socialiser l`innovation

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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
OPERATION
FUTURIS
*****
SOCIALISER L’INNOVATION :
UN PARI POUR DEMAIN
Rapport final du groupe 3 "Défi de la citoyenneté"
1ere édition au 3 mars 2004
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
SOMMAIRE
RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................... 3
I. PRINCIPES GENERAUX ET METHODOLOGIE ...................................................................................... 9
RAPPEL DU MANDAT DU GROUPE.............................................................................................................. 9
PRINCIPES GENERAUX .................................................................................................................................. 9
METHODOLOGIE........................................................................................................................................... 13
II. PRESENTATION DES VARIABLES ET DES COMPOSANTES....................................................... 15
COMPOSANTE 1 : VALEURS ET REPRESENTATIONS ............................................................................ 16
COMPOSANTE 2 : CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE............................................................... 17
COMPOSANTE 3 : SOCIETE INNOVANTE ................................................................................................. 19
COMPOSANTE 4 : RECHERCHE INNOVANTE .......................................................................................... 20
III. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 1 : « VALEURS ET
REPRESENTATIONS » .................................................................................................................................... 23
METHODE ....................................................................................................................................................... 23
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS ........................................................................................ 24
IV. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 2 : « LE DEFI DE LA CULTURE
SCIENTIFIQUE » .............................................................................................................................................. 31
METHODE ....................................................................................................................................................... 31
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS ........................................................................................ 32
V. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 3 : « SOCIETE INNOVANTE »......... 37
METHODE ....................................................................................................................................................... 37
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS ........................................................................................ 38
VI. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 4 : « RECHERCHE INNOVANTE » 41
METHODE ....................................................................................................................................................... 41
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS ........................................................................................ 42
VII. VISIONS GLOBALES ............................................................................................................................... 47
QUATRE SCENARIOS GLOBAUX ............................................................................................................... 47
LES ATTITUDES DE LA SOCIETE ............................................................................................................... 51
ATTITUDES DE LA SOCIETE ET SCENARIOS GLOBAUX....................................................................... 54
VIII. QUEL POSITIONNEMENT POUR L’ACTION PUBLIQUE ? .......................................................... 57
IX. CONCLUSIONS : MESSAGES, CONVICTIONS, PISTES POUR L’ACTION................................... 61
1. COMPRENDRE LA SOCIETE DE DEMAIN.............................................................................................. 61
2. ENONCER LES AMBITIONS, PROPOSER UNE VISION ........................................................................ 64
3. TROUVER LES CHEMINS DE L’ACTION................................................................................................ 66
POST SCRIPTUM.............................................................................................................................................. 69
ANNEXES ........................................................................................................................................................... 73
ANNEXE 1 : MANDAT DU GROUPE............................................................................................................ 75
ANNEXE 2 : COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL.......................................................................... 79
ANNEXE 3 : AGENDA DE TRAVAIL ........................................................................................................... 83
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
SOCIALISER L’INNOVATION :
UN PARI POUR DEMAIN
Rapport final du groupe 3 "Défi de la citoyenneté"
RÉSUMÉ
Le groupe 3 « Citoyenneté de la science et de l’innovation » est l’un des quatre groupes
« défis » mis en place dans le cadre de l’opération FUTURIS. Son mandat indique en particulier que
ses travaux : « porteront sur une meilleure connaissance des comportements sociaux face à
l’innovation ( …). L’objectif est de caractériser les ressorts par lesquels un processus d’innovation va
être accepté par la société et de définir les attentes nouvelles à prendre en considération, et
notamment les objectifs sociaux à prendre en compte dans une économie mondialisée ».
Trois principes généraux
Pour cadrer sa réflexion, le groupe a souhaité prendre une triple distance par rapport au
schéma « linéaire descendant » qui a marqué, au moins implicitement, l’innovation des
« trentes glorieuses ». Ce schéma est caractérisé en particulier par des innovations constituées
essentiellement de produits à fort contenu technologique, par un rôle moteur de la recherche pour
développer ces technologies (la R&D) et par un poids majeur de l’Etat, qui développe et soutient une
recherche publique forte, finalisée vers ces objectifs, accompagne et pilote même parfois les
opérateurs économiques dans l’appropriation de ces innovations. Autrement dit, ce schéma classique
est fondée sur une séquence « recherche – technologie - innovation – croissance – emploi – bien
être », supposée fortement déterministe, et dans laquelle la société intervient seulement comme
« réceptrice » des innovations.
Nous avons, au contraire, cherché :
- à développer un concept "d'innovation globale », qui incorpore aussi bien les
innovations de produits, de procédés, de services, de mode d’organisation ainsi que les
nouvelles combinaisons de produits ou procédés existants. Ce cadre large intègre également la
notion "d’innovations sociales" (changement de mode de vie, d'organisation du travail...), qui ne se
traduisent pas immédiatement par des innovations marchandes mais peuvent créer un terrain propice
à de telles innovations.
- à ne pas considérer la recherche comme le moteur quasi-exclusif de l’innovation. On
connaît en effet de nombreuses innovations qui ont pris naissance au cœur même du système
économique ou social sans avoir été impulsées par de nouvelles découvertes et l’on a, à l’inverse, des
découvertes qui peuvent attendre de longues années avant de se traduire en innovations. Le groupe a
donc cherché à positionner ces trois aspects de la dynamique scientifique, de la dynamique
économique et de la dynamique sociale comme trois composantes interactives - mais ayant un certain
degré d’autonomie - d’un « système d’innovation », en soulignant que l'origine des innovations pouvait
se situer en tout point de ce système.
- à analyser le rôle des politiques publiques dans un contexte beaucoup plus
multipolaire, dans lequel les orientations et priorités du dispositif de recherche, le transfert des
résultats vers les opérateurs économiques, les débats et interrogations de la société ne peuvent plus
être gérés de manière dominante par l’Etat, qui doit positionner sa stratégie par rapport à celles de
tous les acteurs du système d’innovation.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Les variables et composantes du système
Le groupe a défini 26 variables susceptibles de moduler dans l'avenir l'attitude de la société
par rapport au processus d'innovation et les a regroupées en quatre composantes.
La composante 1, « Valeurs et représentations », regroupe sept variables relatives aux
questions, préoccupations, attentes, valeurs, représentations, qui constituent le cadre de
référence et d’interprétation des citoyens par rapport à un changement et à une nouveauté
dans leur environnement et leurs conditions d’existence (1a : Le progrès et l’équité, 1b :
L’intervention de l’homme sur la nature, 1c : Sensibilité aux risques et gestion des risques, 1d :
Sciences, innovation technique et respect de l’espace privé, 1e : Perception de la science et de
l’innovation en fonction de l’âge, 1f : Statut social du travail, 1g : Identité et responsabilité). Ce sont
donc des références fortes que les innovations devront au moins prendre en compte et respecter, au
mieux traduire et matérialiser.
La composante 2, « Culture scientifique et technique », regroupe six variables qui
traitent de la façon dont les citoyens s’approprient globalement la science et la technique, à
travers différents médias et différentes formes d’apprentissage (2a : Modes d’apprentissage de la
science, 2b : Culture scientifique et progrès, 2c : Accès à la culture scientifique, 2d : Attractivité des
carrières scientifiques, 2e : Médiatisation de la science et des techniques, 2f : Acceptation des objets
incompréhensibles ).
La composante 3, « La société innovante », se penche sur la manière dont la société
peut jouer un rôle actif dans l’initiation ou l’orientation du processus d’innovation, en
s’impliquant dans les débats sur de grands choix technologiques, en exprimant ses attentes vis-à-vis
des innovations qu’elle souhaite voir se développer ou ses réticences relatives à des conséquences
insuffisamment maîtrisées du processus d’innovation. Ces questions ont été examinées à partir de
cinq variables pertinentes (3a : crise et défense, 3b : perception des impacts sociaux, 3c : régulation
de l’innovation, 3d : justice et responsabilité, 3e : apport des sciences au développement des
services).
Enfin, la composante 4, « La recherche innovante », regroupe sept variables orientant
l’activité scientifique, tant dans ses objectifs prioritaires que dans sa dynamique, avec un
accent particulier sur le rôle des différents opérateurs (recherches publiques et privées) et
« ordonnateurs » de la recherche (Etat, collectivités locales, Europe) : 4a : Imbrication des niveaux de
pouvoir en matière de recherche, 4b : R&D et innovation ; place du secteur privé en Europe, 4c :
Politiques de propriété intellectuelle, 4d : Légitimité des recherches publiques et privées, 4e : Rôle
social des savants, 4f : Mobilité internationale des chercheurs, 4g : Mobilité des personnels dans le
SFRI.
Elaboration de « mini-scénarios » pour chaque composante
La seconde étape a été, pour chaque variable d’une composante donnée, de proposer des
hypothèses d’évolution (généralement deux, trois ou quatre) et de relier ces hypothèses d’une
manière cohérente pour proposer des mini-scénarios d’évolution.
Les scénarios de la composante 1, « Valeurs et représentations », s’articulent autour
d’un contraste fort entre :
des attitudes d’acceptation relativement passive des innovations, avec une
vision soit assez positive (scénario « Libre échange, travail, compétence »), soit plus critique (« Cahincaha » et « Le consommateur individualiste ») ;
des attitudes plus militantes, dans lesquelles les citoyens s’impliquent davantage
pour faire connaître et reconnaître leurs souhaits, leurs attentes et leurs intérêts (« La mobilisation
citoyenne », « Cancon – Cancun »).
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Les scénarios de la composante 2, « Culture scientifique et technique », se sont
organisés autour de la question du degré de diffusion de la culture scientifique et technique au
sein de la société, en distinguant ces deux aspects et en s’interrogeant tant sur les objectifs que sur
les modalités de cette diffusion. Ainsi, les scénarios « Une élite de clercs » et « La science
multinationalisée » correspondent à une CST qui demeure l’apanage d’une minorité, dans un contexte
global d’indifférence, voire de méfiance vis-à-vis des sciences et des techniques. Les scénarios « La
science humaniste » et « L’innovation controversée » supposent, au contraire, une large appropriation
de la CST par la société et se distingue par l’intégration ou non de cette nouvelle dimension aux
étapes du processus d’innovation.
Pour la composante 3, « La société innovante », les scénarios se sont focalisés sur :
la prise en compte par l’Etat et/ou les opérateurs économiques d’un certain
nombre d’effets négatifs plus ou moins directs et prévisibles des innovations, qui font l’objet
d’interrogations fortes de la société (effets sur l’emploi, responsabilité des dommages…) ;
l’importance donnée, outre l’innovation technologique civile, à l’innovation
dans les secteurs de la défense (au sens large) et des services.
Par rapport à des scénarios où la puissance publique conserve une présence en appui aux
entreprises innovantes (« Au fil de l’eau ») ou se désengage nettement (« Le néopopulisme »), deux
scénarios d’élargissement et de relance du SFRI sont proposés, articulés soit sur de nouveaux paris
technologiques (« Les grands enjeux technologiques »), soit sur une diversification des acteurs et des
produits de l’innovation (« L’innovation multipolaire »).
Pour la composante 4 « La recherche innovante », parmi les nombreux scénarios
possibles, nous en proposons quatre, qui diffèrent principalement par l’acteur (Etat,
entreprises…) le plus moteur dans la dynamique d’évolution de la recherche et par la
motivation principale de développement de la recherche publique : le développement
économique local, la compétition économique internationale ou la gestion des biens non-marchands.
« Un colbertisme aménagé » décrit un Etat gardant un rôle important et orientant le dispositif de
recherche surtout vers la compétitivité économique internationale. Dans le scénario « L’Europe en
compétition », l’objectif est similaire mais on assiste à un transfert volontariste de compétences des
Etats nationaux vers l’Union européenne. Le scénario « L’investissement national pour l’innovation »
correspond à une volonté de fédérer les opérateurs (Etat, Régions, Europe), d’impliquer les PME et
de favoriser l’innovation de proximité et le développement des territoires, dans un contexte de grand
marché intérieur européen. Enfin, le scénario « Séparation du marchand et du bien public » décrit une
situation de séparation entre la recherche publique et la recherche privée qui peut survenir à l’issue de
crises (éventuellement plus perçues que réelles) répétées. La recherche publique se consacre dans
ce cas à la gestion des besoins non-marchands et à l’expertise pour les décideurs français et
européens, la R&D privée étant nomade et internationalisée.
Les scénarios globaux
L’ensemble de ces scénarios a été utilisé pour construire des visions contrastées des
systèmes d’innovation de demain, structurées autour de quatre scénarios globaux combinant les miniscénarios de chaque composante.
Le premier système d’innovation envisagé (« La science institutionnelle ») est proche
de la situation présente mais en poursuit les tendances. Le périmètre et l’effort de R&D des
entreprises innovantes n’évolue pas, voire diminue et l’Etat reste focalisé sur son positionnement de
soutien à l’innovation technologique de ces entreprises, sans que d’autres opérateurs publics
(Régions, Europe) ne viennent conforter son action. La société est peu mobilisée sur ces enjeux , la
CST restant peu diffusée.
Le second système (« L’Etat garant ») donne un rôle majeur à la dynamique des
grandes entreprises, qui évoluent dans un contexte mondialisé, y compris pour la R&D, et
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
privilégient les innovations à large potentiel de diffusion. Comme précédemment, la société est peu
mobilisée mais très sensibilisée à la question des risques, ce qui conduit l’Etat, dont l’investissement
en recherche se restreint, à concentrer son action sur l’expertise des impacts des innovations et sur la
gestion des biens non-marchands.
Le scénario « L’innovation négociée » s’inscrit dans la cadre d’une société plus
mobilisée - mais également divisée - entre tenants et détracteurs de l’innovation. La culture
scientifique est également plus présente et sert de référence à l’ensemble des protagonistes. L’Etat
tient un discours volontariste sur une innovation à fort contenu technologique, avec des priorités
explicites. Il mobilise des soutiens régionaux et éventuellement des partenaires européens, essaye
d’associer davantage les PME à cette politique et s’investit dans un meilleur couplage entre les
systèmes publics et privés de recherche, mais également dans une mise en débat des grands choix
technologiques qu’il propose.
Enfin, le système d’innovation proposé par le scénario « Citizen push » prend en
compte l’ensemble des formes possibles de l’innovation (produits, procédés, services…) et
s’appuie sur la créativité de l’ensemble des acteurs, avec une démarche partant de l’identification
des attentes et des besoins. Ce système se déploie dans un cadre européen harmonisé, au sein
d’une société qui s’est approprié la CST et l’innovation comme une dimension clé de son avenir.
L’Etat est présent aussi bien dans la recherche fondamentale, l’appui aux grands programmes
technologiques que dans des recherches finalisées vers les besoins des PME (notamment en
sciences humaines et sociales) et la gestion des biens non-marchands.
Systèmes d’innovation, attitudes de la société et politiques
publiques
Ces différents scénarios apparaissent à l’évidence très dépendants de l’attitude de la
société vis-à-vis de l’innovation. C’est pourquoi nous avons explicité cette analyse en positionnant
les différents scénarios dans un « espace d’attitude » structuré par deux axes, l’attitude plus ou moins
positive à l’égard de l’innovation (« innophiles » versus « innosceptiques ») et le comportement plus
ou moins militant des citoyens par rapport à ces questions (passif versus impliqué).
Cette analyse permet d’identifier les compatibilités plus ou moins fortes entre les
différents systèmes d’innovation définis précédemment et les attitudes de la société. Elle
montre en particulier que la relance de politiques ambitieuses d’innovation implique de prendre le
risque d’une mise en débat, ouverte et informée, du processus d’innovation, tant dans ses finalités
que dans ses modalités et que, sur le long terme, l’effort fait dans le domaine de la diffusion de la
CST, et le succès de cet effort, seront des facteurs clés pour la réussite des politiques d’innovation.
Par rapport à ces enjeux, nous revenons ensuite sur le positionnement des politiques
publiques, dans le contexte, évoqué en introduction, d’un système non hiérarchisé où tous les acteurs
ont une influence sur la dynamique de l’innovation. Rompant avec l’alliance forte des « trentes
glorieuses » entre le système technico-scientifique et l’Etat, trois autres alliances pouvant
prendre une position dominante à l’avenir sont envisagées : intégration quasi-complète de la
dynamique technico-scientifique au sein de la dynamique économique, forte connection des
dynamiques économique et sociétale, réappropriation d’une partie importante de la dynamique
technico-scientifique par la dynamique sociétale.
Par rapport à ces différentes éventualités, qui toutes les marginalisent, les politiques publiques
auront à choisir entre deux grandes options :
-
l’une étant de rejoindre la dynamique de l’alliance dominante et de la conforter ;
l’autre étant d’en percevoir les limites et de chercher à rééquilibrer la dynamique
globale, en veillant à y réintégrer la composante qui apparaît marginalisée.
Ainsi, face à une implication croissante des acteurs économiques dans la dynamique
scientifique, la priorité sera soit d’accompagner cette implication par des mesures
appropriées, soit de s’assurer que les attentes de l’ensemble des acteurs sociaux soient
effectivement prises en compte, en réorientant si nécessaire une partie de la recherche
publique vers ces finalités.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Conclusion : les « messages » du groupe
Pour proposer une autre lecture de nos travaux, nous avons résumé en conclusion les
principaux « messages » qui nous semblent émerger des discussions autour des hypothèses,
scénarios et analyses proposés. Ces messages s’articulent autour de notre proposition globale
« Faire le pari de socialiser l’innovation, c'est-à-dire placer la société, ses attentes, sa
dynamique, ses interrogations, au cœur du système d’innovation et considérer que cette
stratégie se révèlera beaucoup plus fructueuse qu’une option visant à cantonner la société
dans une fonction de consommation passive ». Ces messages insistent en particulier :
- sur l’importance d’une attention renforcée et d’une attitude positive vis-à-vis de la
dimension citoyenne du consommateur, c'est-à-dire des différentes attentes et valeurs que le
citoyen n’exprime pas à travers ses comportements d’achat. Nous relions à cet aspect la proposition
de conforter et d’associer aux différentes étapes du processus d’innovation le « tiers-secteur
scientifique », c'est-à-dire l’ensemble émergeant d’organisations citoyennes qui élaborent aujourd’hui
un discours et une expertise, revendiquée comme indépendante, sur les enjeux scientifiques et
techniques.
- sur le rôle clé que jouent et joueront les crises - et surtout leur gestion et leur
interprétation - dans l’évolution des représentations des citoyens à l’égard de l’innovation. En
particulier, la nécessité de présenter la sensibilité aux risques et l’émergence de la précaution comme
des facteurs agonistes plutôt qu’antagonistes de l’innovation est un élément fort de notre analyse.
- sur la nécessité d’apporter, si l’on souhaite donner une nouvelle ampleur à la politique
d’innovation, des réponses crédibles aux questions de responsabilité face aux risques, de
gestion des conséquences de l’innovation sur l’emploi et de mise en débat des aspects sur
lesquelles la société s’interroge. Dans le cas contraire, la possibilité de scénarios de rupture, dans
lesquels les innovations ne seraient plus considérées que comme des « commodités », que l’on
pourrait se procurer à moindre coût sur le marché mondial (au même titre que l’énergie et les matières
premières au 20ième siècle) et non plus comme des activités stratégiques qu’il convient de maîtriser et
qui conditionnent le progrès de la société, ne sont pas à exclure.
- sur l’importance que revêt dans ce contexte le renforcement et la mobilisation des
sciences humaines, complémentairement aux sciences physiques ou biologiques, pour comprendre
ces enjeux, proposer des méthodes et des démarches et accompagner l’ambition d’une innovation
plus diverse, à la fois dans ses acteurs et ses produits.
Enfin, le groupe insiste sur le rôle fondamental de la construction d’une culture
scientifique et technique à la fois partagée et adaptée à la diversité des cultures constituant les
sociétés modernes. Cette construction nous apparaît en effet, à moyen terme, un déterminant
majeur de l’attitude de notre société vis-à-vis de l’innovation. Par atteindre cet objectif, la culture
scientifique et technique devra notamment passer d’une optique de vulgarisation, visant à faire
connaître et comprendre les caractéristiques intrinsèques des innovations - ou des méthodes utilisées
pour les produire - à une optique de « contextualisation », cherchant à compléter cette approche pour
répondre aux multiples interrogations sur les aspects « extrinsèques » de l’innovation. Cette culture
devra également mieux distinguer les sciences et les techniques, en affirmant et mettant en valeur
l’apport et la légitimité de ces deux domaines, et veiller à être présente de manière diversifiée mais
cohérente tout au long de la vie, en associant à cette démarche tous les acteurs de la société.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
I. PRINCIPES GENERAUX ET METHODOLOGIE
RAPPEL DU MANDAT DU GROUPE
Le groupe 3 « citoyenneté de la science et de l’innovation » est l’un des quatre
groupes « défis » mis en place dans le cadre de l’opération FUTURIS (voir le site
www.anrt.asso.fr rubrique FutuRIS pour une information détaillée). Son mandat, rappelé en
annexe, indique en particulier que ses travaux :
« porteront sur une meilleure connaissance des comportements sociaux face à
l’innovation, à partir notamment d’une analyse des cycles ou mécanismes de rupture de
confiance dans les sciences et l’innovation et une identification des attitudes nouvelles des
écoliers, lycéens et étudiants dans les lieux de formation.
L’objectif est de caractériser les ressorts par lesquels un processus d’innovation va
être accepté par la société et de définir les attentes nouvelles à prendre en considération, et
notamment les objectifs sociaux à prendre en compte dans une économie mondialisée ».
Les trois autres groupes sont focalisés sur d’autres aspects de la dynamique du
« système français de recherche et innovation », désormais cité sous le sigle SFRI :
-
le groupe défi 1 « Excellence scientifique et technologique pour le futur »
examinera les questions relatives à l’efficacité du système français d’élaboration
des connaissances, dans un contexte de forte compétitivité internationale et de
débat sur les modes d’organisation et de gestion les mieux adaptés aux enjeux de
demain ;
-
le groupe défi 2 « Compétitivité par la recherche et l’innovation » analysera
les facteurs de succès d’une démarche d’innovation, en référence à un modèle où
interviennent désormais de très nombreux acteurs et où les aspects de rapidité
des échanges et des décisions joue un rôle crucial ;
-
enfin, le groupe défi 4 « Dynamique du système français de recherche et
d’innovation » a une double mission : fournir des éléments de contexte et de
mise en perspective (données rétrospectives, évolutions internationales) et
proposer des méthodologies d’intégration des travaux de l’ensemble des groupes.
