale : Quando corpus (Quatuor avec chœur)
Nomenclature de l’orchestre :
2 flûtes
2 Hautbois
2 clarinettes en la
2 bassons
4 cors en fa et ré
2 trompettes en ré
3 trombones
Timbales
Orchestre à cordes
4 solistes vocaux (Soprano, alto, ténor et basse) et 1 chœur mixte (SATB)
Antonín Dvořák
Antonín Dvořák est né à Nelahozeves (Kralupy) le 8 septembre 1841et mort à Prague, 1er mai 1904).
Enfance et formation
Le père, František de Dvořák (1814-1894) était boucher et aubergiste et jouait de la
cithare pour divertir ses clients. Sa mère, Ana Zdenĕk, était issue d'une famille
servant la cour de Lobkowitzschen.
Dvořák reçoit ses premiers rudiments musicaux à l'école du village où il entre en
1847. Le maître d'école, le chantre (Kantor) Joseph Spitz, enseigne le chant et lui
donne des cours de violon.
Il participe assez tôt à la vie musicale locale, jouant à l'église ou dans les festivités.
En 1853, après six années d'école, ses parents l'envoient à Zlonice, où il peut se
perfectionner en allemand, alors langue administrative en Bohême, et en musique
auprès de Joseph Toman, chef de chœur à l'église et du chantre Antonín Liehmann
qui lui enseigne le violon, le piano, l'orgue, la basse continue et la théorie.
[…] Il apparaît plutôt que ces derniers ont encouragé leur fils dans la voie musicale.
À l'automne 1856, il est envoyé à Česká Kamenice, dans le nord de la Bohême, où il
suit les cours de l'école allemande. Franz Hanke y est son professeur d'orgue et de
théorie musicale.
À l'automne 1857, il commence ses études à l'école d'orgue de Prague, où
enseignent Karl Pietsch, Josef Krejčí, František Blažek, Josef Leopold Zvonař, Josef
Foerster. Il est admis à l'école secondaire Maria Schnee.
À partir de novembre 1857, il joue de l'alto dans l'orchestre de la Société SainteCécile, sous la direction d'Anton Apt.
Il sort de l'école d'orgue de Prague en juillet 1859 comme second meilleur élève.
Les débuts de sa carrière de musicien
La même année, il intègre l'orchestre de danse de Karel Komzák en tant qu'altiste. Il
se produit dans les restaurants et dans les bals. Sa candidature pour être organiste à
l'église St Jindřich étant rejetée, il reste musicien permanent dans l'orchestre.
En novembre 1862, le Théâtre Provisoire ouvre ses portes. L'orchestre de Karel
Komzák forme le noyau de l'orchestre. Dvořák tient le pupitre de premier violon alto.
Le premier chef est Johann Nepomuk Maýr. Ils ont à leur programme
essentiellement des opéras italiens mais aussi allemands et français.
Au début de 1865, il commence à donner des cours de piano aux filles d'un orfèvre
praguois, Josefína et Anna Čermáková qui deviendra son épouse.
Les premiers pas du compositeur
En 1865, il a composé ses quatre premiers quatuors à cordes, ses deux premières
symphonies, Alfred, un opéra (le seul sur un livret en allemand), un cycle de
mélodies et un concerto pour violoncelle avec accompagnement de piano. Mais il
apparaît avant tout comme un instrumentiste.
Dvořák fait de temps à autre des services au sein d'autres orchestres. Ainsi joue-t-il
en février et en novembre 1865 aux Concerts de l'île Žofin sous la direction de
Richard Wagner (des ouvertures et des extraits de ses opéras).
Fin 1866, Bedřich Smetana prend la direction de l'orchestre du Théâtre Provisoire,
en mettant au répertoire des œuvres de compositeurs slaves.
À partir de juin 1871 (peu après Dvořák quitte l'orchestre du théâtre), Ludevít
Procházka, élève de Smetana et éditeur du journal Hudební listy qui informe de la
vie musicale à Prague, contribue à faire connaître les compositions de Dvořák,
notamment en les inscrivant au programme des récitals de mélodies qu'il organise :
Vzpomínáni (Souvenir) sur un texte de Eliška Krásnohorská est créé le 10 décembre
1871.
Plusieurs autres de ses œuvres, y compris instrumentales, sont créées l'année
suivante, dont l'Ouverture de Král a uhlív (Le roi et le Charbonnier), son second
opéra, dirigé par Smetana au cours d'un concert sur l'île Žofín le 14 avril 1872.
En 1873, il épouse Anna Čermáková. La même année, le journal Dalibor publie pour
la première fois une composition de Dvořák, Skřivánek (L'alouette), une mélodie. Le
9 mars, sa cantate pour voix masculine Hymnus: Dědicové bílé hory (les héritiers de
la montagne blanche), est un succès qui le propulse parmi les compositeurs
importants de Prague.
Encouragé, il propose son opéra Le roi et le charbonnier, d'inspiration wagnérienne,
au Théâtre Provisoire. Les répétitions commencent au mois d'août sous la direction
de Smetana. Mais les exigences techniques de l'œuvre dépassant les possibilités de
la troupe, l'opéra est retiré du programme.
Il assure son quotidien en donnant des leçons de piano et demande une aide à une
association de Prague (Svatobor) afin de pouvoir se rendre auprès de Liszt à
Weimar. L'aide est refusée. Dvořák prend un emploi d'enseignant à l'école de
musique privée de Jan August Starý.
La période « slave »
Il détruit nombre de ses œuvres, reprend leur numérotation, fait évoluer son
esthétique en s'émancipant de l'influence de Wagner par un néo-classicisme
imprégné d'idiomes populaires, avec son cinquième Quatuor à cordes (1873) et la
refonte complète de son opéra Le roi et le charbonnier, qui est selon ses propres
termes devenue une œuvre plus nationale que wagnérienne.
En février 1874, il est nommé organiste à l'église St Vojtěch. Le 24 novembre de la
même année, la première de son opéra remanié et un grand succès. En juillet, il fait
une demande de bourse que l'État autrichien accorde aux artistes. Il joint à sa
requête quinze compositions dont des symphonies, des ouvertures, et les Písně z
Rukopisu Královédvorského (Chansons du manuscrit de la cour de Dvůr Králové). Le
jury composé d'Édouard Hanslick, Johann Herbeck et Otto Dessoff, lui accorde 400
guldens. Cette bourse sera allouée (avec Johannes Brahms dans le jury) en 1875
(400 guldens), 1876 (500 guldens), 1877 (600 guldens), 1878 (400 guldens).
En 1877, Johannes Brahms est très impressionné par les Moravské dvojzpěvy (Duos
de Moraves), que Dvořák a joints à son envoi, il les fait publier par Simrock qui
commissionne en plus les Slovanské tance (Danses slaves) pour deux pianos.
La même année, il quitte son poste d'organiste de St Vojtěch. L'amitié et la
promotion que Brahms lui offre, la publication des Slovanské tance qui est un
immense succès, lancent sa carrière internationale.
Les Slovanské tance sont jouées à Dresde, Hambourg, Berlin, Nice, Londres, New
York, puis suivent les Slavonic Rhapsodies publiées en 1879 qui sont données dès
leur parution à Dresde, Berlin, Vienne, Budapest, Lugano, Baltimore.
Il a maintenant le soutien de Joseph Joachim qui crée son Sextette pour cordes en
novembre 1879 à Berlin, de Hans Richter, Hans von Bülow, Jean Becker et
d'Édouard Hanslick. Il reçoit de nombreuses commandes, dont les musiques
officielles à Prague.
Dans les années 1880, il défend sa singularité tchèque en demandant à son éditeur
allemand que les pages-titres de ses compositions soient imprimées en allemand et
en tchèque, que les paroles des œuvres vocales le soient également dans les deux
langues, demande que son prénom soit initialisé en « Ant. », pour Anton et Antonín.
La période anglaise
En août 1883, Dvořák reçoit une invitation de Londres, où plusieurs de ses œuvres
ont déjà été jouées, pour diriger la Société philharmonique. L'éditeur Novello lui
demande de diriger son Stabat Mater et lui commande une composition pour
chœur et orchestre, qu'il devra lui-même diriger au festival de Birmingham de 1885.
Le 5 mars 1884 Dvořák gagne l'Angleterre. Le 13 il dirige son Stabat Mater à Albert
Hall, puis sa Sixième symphonie et sa seconde Rapsodie slave au St James's Hall, et
le 22 mars le Scherzo capriccioso et le Nocturne en si au Crystal Palace. C'est un
très grand succès. Il reçoit des commandes d'œuvres chorales pour les festivals de
Birmingham et de Leed de 1886. Il reviendra encore huit fois en Angleterre jusqu'en
1896.
En 1886, après un différend financier qui l'oppose à Simrock qui lui paie 3 000
marks une symphonie contre 18 000 pour Brahms, il accepte de livrer une seconde
série de Danses Slaves, en contrepartie Simrock accepte ses conditions. Mais la
rupture ne tardera pas.