PRINCIPES GENERAUX
Pour cadrer sa réflexion, le groupe a tout d’abord précisé le sens qu’il donnait à cette
notion d’innovation et sa vision du rôle de la société dans le processus d’innovation. Il s’est
également interrogé sur le positionnement et l’impact des politiques publiques, tant
actuellement que dans l’avenir.
Un concept large pour la notion d’innovation
Pour définir l’innovation, le groupe s’est approprié le concept "d'innovation globale"
figurant dans la note "regards 2015" du dossier préparatoire. Ce concept large incorpore
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
aussi bien les innovations de produits, de procédés, de mode d’organisation ainsi que les
nouvelles combinaisons de produits ou procédés existant. Même dans ce cadre large, la
notion "d’innovations sociales" (changement de mode de vie, d'organisation du travail...), qui
ne se traduisent pas immédiatement par des innovations marchandes, pourrait être
considérées "hors sujet". En fait, ces innovations peuvent créer un terrain propice à des
innovations marchandes, qui viennent répondre à des attentes créées par ces nouveaux
comportements : voir par exemple le rôle des congés payés sur le développement de
l’industrie du tourisme, l'impact du "nomadisme" sur l'innovation dans les domaines du
textile, des chaussures, des télécommunications, de l'audiovisuel…
L'hypothèse que cette dynamique sociale pourrait, au moins dans certains secteurs,
jouer un rôle plus important dans l'avenir que "l'innovation savante" (celle résultant de
nouvelles découvertes scientifiques) est donc à considérer sérieusement.
Dans cette vision globale, le groupe n’a également pas opéré de distinction entre ce
que seraient de « vraies » innovations, issues d’une découverte majeure et identifiée (on
parle parfois « d’innovation de rupture ») et des innovations plus adaptatives, plus
incrémentales, combinant des savoirs existants et visant à répondre à des attentes
identifiées du marché.
Une vision systémique de la genèse des innovations
Dans un schéma encore souvent évoqué, la relation entre recherche, innovation et
société est perçue comme un processus linéaire dans lequel l’activité de recherche se situe
à l’origine et constitue donc la « source » des innovations. A l’opposé, la société apparaît
comme réceptrice et utilisatrice des innovations mais ne peut rétroagir sur la chaîne
d’innovation qu’a posteriori, en particulier dans le cas de dysfonctionnements.
Le groupe a rapidement perçu les limites de cette vision trop "linéaire descendante"
de la dynamique de l’innovation. Elle conduit en effet à deux conceptions qui nous sont
apparues excessivement réductrices.
La première est de limiter la question de l’attitude de la société à celle de
"l'acceptabilité sociale des innovations", en particulier dans des situations de crises
imprévues liées à une remise en cause de certaines innovations (OGM, nucléaire,
alimentation animale). Il en résulte des démarches du type : « il faut mieux faire comprendre
aux citoyens l’intérêt de ces innovations », le processus de production des innovations
n’étant pas lui-même remis en cause.
La seconde est de considérer la recherche comme le moteur quasi-exclusif de
l’innovation. Sans nier, en particulier sur des pas de temps longs, le rôle des découvertes
scientifiques sur la genèse d’innovation, il nous semble que cette relation n’est ni toujours
nécessaire, ni toujours suffisante. On connaît, en effet, de nombreuses innovations qui ont
pris naissance au cœur même du système économique ou social sans avoir été impulsées
par de nouvelles découvertes – citons les microordinateurs, la carte à puce, les balladeurs,
le premier monospace et la plupart des innovations de service – ou dont les bases
théoriques n’ont été élaborées qu’a posteriori, de la bicyclette à l’avion en passant par la
machine à vapeur. On connaît également des innovations nées au sein du système de
recherche mais de manière fortuite, comme la pénicilline et plus récemment le viagra et l’on
a, à l’inverse, des découvertes – comme la poudre à canon - qui peuvent attendre de
longues années avant de se traduire en innovations.
Le groupe a donc cherché à positionner ces trois aspects de la dynamique
scientifique, de la dynamique économique et de la dynamique sociale comme trois
composantes interactives mais ayant un certain degré d’autonomie, en soulignant que
l'origine des innovations pouvait se situer en tout point de ce système et que c’était sans
doute l’intensité et la qualité des interactions au sein de ce système qui conditionnaient sa
créativité globale (voir figure 1). La notion de « dynamique sociale » (les termes de
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
« dynamique sociétale » ou de « dynamique de la société civile » sont peut-être plus
adaptés) est prise ici au sens des acteurs et des actions qui ne s’expriment pas à travers des
comportements marchands individuels (il peut y avoir des actions collectives portant sur des
échanges marchands, comme dans les organisations de consommateurs) ou via des
représentants politiques permanents issus du suffrage universel.
Figure 1 : Représentation de la dynamique de l’innovation, comme résultante des
dynamiques scientifique, économique et sociale
Dynamique
scientifique
Dynamique
économique
Dynamique
sociale
Les interactions entre ces trois dynamiques ne sont pas nécessairement
harmonieuses. Ces différentes composantes sont en outre constituées d’acteurs multiples,
ayant des enjeux et des objectifs spécifiques, parfois convergents, souvent antagonistes. La
notion de « dynamique » est donc la résultante de toutes ces interactions et non la
manifestation d’un projet commun.
Une interrogation sur le positionnement des politiques publiques
Par rapport à ces trois composantes, la question du positionnement de l’action
publique - en particulier celle de l’Etat au niveau national, mais aussi celles des collectivités
locales et de l’Europe – a été d’emblée une des questions centrales de nos analyses.
Dans un schéma classique, les acteurs politiques (on entend ici les instances de
construction des politiques publiques, principalement l’éxécutif mais aussi le législatif)
pourraient être présentés - ou se percevoir - comme « au dessus », ou du moins en amont
des trois dynamiques scientifique, économique et sociale, avec une capacité à les influencer
de manière plus ou moins directe par des politiques sectorielles d’incitation. Les orientations
et priorités du dispositif de recherche, le transfert des résultats vers les opérateurs
économiques, les débats et interrogations de la société pourraient ainsi être contrôlés ou
fortement infléchis par l’action publique.
Un tel modèle a sans doute prévalu, au moins implicitement, dans la vision du SFRI
des années soixante et demeure aujourd’hui d’actualité dans certains secteurs. Cependant,
une telle conception ne semble plus correspondre à la réalité d’aujourd’hui et, a fortiori, à
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
celle de demain. Tout en conservant sa responsabilité stratégique, l’action publique doit
aujourd’hui composer avec de nombreux autres acteurs et c’est pourquoi il nous a semblé
préférable de la représenter comme un quatrième pôle, similaire aux trois autres, et de nous
interroger sur ce que sera la dynamique dominante du système dans l’avenir (figure 2).
Figure 2 :Positionnement de la dynamique politique : Modèle à quatre composantes
interactives et non hiérarchisées
Dynamique
scientifique
Dynamique
politique
Dynamique
économique
Dynamique
sociale
L’hypothèse qu’un seul de ces pôles soit suffisamment fort pour tirer à lui seul la
dynamique du système et lui imposer une trajectoire est défendable mais nous semble
irréaliste : dans une société complexe comme la nôtre, immergée dans les échanges
internationaux, il nous semble difficile d’espérer – ou de redouter – le développement d’un
pôle hégémonique, qu’il soit politique, économique, social ou scientifique.
C’est donc en termes de collaborations, d’alliances, de synergies, qu’il conviendra
d’envisager ces trajectoires possibles et nous détaillerons ce point dans nos conclusions.
En résumé, notre vision du « défi de la citoyenneté » nous conduit à :
- considérer l’innovation sous les formes les plus diverses et donc comme un
processus pouvant s’initier en tout « point » de l’espace social ;
- percevoir la société comme pouvant jouer un rôle à la fois initiateur, acteur,
régulateur et utilisateur du processus d'innovation ;
- nous interroger sur le positionnement de l’action publique, qui, pour atteindre
ses objectifs, ne peut plus prétendre jouer à elle seule un rôle pilote et doit
s’envisager comme une composante en interaction avec les composantes
économique, sociale et scientifique du SFRI.
Les médias, cinquième pôle autonome ?
Entre ces différentes composantes et en leur sein même, les échanges symbolisés
par des flèches concernent des interactions de natures multiples : flux financiers, flux
d’informations factuelles ou véhiculant des valeurs, des questionnements, des prises de
position…
12
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Le développement considérable des médias (médias de masse mais aussi et de plus
en plus réseaux informatiques) nous a conduit à discuter de la représentation qu’il convenait
d’en donner : simple véhicule capable, certes, d’accélérer et d’amplifier les flux
d’informations mais sans stratégie propre, même implicite, ou cinquième pôle acquérant peu
à peu une dynamique autonome et susceptible de prendre une position dominante ?
Nous avons opté pour la première vision mais il est clair que, dans les stratégies
d’alliance sur lesquelles nous reviendrons, chacun des quatre pôles cherche et cherchera de
plus en plus à intégrer cette dimension médiatique dans sa stratégie.
Une nécessaire « sectorialisation » des analyses
Bien que fondées sur l’expérience concrète des membres du groupe dans différents
secteurs de l’activité économique, les analyses et propositions que nous présentons ont un
caractère transversal et général et leur application à un secteur particulier devra faire l’objet
de réflexions complémentaires pour juger de leur pertinence. Il est évident que des secteurs
comme les transports, l’énergie, l’alimentation, les produits de santé… constituent des
systèmes d’innovation aux caractéristiques techniques et socio-économiques particulières.
En outre, l’attitude de la société peut non seulement varier d’un secteur à l’autre mais
également, pour un même secteur, au cours du temps, en particulier en situation de crise.
Le but de cette démarche est donc principalement de décrire une diversité de
situations et de « modèles d’innovation » permettant aux acteurs d’un secteur particulier de
savoir changer de « grille de lecture » et de modèle en fonction des situations.
METHODOLOGIE
La progression du groupe s’est faite autour de trois grandes phases :
1. Identification et organisation des variables
Le premier travail d'expression libre a permis de définir plus de 40 variables
considérées par les participants comme susceptibles de moduler dans l'avenir l'attitude de la
société par rapport au processus d'innovation.
Un travail de criblage et de regroupements a ensuite abouti à la définition de 4
grandes composantes regroupant au total 26 variables, chaque variable faisant l’objet de la
rédaction d’une fiche documentée (fiches disponibles sur le site Futuris). Elles sont
présentées de manière résumée dans la chapitre suivant.
Ces variables constituent un ensemble hétérogène, que l’on peut structurer autour de
deux critères :
- le fait que la variable joue et jouera, selon les participants, un rôle important
(variable « majeure ») ou secondaire (variable « mineure ») dans le positionnement de la
société ;
- le fait que la variable puisse être influencée par certains acteurs du système
national d'innovation et soit susceptible d'évoluer sous l'effet de leurs interventions (variable
« flexible ») ou, au contraire, soit entièrement déterminée par des dynamiques externes
(variable « rigide », ce qui ne signifie pas statique).
13
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
2. Elaboration de « mini-scénarios » pour chaque composante
La seconde étape a été, pour chaque variable d’une composante donnée, de
proposer des hypothèses d’évolution (généralement deux, trois ou quatre) et de relier ces
hypothèses d’une manière cohérente pour proposer des mini-scénarios d’évolution. La
notion de cohérence fait référence au fait que des hypothèses associées dans un scénario
donné ne doivent pas apparaître contradictoires (par exemple un faible intérêt pour les
sciences et un engouement pour les métiers scientifiques).
Ces différents scénarios sont présentés dans les chapitres III à VI.
3. Proposition de scénarios et messages globaux
Pour synthétiser nos travaux,
complémentaires (chapitre VII à IX).
nous
avons
développé
trois
approches
Tout d’abord, l’ensemble de ces scénarios a été utilisé pour construire des visions
contrastées de la société de demain, structurées autour de quatre scénarios globaux
combinant les mini-scénarios de chaque composante.
A partir de ces scénarios globaux, nous proposons, d’une part, une analyse de trois
grandes dimensions définissant les attitudes possibles des citoyens et, d’autre part, une
réflexion sur le positionnement des politiques publiques.
Enfin, l’examen et les discussions autour de ces travaux ont permis de mettre en
lumière un certain nombre de messages que nous présentons dans le dernier chapitre.
14
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
II. PRESENTATION DES VARIABLES ET DES
COMPOSANTES
Les 26 variables retenues ont été regroupées en quatre grandes composantes et
sont présentées dans le tableau ci-dessous.
Ref GD3
Ref Futuris*
Intitulé de la variable
Composante 1 : Valeurs et représentations
1a
1b
1c
1d
1e
1f
1g
A22
B13
B15
B12
B16
-
Progrès et équité
L’intervention de l’homme sur la nature
Sensibilité aux risques et gestion des risques
Sciences, innovation technique et respect de l’espace privé
Perception de la science et de l’innovation en fonction de l’âge
Statut social du travail
Identité et responsabilité
Composante 2 : Culture scientifique et technique
2a
2b
2c
2d
2e
2f
B14
A35
D11
A33
B11
Mode d’apprentissage de la science
Culture scientifique et progrès
Accès à la culture scientifique
Attractivité des carrières scientifiques
Médiatisation de la science et des techniques
Acceptation des objets « incompréhensibles »
Composante 3 : Société innovante
3a
3b
3c
3d
3e
A31
A23+A34
A21
B31
Crises et guerre, facteurs d’accélération de la science et de l’innovation
Impacts sociaux de l’innovation (l’emploi)
Régulation de l’innovation
Justice et responsabilité
Apport des sciences et de l’innovation dans les services
Composante 4 : Recherche innovante
4a
4b
4c
4d
4e
4f
4g
E11
A24+C8
A14
A32
D15
-
Imbrication des niveaux de pouvoirs
R&D et innovation : place du secteur privé en Europe
Politiques de propriété intellectuelle
Légitimité des recherches publiques et privées
Rôle social des savants
Mobilité internationale des chercheurs
Mobilité des personnels dans le SFRI
* référence dans le site Futuris pour les variables utilisées dans l’analyse globale
15
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
COMPOSANTE 1 : VALEURS ET REPRESENTATIONS
Nous avons regroupé dans cette première composante sept variables relatives aux
questions, préoccupations, attentes, valeurs, représentations, qui constituent le cadre de
référence et d’interprétation des citoyens par rapport à un changement et à une nouveauté
dans leur environnement et leurs conditions d’existence. Ce sont donc des références fortes
que les innovations devront au moins prendre en compte et respecter, au mieux traduire et
matérialiser.
1a : Le progrès et l’équité
La notion d’équité peut faire l’objet de conceptions variées, le degré de tolérance des
disparités (en termes de revenus, de santé, d’éducation…) entre les membres d’une même
société ou entre des pays différents étant lui-même variable.
Le fait que les échanges marchands apparaissent légitimes et suffisant pour répondre
à cette attente d’équité et maintenir ou ramener les disparités à un niveau acceptable ou
que, au contraire, d’autres modes de régulation doivent être mis en place pour réduire ou
corriger certains effets du marché sont deux conceptions extrêmes évoquées dans cette
variable.
1b : L’intervention de l’homme sur la nature
La possibilité d’impacts profonds et parfois irréversibles des activités humaines sur la
nature est aujourd’hui évidente. L’homme doit-il continuer dans une vision strictement
anthropocentrique et utilitariste lui conférant tous les droits ou s’imposer des limites plus ou
moins fortes – et dans ce cas sur quelles bases – voire basculer dans une vision
biocentrique le ramenant à un statut d’espèce ordinaire devant réduire au strict minimum son
impact écologique ?
1c : Sensibilité aux risques et gestion des risques
La série des « crises technologiques » de la fin du 20ième siècle a fortement interrogé
notre société sur son attitude face aux risques et aux conséquences à long terme, souvent
imprévues, des innovations.
Ira-t-on vers une société qui déléguera à nouveau à des experts et/ou à des
représentants - selon sans doute de nouvelles modalités - la responsabilité de veiller à la
sécurité des innovations ? Vers des formes d’implication plus directes et permanentes des
citoyens dans l’évaluation et la gestion des risques ? Vers des mobilisations ponctuelles
parfois radicales sur fond d’acceptation globale des innovations ?
1d : Sciences, innovation technique et respect de l’espace privé
Les progrès technologiques font évoluer au quotidien les limites des espaces publics
et privés, soit en contribuant à des intrusions plus ou moins tolérées dans la sphère privée
(échange et inter-connection de fichiers, ciblage d’opérations de marketing,
télésurveillance…) soit en permettant, à l’inverse, une protection et une meilleure gestion
des espaces privés, individuels ou collectifs.
16
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Comment cette dynamique complexe sera-t-elle perçue à l’avenir ? Déclenchera t’elle
un sentiment d’hostilité croissante vis-à-vis de ces innovations, une demande d’encadrement
strict ou ira-t-on vers « l’individu transparent », cette transparence étant tolérée, voire
revendiquée (le phénomène « loft ») ?
1e : Perception de la science et de l’innovation en fonction de l’âge
La perception de l’innovation n’est pas homogène au sein de la société. Parmi les
multiples facteurs modulant cette perception (origine, culture, milieu de vie, métier…), nous
avons investigué plus particulièrement la question de l’âge, du fait de la forte évolution
démographique à venir dans notre société.
Nous nous sommes principalement interrogés sur le rôle respectif du facteur
« génération de naissance » (on conserve en vieillissant la plupart des perceptions et
attitudes de sa génération) et du facteur « âge » (on adopte successivement les attitudes
observées antérieurement chez les personnes d’un âge donné).
1f : Statut social du travail
Longtemps considéré comme une valeur en soit et un élément majeur
d’appartenance et d’intégration à la société, le travail fait aujourd’hui l’objet d’attitudes plus
variées, induites sans doute par l’évolution tant qualitative que quantitative de l’emploi dans
nos sociétés.
Le modèle dominant dans l’avenir sera-t-il plus neutre (une activité nécessaire pour
atteindre d’autres objectifs), voire négatif, le non-travail (ou le travail minimum) étant perçu
comme une réussite ? En quoi cette image du travail et de l’emploi influencera t’elle les
attitudes vis-à-vis des innovations ? (voir également la variable 3b).
1g : Identité et responsabilité
La manière dont l’individu conçoit sa responsabilité et donc son identité au sein d’une
société moderne, complexe et diverse, peut s’envisager selon divers modèles. Les uns vont
considérer que seul s’impose le respect des règles en vigueur (Lois, règlements…) et que
« tout ce qui n’est pas interdit est permis ». D’autres vont revendiquer à l’inverse une librearbitre total, refuser les contraintes réglementaires et affirmer leur capacité à juger de ce qui
est légitime, tant pour eux que pour leurs semblables (« ce n’est pas légal mais c’est
légitime »). Entre ces deux extrêmes se situeront des pratiques à la fois respectueuses des
règles et soucieuses d’exercer une responsabilité plus large vis-à-vis des membres de la
société (ou d’une partie d’entre elle).
COMPOSANTE 2 : CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Cette composante regroupe six variables qui traitent de la façon dont les citoyens
s’approprient globalement la science et la technique, à travers différents médias et
différentes formes d’apprentissage.
2a : Modes d’apprentissage de la science
Deux formes d’apprentissage peuvent être distinguées qui conduisent à des
perceptions ultérieures des sciences relativement différentes. L’une enseigne la science
sous l’angle de ses résultats et des connaissances consolidées qu’elle apporte, l’autre
17
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
présente la science sous l’angle d’une méthode d'approche des problèmes basée sur
l'expérimentation, la formulation d'hypothèses, l'interprétation d'observations, les essais et
les erreurs.
Dans le premier cas, la science est un savoir qui s’apprend et est une composante
d’une « culture de la connaissance ». Dans le second cas la science est une méthode de
compréhension que l’individu pourra appliquer aux nouveaux problèmes qu’il rencontrera et
apparaît davantage comme une dimension d’une « culture de l’action ».
2b : Culture scientifique et progrès
La culture scientifique est perçue d’une part comme une base universelle de
connaissances complexes porteuse de questionnements et de progrès à venir et d’autre
part comme une vision mécaniste du monde porteuse de vérité, niant les autres formes
d’apprentissage et de compréhension de la réalité qui ne peuvent être mises en équation,
pouvant ainsi conduire à des erreurs.
Dans l’avenir la culture scientifique restera-t-elle l’apanage des scientifiques qui seuls
sont en mesure de penser les implications des découvertes ? Sera-t-elle l’objet de
controverses entre chercheurs suivant leurs employeurs et leur éthique personnelle ? Ou la
culture scientifique permettra-t-elle d’éclairer des problématiques de société pour les mettre
en débat sans apporter à elle seule les solutions ou les réponses ?
2c : Accès à la culture scientifique
L’accès au savoir scientifique peut être scolarisé (formation initiale et continue) ou
socialisé via les médias, les voyages, les discussions familiales ou entre amis. Mais outre la
voie d’apprentissage, ce qui est apparu le plus discriminant est « l’ouverture » à différents
publics de l’accès à la culture scientifique. Cet accès peut être une approche ouverte qui lie
le savoir scientifique à d’autres savoirs (histoire, économie…), une approche plus fermée et
conceptuelle dans un but de sélection scolaire ou encore plus restreinte afin de favoriser la
reproduction sociale d’une élite (vocabulaire technique spécifique).
2d : Attractivité des carrières scientifiques
Ces dernières années une désaffection pour les études supérieures scientifiques, en
particulier universitaires, a été observée. Pourtant les cursus d’ingénieur et de technicien
restent plébiscités par les étudiants. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer cette
évolution (manque d’attractivité des carrières de chercheurs ou d’enseignant, crise
idéologique de la science, complexité des études…). Cette tendance à la désaffection pour
les carrières scientifiques et l’attraction pour les carrières techniques se poursuivra-t-elle ?