Fin janvier 1889, Josef Tragy, directeur de l'association praguoise pour la promotion
de la musique, propose à Dvořák qui le refuse, un poste de professeur de
composition au Conservatoire de Prague.
En juin, il est promu dans l'ordre de la Croix de fer autrichien, qu'il recevra de
l'empereur quelques mois plus tard, et en février 1890, la Société artistique de
Prague offre un banquet en son honneur. En avril il est promu Docteur honoris
causa de l'université tchèque de Prague, puis il est élu à l'Académie des sciences et
des arts.
En octobre 1890, il accepte le poste de professeur au Conservatoire de Prague avec
effet en janvier 1891. Il est promu Docteur honoris causa de l'université de
Cambridge.
La période américaine
En juin 1891, Jeannette Thurber (1850-1946) Présidente du Conservatoire national de
musique de New York lui offre le poste de directeur artistique et de professeur de
composition, pour un salaire annuel de 15 000 dollars soit 25 fois ce qu'il gagne à
Prague.
Après être arrivé à New York avec son épouse, sa fille Otilie et son fils Antonín, il
prend sa charge au Conservatoire le 1er octobre 1892. Il y sera reconduit deux
années de plus. Mais la crise économique et les mauvaises affaires du mari de
Jeannette Thurber qui finance une bonne partie des frais du Conservatoire,
entraînent des retards de paiements.
New York 1905
La famille Dvořák devant la maison newyorkaise qu'elle habitait.
Le 16 avril 1895, Dvořák regagne la Bohême en informant Jeannette Thurber (elle
lui doit encore de l'argent) que conformément à son contrat, il ne reviendra pas à
New York. Il se rapproche à nouveau de Simrock et de d'Édouard Hanslick, il
reprend son poste au Conservatoire de Prague le 1er novembre.
Il est à Londres en mars 1896 pour diriger la première de son Concerto pour
violoncelle, se rend plusieurs fois à Vienne où il rencontre Hans Richter, Anton
Bruckner et Johannes Brahms, aux funérailles duquel il assiste en avril 1897. La
même année, il est élu au jury viennois qui délivre les bourses d'État aux artistes, il
reçoit en 1898 la médaille autrichienne des lettres et des arts, devient membre du
comité des experts des droits d'auteur, il est nommé membre de la « Herrenhaus »
du gouvernement autrichien.
En 1901, il est nommé directeur du Conservatoire de Prague.3
3
Article consacré à Antonín Dvořák sur le site www.musicologie.org
Genèse de l’œuvre
La période qui entoure la composition du Stabat Mater est déterminante dans la
carrière du compositeur tchèque. Jusqu’alors il était reconnu principalement dans
son pays d’origine. L’aide de Johannes Brahms et la composition des Chants
moraves, de la Troisième Rhapsodie slave et de la première série des Danses slaves,
lui permettent d’acquérir une renommée internationale alors même que son œuvre
reste marquée par son identité nationale et la référence au folklore slave. Son
dixième Quatuor en Mi bémol Majeur, opus 51 vient parachever cette période de
composition.
Mais c’est finalement la composition du Stabat Mater à la fin de la période dite
« slave » qui s’étend de 1876 à 1879 qui consacre réellement Dvořák en dehors des
frontières de son pays et comme le successeur de Bedřich Smetana. L’œuvre est
créée à Prague sous la direction d’Adolf Čech le 23 décembre 1880. Le compatriote
et musicien de Dvořák, Leoš Janáček, dirigea la deuxième exécution de l’œuvre à
Brno en 1882.
Cette œuvre voyagera ensuite en Europe. Dvořák la dirige à Londres en 1884. Elle
sera ensuite jouée aux Etats-Unis. C’est le point de départ d’une nouvelle période
dans la carrière du compositeur, d’abord en Angleterre, où il compose Sainte
Ludmila (oratorio composé entre 1885 et 1886) et son Requiem (composé en 1890).
En 1884, le Stabat Mater est joué avec sa Huitième Symphonie « Tchécoslovaque »
pour l’obtention du titre de docteur honoris de la prestigieuse Université de
Cambridge.
En 1875, à la suite du décès de ses deux filles Josefa et Ruzena, et alors qu’il
commence à acquérir une notoriété musicale importante, Antonín Dvořák décide de
la composition d’un Stabat Mater. Les premières esquisses de l’œuvre datent de
cette année-là. Le travail reprend véritablement en 1875, année du décès de son fils
Otaka à l’âge de quatre ans. Le compositeur meurtri, termine la partition à la fin de
l’année.