La désaffection touchera-t-elle aussi les carrières techniques ? Ou, à l’inverse, les carrières
scientifiques et techniques seront-t-elles à nouveau revalorisées par les jeunes ?
2e : Médiatisation de la science et des techniques
La médiatisation de sujets scientifiques et techniques a globalement beaucoup
augmenté ces vingt dernières années, l’audience télévisuelle des émissions « spécialisées »
restant cependant, sauf exception, décevante.
A l’avenir la médiatisation des sujets scientifiques peut faire l’objet d’efforts accrus,
soit en restant dans une optique classique de « vulgarisation » scientifique, c'est-à-dire en
expliquant surtout les techniques et les résultats sans aborder les finalités et les
conséquences sociales, économiques, environnementales…, soit en la complétant via une
18
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
présentation de ces
« contextualisation »).
problématiques
sociétales
(ce
que
nous
appelons
la
Inversement, en fonction de l’intérêt du public, la médiatisation des sujets
scientifiques peut diminuer, soit parce que les personnes intéressées peuvent trouver
l’information sur Internet soit parce que les parasciences sont plus attractives et
spectaculaires.
2f : Acceptation des objets incompréhensibles
Le développement et l’utilisation croissante d’objets technologiques complexes
(même les objets les plus simples en apparence comme camembert ou un pot de yaourth
relèvent aujourd’hui de processus de conception et de fabrication complexes) peut alimenter
tout autant dans l’avenir une dynamique d’acceptation de ces objets « incompréhensibles »,
dans la mesure où ils nous sont utiles au quotidien, mais aussi une dynamique de refus pour
d’autres objets ou techniques, dès lors qu’ils conduisent à des dysfonctionnements ou à des
risques nouveaux et imprévus.
COMPOSANTE 3 : SOCIETE INNOVANTE
Comme nous l’avons indiqué dans les principes généraux, la société ne doit pas être
perçue seulement comme utilisatrice d’innovations générées de manière exogène. Elle peut
également jouer un rôle actif dans l’initiation ou l’orientation du processus d’innovation, en
s’impliquant dans les débats sur de grands choix technologiques ou en exprimant ses
attentes vis-à-vis des innovations qu’elle souhaite voir se développer. Elle peut également
exprimer un certain nombre de réticences relatives à des conséquences insuffisamment
maîtrisées du processus d’innovation.
Ces questions ont été examinées à partir de cinq variables pertinentes :
3a : crise et défense.
Par rapport aux attentes de la société en termes de sécurité, l’Europe s’investira t’elle
dans une politique de sécurité basée sur une avance technologique dissuasive ou délaissera
t’elle – en la considérant inefficace - cette option, qui resterait l’apanage des USA ? Outre la
sécurité liée aux relations internationales, d’autres aspects de la sécurité (sanitaire,
environnementale) peuvent être considérées selon la même analyse : la technologie
apparaîtra t’elle comme une solution crédible à ces interrogations ou sera-t-elle peu
mobilisée par rapport à ces enjeux ?
3b : perception des impacts sociaux.
La relation entre innovation et emploi est perçue aujourd’hui de manière ambiguë.
Quelle vision prévaudra dans l’avenir ? Le pessimisme (l’innovation destructrice d’emploi)
gagnera t’il l’ensemble des innovations ou certains secteurs - voire l’ensemble des
innovations - bénéficieront-ils d’une vision plus positive ?
3c : régulation de l’innovation.
L’interaction entre acteurs politiques, économiques et sociaux est au cœur de cette
variable. Ira t’on vers une régulation essentiellement « marchande », basée sur une relation
entre opérateurs économiques et consommateurs, vers une régulation « démocratique »,
19
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
centrée sur une implication forte des acteurs politiques animant des débats avec la société
civile ou vers une gouvernance participative, impliquant notamment des interactions directes
entre citoyens et entreprises, plus ou moins régulées par les pouvoirs publics ?
3d : justice et responsabilité.
La question de la responsabilité vis-à-vis de conséquences négatives imprévues et
souvent différées de l’innovation, en particulier le « risque de développement », est
fréquemment évoquée par les citoyens comme un problème aujourd’hui mal résolu. Une
solution plus claire et plus satisfaisante, basée soit sur une prise en charge publique, soit sur
une prise en charge par les innovateurs, sera-t-elle mise en place ou restera t’on à un
traitement judiciaire au cas par cas, avec des issues incertaines ?
3e : apport des sciences au développement des services.
Cette variable s’appuie sur le constat que le dispositif de recherche publique est
actuellement plus orienté vers l’innovation portant sur de grands objets technologiques,
développés surtout par de grandes entreprises, que vers l’innovation dans les services,
portant sur des méthodes, des procédés, des associations originales d’innovations, que des
PME seraient aptes à prendre en charge. Une réorientation s’opérera t’elle dans ce domaine
de la part de la recherche publique, avec en particulier un investissement important dans les
sciences sociales, ou verra t’on de grands groupes privés investir dans ce type de R&D ?
COMPOSANTE 4 : RECHERCHE INNOVANTE
Nous avons regroupé dans cette composante sept variables orientant l’activité
scientifique, tant dans ses objectifs prioritaires que dans sa dynamique, avec un accent
particulier sur le rôle des différents opérateurs (recherches publiques et privées) et
« ordonnateurs » de la recherche (Etat, collectivités locales, Europe).
Ces variables présentent des aspects liés à l’attitude de la société, et c’est pourquoi
nous les avons retenues, mais ont vocation à être reprises et analysées plus en profondeur
par les groupes défi « excellence scientifique et technologique » et « compétitivité par la
recherche et l’innovation ».
4a : Imbrication des niveaux de pouvoir en matière de recherche
La France est dominée depuis longtemps par un modèle politique et administratif
centralisé. Pourtant, les collectivités locales et les régions ont acquis progressivement un
pouvoir de décision plus important et l’échelle européenne semble désormais la plus
pertinente quand il s’agit de restructurer des secteurs industriels ou de créer des réseaux
d’excellence de recherche scientifique.
On peut s’interroger si, à un horizon de 15 ans, l’Etat restera l’acteur public fort en
matière d’orientation et de financement de la recherche ou si l’Europe et les collectivités
locales et régionales s’affirmeront comme des acteurs incontournables. Pour construire
quatre hypothèses, cette dimension du poids relatif des acteurs publics sur l’orientation de la
recherche a été croisée avec une seconde dimension de coopération ou non de ces
différents niveaux de gestion publique.
20
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
4b : R&D et innovation ; place du secteur privé en Europe
Depuis 30 ans, la contribution de l’industrie au financement de la R&D croît
régulièrement en France comme dans les autres pays riches. Cependant les grands groupes
privés sont multinationaux et peuvent choisir le territoire où ils veulent investir dans un centre
de recherche. La R&D privée peut devenir majoritairement nomade et internationale, choisir
l’Europe pour ses centres d’excellence et la diversité de ses marchés ou, parmi les
destinations européennes, privilégier la France si ce pays parvient à renforcer son attractivité
(structures de coordination de recherche public-privé efficace, environnement fiscal
adapté…).
4c : Politiques de propriété intellectuelle
Le dépôt de brevet a fortement augmenté depuis 20 ans de part et d’autre de
l’Atlantique. Pourtant les critères de ce qui est brevetable ou non diffèrent selon les pays et
un modèle homogénéisé de brevet communautaire par rapport aux brevets nationaux des
pays européens n’existe pas. A l’avenir, assistera-t-on à une poursuite des décalages
nationaux dans la politique de dépôt de brevet, à l’émergence d’un brevet européen
homogène ou à l’accord sur un modèle de brevet mondial pour lequel tout est brevetable et
dont les règles sont fixées par l’OMC ?
4d : Légitimité des recherches publiques et privées
Cette variable traite essentiellement de la vocation de la recherche en particulier la
recherche publique. Nul ne conteste la légitimité de la recherche privée pour l’innovation au
profit de l’entreprise, mais, en ce qui concerne la recherche publique, quelle doit être sa
vocation ? La recherche publique doit elle servir l’innovation industrielle ou de service
produite sur le territoire national (donc avec une action particulière vis-à vis des PME), doit
elle nourrir la croissance économique globale en renforçant ses collaborations avec les
grands groupes mondialisés ou/et doit elle se recentrer sur l’expertise des impacts de
l’innovation et la recherche pour la gestion des biens publics (santé, environnement…) nonmarchands ?
4e : Rôle social des savants
L’image du savant, chercheur scientifique, travaillant pour le bien de l’humanité et
expert pour les pouvoirs publics est aujourd’hui plus floue, dès lors que des conséquences
néfastes des applications de la recherche sont dénoncées et qu’est également préconisée et
mise en place une plus grande collaboration et interpénétration entre recherche publique et
privée. En parallèle des savants s’expriment personnellement sur des débats de société en
rapport à la science et peuvent émettre des opinions contradictoires au non de la « même »
science. Pour la société de demain, le rôle du savant sera-t-il d’être avant tout le garant du
bien public et non marchand, de s’intégrer davantage à la sphère marchande ou la
communauté de chercheurs publics sera-t-elle divisée entre ces deux pôles ?
4f : Mobilité internationale des chercheurs
L’attractivité du territoire pour les chercheurs autochtones ou les chercheurs
étrangers est une variable de premier ordre pour l’avenir de la recherche car la matière
première d’une telle activité est humaine. Observera-t-on une poursuite de la tendance
actuelle de mobilité limitée des chercheurs étrangers vers la France et de retour des
chercheurs français partis à l’étranger ? Une réussite de l’Espace Européen de la Recherche
21
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
permettant un accroissement de la mobilité des chercheurs au sein de l’Europe et attirant les
chercheurs extra communautaires ? Une intégration de la politique de mobilité des
chercheurs aux priorités de la coopération internationale française ? Ou une expatriation des
chercheurs vers les centres de recherches des grandes entreprises délocalisés dans
d’autres régions mondiales ?
4g : Mobilité des personnels dans le SFRI
En complément de la mobilité géographique, la mobilité des scientifiques au sein des
métiers, des fonctions et des organisations de recherche publiques et privées est un facteur
important de la diffusion des idées et réussite des projets. Sans changements, la mobilité
restera limitée mais avec des changements, en particulier dans les procédures de
recrutement et d’avancement du secteur public pour accroître la mobilité public-privé dans
les deux sens, la circulation des hommes au sein du SFRI pourrait s’accroître.
22
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
III. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 1 :
« VALEURS ET REPRESENTATIONS »
METHODE
Les valeurs et représentations que chacun porte en lui déterminent les aspirations,
les comportements et leurs évolutions : le système de RDI est en interaction avec elles.
Pour dégager ces valeurs et représentations à prendre en compte pour une stratégie
concertée de recherche et d’innovation, on a repéré sept variables pertinentes :
-
1a : le progrès et l’équité ;
-
1b :l’image de la nature ;
-
1c : la sensibilité aux risques ;
-
1d : l’idée que l’on se fait de l’espace privé ;
-
1e : la perception de la science et de l’innovation ;
-
1f : l’image du travail ;
-
1g : l’individu dans l’exercice de ses responsabilités.
Pour chacune de ces variables, on a définit deux à quatre hypothèses pour leur
évolution possible (voir tableau). Ces variables et ces hypothèses permettent de construire
des scénarios, qui associent un jeu donné d’hypothèses et représentent une première
tentative de formulation synthétique des possibles des valeurs et représentations de la
société.
Nota. On aurait pu ajouter comme variables les représentations de la santé, de la
maladie et de la mort, qui influencent grandement les innovations organisationnelles ou
technologiques du système de protection sociale, ainsi que celles de l’argent, celui que l’on a
et celui que l’on gagne, représentations qui sont en relation avec des fondements culturels,
philosophiques et même religieux très profonds et très actifs du comportement de chacun, et
qui parfois distinguent les français par rapport à d’autres pays. Ces deux variables
supplémentaires pourront être introduites dans les commentaires des scénarios.
23
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Tableau des variables et hypothèses
pour la composante «valeurs et représentations »
H1
A1 : logique
marchande
B1 : sacralisation de la
b. Intervention de
l’homme sur la nature nature/ « deep
ecology »
C1 : une société
c. Sensibilité et
confiante mais réactive
gestion sociale des
risques
D1 : Refus de
d. Sciences,
l’intrusion dans
innovations
techniques et respect l’espace privé :
protection individuelle
de l’espace privé
et replis identitaires.
a. Progrès et équité
e. Perception de la
science et de
l’innovation en
fonction des âges de
la vie
f. Image du travail
g. Identité et
responsabilité
H2
A2 : développement
éthique
B2 : la nature en kit :
tout ce qui est possible
est permis
C2 : l’implication
citoyenne
D2 : Acceptation de
l’intrusion dans
l’espace privé : « Loft »
pour les uns, un
monde « sauvage »
pour les autres
E1 : augmentation du E2 : une société
scepticisme. Prudence fracturée (optimistes
critique
minoritaires)
F1 : le facteur de
socialisation
H3
B3 : le jardin irrigué :
primauté de l’espèce
humaine
C3 : gestion déléguée
aux experts
D3 : protections
collectives légales
E3 : optimistes
majoritaires
F2 : une contrainte
dont il faut se libérer
G1 : je pense à partir
de moi-même
F3 : le modèle
consultant
indépendant
G2 : une responsabilité G3 : j’applique les
encadrée par la
règles. légitime = légal
procédure
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS
Parmi les nombreux scénarios possibles, le groupe en a produit cinq (la suite du
travail pourra en proposer d’autres). Les titres sont des titres de travail pour faciliter la
discussion. Deux sont considérés comme des scénarios moyens ou tendanciels, qui sont
proches mais se distinguent par le degré d’implication des citoyens dans la vie publique :
-
le scénario « Cahin-Caha » ;
-
le scénario « Libre échange, travail, compétence ».
Les deux autres sont des scénarios plus extrêmes et opposés, pouvant être suscités
par de nouveaux dysfonctionnements du SFRI :
-
le scénario « La mobilisation citoyenne » ;
-
le scénario « Le consommateur individualiste ».
Enfin, un scénario proposant une société divisée entre ces deux extrêmes (dit
« scénario Cancon-Cancun ») a été défini.
24
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Scénario « Cahin-Caha »
(A1 ; B3 ; C3 ; D3 ; E2 ; F1 ; G2)
Ce scénario exprime les forces contraires qui agitent nos sociétés. Fortement dominé
par la logique marchande et le capitalisme, on y observe néanmoins des actions de
régulation collective. C’est un scénario qui tient compte de notre culture européenne, qui
développe les valeurs de concertation et revendique une régulation sociale des marchés.
A1 : La logique marchande est prépondérante, avec mise en concurrence des acteurs, est
dominante. Les acteurs mobilisés par les questions éthiques et l’économie solidaire sont
minoritaires.
B3 : L’intervention sur la nature fait l’objet de précaution. Sans que ce soit une notion très
claire, les citoyens perçoivent qu’il s’agit de ressources rares et qu’il vaut mieux ne pas jouer
aux apprentis sorciers. Ils n’ont plus totalement confiance dans la capacité de la science à
être porteur du progrès. Le principe de précaution est largement évoqué, les approches
coûts/bénéfices des innovations revendiquées.
C3 : Alors que l’essentiel des citoyens vaque à ses occupations de survie ou de plaisir, la
gestion des risques est largement déléguée à des experts : experts scientifiques, juristes
mais aussi experts issus de la société civile. Associations de malades, associations de
défense de l’environnement, associations de consommateurs, syndicats, associations de
parents, de familles etc… gênèrent en effet une expertise ciblée qui s’exprime tant auprès
des autorités que de l’opinion publique.
D3 : Dans un système démocratique l’existence de minorités agissantes porteuses soit de
valeurs éthiques, soit exigeantes sur le plan de la précaution, se traduit par la mise en place
de lois et règlements qui protégent la nature, mais aussi les données personnelles. Les
décideurs interviennent principalement à l’issue de crises qui frappent l’opinion.
E2 : On est dans une société complexe ou les inégalités d’information et d ‘éducation
restent fortes. De plus toutes les opinions ont droit de cité. Il n’y a pas de consensus sur ce
qu’il y a lieu de faire. Les crispations ne sont pas générationnelles mais varient sous
l’influence des médias qui jouent sur l’émotion et participent largement à forger l’opinion.
F1 : Le travail reste une valeur sûre. Elle est garant de l’argent dont chacun a besoin
(toujours plus) comme facteur d’intégration sociale. Les laborieux ont de beaux jours devant
eux.
G2 : Confronté à une société difficile où les « maîtres » ne sont pas exempts de critiques,
l’individu est largement privilégié. Pour parvenir à lui assurer un meilleur destin, on est prêt à
se protéger dans le groupe ou la tribu, voire à défendre des lois et des règlements, tout cela
au prix de contradictions le cas échéant.
Scénario « libre échange, travail, compétence »
(A1 ; B2 ; C3 ; D2 ; E3 ; F1 ; G3)
Il s’agit ici de décrire un scénario contrasté, que l’on peut appeler, par ses valeurs
« libre échange, travail et compétence », ou par ses effets « le bastion sophistiqué ».
Dans ce scénario on a retenu un certain nombre de valeurs et de représentations qui
dominent le fonctionnement de la société, qu’il s’agisse des personnes en tant qu’individus
consommateurs ou citoyens, des entreprises ou des collectivités publiques.
A1 : Le progrès est le résultat à la fois d’une logique marchande, avec la capacité
d’échanger les biens et services d’un bout à l’autre du monde, d’une avancée des
technologies, et d’une réalisation personnelle à travers le travail, en tant que salarié ou
25
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
entrepreneur. Dans ce scénario, les inégalités sont acceptées, entre les pays N et S, ou à
l’intérieur d’un pays. Mais c’est parce que l’on pense que le progrès, avec plus d’échange et
de technologie va donner à chacun la possibilité de suivre un chemin ascendant.
B2 : La nature est une ressource, ce n’est ni une contrainte, ni un état idéalisé. Au
cas ou son exploitation deviendrait problématique, la technologie est perçue comme capable
de corriger les effets indésirables. Ainsi la pollution urbaine est supposée être corrigée par
l’amélioration des voitures (réduction des émissions mais aussi développement de la
fonction « masque à gaz » des véhicules avec des filtres efficaces et la climatisation). Au
pire, si cela ne suffit pas, on pourra se déplacer pour vivre ailleurs.
C3 : La gestion des risques sur la santé et l’environnement est déléguée aux experts,
en lesquels on a confiance, à condition qu’ils aient les diplômes nécessaires, et qu’ils soient
garantis par l’adhésion à un système qualité.
D2 : La protection de l’individu se fait à travers un groupe, la famille d’abord et le
groupe « culturel » ensuite. L’individu se caractérise par ses appartenances et par ses
convictions, souvent celles de son groupe.
E3 : La compétence de l’expert est reconnue, mais on se méfie de l’esprit de doute,
de la pluralité des positions qu’introduit la recherche, et donc de destruction des convictions
acquises : les ingénieurs et les techniciens sont plus appréciés que les chercheurs. La
recherche technologique, stimulée par les besoins de défense, est privilégiée. La vie des
membres du groupe a une très grande valeur et c’est la technologie qui garantit la santé : la
naissance est un succès de la médecine, la mort un échec, ce ne sont plus des actes
naturels. On corrige les effets négatifs constatés, comme dans le domaine de
l’environnement : la précaution a peu de place face à la force du progrès par l’innovation et
les échanges marchands.
F1 : Le travail demeure une valeur forte. Gagner de l’argent est une valeur positive,
qui donne la position dans le groupe. En avoir est moins bien perçu. Gagner de l’argent
permet de consommer, ce qui contribue à l’économie et au progrès des autres travailleurs
producteurs : l’échange marchand est l’acte à travers on reconnaît leur existence.
Le scénario est-t-il stable, ou reproductible ? Les limites du scénario semblent être
dans les inégalités induites, dans la dépendance vis à vis de l’extérieur, et dans sa faible
capacité créative.
Les inégalités sont sources de tensions et d’insécurité : il faut s’en protéger, créer des
cloisons, avec la constitution de bastions, ou même de bunkers, de taille plus ou moins
grande, et mobilisant la technologie pour leur protection. Ces bastions sont une réponse
efficace à l’insécurité extérieure, et sont compatibles avec l’existence de larges zones de non
droit.
Mais il a besoin des ressources en dehors des bastions (ressources énergétiques,
ressources minérales, force de travail, localisation d’activités à risques aussi, et retour des
capitaux amassés par les pays où le bastion achète ses ressources). Leur richesse, la
rémunération du travail, et leurs facilités de vie attirent les migrants issus de l’extérieur, où le
fonctionnement des sociétés et l’état de l’environnement sont dégradés.
Le modèle sous tendu par ce scénario, même s’il peut le prétendre, n’arrive pas à
être universel à cause des inégalités engendrées et des cloisons créées. Peut-il être créatif
au sens social et politique ?
La capacité de la société dans ce scénario à se reproduire sera conditionnée par sa
capacité à réintégrer les différentes formes de marginalité créatrice, et à élargir les limites
des bastions, pour réduire la contestation extérieure. Il pourra alors espérer gagner quelques
galons de modèle universel...
26
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Scénario « La mobilisation citoyenne »
(A2 ; B3 ; C2 ; D3 ; E1 ; F1/F2 ; G2)
Des crises liées au changement climatique (canicules catastrophiques dans les pays
développés, inondations dans les PED…) ou à des dérives dans l’intervention sur le vivant
(clonage « expérimental » pratiqué sur l’homme, mise en carte génétique des individus) ont
discrédité les politiques et ébranlé encore davantage la confiance dans les experts. Ces
crises d’échelle globale sont amplifiées par les échecs répétés de la mise en place par les
états de règles de fonctionnement mondial, alors qu’on observe la montée en puissance des
ONG et l’audience croissante de PED qui, mieux coordonnés, s’imposent comme des
interlocuteurs de poids dans les négociations internationales. Le progrès des uns ne doit être
le recul des autres, non seulement pour des raisons d’équité, mais également pour des
motifs d’efficacité et de durabilité. Les intérêts collectifs et intergénérationnels de l’humanité
passent au premier plan (A2).
B3 : L’idée d’une nature finie, dont les ressources doivent être gérées de façon
globale et responsable, progresse et une nouvelle conception des limites de l’intervention
humaine dans le domaine des sciences et technologies chemine dans les consciences. Les
OGM sur végétaux sont acceptés, sous réserve d’un suivi d’impact sur la santé et
l’environnement. Les médicaments issus du génie génétique ont effectué leur percée. Mais
le clonage humain est interdit par la loi.
C2 : Les associations de citoyens se multiplient, se fédèrent, accèdent à une
meilleure visibilité en s’engageant politiquement et promeuvent un large débat sur la notion
de développement dans nos sociétés. A la suite des crises, sont mises en place des
structures de contre-expertise qu’un lobbying actif parvient à installer dans le paysage
institutionnel. Les associations jouent un rôle considérable dans la formation des citoyens
que leur niveau d’information et de conscience des enjeux rend légitimes à participer aux
choix scientifiques. Des orientations sont notamment fixées en faveur de la santé et du
développement durable.
D3 : Face à des innovations qui tendent à subordonner les choix individuels à des
choix de société au nom de la sécurité collective ou de la rationalité économique, la société
travaille à la mise en place d’instruments de protection des personnes. La loi est sollicitée
pour établir et garantir les biens non marchands et tracer une frontière, qui est à redéfinir en
permanence, entre la sphère individuelle et la sphère collective.
E1 : Si les avancées des sciences et techniques sont considérables, la croyance au
progrès a définitivement disparu. Hormis les quadragénaires technophiles férus
d’innovations, la société dans son ensemble demeure vigilante. Les générations du papy
boom entrées dans la catégorie nombreuse des seniors et les plus jeunes se rejoignent dans
l’exigence de débat et de concertation participative sur les orientations scientifiques.
F1/F2 : Le regard porté sur le travail évolue : si pour les plus âgés, il reste encore un
facteur de socialisation, il est souvent perçu comme une contrainte par les plus jeunes qui
sont arrivés sur le marché en période de récession, ont été confrontés au chômage et vivent,
nollens volens, un nomadisme professionnel qui devient une culture.
G2 : Une société bousculée par les crises, contrastée dans ses représentations,
traversée de tensions sociales mais qui trouve un terrain d’entente dans la revendication de
sa responsabilité, son refus de déléguer son pouvoir de décision à des instances qu’elle ne
pourrait contrôler que de loin en loin et sa volonté de participer au mouvement de la science
et de l’innovation, non plus seulement en se prononçant sur l’acceptabilité des innovations
ex-post mais associée à l’amont du processus.
27
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Scénario « Le consommateur individualiste »
(A1 ; B2 ; C1 ; D1 ; E1 ; F3 ; G1)
Orientation générale :
Ce scénario propose une vision d’une société de type marchande, avec une faible
implication des individus dans les actions collectives structurées et un certain scepticisme
vis-à-vis des valeurs traditionnelles (valeur du travail, rôle positif de la science pour le
progrès). Les innovations sont jugées de manière pragmatique et individuelle, sans a priori
positif. Les risques avérés ou pressentis conduisent à des réactions de mobilisation
ponctuelle et souvent locale (de type Nimby) mais qui peuvent être fortes (sur le modèle des
antennes près des écoles).
Comme le précédent, ce scénario est considéré comme une évolution possible des
scénarios tendanciels, sous l’effet de nouvelles crises des institutions discréditant leur
aptitude à gérer les enjeux collectifs.
Hypothèses retenues :
Ce scénario combine les hypothèses suivantes :
A1 : peu d’intérêt pour les questions liées à l’équité et au développement inégal. La
régulation par le marché est considérée comme suffisante.
B2 : Conception utilitariste de l’usage de la nature et de ses ressources. Pas de
limites éthiques fortes du droit d’intervention sur la nature si l’application qui en résulte est
perçue comme souhaitable.
C1 : La crédibilité des experts est faible mais n’induit pas une volonté d’implication
pérenne dans la gestion collective des risques. On a par contre une forte capacité de
réaction sur des sujets touchant directement l’individu et sa « tribu », avec une faible
sensibilité aux enjeux collectifs.
D1 : Développement de formes de protection individuelles des « espaces privés »
(utilisant éventuellement la technologie) et faible revendication pour des prises en compte
plus collective des problèmes (du type « Loi informatique et Libertés »).
E1 : Les attitudes sceptiques vis-à-vis de la science et de sa contribution au progrès
se généralisent. Les applications qui en découlent sont regardés comme pouvant être mal
contrôlées par les innovateurs et l’individu demande à se faire sa propre opinion.
F3 : Le travail n’est pas considéré comme une valeur mais comme un outil au service
d’autres projets. Le modèle de l’opérateur indépendant (consultant, PME) est préféré à des
formes plus collectives de travail.
G1 : L’individu revendique son autonomie individuelle et sa capacité à juger de ce
qu’il doit faire, y compris vis-à-vis des règles existantes. Refus des contraintes et des
règlements.
Conséquences pour l’innovation :
Dans ce miniscénario, la société se positionne en aval du processus d’innovation et
n’interfère donc pas avec lui. Elle est disposée à « consommer des innovations » dont elle
percevra l’intérêt mais n’est pas « technophile » et est prête à réagir brutalement en cas de
problèmes. Elle est peu sensible, voire hostile, à des innovations présentées comme
d’intérêt collectif mais sans retombées individuelles ou à retombées individuelles
potentiellement négatives pour certains (OGM, nucléaire, voire vaccins). Elle est également
28
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
indifférente à l’origine des innovations et considère le SFRI comme un opérateur parmi
d’autres, ne nécessitant pas de soutien particulier et jugé à travers ses produits.
Scénario « Cancon / Cancun »
(A1/A2 ; B1/B2/B3 ; C2/C3 ; D1/D2 ; E2 ; F2 ; G1)
Dans ce scénario de « fracture », la société française est, en 2020, divisée entre
deux grands mouvement d’opinion qui relèvent d’une éthique différente : soit la
prédominance des choix individuels ou des groupes de personnes concernés, soit la
prédominance de choix globaux, notamment dans le domaine de la protection de la nature.
Certains Français considèrent que l’innovation doit être « libéralisée » au maximum.
Ils estiment que les innovations les plus controversées soit relèvent de choix privés soit
d’accord contractuel avec les entreprises concernées qui doivent présenter les bilans coûts –
bénéfice des innovations et s’ engager le cas échéant à réparer les dommages causés qui
n’ont pas été appréhendés au départ : dès lors que l’innovation apporte quelque chose à
l’homme, tout est permis, y compris une utilisation en kit de la nature (B2) et si l’innovation
est développée dans la sphère privée, la collectivité et notamment les pouvoirs publics n’ont
pas à intervenir sinon pour fixer les règles de consultation (A1).
D’autres Français considèrent au contraire que l’innovation doit être « encadrée » au
maximum (A2). Ces Français agissent dans une logique de protection de la nature et de ses
ressources : pour eux, la nature est sacrée (B1) ou du moins doit faire de précautions fortes
limitant le champ des activités humaines (B3). Ils tendent également à refuser fermement
toute innovation technique qui marque une intrusion dans l’espace privé (D1).
Ces deux groupes ont en commun la méfiance vis-à-vis des régulations collectives et
s’estiment en mesure de juger du bien fondé des innovations eux-mêmes (G1), ils
s’opposent au travers d’experts convaincus de l’une ou l’autre des deux causes (C3) avec
parfois des implications plus directes dans le débat (C2).
L’innovation reste valorisée par les deux groupes dans la mesure où elle permet de
se libérer un peu plus de la contrainte du travail par l’automatisation et la robotisation (F2).
La dynamique de l’innovation est indispensable pour accroître les richesses, la productivité
du travail et l’accroissement du temps libre. Mais pour les uns l’innovation ne doit
absolument pas être bridée, pour les autres l’innovation « libre » doit se restreindre à la
production de biens et de services, ce qui touche à l’espace privé et à la nature doit être
strictement réglementé (la santé, la liberté et la Terre ne sont pas des marchandises).
29
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
30
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
IV. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 2 :
« LE DEFI DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE »
METHODE
La culture scientifique, par sa représentation sociale et ses modes d’acquisition,
détermine à la fois l’attrait pour la recherche scientifique et la capacité de la société à
comprendre les innovations scientifiques et techniques.
Pour dégager les aspects de la culture scientifique à prendre en compte pour une
stratégie concertée de recherche et d’innovation, six variables pertinentes ont été
déterminées :
-
2a : Modes d’apprentissage
-
2b : Définition des cultures scientifiques
-
2c : Les voies d’accès à la culture et au savoir scientifique
-
2d : Attractivité des carrières scientifiques
-
2e : Médiatisation de la science et des scientifiques
-
2f : Acceptation des objets incompréhensibles
Pour chacune de ces variables, on a définit deux à quatre hypothèses pour leur
évolution possible (voir tableau). Ces variables et ces hypothèses permettent de construire
des scénarios, qui associent un jeu donné d’hypothèses et représentent une première
tentative de formulation synthétique des possibles du fonctionnement éducatif et culturel visà-vis des sciences et techniques qui conditionne l’intérêt pour les sciences et technique.
31
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Tableau des Variables et hypothèses pour la composante
«défi de la culture scientifique »
a. Modes d'apprentissage A1 : un savoir qui
s’apprend
A2 : Un savoir
approprié et utilisé
b. Définitions des
cultures scientifiques
B1 Rapprochement
science-société.
Science porteuse de
doutes.
B2 Fossé entre
sciences et société.
Science = vérité
B3 La CST passe
aux mains de
groupes de pression
c. Les voies d’accès à la
culture et au savoir
scientifique
C1 : savoir partagé :
scolaire, parascolaire
et postscolaire
C2 : un système
scolaire élitiste et
républicain
C3 "Les héritiers"
reproduction sociale
d. Attractivité des
carrières scientifiques
D1 désaffection pour
les sciences attrait
pour les techniques
D2 désaffection pour
les sciences et
techniques
D3 revalorisation et
engouement pour les
carrières
scientifiques
e. Médiatisation de la
science et des
scientifiques
E1 médiatisation
croissante au travers
des problématiques
de société
E2 médiatisation
croissante pour
comprendre
"vulgarisation
scientifique"
E3 Moindre
médiatisation.
Compensation par
Internet pour la
demande spécifique
f. Acceptation des objets
« incompréhensibles »
F1 familiarisation
E4 moindre
médiatisation
accroissement de
l'intérêt pour les
parasciences
F2 dénonciation
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS
Parmi les nombreux scénarios possibles, le groupe en a produit quatre. Les titres
sont des titres de travail pour faciliter la discussion. Deux sont considérés comme des
scénarios moyens ou tendanciels, qui sont proches mais se distinguent par le degré
d’implication des citoyens dans la vie publique :
-
le scénario « Une élite de clercs » ;
-
le scénario « L’innovation controversée ».
Les deux autres sont des scénarios plus extrêmes et opposés :
-
le scénario « La science humaniste » ;
-
le scénario « La science multinationalisée ».
Scénario « Une élite de clercs »
(A1 ; B2 ; C2 ; D2 ; E4 ; F1)
Ce scénario tendanciel porte une vision de la science devenue un domaine
d’abstraction et de sélection conjuguée à une dynamique de l’emploi pour laquelle les
connaissances scientifiques ne sont plus une nécessité prioritaire pour les emplois les plus
32
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
qualifiés. L’enseignement du savoir-faire technique est le cœur de la formation
professionnelle pour les cycles courts et les métiers considérés comme moins qualifiés.
Le savoir scientifique est le mode de sélection d’un système scolaire égalitaire mais
élitiste. A cette fin l’enseignement scientifique relève de la capacité à assimiler et à
manipuler des concepts non reliés à la réalité, par l’intermédiaire des mathématiques en
particulier. Ce savoir ne peut que s’apprendre par les concepts et la théorie.
La science devient le domaine de plus en plus réservé de spécialistes, certes
respectés et porteurs de « la vérité scientifique », mais de moins en moins nombreux. Les
carrières scientifiques, bien que très respectées, n’attirent plus les jeunes, même quand ils
ont été formés dans ces domaines, car elles ne mènent plus à un nombre d’emplois
important et rémunérateur comme les métiers de manager par exemple. Les métiers
techniques sont plus nombreux mais conduisent essentiellement à des emplois d’exécution.
Les formations d’ingénieur allient formation au savoir scientifique de base, de manager et de
gestion avec une culture technique relativement sommaire.
Les médias parlent assez peu de sciences et techniques, encore moins de
recherche. Les tentatives pour y intéresser le grand public ne sont pas parvenues à être
attractives, d’autant que certaines ont été remises en cause par leurs erreurs. Des sujets
plus sensationnels sur les para sciences font davantage recette. Il devient de plus en plus
difficile pour le profane de discerner sciences et para sciences d’autant que certains
scientifiques de renom apportent leur crédit à certaines émissions para scientifiques. Les
objets complexes et incompréhensibles sont acceptés sans questionnement.
Ce scénario est vulnérable aux pannes et aux limites non prévues des applications
techniques car on y comprend très peu les objets techniques. L’innovation scientifique et
technique est pilotée par l’élite et tend donc à se concentrer sur de grands programmes
ayant peu d’impact visible sur la société et la vie quotidienne donc de peu d’intérêt pour les
PME.
Scénario « L’innovation controversée »
(A2 ; B1/3 ; C1 ; D3 ; E1 ; F2)
L’idée générale qui sous-tend ce scénario est celle d’une dynamique qui voit la
science et l’innovation portées sur le devant de la scène, non seulement par un débat
« citoyen » mais également sous la pression de groupes et d’intérêts divers.
La valorisation sociale de l’innovation a conduit à un apprentissage plus vivant, par
l’expérience et l’observation en complément de la conceptualisation, des sciences et des
outils techniques. La médiatisation croissante de sujets scientifiques au travers des
problématiques de la société favorise une culture du savoir scientifique ouverte,
pluridisciplinaire et mise à jour tout au long de la vie. Le niveau de connaissance général
s’étant élevé, l’innovation rendue possible par des progrès scientifiques et techniques est le
cadre de débats intenses où interviennent des groupes de pression très divers :
économiques, professionnels ou syndicaux, idéologiques voire religieux, politiques,
associatifs et tout simplement de débat citoyen. Les groupes de pression mettent en valeur
leurs experts ou leurs sages. Cette situation s’accommode d’une domination de certains de
ces groupes de pression sur certains aspects du savoir scientifique, domination cependant
contestée de façon permanente et forte. Dans ces conditions on constate un regain d’intérêt
(critique) pour la science. Les entreprises innovantes cherchent à attirer ingénieurs et
chercheurs pour maîtriser une continuité entre le potentiel fonctionnel de nouveaux savoirs
scientifiques et la concrétisation technique. L’apparition de vedettes médiatiques engendrées
par l’actualité des débats contribue également à développer l’engouement pour les carrières
scientifiques et leur revalorisation.
33
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Enfin placés face à des enjeux dont on leur démontre ou fait sentir largement
l’importance globale, ou soucieux de comprendre où est leur intérêt individuel ou de groupe,
des personnes en nombre croissant refusent d’accepter certaines innovations sans
comprendre les enjeux et les risques. On est donc face à une logique plus critique et plus
dénonciatrice des objets incompréhensibles, que d’appropriation utilitariste de ces derniers.
Ce scénario est un scénario de développement conflictuel mais réel de l’innovation et
de la culture scientifique. Il peut constituer une transition entre les scénarios « la science
multinationalisée » voire « Une élite de clercs » et le scénario « la science humaniste »,
mais il peut aussi déboucher sur le scénario « la science multinationalisée » si un ou des
groupes de pression l’emportent clairement. Par contre il peut difficilement aboutir au
scénario « Une élite de clercs ». Et l’on peut se demander s’il n’est pas l’un des scénarios les
plus stables.
Scénario « La science humaniste »
(A2 ; B1 ; C1 ; D3 ; E1 ; F1)
Ce scénario de rupture correspond à une évolution profonde de la culture scientifique
et de l’implication des scientifiques eux-mêmes sur des problématiques pluridisciplinaires.
Dans ce scénario la culture scientifique est totalement intégrée à la culture générale
acquise à minima par tous. Pour cela l’expérience, l’observation et l’histoire sont devenus un
mode d’apprentissage complémentaire de la conceptualisation. L’apprentissage scientifique
est de plus en plus pluridisciplinaire et la différence sciences « dures » ou physiques et
sciences « humaines » perd peu à peu son sens. Les sciences et l’histoire des techniques
sont donc revalorisées dans la société comme premier front d’une connaissance non
cloisonnée et utile dans tous les domaines de la vie économique et sociale.
Les carrières scientifiques sont très valorisées d’autant que leur définition est
beaucoup plus large que par le passé (les responsables de ressources humaines peuvent
être des scientifiques) et qu’elles apportent la rigueur nécessaire à des critiques ou des
propositions fondées sur le doute ou l’expérience. De même l’apprentissage des techniques
recouvre autant la connaissance du fonctionnement technologique que des modes de
raisonnement ou d’assemblage d’idées ou d’objets. La formation permanente et les médias
contribuent à mettre à la disposition de chacun des savoirs scientifiques « à jour » au travers
des problématiques de la société. En effet, l’analyse des problèmes de société permet
d’éclairer la compréhension du monde physique et des techniques en y associant les
problématiques économiques et sociales.
Il y a une méfiance ou un questionnement vis-à-vis des objets complexes et
« incompréhensibles » mais une plus grande capacité à les comprendre donc à les accepter
une fois que leurs avantages et leurs risques aient été débattus.
Dans ce scénario, la position sociale et la crédibilité des scientifiques et des
techniciens viennent de leurs interactions avec la société. La culture scientifique et technique
par sa définition plus large et sa plus grande diffusion permet le développement de petites et
moyennes entreprises innovantes.
Scénario « La science multinationalisée »
(A1 ; B3 ; C3 ; D1 ; E2 ; F2)
Dans ce scénario, il y a rupture entre sciences et techniques. La technique est un
outil de création au service d’innovations. La culture scientifique est réservée à une élite par
reproduction sociale. La création est instrumentalisée.
34
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Dans ce scénario, la culture scientifique et technique est passée aux mains de
groupes de pressions en particulier des multinationales qui disposent des meilleurs experts
techniques dans leurs domaines. Les entreprises multinationales investissent davantage
dans la recherche appliquée créatrice d’innovations techniques dont les experts en
marketing ont identifié le besoin ; ils soutiennent la recherche fondamentale dans la mesure
où elle peut résoudre les problèmes rencontrés en recherche appliquée.
Les grands centres de formation scientifique qui promeuvent la pluridisciplinarité et la
créativité sont devenus privés et peu accessibles à ceux qui n’en ont pas les moyens. Ces
formations donnent accès à des emplois de responsabilité et de création dans les grands
groupes. La formation scientifique publique ne peut pas rivaliser avec ces centres
d’excellence et la formation accessible au plus grand nombre est avant tout un savoir
technique spécialisé mais de haut niveau. Ces formations techniques sont valorisées car
elles permettent de trouver un emploi dans les grandes entreprises.
La médiatisation scientifique est croissante pour une meilleure compréhension du
monde physique, du vivant et des techniques mais sans mise en perspective sur les
problèmes de société. Les objets techniques innovants sont valorisés car ils sont la
matérialisation de la création et le symbole de la réussite pour ceux qui ont contribué à les
créer.
Ce scénario est un scénario de rupture ou de long terme. Le scénario « Une élite de
clercs » pourrait évoluer vers celui-ci.
35
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
36
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
V. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 3 :
« SOCIETE INNOVANTE »
METHODE
La société peut jouer un rôle actif dans l’initiation ou l’orientation du processus
d’innovation, en s’impliquant dans les débats sur de grands choix technologiques ou en
exprimant ses attentes vis-à-vis des innovations qu’elle souhaite voir se développer. Elle
peut également exprimer un certain nombre de réticences relatives à des conséquences
insuffisamment maîtrisées du processus d’innovation.
Ces questions ont été examinées à partir de cinq variables pertinentes :
-
3a : crise et défense ;
-
3b : perception des impacts sociaux ;
-
3c : régulation de l’innovation ;
-
3d : justice et responsabilité ;
-
3e : apport des sciences au développement des services.
Pour chacune de ces variables, on a définit deux à quatre hypothèses pour leur
évolution possible (voir tableau). Ces variables et ces hypothèses permettent de construire
des scénarios, qui associent un jeu donné d’hypothèses et représentent une première
tentative de formulation synthétique des possibles du fonctionnement économique et social.
37
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Tableau des variables et hypothèses pour la composante «société innovante »
A Crises et défense
A1 L’Europe s’investit
dans une sécurité
dissuasive par l'avance
technologique.
A2 L'avance technologique ne semble pas
garantir la sécurité (terrorisme). Peu
d’investissement européen.
B Perception des impacts
sociaux de l'innovation
B1 Positive. Réduit les
inégalités. Les
destructions d'emplois
sont attribuées aux
délocalisations.
B2 Négative.
« l’innovation en
procès ».
Augmentation des
inégalités.
C. Régulation de l'innovation
C1 Régulation marchande. C2 Régulation
démocratique.
D. Justice et responsabilité
E. Apport des sciences au
développement des services
D1 Prise en charge par
l'Etat.
B3 Hétérogène.
Négative pour
l’industrie.
Positive pour les
services (ou
l’inverse).
C3 Gouvernance
participative.
D2 Prise en charge par D3 Au cas par
les innovateurs.
cas et a
posteriori.
E1 Plus de sciences
E2 Les sciences
sociales dans la recherche restent centrées sur les
publique (PME)
grands programmes
technologiques. Pas de
R&D service dans la
recherche publique.
E3 R&D Service
(sciences
sociales et
techniques)
développée par
opérateurs privés
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS
Parmi les nombreux scénarios possibles, nous en proposons quatre, qui diffèrent
principalement par le champ couvert par l’activité innovante, ce champ étant plus ou moins
large selon les attentes exprimées par la société et les réponses apportées à ces attentes.