Il suit la structure du texte original en composant 10 parties dans lesquelles une
parenté thématique vient lier le début et la fin de l’oratorio. A l’inverse de son
Requiem, c’est le chant qui incarne la douleur et l’émotion du texte.
Repères d’écoute
Pour chacune des dix parties de cette œuvre d’environ 1h30, les élèves pourront
appuyer leur écoute sur certains éléments musicaux saillants en plus de la
reconnaissance du texte chanté en latin dont la traduction aura été préalablement
lue et expliquée en classe.
Pour chaque mouvement, et conformément aux indications données dans le
paragraphe sur la structure de l’œuvre, les élèves identifieront la formation vocale
sollicitée. Elle diffère selon les parties et l’intensité dramatique du texte chanté, du
chœur à l’aria avec soliste. Les parties initiales et finales sont les plus colossales.
1. Stabat Mater (Quatuor avec chœur)
On peut identifier la longue introduction instrumentale très expressive qui précède
l’entrée du chœur. Le caractère de la pièce est très grave et douloureux, appuyée
une tonalité de si mineur, dont les élèves pourront percevoir la couleur générale.
L’orchestre à cordes possède un rôle de premier plan dans cet élan dramatique.
Au début c’est la même note fa qui est jouée par tout l’orchestre du grave à l’aigu et
répété tout au long de la pièce de manière obstinée.
On repèrera ensuite le thème principal de cette introduction qui est une mélodie
conjointe descendante et chromatique très expressive et qui nous entraine dans sa
chute.
On identifiera enfin le grand crescendo (de plus en plus fort) expressif de l’orchestre
puis decrescendo pour laisser entrer le chœur.
L’entrée du chœur se fait par le pupitre des ténors (voix d’hommes aigues) puis les
autres pupitres ensemble (soprano, alto et ténor).
2. Qui est homo (Quatuor)
Ce deuxième mouvement met en avant les quatre solistes vocaux. C’est l’occasion
d’identifier précisément les timbres et les tessitures de ces voix ici présentées sans
le chœur dans un passage plus calme que le premier mouvement.
On essaiera de repérer la forme de cet extrait en trois parties : la première et la
troisième étant quasi-identiques.
3. Eja Mater (Chœur)
Dans ce troisième mouvement, Dvořák met en place un rythme de marche funèbre
que l’on pourra essayer d’identifier à l’oreille.
Le chœur accompagne cette marche en chantant souvent en homorythmie, c’est à
dire que toutes les voix exécutent le même rythme.
4. Fac, ut ardeat (air de basse avec chœur)
Dans cet air, il faut repérer le dialogue en forme d’opposition à la voix soliste de
basse qui déclame son texte, un peu comme une récitation chantée et le chœur très
massif qui lui répond.
5. Tui nati vulnera (Chœur)
Cette cinquième partie est identifiable par son aspect plus lumineux avec plus
d’espoir que les précédentes. Cela se caractérise musicalement par les couleurs
jouées par l’orchestre, le tempo plus rapide et les rythmes plus légers.
6. Fac me vere (Air de ténor avec chœur)
Dans cette partie, le soliste chante initialement un thème qui est repris pendant tout
le mouvement : de manière obstinée. On appelle ce thème répété un ostinato.
7. Virgo virginum (Chœur)
On repèrera dans cette partie l’utilisation du chœur en partie a cappella, c’est à dire
sans aucun support de l’orchestre.
8. Fac, ut portem (Duo : soprano & ténor)
Ce mouvement doit attirer l’attention sur la formation en duo, de dialogue entre les
eux voix aigus des solistes, la femme et l’homme dans un caractère tendre.
9. Inflammatus (Air d’alto)
Ce neuvième mouvement nous rappelle une esthétique d’un autre temps, plus
ancien, celui de l’époque baroque. Le compositeur semble se souvenir du passé à
travers ce mouvement en trois parties dont la première et la troisième se
ressemblent beaucoup.
10. Finale : Quando corpus (Quatuor avec chœur)
C’est dans une apothéose grandiose que Dvořák conclue son œuvre en reprenant
les ingrédients utilisés dans le premier mouvement que l’on essaiera de se
remémorer ici.
Stabat Mater – Un cadavre exquis
Stabat (étym.): debout, immobile, solidement, sans s’effondrer, comme un roc,
une statue, une armée, faire face, se tenir aux côtés de, être avec, épouser un parti.