Les deux premiers scénarios représentent deux options contrastées pour une
orientation stratégique ambitieuse du SFRI. Le troisième est moins volontariste et le dernier
est un scénario de « découplage » entre le projet social et l’innovation.
Scénario « L’innovation multipolaire »
(A1/2 ; B1/3 ; C3 ; D1 ; E1)
Ce scénario fait jouer un rôle important à tous les opérateurs possibles d’innovation,
avec un développement important de l’innovation de proximité, adaptative et axée sur les
services et une implication forte des PME/PMI.
Il n’exclu pas la poursuite d’une activité d’innovation technologique (A1 ou A2) mais
suppose une vision positive de l’innovation (B1 ou au moins B3). La gouvernance de
l’innovation se fait plutôt par des réseaux d’acteurs décentralisés et diversifiés (C3). Par
contre, ce scénario suppose que la puissance publique :
-
joue un rôle de garantie crédible vis-à-vis de dommages imprévus, ce rôle
pouvant difficilement être joué par les PME (D1) ;
38
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
-
réoriente le dispositif de recherche public par rapport à cette mission d’appui aux
PME (E1) ;
-
veille à ce que la culture scientifique et technique intègre davantage les
« sciences de la localité » (histoire, géographie physique et humaine…), afin de
promouvoir la légitimité de ce mode de développement.
Un sous-scénario plus radical, (« l’innovation du quotidien ») avec une innovation qui
concernerait principalement ce domaine des services et délaisserait les grands programmes
technologiques, développés par des groupes multinationaux implantant leur R&D à
l’étranger, pourrait être proposé (A1, B3, C3, D1, E1).
Scénario « Les grands enjeux technologiques »
(A1 ; B1/3 ; C2 ; D1/2 ; E2)
Dans ce scénario le SFRI se concentre et se remobilise sur de grands enjeux, des
technologies à large diffusion européenne et mondiale, avec un rôle prépondérant des
grands groupes. La recherche de défense se développe (A1) et la société à une attitude
positive vis-à-vis de ce type d’innovation, considérée comme créatrice de richesse et
d’emploi (B1 ou éventuellement B3). Cette attitude positive suppose notamment que des
formes de débat adaptées soit mises en place sous l’égide des pouvoirs publics (C2) et que
la question de la responsabilité soit clairement tranchée par une implication de l’Etat (D1) ou
des grandes firmes (D2). Dans ce scénario, l’effort public de recherche reste focalisé sur un
appui à ces grands défis technologiques.
Scénario « Au fil de l’eau »
(A2 ; B3 ; C1 ; D3 ; E2/3)
Ce scénario décrit une situation où les opérateurs privés « se débrouillent » dans un
contexte globalement sceptique et peu participatif, mais constituant un paysage
« mosaïque », avec de grandes variations d’attitudes selon les secteurs et les groupes
sociaux (B3). L’importance d’une recherche de défense est peu perçue (A2). La régulation
se fait sur le mode « marchand » (C1), avec des PME qui restent peu innovante et de grands
groupes multinationaux qui explorent les marchés pour des produits à large diffusion, en
développant éventuellement une R&D dans les services pour s’adapter à des situations
locales ou à des marchés de niches (E3). L’Etat intervient peu et ne règle pas le problème
de la responsabilité, que seuls de grands groupes peuvent prendre en charge
(individuellement ou collectivement) pour les innovations les concernant mais dans le cadre
d’une stratégie de défense de leurs intérêts que les citoyens ne perçoivent pas comme
« rassurante » (D3).
Scénario « Le néopopulisme »
(A2 ; B2 ; C2 ; D3 ; E3)
Un tel scénario se caractérise par une « prise de distance » forte de la société vis-àvis de l’innovation, relayée par un discours politique dénonçant les méfaits et limites du
progrès technique et proposant un « projet » fondé sur d’autres moyens et valeurs (A2, B2).
Ce discours pourrait, paradoxalement, réunir dans une alliance objective les extrêmes de
l’échiquier politique et stigmatiserait les « élites », qui se seraient appropriées pour leurs
propres fins (notamment l’auto-reproduction) le système technico-scientifique et n’aurait pu
en maîtriser les effets négatifs (d’où le titre du scénario).
39
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Il proposerait un développement fondé par exemple sur le tourisme, les services, le
« drainage » de migrants à fort pouvoir d’achat (retraités des pays occidentaux). Les
technologies nécessaires à ce développement seraient acquises à moindre coût sur le
marché mondial, au même titre que l’énergie au 20ième siècle. Dans ce scénario, la puissance
publique ne cautionne pas le SFRI (C2, D3) et sollicite peu son dispositif de recherche pour
contribuer à ce nouveau projet social (E3).
Ce scénario extrême, s’exprimant explicitement dans un discours politique, peu
prendre des formes plus atténuées et moins explicites mais représente globalement une
réorientation marquée de la relation entre projet politique et SFRI.
40
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
VI. HYPOTHESES ET SCENARIOS POUR LA COMPOSANTE 4 :
« RECHERCHE INNOVANTE »
METHODE
Ces questions ont été examinées à partir de sept variables pertinentes :
-
4a : Imbrication des niveaux de décision sur la recherche française
-
4b : Dynamique de la recherche privée
-
4c : Propriété intellectuelle
-
4d : Répartition public/privé
-
4e : Le rôle social du savant
-
4f : migration des scientifiques
-
4g : mobilité des scientifiques au sein du SFRI
Pour chacune de ces variables, on a définit deux à quatre hypothèses pour leur
évolution possible (voir tableau). Ces variables et ces hypothèses permettent de construire
des scénarios, qui associent un jeu donné d’hypothèses et représentent une première
tentative de formulation synthétique des possibles du fonctionnement de la recherche.
41
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Variables et hypothèses pour la composante «recherche innovante »
A. Imbrication
des niveaux de
pouvoirs de la
recherche
française
A1 Le
centralisme
français d'une
science publique
A2 Un État-stratège A2 Archipel public,
îlots scientifiques
B2 L'Europe se
B. Dynamique de B1 Une R&D
privée nomade et donne les moyens
la recherche
internationale
d'attirer la R & D
privée
privée
B3 La France met
tout en œuvre pour
atteindre 3 % de
son PIB investi en
R&D
C3 Tout est
brevetable
C. Propriété
intellectuelle
C1 Décalage
entre pays.
Incitation forte à
la préférence
nationale
D Répartition
Public/privé
D1 Une
recherche
publique au
service de
l'innovation
industrielle
E Le rôle social
du savant
E1 Le savant
garant des biens
non-marchands
E2 Intégration à la
recherche
marchande
E3 Biens publics
E1 et biens
marchands E3
F Migration des
scientifiques
F1 Statu quo :
échanges
européens mais
mobilité limitée
G1 Une mobilité
accrue
F2 réussite de
l'EER
F3 Démobilisation
G Mobilité des
scientifiques
dans le SFRI
C2 Un modèle
européen
homogène et stable
(champs exclus de
la propriété int.
clairement
identifiés)
D2 Une recherche
publique au service
de l'innovation
produits et services
(sciences sociales)
A3 La nouvelle
gouvernance de la
recherche
D3 Les grands
groupes
mondialisés
orientent la
recherche (Public =
long terme, pas de
brevets).
D4 Primauté rech.
privée. Recherche
publique centrée
sur la gestion des
biens publics
F4 mobilité et
coopération
internationale
G2 Une mobilité qui
demeure limitée
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS
Parmi les nombreux scénarios possibles, nous en proposons quatre, qui diffèrent
principalement par l’acteur (état, entreprises…) le plus moteur dans la dynamique d’évolution
de la recherche publique en particulier et par la motivation principale de développement de la
recherche publique : le développement économique local, la compétition économique
internationale ou la gestion des biens non-marchands.
Scénario « Un colbertisme aménagé »
(A1 ; B1 ; C1 ; D1 ; E3 ; F1 ; G2)
Ce scénario tendanciel est caractérisé par un centralisme des décisions et des
financements structurels de la recherche publique intégrant peu les niveaux régionaux et
européens (A1). Cette situation perdure car elle est la seule à garantir l’indépendance de la
42
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
recherche vis-à-vis des intérêts marchands et la sécurité du statut de chercheur nécessaire à
l’accomplissement de sa mission.
La recherche publique est globalement orientée sur la recherche fondamentale pour
les grands groupes industriels (D1) ce qui se concrétise par de grands programmes
technologiques dans des domaines comme la défense, l’espace, l’énergie ou la médecine.
La recherche publique est proactive sur ces grands programmes industriels, mais elle est
aussi réactive sur la gestion des biens publics en cas de crise et sur l’aide aux entreprises
innovantes. Beaucoup de ces entreprises innovantes naissent de collaborations entre
recherche publique et recherche privée permettant à des chercheurs publics de se consacrer
à temps partiel à une recherche plus appliquée (E 3).
La motivation de l’Etat pour contribuer au développement d’un modèle européen de
propriété intellectuelle est fonction des secteurs où se créent presque spontanément des
start-ups innovantes (C1). La R&D privée est internationale, implantée sur les principaux
marchés et nomade (B1) au fil des collaborations fructueuses qui peuvent être établies avec
la recherche publique de tous les pays.
Dans ce contexte, la mobilité européenne des chercheurs français du secteur public
demeure limitée car les règles bureaucratiques ne facilitent pas les échanges (F1). Leur
mobilité demeure limitée (G2) en terme de statut mais nombre d’entre eux créent des
entreprises qui valorisent par des applications marchandes les recherches issues de leur
laboratoire pour ne pas dépendre que des crédits publics.
Scénario « L’investissement national pour l’innovation»
(A4 ; B3 ; C1/2 ; D2 ; E3 ; F1/2 ; G1)
Dans ce scénario l’Etat et les Régions, éventuellement avec le soutien de l’Europe si
d’autres pays s’engagent dans la même voie, investissent dans la recherche (A4) avec un
objectif de développement économique du territoire. Ils mettent donc tout en œuvre pour que
3% du PIB (B3) soit investi en R&D, en contribuant aussi à cet effort, mais en attendant un
retour économique et en terme d’emploi sur cet investissement. Ils peuvent donc privilégier
des règles de propriété intellectuelle qui favorisent les entreprises nationales (C1) si cette
évolution est typiquement française. Mais la France peut aussi contribuer à créer un modèle
européen de production de connaissances et d’expertises (C2) pour promouvoir l’innovation
dans les PME en particulier. Les grands groupes contribuent à cette évolution dans la
mesure où leurs filiales et leurs fournisseurs locaux en bénéficient.
La recherche publique est encouragée à s’impliquer davantage dans la recherche
appliquée, à accroître ses activités et ses coopérations avec les PME pour développer
l’emploi local (D2). Les chercheurs sont incités à s’intéresser à l’innovation pour ces
entreprises, afin de tirer la recherche par des objectifs d’application (E3). Ainsi, dans la
sphère publique aussi, les chercheurs en sciences sociales doivent collaborer avec des
chercheurs en sciences techniques pour construire des projets d’innovation adaptés au tissu
local d’entreprises.
Même si la mobilité de statut des chercheurs entre public et privé change peu
puisque les PME ont relativement peu de postes de chercheurs à offrir, des détachements
ponctuels de chercheurs au sein des entreprises s’avèrent nécessaires pour accomplir leur
mission de promotion de l’innovation (G1). Les chercheurs de la sphère publique deviennent
des candidats de grand intérêt pour la R&D privée des grands groupes après quelques
années d’expérience. Pour mener à bien leur mission de développement d’une recherche
innovante, la mobilité des chercheurs entre recherche fondamentale, pour rester en pointe
de leur domaine de spécialité, et recherche appliquée est promue. A cette fin, les chercheurs
doivent échanger davantage avec leurs collègues européens, dans leur discipline mais aussi
43
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
pour trouver de nouvelles idées d’innovation et de nouvelles manières de collaborer entre
disciplines scientifiques (F1/2).
Le risque de ce scénario est un moindre investissement en recherche fondamentale.
Scénario « L’Europe en compétition »
(A3 ; B2 ; C3 ; D3 ; E2 ; F4 ; G1)
Ce scénario décrit une recherche européenne qui s’intègre rapidement avec un
objectif de croissance économique sous la pression des grands groupes industriels et de
service. La capacité d’action des Etats nationaux décroît (A3) et l’Europe par sa politique
fiscale et industrielle encourage l’investissement privé en R&D (B2). La
propriété
intellectuelle recouvre de plus en plus de domaines pour faire face à la concurrence
américaine dans ce domaine (C3).
Les grands groupes mondialisés orientent la recherche publique sur des
investigations à long terme (recherche fondamentale) et sur les grands programmes
technologiques de démonstration (D3). Ces grands programmes permettent à la recherche
publique de conserver un prestige important auprès du grand public alors que les sujets de
recherche sont de plus en plus financés par la sphère marchande (E2). Des centres
d’excellence scientifique spécialisés se développent en Europe alliant par une proximité
physique recherche publique et recherche privée.
Les grands groupes promeuvent la mobilité internationale des chercheurs et ce
modèle d’acquisition ou de perfectionnement des compétences s’étend peu à peu à la
recherche publique (F4) compte tenu des relations client-fournisseur qui lient dorénavant ces
deux sphères. Cette collaboration plus étroite entre recherche publique et privée et
l’évolution du statut de chercheur public permettent une plus grande mobilité entre ces deux
mondes (G1). Les grands groupes voient dans ces échanges un moyen de remettre à niveau
les connaissances scientifiques des chercheurs privés dans leur spécialité et les chercheurs
publics un moyen de mieux anticiper les besoins du marché.
Scénario « Séparation du marchand et du bien public »
(A2 ; B1; C2 ; D4 ; E1; F2/4 ; G2)
Ce scénario décrit une situation de séparation entre la recherche publique et la
recherche privée qui peut survenir à l’issue de crises (éventuellement plus perçues que
réelles) répétées. La montée des inquiétudes concernant l’environnement et la privatisation
de ressources vitales ou de données privées conduit à exclure de la propriété intellectuelle
les champs du vivant (C2).
La recherche publique se consacre désormais à la gestion des besoins nonmarchands (E1), tels que la recherche pour améliorer la qualité de l’eau, l’air ou de la santé
dans certains cas et préserver la biodiversité. Sa seconde mission est l’expertise pour les
décideurs français et européens (A2). La recherche publique accroît donc ses compétences
en sciences sociales et techniques mais aussi dans le domaine des sciences de la vie ; elle
assume cette mission autant par la production de connaissances nouvelles (recherche
fondamentale) que par des projets concrets (recherche appliquée).
La R&D privée est nomade et internationalisée, ce qui n’empêche pas l’Europe
d’attirer cette recherche par la diversité de son marché, la formation initiale des personnels à
recruter et le cadre de vie pour les chercheurs (B1). La recherche publique collabore peu
avec la recherche privée puisqu’elle est garante, par son expertise, que l’innovation privée
ne nuira pas au bien public (D4 et G2).
44
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Les problèmes de préservation de l’environnement et de bien public dépassent les
frontières et doivent trouver des solutions au niveau de l’Europe, amenant ainsi les
chercheurs publics à collaborer de plus en plus avec leurs collègues européens (F2). Leurs
compétences sont aussi valorisées par l’aide au développement des pays émergents et
utilisées dans les négociations internationales touchant au développement durable (F4).
45
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
46
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
VII. VISIONS GLOBALES
En nous appuyant sur ces analyses, nous souhaitons maintenant présenter des
visions plus globales, que nous structurerons autour de deux approches :
- l’élaboration, selon la même méthode, de quatre scénarios globaux combinant les
mini-scénarios de chaque composante et proposant des « modèles » d’innovation ;
- une analyse et une représentation, autour de trois grandes dimensions, des
attitudes possibles des citoyens vis-à-vis de la science et de l’innovation.
Ces deux approches nous permettront de cerner ensuite le degré de compatibilité
entre ces modèles d’innovation et les attitudes envisageables de la société de demain.
QUATRE SCENARIOS GLOBAUX
METHODE
Pour construire les scénarios globaux du groupe défi « Citoyenneté de la science et
de l’innovation », les micro scénarios des composantes du système que sont le défi des
valeurs et représentations, le défi de la culture scientifique, le défi de la société innovante et
le défi de la recherche innovante deviennent les hypothèses du système global et sont
assemblées en cohérence pour proposer des images complètes du système scienceinnovation et société.
Tableau des variables et hypothèses du système global
A Défi des
valeurs et
représentation
A1
Cahin-caha
A2 Libreéchange, travail
et compétences
A3 La
mobilisation
citoyenne
A4 Le
A5 Canconconsommateur
cancun
individualiste
B Défi de la
culture
scientifique
B1
Une élite de
clercs
B2
L’innovation
controversée
B3 La science
humaniste
B4
La science multi nationalisée
C. Défi de la
société
innovante
C1
Néo
populisme
C2
Au fil de l’eau
C3 L’innovation
multipolaire
C4
Les grands enjeux
technologiques
D. Défi de la
recherche
innovante
D1 Le
colbertisme
aménagé
D2
L’investissement
national (Europe
des nations)
47
D3 L’Europe en
compétition
(Europe des
régions)
D4
Séparation du marchand et
du bien public
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
PRESENTATION GENERALE DES SCENARIOS
Parmi les nombreux scénarios possibles, nous en proposons quatre qui proposent des
visions très contrastées, donc forcément un peu caricaturales du système science-innovation
et société. Ceci signifie que certains scénarios intermédiaires entre ceux décrits ci-dessous
seraient aussi des images pertinentes des futurs possibles. Ces scénarios articulent les
quatre dimensions - valeurs et représentations, culture scientifique et technique, société
innovante et recherche innovante – dans un souci de cohérence globale car l’acceptation ou
non de l’innovation, l’intérêt ou le désintérêt pour la science dépend aussi des objectifs des
acteurs publics et privés de recherche.
Scénario « La science institutionnelle »
(A2, B1, C2 tendance C4, D1)
Acteurs dominants et rôle de l’Etat : Dans ce scénario, l’innovation scientifique et
technique est moins importante (C2) pour la réussite économique des entreprises que la
bonne gestion des ressources humaines comme financières et des besoins clients.
L’innovation et la recherche appliquée pour le secteur privé sont donc davantage de nature
organisationnelle, dont les supports sont le management et la technique, que de nature
scientifique. L’élite scientifique, proche de l’Etat (D1), tend à orienter la recherche
scientifique publique vers de grands programmes de recherche technologique servant les
intérêts industriels (C4) de la nation.
L’Europe et les Régions : Leur rôle ne s’est pas vraiment affirmé, à l’exception de
quelques initiatives locales ou de collaborations ponctuelles avec d’autres pays, au travers
de grandes entreprises européennes. L’Etat, qui ne se coordonne guère avec ces niveaux
d’organisation, demeure donc le principal pilote du dispositif public national. Ce scénario se
relie au scénario « tendanciel récessif » du groupe défi 4.
Positionnement de la société : Les experts scientifiques sont perçus par le grand
public - qui leur fait plutôt confiance - comme porteurs à la fois de la « vérité » sur les risques
(naturels et technologiques) et de solutions technologiques en devenir qui permettront de
corriger les impacts négatifs des technologies actuelles sur la santé et l’environnement. Les
risques deviennent un facteur de progrès économique par la création de nouvelles activités
marchandes (évaluation, gestion, organisation, technologie) et d’emploi (A2).
Rôle de la formation et de la culture scientifique : Le savoir scientifique est un
domaine d’abstraction et de sélection pour un système scolaire égalitaire mais élitiste (B1).
Les formations supérieures utiles pour l’accès à l’emploi mettent l’accent sur le management
et le savoir-faire technique. La science devient un domaine réservé à des spécialistes
respectés pour leur expertise mais de moins en moins nombreux.
La médiatisation sous forme de vulgarisation des sujets scientifiques et techniques ne
fait guère recette et tend à diminuer. La présentation plus sensationnelle de tels sujets pour
les rendre plus attractifs rend difficile le discernement entre sciences et para sciences pour le
profane. La confiance du public dans une émission à caractère scientifique, technique ou
para scientifique dépend du renom de l’expert qui y apporte son crédit.
Scénario « L’Etat garant»
(A4, B4, C2 tendance C1, D4 + D3)
Acteurs dominants et rôle de l’Etat : L’innovation scientifique et technique est le
moteur de la croissance économique des entreprises qui s’impliquent aussi, pour les plus
grandes d’entres elles, dans la recherche fondamentale et la formation scientifique. L'Etat a
48
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
d'autres priorités et ne tient pas un discours fort sur la R et D (C1/C2). Il se désengage
progressivement de la recherche pour l'innovation industrielle et se limite à gèrer des bases
de connaissance sur les sources d'innovation (D3) et les meilleurs centres de formation
mondiaux. Ce scénario s'accommode bien d'un contexte où l'innovation peut être copiée ou
achetée sur un marché de la recherche mondiale (B4). La recherche publique nationale se
recentre sur l'expertise des impacts des innovations et les besoins sociaux non-marchands
(D4). La recherche scientifique et technique, appliquée mais aussi fondamentale, tend aussi
à être financée par les grands groupes qui disposent ainsi des meilleurs experts dans leurs
domaines.
L’Europe et les Régions : L’Europe ne prend pas le relais du soutien à la recherche
publique, si ce n’est pour des programmes « non compétitifs » liés à la gestion des biens
publics et ayant une dimension transnationale (environnement, santé…) permettant d’en
partager les coûts. Les Régions peuvent éventuellement, de manière ponctuelle, soutenir
des systèmes locaux d’innovation liés à leurs spécificités mais sont surtout en compétition
pour attirer les investissements de recherche ou de formation privés. Ce scénario est proche
du scénario « Le nouvel ordre libéral » du GD4.
Positionnement de la société : Les innovations sont jugées par les consommateurs
sur une base pragmatique et individuelle (A4). Le risque perçu ou avéré pour l'individu et «sa
tribu» peut engendrer des réactions fortes. Mais la sensibilité de l'opinion publique vis-à-vis
des enjeux collectifs est faible. Elle s'en remet, alors que la confiance envers les experts est
relativement faible, soit à la régulation du marché, soit à celle de l'Etat pour la gestion des
secteurs non-marchands.
Rôle de la formation et de la culture scientifique : La formation scientifique de haut
niveau, qui promeut pluridisciplinarité et créativité, tend à être privatisée et n'est accessible
qu'à une élite issue des milieux sociaux les plus favorisés. Ce type de formation fournit aux
grands groupes privés les cadres supérieurs dont ils ont besoin (B4). La formation
scientifique publique, accessible au plus grand nombre, est avant tout l'enseignement d'un
savoir technique spécialisé mais de haut niveau. Ces formations techniques sont valorisées
car elles permettent de trouver un emploi mais davantage dans un poste d'exécution.
La médiatisation scientifique est croissante pour vulgariser une meilleure
connaissance du monde physique, vivant et des objets techniques mais sans mise en
perspective sur les problèmes de société. Les objets techniques innovants sont le symbole
de la création et de la réussite économique.
Scénario 3 « L’innovation négociée»
(A1-A5, B2, C4, D2)
Acteurs dominants et rôle de l’Etat : L’innovation technologique est le moteur de la
croissance économique. L’effort de recherche public reste focalisé sur les grands défis
technologiques permettant des innovations à l’échelle européenne et mondiale (C4) mais
tend à s’impliquer davantage dans le développement économique local en menant une
recherche adaptée au développement de l’innovation en particulier des PME industrielles
(D2) pour favoriser une innovation acceptée et valorisée. La proximité physique entre
chercheurs publics et privés est promue pour que la recherche serve davantage l’innovation
mais aussi pour que les chercheurs publics, qui participent aux débats sur l’innovation,
aident les entrepreneurs à prévenir les risques.
L’Europe et les Régions : La dimension européenne a émergé soit globalement, soit
comme un espace permettant des montages multinationaux à géométrie variable pour la
réalisation de grands programmes technologiques : défense, énergie, écologie industrielle...
Les régions apportent leur soutien à ces grands programmes pour favoriser leur implantation
49
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
et stimuler autour d’elles le développement économique. Ce contexte est proche de celui
évoqué par le scénario « Un nouveau contrat social » du GD4.
Positionnement de la société : La société française est divisée en deux grands
mouvements d’opinions : la prédominance des choix individuels ou du groupe concerné pour
les uns et l’implication vis-à-vis des enjeux collectifs et écologiques pour les autres (A5). La
gestion des risques est déléguée à une pluralité d’expertises scientifiques, juridiques,
syndicales et d’associations diverses de la société civile qui recherchent les compromis de
régulation adéquats (A1). La société, sous l’influence d’une meilleure culture scientifique et
technique et d’une connaissance plus diffuse des enjeux écologiques, de santé et
économique liée aux impacts de l’innovation, tend à réagir de façon plus critique et exigeante
vis-à-vis de ces innovations.
Rôle de la formation et de la culture scientifique : La valorisation sociale de
l’innovation a conduit à un apprentissage plus vivant des sciences et des techniques par
l’observation et l’expérience en complément de la conceptualisation. La médiatisation
croissante des sujets scientifiques au travers des problématiques de société favorise une
culture scientifique ouverte et pluridisciplinaire mais contribue à des débats intenses sur les
innovations et leurs impacts où interviennent des groupes de pression divers (B2). On
constate donc un regain d’intérêt critique pour la science où les individus refusent d’accepter
certaines innovations s’ils n’en comprennent pas les enjeux et les risques.
Scénario 4 « Citizen push»
(A3, B3, C3, D3+D4)
Acteurs dominants et rôle de l’Etat : L’innovation de produit et surtout de service est
le moteur du développement des entreprises. La prise en compte des besoins clients dès les
stades les plus amonts de la recherche privée tend à effacer la différence entre sciences
« dures » et techniques et sciences humaines et économiques (développement de sciences
comme l’ergonomie cognitive par exemple, apport de la sociologie pour la recherche de
nouvelles prestations produit…) y compris au sein des groupes industriels. La logique de
génération de l’innovation technologique est de rechercher de nouvelles prestations de
produits et de services (apport des sciences humaines) puis de rechercher les voies
technologiques pour y parvenir (apport des sciences techniques). L’Etat promeut l’expertise
par la recherche fondamentale et encourage la recherche appliquée pour contribuer à
l’innovation des PME et gérer l’innovation dans les secteurs non-marchands (C3, D4). A
cette fin de recherche appliquée, les chercheurs en sciences humaines et en sciences
techniques collaborent étroitement sur des projets. En parallèle des centres de recherche
fondamentale spécialisés, associant recherche publique et privée des grandes entreprises,
sont répartis en Europe pour créer des pôles d’excellence à cette échelle (D3).
Certaines entreprises privées, soucieuses de se doter d’une image de
développement durable, investissent dans des fondations de recherche associant recherche
publique et privée afin de développer des innovations dont les impacts sont maîtrisés mais
aussi contribuer à la gestion des besoins sociaux non-marchands qui reste du ressort de la
recherche publique.
L’Europe et les Régions : Ce scénario d’innovation globale mobilise de manière
coordonnée l’ensemble des acteurs. L’Europe, où un sous-ensemble central désormais
intégré, investit fortement dans cette dynamique et veut en faire un élément de
l’aménagement de son territoire mais aussi d’une politique d’exportation de produits et
services « à forte intelligence ajoutée ». Les régions veillent quant à elles à favoriser les
interactions de proximité entre tous les opérateurs et à accompagner les PME dans le
développement de leurs innovations tant technologiques qu’organisationnelles ou de service.
Le scénario du GD4 « Les trente glorieuses revisitées » est proche de ce contexte mais le
scénario « Le nouveau contrat social » serait également compatible avec lui.
50
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Positionnement de la société : Les crises liées au changement climatique, à des
dérives sécuritaires ou d’intervention sur le vivant ont ébranlé la confiance dans les
politiques et les expertises scientifiques. Des citoyens et des scientifiques qui se sont sentis
floués d’un réel débat sur les enjeux des choix scientifiques et techniques ont été à l’initiative
d’associations qui se fédèrent pour promouvoir des structures de contre-expertise qu’un
lobbying actif parvient à installer dans le paysage institutionnel. Les enjeux collectifs et
intergénérationnels de l’humanité tendent à primer sur les intérêts individuels et corporatifs
(A3). Les carrières scientifiques sont revalorisées pour la démarche de rigueur nécessaire
aux critiques ou aux propositions fondées sur le doute ou l’expérience, d’autant qu’elles
conduisent à des emplois plus variés que par le passé (un responsable des ressources
humaines ou de marketing peut être un scientifique, les entreprises associent facilement des
individus dont la formation est complémentaire, sciences techniques et sciences humaines,
dans les binômes de direction).
Rôle de la formation et de la culture scientifique : Via les débats de société qu’ils
engendrent, les enjeux scientifiques et techniques sont fortement médiatisés et sont aussi,
dans la formation scolaire, davantage intégrés à la culture générale (B3). Le public est
sollicité pour contribuer à davantage de recherche (téléthon mais aussi défiscalisation des
capitaux investis dans des entreprises innovantes). Les associations environnementales, de
consommateurs… contribuent à la formation des citoyens sur les enjeux de recherche
scientifique et aux possibles conséquences techniques, humaines et économiques qu’elles
engendrent.
LES ATTITUDES DE LA SOCIETE
Les scénarios élaborés pour les différentes composantes ainsi que les scénarios
globaux mettent en évidence, de manière assez systématique, trois grands « contrastes »
sous-jacents, qui structureront l’attitude de la société vis-à-vis de l’innovation.
Le premier oppose une attitude de type « consommateur passif », dans laquelle
l’innovation est jugée et utilisée à travers ses produits, les autres aspects étant délégués aux
opérateurs privés ou publics (sans distinguer à ce stade le rôle de chacun) à une attitude de
« citoyen actif », qui se traduit par une implication beaucoup plus forte et directe dans les
différentes étapes du processus d’innovation.
Le second contraste distingue une attitude globalement « adhérente » à l’idée que
l’innovation peut et doit constituer une composante majeure de l’évolution des sociétés et de
l’amélioration du bien-être, opposée à une attitude critique ou au moins sceptique,
considérant que l’innovation constitue un « divertissement » (au sens de Pascal) par rapport
aux « vrais » enjeux de notre société et qu’il convient donc d’en minimiser le rôle ou d’en
contrôler strictement les développements, en fondant désormais l’évolution de la société sur
d’autres valeurs.
Ces deux premiers contrastes structurent un espace à quatre pôles représentant des
images possibles de la société de demain (figure 3) :
51
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Innophile militant
IM
UÉ
Q
IN
NO
I
PL
PH
IL
E
Figure 3 : Représentation des attitudes de la société autour de deux axes
relatifs au degré d’implication des citoyens et à leur intérêt pour l’innovation.
Consommateur
Innosceptique
militant
F
Consommateur critique
IN
NO
I
SS
PA
SC
EP
TI
QU
E
Innophile
- le pôle « innophile militant », avec des citoyens globalement en faveur de
l’innovation et s’impliquant à différents niveaux pour faire connaître leurs souhaits et infléchir
la dynamique de l’innovation dans ces directions ;
- le pôle « innosceptique militant » avec une attitude critique vis-à-vis de nombreuses
innovations, en particulier les technologies liées à l’énergie, à la santé, à l’alimentation, à
l’environnement et suscitant débats et controverses autour de ces innovations ;
- le pôle « consommateur innophile », caractérisé par une faible implication dans les
aspects antérieurs à la mise sur le marché, une forte délégation de responsabilité aux
experts et opérateurs publics et privés et une assez forte consommation d’innovations ;
- enfin, le pôle « consommateur critique » est, comme le précédent, caractérisé par
une faible implication dans les aspects antérieurs à la mise sur le marché, mais avec une
attitude globalement méfiante vis-à-vis de l’innovation, un grand scepticisme vis-à-vis de la
capacité des opérateurs à gérer les risques et des capacités de mobilisation ponctuelle de
type « NIMBY ».
Dans cet espace, on peut positionner assez aisément la plupart des scénarios
élaborés pour chaque composante (voir figure 4).
52
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
. Figure 4 : Projection des scénarios élaborés pour chaque composante dans
l’espace des attitudes de la société
IN
NO
1. Libre-échange
UÉ
IQ
PL
IM
PH
IL
E
Innophile militant
4. Investissement
territorial 3. Innovation
multipolaire
4. Europe en
compétition
UE
3. Grands enjeux
1. Sursaut citoyen
technologiques 1. Canc
on-C
ancu
Consommateur 4. Colbertisme
n
Innosceptique
aménagé
Innophile
militant
1. Cahin-Caha
2. L’innovation
2. Elite de clercs
controversée
4. Séparation
2. La science
marchand/bien
3. Au fil de l’eau
multinationalisée
public
IF
Consommateur
critique
NO
3. Néopopulisme
IN
SS
PA
SC
EP
TI
Q
1. Consommateur
individualiste
Enfin, (et c’est peut-être le point le plus important), la société de demain sera très
certainement constituée d’une mosaïque d’origines, de cultures, de croyances, de mode de
vie… Le fait que cette diversité soit vécue comme un pluralisme fécond, avec une adhésion
globale à un « projet de société » - qui pourra se positionner dans l’espace précédemment
défini - ou que, au contraire, cette diversité génère de profondes fractures et oppositions
constituera certainement une question cruciale pour la dynamique de l’innovation.
De telles situations de fracture supposent le développement de contrastes forts entre
des pôles antagonistes. L’une des possibilités serait qu’un pôle innosceptique s’organise de
manière militante et s’oppose à un pôle innophile représentant un ensemble d’acteurs socioéconomiques porteurs d’enjeux, à l’exemple du débat sur les OGM. C’est par exemple le cas
du scénario « cancon-cancun » de la composante 1. Les autres contrastes, par exemple une
diversité de consommateurs plus ou moins innophiles ou innosceptiques, conduit à notre
avis à des situations beaucoup moins conflictuelles.
53
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
ATTITUDES DE LA SOCIETE ET SCENARIOS GLOBAUX
Examinons maintenant l’articulation entre ces analyses, c'est-à-dire entre les attitudes
possibles de la société et les quatre scénarios globaux que nous avons proposés.
Nous pouvons le faire à partir d’un tableau croisé schématisant la compatibilité entre
ces deux ensembles, telle que nous la percevons.
SCENARIOS
1. Science
institutionnelle
2. Etat garant
3. Innovation
négociée
4. Citizen
Push
++
+-
+
-
Consommateur
« innosceptique »
+
++
+-
-
« Innophile »
militant
-
-
++
++
« Innosceptique »
militant
-
+
-
+-
+-
++
++
+
ATTITUDES
Consommateur
« innophile »
Fracture
innophile/sceptique
++ = très compatible
+ = assez compatible
+- = peu compatible
- = très peu compatible
Il apparaît que les attitudes du type « consommateur », caractérisées par un faible
intérêt du citoyen pour les politiques nationales ou européennes d’innovation, tant dans leur
ampleur que dans leurs objectifs, sont surtout compatibles avec les scénarios où l’innovation
reste à un niveau modéré (scénario1), voire où l’effort public se restreint (scénario 2), ce
deuxième scénario étant en particulier encouragé par le développement de
« l’innoscepticisme ».
Ces attitudes peu actives n’excluent pas strictement le développement de politiques
plus ambitieuses, en particulier pour de grands programmes technologiques (scénario 3), à
condition que les garanties en termes de risques soient apportées, mais on peut s’interroger
sur ce qui serait dans ce cas le facteur déclenchant une telle dynamique, en particulier si elle
suppose une implication forte des pouvoirs publics.
Si nous examinons maintenant les attitudes sociétales plus « militantes », y compris
celles caractérisées par une forte fracture entre défenseurs et pourfendeurs des innovations,
la situation nous apparaît plus contrastée.
Elles peuvent en effet conduire, à partir d’un scénario 1 de science institutionnelle de
plus en plus critiqué, soit vers le scénario 2 « Etat minimum », par incapacité à gérer le
courant innosceptique, soit vers le développement de politiques d’innovation ambitieuses et
négociées, nous pourrions même dire ambitieuses parce que négociées.
54
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
C’est en particulier le cas du scénario 4 « Citizen push », dès lors que l’on admet
que pourrons être débattues tant les priorités du SFRI que les modalités de mise en œuvre
des innovations. Par contre, le scénario 3, qui reste centré sur de grands programmes
technologiques, semble peu compatible avec une attitude innosceptique très majoritaire et
militante dans la société.
Nous résumerons cette analyse par l’énoncé des deux convictions suivantes :
-
la relance de politiques ambitieuses d’innovation implique de prendre le
risque d’une mise en débat, ouverte et informée, du processus
d’innovation, tant dans ses finalités que dans ses modalités.
-
Pour que ce débat soit véritablement démocratique, un investissement
puissant et durable dans la construction d’une culture scientifique et
technique largement partagée apparaît indispensable.
55
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
56
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
VIII. QUEL POSITIONNEMENT POUR L’ACTION
PUBLIQUE ?
A partir de ces analyses, nous pouvons revenir maintenant à notre questionnement
initial sur le positionnement de l’action publique. Nous avons identifié en effet plusieurs
variables susceptibles d’influer sur l’évolution du SFRI et pouvant faire l’objet de politiques
publiques volontaristes. Citons en particulier :
-
la sensibilité aux risques, conditionné en partie par la gestion des crises (1c) et
la manière dont sera pris en compte le risque de développement (3d) ;
-
le respect de l’espace privé, auquel l’action publique peut veiller (1d) ;
-
la politique vis-à-vis de la culture scientifique (2a, 2b, 2c, 2e) ;
-
la revalorisation des carrières scientifiques et la mobilité (2d, 4f, 4g) ;
-
la perception de la relation innovation-emploi (3b) ;
-
les modes de régulation de l’innovation (3c) ;
-
l’orientation de la recherche publique (3a, 3e, 4d, 4e) ;
-
la concertation plus ou moins efficace entre les différents niveaux d’intervention
publique (4a) et la politique vis-à-vis du secteur privé (4b, 4d), avec en
particulier la question de la propriété intellectuelle (4c).
Cependant, nous avons indiqué que ces politiques publiques, pour promouvoir leurs
objectifs spécifiques, ne pouvaient se développer de manière autonome et hégémonique et
devaient, au contraire, composer et se coordonner avec les autres acteurs du SFRI. Il est
donc intéressant de considérer maintenant les dynamiques d’alliance qui pourraient s’opérer
au sein de ce système et jouer un rôle prépondérant dans l’avenir, les autres pôles devenant
plutôt « dominés » dans la dynamique du système d’innovation.
Comme nous l’avons indiqué, l’alliance traditionnelle entre dynamique scientifique et
volonté politique a clairement prévalu après la seconde guerre mondiale. Elle était basée sur
un rôle prédominant de la recherche publique, financée de manière récurrente par l’Etat et
orientée pour une proportion notable de sa croissance vers de grands objectifs socioéconomiques - énergie, transports, alimentation, défense - avec souvent création d’instituts
finalisés sur ces objectifs (CEA, INRA, CNEXO, CNES…).
Cette alliance traditionnelle, basée sur un engagement fort et un rôle dominant de
l’Etat, peut perdurer dans certains secteurs mais ne semble pas pouvoir constituer une
option globale. Trois autres types d’alliance sont envisageables, pour lesquelles le rapport de
force nous semble plus ou moins aisé à prédire.
La première (figure 5A) est une alliance des dynamiques économique et
scientifique, dans laquelle les acteurs économiques jouent un rôle de plus en plus fort vis-àvis de la R et D, soutienne le dispositif de recherche même au niveau fondamental,
s’investissent dans l’enseignement supérieur et s’appuient sur des réseaux internationaux et
une mondialisation tant économique que scientifique. Dans cette option d’une forte
intégration des mondes scientifique, technique et économique, le pôle politique devient
57
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
relativement marginalisé, avec en particulier une diminution relative de son soutien au
dispositif de recherche publique. La situation peut basculer en situation de crise à base
technologique, où, en liaison avec la dynamique sociale qui se mobilise fortement, il peut
dénoncer « l’alliance dominante » et proposer, de manière plus ou moins durable, de
reprendre la maîtrise du système.
A. L’alliance scientifico-économ ique
Dynamique
scientifique
Dynamique
politique
Dynamique
économique
Dynam ique
sociale
On a donc dans ce cas une dynamique globale avec des phases d’alternance
possibles entre deux alliances dominantes et l’on peut considérer que la situation actuelle du
SFRI est assez proche de ce schéma. Cependant, cette instabilité peut conduire à
l’émergence progressive des deux autres configurations.
La seconde alliance (figure 5B) serait celle des dynamiques économique et
sociale. Pour la construire, les acteurs économiques, en s’appuyant sur les leçons tirées des
crises, développent une image crédible d’entreprise citoyenne, s’engagent dans des actions
approfondies et durable de concertation, d’anticipation et de gestion des crises et proposent
aux citoyens et à leurs représentants (associations de consommateurs, syndicats…) de les
associer dans une gestion responsable et éventuellement critique de la science et de la
technologie. Si elle s’opère, une telle alliance a de fortes chances d’être dominante par
rapport aux pôles politique et scientifique, même fortement intégrés.
B . L ’allian ce so cio -éco n o m iq u e
D ynam ique
scientifique
D ynam ique
politique
D ynam ique
économ ique
D ynam ique
sociale
Enfin, la troisième alliance (figure 5C) serait celle des dynamiques sociale et
scientifique. La recherche, en particulier la recherche publique mais aussi de nouveaux
opérateurs indépendants, prendrait ses distances par rapport à la notion de
« technoscience » et à la dynamique économique et se rapprocherait de la dynamique
58
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
sociale, en prenant davantage en compte ses interrogations, ses craintes et sa vision
souhaitée du progrès. Cette alliance peut en particulier aboutir à l’émergence de pôles
scientifiques originaux de contre-expertise (voir par exemple la CriRad, les laboratoires des
associations de consommateurs…) soutenus par la société civile (fondations, campagnes
caritatives…). Se renforcerait ainsi un « tiers-secteur » scientifique, défini ici comme
ensemble d’organisations citoyennes qui élaborent, sous des formes diverses, une expertise
indépendante sur les enjeux scientifiques et techniques et qui sont parfois impliquées dans
le soutien et l’évaluation de la recherche.
Dans cette reconfiguration, les pôles politique et économique auront à choisir entre
une attitude positive vis-à-vis de cette nouvelle alliance (à l’image du protocole de Kyoto) et
une stratégie d’affrontement, dans laquelle le système politico-économique apparaît déphasé
par rapport à la société civile, situation dont certaines conférences du G8 fournissent
actuellement une image.
C. L’alliance socio-scientifique
Dynamique
politique
Dynamique
scientifique
Dynamique
sociale
Dynamique
économique
Il nous semble cependant que cette configuration serait difficilement durable, en
particulier parce que les acteurs économiques chercheront rapidement à tirer les leçons de
cette nouvelle donne et à s’y adapter.
Cette analyse est à l’évidence excessivement schématique, en particulier parce
qu’elle considère chaque composante comme une entité globale et n’intègre donc pas
leur hétérogénéité, leurs tensions internes et les possibilités d’alliances partielles
entre des sous-ensembles de chaque composante. Elle balise cependant un « espace
des possibles » et montre que le positionnement du politique doit à l’avenir se
concevoir par rapport à une dynamique d’ensemble qu’il ne peut prétendre, à lui seul
maîtriser.
C’est dans cette perspective qu’une « refondation » de l’action publique peut
s’envisager. Elle devra choisir entre deux grandes options stratégiques :
-
l’une étant de rejoindre la dynamique de l’alliance dominante, de la conforter et
d’essayer d’y intégrer progressivement les objectifs spécifiques de l’action
publique ;
-
l’autre étant de percevoir et souligner les limites de cette alliance dominante et
de chercher à rééquilibrer la dynamique globale, en s’appuyant sur la
composante qui apparaît marginalisée pour en faire reconnaître et prendre en
compte les attentes légitimes.