Alors que Marie est très peu évoquée dans les Evangiles, le poème du Stabat Mater
lui prête une vie intérieure, un univers affectif, ainsi qu’un pouvoir d’intercession qui
dépasse les possibilités proprement humaines. En devenant Mater Dolorosa, Marie
acquiert un triple statut : icône victimaire, surface de projection de la souffrance
des hommes, médiatrice entre l’ici-bas et l’au-delà.
Le début du poème, écrit au passé, appartient au domaine de la mémoire, de la
réactivation rituelle de la scène de la Crucifixion. L’homme y est posé comme
spectateur de la souffrance de la Vierge, et comme celui qui ne saurait y rester
insensible, sous peine, justement, de ne pas être homme. Vient ensuite la prière,
formulée au présent, péremptoire plutôt qu’humble, faite à Marie, et placée sous
l’égide du faire – « fac ut », « fais que » : la mission de combler une béance dans le
cœur des hommes est entièrement déléguée à Marie. Pris dans une impasse
ontologique, l’homme désire de manière utopique et désespérée être Autre,
meilleur, sans être à même d’y jamais parvenir par lui-même. La fin du poème donne
la mesure de ce qui motive cette injonction : la peur de la mort et de la damnation
éternelle, l’indépassable de la condition humaine et de sa finitude.
Le Stabat Mater marque un changement du point de référence dans la « scène » de
la Crucifixion : le « spectateur » a détourné son regard de Jésus, il regarde Marie ;
plus exactement, il regarde Marie qui regarde Jésus. Que signifie cette déviance du
regard ? Tous, tels la Mater Dolorosa, nous nous tenons - « stabat » - devant la
violence du monde et la souffrance d’autrui. Notre regard, garde de l’intime, nous
laisse libres de les reconnaître ou de les méconnaitre, d’y rester « aveugles », de
nous « voiler la face », de « fermer les yeux », de les placer à « bonne distance » ou
de les laisser « brûler » notre nerf optique, avec nihilisme et désespoir ou nécessité
de l’engagement : l’éthique est une «optique» (Levinas), et, de l’«œil » à la «chair»,
un impossible «devenir mater dolorosa».
De manière plus ou moins consciente, nous souffrons tous du «monde immonde»
qui fait de toute ontologie une «(h)ontologie» (Lacan). A y «regarder de plus près»,
une secrète «honte de vivre» ne nous fait-elle pas intimement «mourir de honte», et,
dans un désir inavouable de châtiment, fantasmer collectivement la fin du monde ?
Si l'amour du prochain jamais ne sera à hauteur de conjurer la menace de
l'apocalypse, nous souhaitons ici faire résonner, donner à entendre la vulnérabilité
des Visages, qui dans leur immanence et leur nudité encore relient les hommes et
les appellent à la responsabilité.
Notre proposition de mise en images se déploie sur le mode surréaliste du cadavre
exquis. Il s’agit, par résonnances poétiques, de faire advenir et donner à contempler
un corps (social), tout en rendant palpable l’absence de ce « cadavre exquis » qu’est
le corps même du Christ, l’impossibilité de sa Résurrection.
L’espace de la représentation est déconstruit, et la scénographie s’y donne « par
défaut ». Le dispositif n’est pas objet, mais absence, manque de l’objet, un trou
noir, un vide, une béance. Il appartient à l’homme - au c(h)œur - de prendre la place
de l’objet manquant, non pas en comblant l’abîme, mais en reconnaissant l’abîme en
lui-même. Le plateau est donc décaissé, comme une gigantesque tombe, une
blessure au cœur de l’humain, un symbole du refoulé. Une narration se constitue
ainsi progressivement autour de l’objet trou. De bouche, il se fait ventre, matrice, et
engendre un peuple en deuil, voilé. Le trou devient son point de référence, son
territoire, sa prison, son refuge mortifère ; Un autel au crépuscule des idoles. S’y
rejouent le désir, la violence, l’impuissance ; les visages s’y dévoilent, honteux,
rougissants. Comme dans l’allégorie de la caverne, c’est une lumière qui mettra en
branle cette permanence et fera sortir l’homme de son trou, aveuglé. Le trou ne
sera plus alors qu’une incontournable scène de crime, le lieu de la reconnaissance
du traumatisme, et ses anciens occupants des survivants vulnérables, les habitants
d’un monde en voie de destruction, d’un Réel impossible, qui à la fois se donnent à
notre regard et nous contemplent. Ecce homo.
Note d’intention, Sandra Pocceschi, metteur en scène
Cahier pédagogique élaboré par Bénédicte Auriol-Prunaret, professeur
missionné au service éducatif de l’Opéra et Orchestre national de Montpellier
Occitanie Pyrénées-Méditerranée.
Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique.
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