Ainsi, face à une implication croissante des acteurs économiques dans la dynamique
scientifique (figure 5A), la priorité sera-t-elle soit d’accompagner cette implication par des
mesures appropriées, soit de s’assurer que les attentes de l’ensemble des acteurs sociaux
59
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
soient effectivement prises en compte, en réorientant si nécessaire une partie de la
recherche publique vers ces finalités. La réflexion actuelle sur les médicaments et la
politique de santé, dans les pays développés et encore plus à l’échelle planétaire, constitue
un bel exemple d’interrogation sur le positionnement que doivent adopter les politiques
publiques. Cet exemple incite en particulier à anticiper sur la conduite à tenir vis-à-vis
d’évolutions similaires pouvant toucher d’autres secteurs (alimentation, environnement…).
*****
***
*
60
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
IX. CONCLUSIONS : MESSAGES, CONVICTIONS,
PISTES POUR L’ACTION
Pour proposer une autre lecture de nos travaux, nous avons résumé dans cette
conclusion les principaux « messages » qui émergent des discussions autour des
hypothèses, scénarios et analyses proposés. Ces messages débouchent sur des
questionnements et des pistes d’action qui devront être approfondis lors de la deuxième
phase de l’opération FUTURIS.
Ils s’articulent autour d’une ambition globale, énoncée dans le titre de notre rapport :
plutôt que de considérer les évolutions actuelles de la société comme préoccupantes et
susceptibles de constituer un frein à l’innovation, il faut socialiser l’innovation, c'est-à-dire
placer la société, ses attentes, sa dynamique, ses interrogations, au cœur du système
d’innovation et faire le pari que cette stratégie se révèlera beaucoup plus fructueuse
qu’une option visant à cantonner la société dans une fonction de consommation
passive.
Nous présenterons ces messages autour de quatre axes complémentaires :
-
comprendre la société de demain ;
-
énoncer les ambitions et proposer une vision ;
-
trouver les voies de l’action.
1. COMPRENDRE LA SOCIETE DE DEMAIN
Sans prétendre être exhaustif, nous soulignerons tout d’abord quelques traits
importants de notre vision de la société de demain, qui sont à intégrer dans toute stratégie
relative à l’évolution du SFRI.
1.1. Une dynamique qui s’exprimera de toutes façons
Nous souhaitons rappeler un élément fort de notre cadrage initial : considérer la
dynamique de l’innovation comme la résultante des interactions diverses et non
hiérarchisées entre les dynamiques scientifique, économique et sociétale, qui peuvent
chacune jouer ou non un rôle majeur dans la genèse des innovations de demain. Il s’agit
donc de rompre avec un schéma linéaire descendant, selon lequel la science est la source
active des innovations et la société une réceptrice passive et de comprendre que la
dynamique sociétale, qui s’est exprimée plus ou moins sporadiquement par le passé
jouera de toutes façons un rôle important dans l’avenir. Il est peut-être possible
d’orienter cette dynamique, de s’appuyer sur elle, mais certainement pas de prétendre
la freiner durablement.
61
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
1.2. Diversifier l’innovation : un enjeu global
Autre point de notre cadrage initial, le fait que l’innovation portant sur des
services, des procédés, des modes de gestion, des associations de produits et
procédés… pouvait constituer à l’avenir un domaine tout aussi fécond que des
innovations de produits issus de nouvelles technologies est une conviction renforcée
à l’issu de nos analyses.
Une telle stratégie, explicitée dans le scénario « Citizen push », est susceptible de
mobiliser de nouveaux acteurs (notamment les PME), de s’adapter à la diversité des
contextes et des attentes et de permettre à la société de s’approprier véritablement le
processus d’innovation.
Elle ne doit cependant pas être considérée comme un simple ajustement ou une
extension du SFRI actuel. Cette ambition devra au contraire faire l’objet d’une stratégie
globale et cohérente impliquant en particulier un travail sur les représentations (abolir la
distinction entre « vraies » et « fausses » innovations), sur la culture scientifique et technique
(inciter à une créativité non liée aux « découvertes »), sur l’orientation du système de
recherche (développement de nouvelles disciplines) et sur l’accompagnement de l’innovation
(responsabilité, propriété intellectuelle).
Nous soulignons en particulier la nécessité d’aider les entreprises de service et les
PME considérées – ou se considérant – comme « peu innovantes » d’une part, les
chercheurs d’autre part, à acquérir les outils du dialogue permettant de co-construire les
problématiques de recherche pertinentes par rapport aux innovations, d’en piloter le
déroulement et de développer des démarches d’apprentissage collectif.
1.3. Les valeurs : des déclinaisons conflictuelles et instables
Les grandes attentes fondamentales de la société (égalité, liberté, responsabilité,
fraternité, sécurité…) sont et demeureront sans doute des références assez consensuelles
et stables. Cependant, cette stabilité ne permet pas de prédire ce que sera l’évolution
concrète des comportements.
En effet, il nous est apparu que la manière de « traduire » ces valeurs à travers des
propositions pratiques sera, dans une société multiculturelle, l’objet de divergences et
d’enjeux qui pourront donner lieu à de fortes tensions : différents acteurs politiques,
économiques ou sociaux proposeront des projets permettant, selon eux, de prendre en
compte « au mieux » des enjeux comme l’équité au sein de la société ou entre le Nord et le
Sud. De même, des modèles agricoles et alimentaires variés seront avancés, de manière
parfois conflictuelle, pour répondre « au mieux » aux attentes en termes de sécurité et de
qualité des aliments.
La crédibilité relative de ces acteurs et des projets qu’ils portent pourra se modifier
fortement au fil du temps et donner lieu, notamment en cas de crise, à des phénomènes de
« zapping comportemental » rapides et déroutants.
C’est donc à ce contexte fluctuant qu’il convient de s’adapter, en repérant les
périodes clés où de telles évolutions se produisent et en se préparant à y être présent.
1.4. Respecter et écouter la pluralité des modes d’expression
Il est classique d’entendre des scientifiques, des responsables économiques, des
acteurs politiques, stigmatiser la « contradiction » entre les souhaits exprimés par le citoyen
et leur traduction dans les comportements d’achats des consommateurs. Selon ce point de
vue, le citoyen-consommateur ne serait pas cohérent (on le traite parfois de
62
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
« schizophrène »), en délaissant souvent les produits supposés traduire ses attentes et ses
valeurs au profit de produits à moindre coût.
Nous souhaitons au contraire souligner que ces deux modes d’expression se situent
dans des systèmes de références distincts, l’un qui est du domaine des attentes et des
espérances, l’autre qui est contraint par les réalités du quotidien (pouvoir d’achat, temps et
offre disponibles…).
Ces deux aspects constituent donc aujourd’hui deux canaux d’expression
complémentaires de la société, qui doivent tous les deux être considérés comme
légitimes. Comment peut-on à l’avenir capter et analyser les messages issus de ces
deux canaux ? Comment les prendre en compte dans la conduite de l’innovation ?
1.5. Un nécessaire repositionnement des sciences
Les sciences ont été l’objet au 20ième siècle de critiques souvent radicales portant sur
les critères de scientificité, la notion d’objectivité, le caractère provisoire des certitudes, les
déterminismes psycho-sociologiques des théories, la non-prévisibilité des systèmes
complexes…
Il est donc important de véritablement intégrer ces apports et de proposer aujourd’hui
pour la démarche scientifique, parmi les « modes de connaissance » pratiqué par la société,
une posture différente de celle du début du 20ième siècle. Cette posture devrait en particulier
être moins hégémonique (ne pas revendiquer d’être le seul mode de connaissance
« légitime »), plus impliquée (se présenter comme une dimension de « l’aventure » d’une
société en devenir beaucoup plus que comme un regard « extérieur » sur cette société) et
plus interactive avec les autres dimensions de la culture (art, philosophie…).
Ne nions pas que ce repositionnement des sciences peut se révéler déstabilisant,
tant au sein de la communauté scientifique, préoccupée à juste titre par le spectre du
relativisme, qu’au sein de la société, qui pourra s’interroger sur ce « recul » des savants.
Comment faire comprendre ce nouveau positionnement de la science et en
montrer l’importance et l’intérêt ?
1.6. Ne pas exclure des scénarios de découplage, voire de rupture
Parmi les scénarios envisagés, certains envisagent une évolution forte des relations
entre la société et l’innovation et méritent d’être soulignés.
Le premier est celui d’un « découplage » entre la sphère publique et la sphère privée.
Sous l’effet de divers facteurs, notamment des crises sanitaires ou environnementales, la
sphère publique (la recherche publique et ses régulateurs) serait amenée à se recentrer sur
la gestion des biens communs (protection de l’environnement, santé…) et n’apporterait plus
qu’un appui marginal à l’innovation, ce domaine relevant de la seule initiative privée. La
sphère publique serait en particulier incitée à se focaliser sur le développement de capacités
d’expertise permettant d’évaluer les conséquences de l’introduction d’innovations issues des
opérateurs privés nationaux ou étrangers. Une telle évolution pourrait paradoxalement
résulter de la mondialisation des échanges, à travers une convergence internationale sur la
notion « d’Etat minimum », dont les interventions dans la sphère marchande serait critiquées
comme introduisant des distorsions de concurrence.
Le second scénario, plus radical, est celui d’une société rompant avec le grand
paradigme du 20ième siècle, à savoir la vision d’un progrès économique et social alimenté par
l’évolution technologique et l’innovation. Les innovations ne seraient plus considérées que
comme des « commodités », que l’on pourrait se procurer à moindre coût sur le marché
mondial (au même titre que l’énergie et les matières premières au 20ième siècle) et non plus
63
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
comme des activités stratégiques qu’il convient de maîtriser et qui conditionnent le progrès
de la société.
Nous avons présenté ces deux scénarios pour souligner que l’affirmation selon
laquelle l’innovation constituera le cœur de la dynamique de la société du 21ième siècle
et qu’elle doit donc faire l’objet d’une politique ambitieuse et volontariste, ne peut
aujourd’hui être considérée comme une évidence et une conviction largement
partagée.
2. ENONCER LES AMBITIONS, PROPOSER UNE VISION
Pour donner aux actions concrètes un sens et une perspective globale, il est
important d’affirmer à chaque occasion un certain nombre de convictions et de « visions ».
Sans prétendre être exhaustif, nous soulignerons quatre points pouvant structurer cette
nouvelle vision des relations entre la société et l’innovation.
2.1. Rompre avec le dilemme « précaution contre innovation »
Parmi les évolutions actuelles de la société, une attention apparemment croissante à
la question des risques et une demande forte de prise en compte de ces risques par les
pouvoirs publics est souvent soulignée. Elle est perçue par beaucoup d’acteurs du SFRI
comme une manifestation d’immobilisme, de frilosité, qui serait antagoniste de l’esprit
d’innovation, caractérisé par le goût du risque et de la nouveauté.
L’introduction du principe de précaution, qui invite à prendre en considération des
risques émergents avant même qu’ils ne soient avérés, est considéré dans cette optique
comme emblématique de cette « dérive » de notre société vers une réticence croissante visà-vis de l’innovation.
Nous proposons une lecture beaucoup plus positive de cette dialectique entre
précaution et innovation. En effet, la prise en compte de risques non avérés, qui invite
généralement à développer des recherches permettant de mieux les caractériser (voir en
particulier la communication de la commission européenne sur le principe de précaution)
peut se révéler un puissant moteur pour des innovations diversifiées : les programmes sur
les dépérissements forestiers, sur les changements climatiques, sur les maladies à prions
constituent de bons exemples de ce rôle dynamisant de l’application du principe de
précaution. De même, certaines innovations ne verront leur marché se développer qu’à
l’occasion de la prise de conscience de l’importance ou du caractère inacceptable d’un
risque : l’évolution des automobiles vers une sécurité sans cesse accrue, les recherches sur
le stockage à long terme des déchets nucléaires illustrent cet aspect.
2.2. Clarifier les enjeux de la culture scientifique et technique
Le rôle déterminant que jouera la culture scientifique et technique - tant dans son
contenu que dans ses médias et ses méthodes - dans le positionnement à moyen terme de
la société par rapport à l’innovation est une conclusion forte de nos analyses.
Cependant, sous l’intitulé global de CST, plusieurs conceptions et ambitions se
regroupent et il convient sans doute de les identifier. La première serait celle d’une
apprentissage « opérationnel », permettant de comprendre et donc de mieux accepter les
sciences et techniques. La seconde serait de former des capacités critiques, permettant aux
citoyens de participer aux débats sur de grands choix technologiques, à l’image de la
64
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
conférence de citoyens sur les OGM. Enfin, une ambition encore plus forte, mais légitime,
sera de montrer en quoi la démarche scientifique, à travers ses valeurs de créativité, de
doute systématique, d’émulation et de contradiction respectueuses tant des faits que des
personnes, de prise en compte des opinions minoritaires, peut constituer un véritable « art
de vivre » ou une « manière d’être ».
Il est évident que les méthodes, les acteurs aussi bien que les contenus seront très
différents selon l’objectif poursuivi.
Quelles sont les ambitions des différents acteurs de la CST ? Sont-elles
convergentes ou, au moins, complémentaires ? Existe-t-il des lieux où ses points de
vue peuvent se confronter et identifier éventuellement des convergences d’intérêts ?
2.3.
d’universalisme
Affirmer
pour
les
sciences
une
ambition
d’intégration
et
Si les sciences doivent se présenter de manière moins hégémonique, elles ne
doivent cependant pas renoncer à souligner certaines dimensions originales et positives de
la culture scientifique.
La première est sa dimension universelle, toutes les cultures ayant contribué, au
cours de l’histoire humaine, au progrès des sciences et des techniques. Ce message de
reconnaissance mutuelle et de coopération des cultures mérite d’être mis en avant.
La seconde est le rôle que peuvent jouer les sciences dans l’intégration au sein d’une
société, en particulier au sein du système scolaire. Sans idéaliser, il nous semble que les
matières scientifiques, assorties d’une pédagogie appropriée, sont moins dépendantes des
référentiels culturels que ne le sont l’histoire, la littérature, les langues et peuvent donc
contribuer fortement à l’intégration sociale.
Affirmer la volonté des sciences et techniques de contribuer à construire la
société de demain - non seulement dans son contenu technologique mais surtout
dans son projet global - nous apparaît un message ambitieux et insuffisamment
énoncé par la communauté scientifique. Comment le faire connaître et le traduire ?
Comment l’adapter à la diversité des cultures ?
2.4. Militer pour un « continuum d’apprentissage »
Dans la formation de la culture scientifique et technique, l’idée d’une démarche de
découverte et d’apprentissage tout au long de la vie émerge peu à peu et doit être promue
fortement. Elle suppose d’établir en particulier un continuum et une interpénétration entre les
activités et les acteurs scolaires, parascolaires, postscolaires qui nous semblent aujourd’hui
encore trop cloisonnées.
Cette ambition suppose également de maintenir à chaque étape un équilibre entre
l’acquisition de savoirs immédiatement utilisables et une ouverture permettant à l’individu de
développer son autonomie par rapport à ses activités présentes et d’envisager des
évolutions.
Comment mettre en œuvre concrètement, avec les différents opérateurs
concernés, ce « continuum d’apprentissage » ? Comment mobiliser de nouveaux
intervenants (entreprises, associations…) pour construire cette offre globale ?
Comment éviter une spécialisation excessive des opérateurs, notamment entre
formation initiale et continue ?
65
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
3. TROUVER LES CHEMINS DE L’ACTION
Nous énoncerons tout d’abord deux domaines où la société d’aujourd’hui s’interroge
légitimement et où il conviendra d’apporter à l’avenir des réponses adaptées et reconnues
comme telles.
Nous proposerons ensuite quatre « leviers » qui nous apparaissent importants pour
traduire concrètement l’ambition de « socialiser l’innovation ».
3.1. Apporter une réponse crédible à la question de la responsabilité
Le fait que des innovations considérées initialement comme sans dangers puissent à
terme manifester des effets néfastes - et parfois difficilement attribuables à un opérateur
donné - est une réalité maintenant ancrée dans l’esprit de tous les citoyens et constitue une
composante importante de leur « culture du risque ». Vis-à-vis de tels aléas, la notion de
« fatalité » sera de moins en moins admise et les victimes attendront de voir leurs préjudices
reconnus et pris en charge d’une façon qu’elles estimeront équitable. La manière dont de
tels évènements seront gérés, à défaut d’avoir été anticipés, constituera donc un
déterminant clé de l’attitude de la société.
Comment répondre à cette attente ? Quelle répartition des rôles faut-il instaurer
entre les différents opérateurs publics et privés concernés ?
3.2. Contribuer à une vision positive de la relation innovation-emploi
La perception positive ou négative des innovations apparaît fortement déterminée par
leurs conséquences, réelles ou perçues, sur l’emploi (en termes tant quantitatifs que
qualitatifs). Cela apparaît particulièrement vrai pour les innovations « de rupture », liées à
l’introduction de nouvelles technologies, qui se traduisent par un transfert important
d’emplois d’un secteur d’activité (et souvent d’un bassin d’emploi) à un autre. Dans ce cas,
même si l’analyse macroéconomique apparaît positive, la perception sociale en sera souvent
négative.
Même si le concept de « destruction créatrice » est bien connu des experts de
l’innovation, il serait difficilement soutenable de prétendre que le bilan de l’introduction d’une
innovation majeure est toujours, partout et pour chacun, positif et ne nécessite donc pas de
mesures d’accompagnement adaptées. Parmi celles-ci, la possibilité pour un employé de
« suivre son emploi », à travers les modifications progressives ou brutales de son contenu
technique, apparaît donc une variable clé. Elle sera conditionnée en particulier par les
capacités du système de formation, initiale ou continue, à accompagner ces changements et
par la perception du caractère désormais période caduque d’une distinction forte entre
période de « formation/apprentissage » et période « d’activité ».
Comment anticiper et gérer ces évolutions ? Comment permettre à chacun de
conduire son itinéraire personnel dans un tel contexte ?
3.3. Gérer et « interpréter » les crises
Dans la modification éventuelle de la crédibilité des différents acteurs du SFRI, les
crises (non seulement sanitaires mais aussi économiques, sociales, environnementales) ont
joué et continueront sans doute à jouer un rôle déterminant.
Si la gestion de la crise à son paroxysme n’offre que peu de possibilités de diffuser
des messages autres que ceux directement liés à l’instant, la période « post-crise » offre un
moment privilégié pour proposer une lecture de ce qui s’est passé et des conclusions qu’il
convient d’en tirer. Cette phase de « socialisation de la fatalité » permet en effet d’exprimer
66
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
des convictions sur ce qu’est la société, sur ses évolutions passées et sur son avenir, voire
de présenter un bilan, éventuellement critique, sur sa propre action. L’exemple récent de la
« lecture » de la canicule estivale est particulièrement riche pour illustrer ce message.
C’est en particulier dans ces périodes sensibles que s’élabore et se modifie la
« culture du risque » des citoyens, c'est-à-dire la représentation qu’ils construisent, de
manière empirique, de la manière dont ils seront traités en cas d’exposition au risque.
C’est à travers cette culture que seront appréciées les nouvelles innovations et
vécues les crises ultérieures. Comment mettre en œuvre une telle démarche, dans
laquelle les différents acteurs pourraient exprimer et confronter leurs analyses sur
« ce que la crise leur a appris » ?
3.4. Renforcer le « tiers-secteur » scientifique
Les sociétés modernes se caractérisent par l’émergence, au sein de la société civile,
d’organisations citoyennes qui élaborent sous des formes diverses un discours et une
expertise, revendiquée comme indépendante, sur les enjeux scientifiques et techniques :
organisations de consommateurs, associations de malades, défenseurs de
l’environnement… Non intégré au sein de la science institutionnelle (même si certains
chercheurs s’y impliquent à titre personnel) ou du monde économique, ce « tiers-secteur »
scientifique commence à être impliqué dans le soutien et l’évaluation de la recherche et dans
l’expertise, en particulier aux Etats-Unis et dans les pays du Nord de l’Europe. En France, il
est plutôt considéré comme un frein potentiel à l’innovation, dont la légitimité, la
représentativité et la crédibilité sont souvent contestées.
Considérer, à l’inverse, que cette émergence est à la fois inévitable et
potentiellement positive pour la dynamique de l’innovation est une facette du pari
global que nous proposons. L’expérience encore limitée du rôle des associations de
malades dans la dynamique de la recherche biomédicale incite à cette vision optimiste. Un
tel pari suppose que se mette en place une stratégie proactive d’association de ce tierssecteur scientifique aux différentes étapes du processus d’innovation, mais aussi à des
opérations d’expertise contradictoire, de diffusion de la culture scientifique et technique, voire
à des réflexions sur les orientations à moyen terme du système de R&D.
3.5. Développer une culture et une pratique du débat
Parmi les différents scénarios envisagés pour le SFRI, il est évident que celui basé
sur la notion d’innovation globale (« Citizen push ») nécessitera d’impliquer fortement les
citoyens à toutes les étapes du processus.
Une autre option ambitieuse envisagée pour le SFRI (scénario « l’innovation
négociée ») est une spécialisation sur de grands défis technologiques pouvant déboucher
sur des innovations largement diffusées dans le monde (transports, énergie,
télécommunications). On pourrait considérer a priori cette option comme moins
« exigeante » sur le plan de la participation des citoyens. Nous souhaitons insister au
contraire sur le fait qu’elle ne pourra pas à notre avis être gérée de manière technocratique.
Autant (et peut-être plus) qu’une stratégie basée sur le développement de services tout
autant que de produits (scénario « Citizen push »), elle obligera donc à développer des
formes de mise en débat permettant a priori à la société de s’approprier et de valider une
telle option. Dans le contraire, la mise en débat a posteriori de la gestion des conséquences
problématiques des innovations (voir la question des déchets nucléaires ou des OGM)
apparaît souvent difficile et conflictuelle.
Comment définir et mettre en œuvre, pour les différents systèmes d’innovation,
les débats adaptés aux différentes situations ? Quelles sont les leçons des
67
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
expériences, déjà
technologiques ?
nombreuses,
de
débats
publics
sur
de
grands
choix
3.6. Affirmer et décliner les légitimités respectives des sciences ET des
techniques
Plusieurs facteurs ont contribué à faire percevoir au public les sciences et les
techniques comme un ensemble fortement intégré. Il en résulte, d’une part, que les
techniques apparaissent souvent comme de simples « retombées » de la science et n’ont
donc pas de légitimité propre, alors que leur histoire est riche d’innovations autonomes et,
d’autre part, que les sciences seront perçues et jugées uniquement à l’aune de leur
contribution à l’innovation technique et subiront donc le contrecoup des éventuelles
conséquences néfastes des innovations techniques.
Comment montrer que ces deux domaines sont, certes, en interaction (dans les
deux sens) mais ont également des démarches, des objectifs, des acteurs spécifiques
et peuvent donc développer des ambitions propres ? Comment faire comprendre
qu’ils peuvent nouer des relations parfois synergiques, parfois critiques ? Comment
faire percevoir la richesse de ces deux cultures et leurs contributions
complémentaires à la dynamique de l’innovation ?
3.7. Promouvoir
« contextualisation »
une
transition
de
la
« vulgarisation »
à
la
Pour répondre aux attentes de la société, une transition doit certainement s’amorcer
entre une culture de « vulgarisation », visant à faire connaître et comprendre les
caractéristiques intrinsèques des innovations ou des méthodes utilisées pour les produire, et
une culture de « contextualisation », visant à compléter cette approche pour répondre aux
multiples interrogations sur des aspects « extrinsèques » : qui développe cette innovation ? à
qui iront les bénéfices ? quelles seront les conséquences socio-économiques ? qui évalue et
gère les risques immédiats ou différés ?…
Ces questions, qui semblent souvent « hors sujet » pour les promoteurs des
innovations, apparaissent en effet aujourd’hui de plus en plus déterminants dans la formation
de l’opinion des profanes vis-à-vis de ces innovations.
Comment prendre en compte ces nouvelles attentes ? Faut-il mobiliser de
nouveaux acteurs ? Comment inventer de nouvelles modalités de dialogue pour
permettre à chacun de construire « sa » culture scientifique et technique ?
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***
*
68
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
POST SCRIPTUM
Pour clôturer ce rapport, nous avons proposé aux membres du groupe qui le
souhaitaient d’exprimer en quelques lignes les conclusions fortes et les convictions qu’ils
retiraient de cette démarche collective.
Jean-Pierre Alix : Remettre la science en culture
Notre société, mais aussi les sociétés européennes, et plus généralement celles des
pays développés, héritières de la Renaissance, se sont fondées sur cette idée que le
développement des sciences et des techniques était émancipateur, et permettait la maîtrise
de la nature et la puissance.
Plus que jamais, les Etats ont porté cette vision au XXème siècle à travers des
politiques scientifiques fortes, incarnées aujourd’hui dans une production de connaissances
et une activité professionnelle scientifique sans précédent dans le monde.
Schématiquement, dans le siècle, ces politiques ont d’abord couplé science et défense (les
savants atomistes), puis la recherche et l’industrie, et plus récemment semble-t-il, avec la
transformation du monde qui a suivi la chute du soviétisme, d’autres préoccupations d’utilité
comme la préservation de l’environnement ou la santé ont pris le pas.
Notre système de recherche et d’innovation ne prend pas l’une ou l’autre de ces
formes uniquement, il est une combinaison des trois.
La production massive de connaissances scientifiques a transformé profondément
nos vies, tant en les allongeant considérablement qu’en construisant toutes sortes d’objets
qui permettent une mobilité accrue, de moindres efforts dans le travail, etc ; cet aspect positif
s’accompagne néanmoins d’une certaine défiance, née avec l’utilisation militaire de l’atome,
renforcée dans les années 80 et 90 par plusieurs crises (sang contaminé, vache folle,
dioxyne, …) qui reposent dans l’opinion la question du statut de la science : est-elle bonne
ou mauvaise, dépendante ou indépendante de ses applications, utile ou inutile, etc ?
L’une des clés réside certainement dans la culture scientifique de nos concitoyens,
c’est à dire dans leur propre niveau de connaissances scientifiques, souvent issu de leur
période initiale d’études, et dans l’importance qu’ils lui attribuent dans leur vie privée et leur
vie professionnelle.
Dans la période de développement des échanges que nous vivons, nous avons à la
fois besoin de disposer de lieux d’excellence à la pointe internationale de la science, de
transformer rapidement les connaissances en activités économiques, de former
suffisamment d’étudiants au raisonnement scientifique et donc de les convaincre de
s’engager dans cette voie.
L’éducation initiale aux sciences doit prendre de nouvelles formes qui ne soient pas
uniquement destinées à la sélection élitiste des grandes écoles.
De grandes institutions, et un tissu associatif implanté dans la plupart des villes se
consacrent aujourd’hui à la communication de la science et de la technique (CNAM, Palais
de la découverte, les Muséums d’histoire naturelle, Cité des sciences et de l’industrie,
CCSTI, AMSTI, etc ). Leurs modes d’action les plus courants sont l’exposition et le débat.
L’Université et les grands organismes y sont trop peu présents.
C’est pourquoi le défi de la citoyenneté est, pour la recherche, tout aussi important
que celui de l’excellence ou de l’innovation. Ce “ troisième pied ” des politiques scientifiques,
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
encore embryonnaire aujourd’hui, a pour buts la recherche d’un assentiment et donc d’un
appui de la population, mais également l’écoute attentive et la traduction de ses attentes
dans les activités de recherche et d’éducation. Il doit montrer et communiquer
l’enthousiasme des métiers de la découverte, et pour cela mobiliser au premier chef les
scientifiques eux mêmes.
Après avoir rebâti un modèle constitutif du SFRI, et exploré quelques scénarios
d’évolution contextuelle de la relation science-société, nous pensons que la suite de nos
travaux devrait consister à diagnostiquer les “ barrières à l’entrée ” dans les sciences et les
techniques tout au long de l’éducation scolaire et universitaire, la pertinence des offres de
formation au long de la vie dans ce domaine, l’impact du système spécialisé (établissements
publics nationaux et territoriaux, tissu associatif), l’absence relative des scientifiques dans les
processus de communication au public. Le rôle et la place des grands médias ne seraient
pas absents de ce diagnostic.
Claire Sabbagh : Pour une culture du service public de la recherche
L’action publique se positionne, avons-nous dit, autour des trois pôles : dynamique
économique, dynamique scientifique et dynamique sociale. Il me paraît important de lever
toute ambiguïté sur l’un de nos messages qui évoque comme pistes possibles d’évolution
soit l’adhésion à la dynamique de l’alliance dominante pour la conforter, soit une recherche
de rééquilibrage de la dynamique globale, en réintégrant la composante qui paraît
marginalisée.
Dans ces configurations, l’action publique apparaît à la marge, soit opportuniste, soit
régulatrice, mais toujours suiviste par rapport à une dynamique engagée comme en dehors
d’elle. Cette interprétation est dangereuse, d’autant plus qu’elle est dans l’air du temps où les
forces du marché et de la concurrence sont présentées comme des leviers « spontanés » de
l’innovation, à charge pour la société a posteriori de s’exprimer sur le fait qu’elle l’accepte ou
non.
La restauration des liens entre recherche/innovation/société passe par une présence
forte de l’action publique, non plus sous la forme de l’Etat stratège des Trente glorieuses,
mais sous les traits d’un Etat médiateur, non plus à la « tête », mais au « cœur » des
processus sociaux de production, de transfert et d’appropriation de l’innovation, - ce terme
n’étant pas réduit ici à son acception technique et commercialisable. Ce recentrage de
l’action publique pourrait s’opérer autour des biens publics, l’eau , l’air, les ressources
génétiques, la santé, tous biens dont le soin, qui s’exprime en programmes de recherche et
en capacité d’ expertise, ne garantit pas de retour sur investissement rapide. Cela ne veut
pas dire que l’Etat puisse devenir le gardien tutélaire et désintéressé d’un patrimoine
universel, au nom du principe de précaution et dans l’intérêt des générations futures, mais
cela ouvre un espace à la négociation entre les différentes forces à l’œuvre dans le champ
de l’innovation. La définition de ces biens publics en concertation avec le corps social, la coconstruction de priorités avec la société, l’anticipation sur les conséquences des innovations
sur la vie de notre société, l’attention prêtée aux lanceurs d’alerte, une politique de culture
scientifique en phase avec des choix scientifiques et technologiques engageant l’avenir sont
du ressort de l’Etat. L’action publique a un rôle majeur à jouer dans l’éthique de la recherche,
sous réserve qu’elle soit inspirée et animée par un projet partagé par l’ensemble de la
société.
Maïté Errecart : Le défi de la sociéte innovante
Notre société sait réaliser des grandes œuvres techniques : des fusées, des trains,
des ordinateurs . C’est à la fois le travail des grandes entreprises et celle de la recherche
publique classique. Elle est beaucoup moins à l’aise dans la résolution de ce qui intéresse
aujourd’hui le public : la sécurité urbaine, le développement durable ou encore l’emploi. C’est
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
que, dans ce cas, on est dans le domaine d’acteurs multiples et dispersés et que la
communauté scientifique ne s’est pas réellement mobilisée sur ces sujets difficiles et aux
résultats moins mesurables que la construction d’objet.
Il faut en conséquence insister pour que ces préoccupations soient mieux prises en
compte par la recherche française.
Il faut que celle ci développe un outillage adapté à la résolution de ces problèmes.
Cela renvoie en particulier au développement des sciences humaines. Cela renvoi à ce la
recherche développe sa capacité de dialogue et d’action avec le tissu économique et social
(petites entreprises et citoyens).
Perrine Simon-Nahum : Le savoir au centre de la relation science-société
Les chercheurs doivent être conscients aujourd’hui de l’urgence qu’il y a à rétablir la
valeur « savoir » au centre de notre société.
La recherche et l’innovation ne conserveront leur place dans notre société que si les
valeurs porteuses de connaissance qu’elles incarnent sont inculquées par l’éducation en
général. Recherche et innovation seront en effet impuissantes à faire progresser les esprits
et à lutter contre l’obscurantisme
si elles ne peuvent s’appuyer sur un modèle
d’enseignement plus exigeant que celui que nous connaissons aujourd’hui. Recherche et
enseignement doivent donc travailler ensemble à rétablir une pédagogie de l’effort.
Parallèlement il appartient aux scientifiques de promouvoir chez les politiques et les
décideurs une philosophie des valeurs, reposant sur une approche réflexive des problèmes.
Remettre le savoir au centre de notre société est capital. Il en va de l’esprit critique de
l’individu et du citoyen et de sa capacité à se déterminer face à son avenir.
La recherche a donc par essence son mot à dire en amont et en aval de l’éducation
citoyenne.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
ANNEXES
Annexe 1 : Mandat du groupe
Annexe 2 : Composition du groupe
Annexe 3 : Agenda de travail
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
ANNEXE 1 : MANDAT DU GROUPE
« Citoyenneté de la science, de la recherche et de l’innovation
dans la société de demain »
I – Problématique :
Porteuse de progrès pour l’humanité, qui n’en bénéficie pas dans sa totalité, la science et
l’innovation technique qui en découle ne sont pas toujours synonymes de progrès dans la
conscience collective des sociétés les plus développées.
Le modèle occidental que les sciences et techniques ont permis de construire est remis en
question et se retrouvent en confrontation avec la volonté d'un développement durable, défi
que les sciences et l'innovation peuvent toutefois relever.
La science reste à l’origine des progrès matériels, désormais plus souvent associés à
l’amélioration des techniques qu’à l’évolution des connaissances. Une désillusion
accompagne cependant ce progrès matériel pressenti à la fois comme proche et lointain ;
proche dans l’accès direct des technologies avec le téléphone portable, par exemple, et
lointain avec le développement des biotechnologies ou l’essor de l’industrie nucléaire.
Désacralisée, et même contestée la science inquiète le citoyen qui n’en comprend pas les
enjeux. Le savoir devient objet de suspicion et n'est plus considéré, en lui-même, comme
porteur de valeurs. De récents sondages le révèlent et pour la première fois les Français
considèrent les sciences comme davantage porteuses de maux que de bienfaits. Le
syndrome de l’apprenti sorcier gagne tous les esprits et dès le plus jeune âge.
Face à ce caractère désormais ambivalent de la science, opinions et pouvoirs publics
recherchent des références nouvelles et mettent en avant des considérations éthiques
souvent mal posées et mal débattues. La difficulté de distinguer entre science et utilisation,
l’exigence de sécurité, la crainte des risques, la rupture entre la société et "sa" science
génèrent des peurs et peuvent conduire à cette exigence impossible que la science soit
porteuse de vérité et de prudence absolue. De telles attitudes finissent par paralyser toute
recherche et donc tout progrès technique.
Délaissées par les élèves en crise de vocation scientifique, et peu enclin à y faire carrière,
les sciences sont mal apprises et leurs méthodes peu acquises. Le goût pour le savoir
scientifique s’étiole. Ce n’est pas le moindre des paradoxes dans un monde de plus en plus
dominé par les sciences et les technologies. Sans une formation initiale appropriée, les
citoyens ne peuvent cependant convenablement exercer leur jugement et se déterminer sur
les progrès de la recherche et de l’innovation, ni a fortiori être impliqués dans la dynamique
même du système d’innovation.
Cette absence de confiance de la société civile dans les sciences se traduit par un trop faible
investissement dans la recherche et développement. Une telle démission à tous les étages
de la société accroît le retard pris dans l’innovation en Europe et singulièrement en France.
Elle porte en germe le lent déclin de l’économie et de la société dans son ensemble. Il serait
pourtant illusoire de stopper l’avancée des sciences, c’est une évolution dynamique. La
poursuite de son rythme et l’adhésion de la société à son dessein exigent cependant un
effort global de communication, de pédagogie et de formation et de reconsidérer plus
généralement les rapports entre décideurs experts et citoyens.
75
« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
En vue de contribuer aux scénarios possibles d'évolution du système d'innovation en France
dans le cadre de la réalisation de l'espace européen de la recherche, les travaux du groupe
défi « Citoyenneté de la science et de l'innovation » porteront sur une meilleure
compréhension des comportements sociaux face à l'innovation à partir notamment d'une
analyse des cycles ou des mécanismes de ruptures de confiance des citoyens dans les
sciences et l'innovation et une identification des attitudes nouvelles des écoliers, lycéens et
étudiants dans les lieux de formation.
L’objectif est de caractériser les ressorts par lesquels un processus d'innovation va être
accepté par la société et de définir les attentes nouvelles à prendre en considération et
notamment les objectifs sociaux à promouvoir dans une économie mondialisée.
L'ambition de ce groupe est de proposer un ou plusieurs modèles originaux à développer
pour orienter, promouvoir et gérer la recherche et innovation en France en étroite liaison
avec la société.
II - Méthode de travail
II - 1 : Le Groupe de travail utilisera une méthode de travail lui permettant:
De coordonner ses travaux avec les deux autres groupes de travail thématique (Défis
de l'excellence scientifique et technologique pour le futur, citoyenneté de la science
et de l'innovation).
De permettre une consolidation des scénarios proposés par le groupe (mésoscénarios) dans le cadre des macro-scénarios qui seront proposés en fin d'exercice.
De mettre à profit les méthodes de la prospective et en particulier les méthodes
issues de l'analyse morphologique.
II - 2 : Dans ce but, les travaux du groupe seront conduits selon le processus suivant :
1. S'accorder sur l'analyse des tendances lourdes du domaine, d'étudier les
principales controverses entourant ce domaine ainsi que les principales
incertitudes entourant les prévisions et pouvant avoir une influence sur
l'évolution du sujet .
2. Parallèlement identifier les acteurs du domaine.
3. A partir de ces analyses, mettre en évidence les 5 composantes majeures
du domaine et pour chacune de ces composantes les 5 variables clés
principales, constituant ainsi un catalogue de 25 variables-clés essentielles
qui feront l'objet d'études de projections.
4. De bâtir des projections cohérentes, réalistes, contractées et crédibles de
l'évolution de ces principales variables-clés à l'horizon 2015 et d'en examiner
les conséquences pour le domaine de la compétitivité par l'innovation.
II - 3 : Cette projection pourra nécessiter des compléments d'études par exemple pour
identifier les tendances lourdes de certaines variables, déterminer la relation des
variables entre elles ou analyser la conséquence de l'évolution de certaines de ces
variables sur le système national d'innovation. Le groupe en fera alors la demande.
II - 4 : Certaines de ces variables pourront nécessiter la vision d'autres éléments ou variables
aux interfaces étudiées par les autres groupes défis: ces intersections seront identifiées
dès que possible et feront l'objet de demandes explicites d'examen aux autres groupes
concernés, y compris les comparaisons internationales dont est chargé le groupe dédié à
l'étude de la dynamique des systèmes d'innovation.
II - 5 La projection de certaines variables pourra nécessiter un travail approfondi de réflexion
qui pourra associer certains membres du groupe dans un sous-groupe qui pourra
auditionner ou solliciter des avis d'experts.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
II - 6 Des consultations élargies à l'ensemble des membres participants à la première phase
de l'opération FUTURIS seront organisées au cours de l'étude. Ces consultations
pourront être utilisées par le groupe pour solliciter des avis sur des questions importantes
telles que par exemple l'identification des variables-clés et les perspectives d'évolution
de certaines variables -clés.
II - 7 Les variables-clés ainsi que les méso-scénarios proposés par le groupe seront revus en
cours d'étude par le groupe "Dynamique des systèmes d'innovation" qui s'assurera de la
cohérence de l'approche du problème entre les trois groupes défis et de la possibilité de
consolidation finale eu sein des méso-scénarios. Cette revue donnera lieu à des
échanges qui pourront amener le groupe à modifier ses propositions dans ce souci de
cohérence d'ensemble.
III - Modalités de fonctionnement et calendrier
II - 1. Le groupe se réunira au moins 6 fois au cours de l’année 2003 en vue de procéder aux
réflexions et travaux définis dans les points ci-dessus.
II - 2. Le cadre et les modalités générales de son travail seront régis par une démarche
méthodologique notamment en ce qui concerne :
- les principales étapes de l’avancement de ses travaux
- les apports documentaires et bibliographiques dont il bénéficiera,
- la capitalisation, le partage et la réutilisation des connaissances au sein de l’opération,
- l’évaluation de l’opération.
II - 3. Le groupe pourra concevoir et mettre en œuvre, avec l’appui de son rapporteur et de
l’équipe projet, toutes modalités de travail complémentaires qui lui sembleraient utiles pour
remplir sa mission (auditions, sous-groupes…), dans le cadre du budget qui lui est alloué.
II - 4. Le groupe, dont les travaux devront être étroitement coordonnés avec ceux des trois
autres groupes, s’organisera de manière à pouvoir présenter des résultats pouvant être
rendus publics (dans les conditions présentées ci-dessous : III 3) au terme des trois
principales étapes de son activité, à savoir en septembre 2003, décembre 2003 et février
2004.
IV - Responsabilité du groupe et de ses membres
III - 1. Les membres du groupe sont nommés à titre personnel et ne peuvent se faire
représenter.
III - 2. Les membres du groupe ont toute l’attitude pour s’exprimer à titre personnel à
l’extérieur du dispositif de l’opération, mais leurs propos ne sauraient engager le groupe et
l’opération tant que le contenu des discours tenus n’aura pas été validé.
III - 3. La production du groupe et les résultats de ses travaux sont destinés à être rendus publics dès
lors qu’ils ont été validés selon le processus présent. Ils ont notamment vocation à fonder et alimenter
un débat largement ouvert au niveau national, qui prendra place au cours de l’année 2004.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
ANNEXE 2 : COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL
Équipe d’animation :
Monsieur Bernard Chevassus-au-Louis, Président du groupe, est Directeur de recherches à l’INRA
et actuellement Président du Muséum national d’Histoire naturelle. Normalien, biologiste de formation,
il a également été Directeur général de l’INRA et Président du Conseil d’Administration de l’AFSSA
(Agence française de Sécurité sanitaire des Aliments). Ses travaux actuels portent notamment sur les
risques alimentaires et le principe de précaution.
Madame Véronique Lamblin, Méthodologue du groupe, est Directrice des études de prospective et
de stratégie du Groupe Futuribles. Ingénieur en matériaux de formation, elle a été ingénieur de
recherche puis chef de projets « innovations carrosserie » et chargée de mission pour la stratégie long
terme au sein du groupe automobile Renault.
Monsieur Patrick Schmitt, Rapporteur du groupe, MEDEF, est directeur adjoint recherche-innovation
au MEDEF et rapporteur des comités de l'innovation et de la propriété intellectuelle au MEDEF. Il est
diplômé en droit et sciences politique et diplômé de l'EM Lyon (Sup. de Co.). Il est co-auteur des
mesures pour accélérer l'innovation en France (MEDEF, décembre 2000) et des propositions pour
une révision en profondeur du Crédit impôt recherche (MEDEF, octobre 2002). Il a été responsable du
réseau régional du CNPF (92 à 95) et coordinateur de la mission de prospective pour la refondation
de l'organisation patronale (95 à 97)
Membres du groupe :
Monsieur Jean Pierre Alix est actuellement directeur du développement de la Cité des sciences et de
l'industrie. Après des études supérieures à HEC et à l'Université de Paris, il a choisi le CNRS où il a
notamment co-dirigé le programme de recherche océanographiques. Il a participé en 1990 à la
création et à la mise en place du CNER, le comité national d'évaluation de la recherche, puis rejoint
pour l'évaluation des programmes de recherche le ministère de l'équipement. En 1995, le ministre de
l'éducation l'a chargé de la recherche à son cabinet. Depuis 1997, c'est la question science-société
qui guide son activité professionnelle. Jean-Pierre Alix est également élu depuis 1998 au Conseil
régional d'Île de France, où il préside actuellement la commission des lycées, de l'enseignement
supérieur et de la recherche.
Monsieur Maurice Cassier est sociologue et chargé de recherche au CNRS. Il travaille au sein du
CERMES (Centre de recherche médecine, sciences, santé et société). Ses travaux portent en
particulier sur l’appropriation des connaissances dans le partenarait public-privé.
Madame Juliette Chevalier, est Directrice de la Communication à la Direction générale de l’AFFSA
(Agence française de Sécurité sanitaire des Aliments).
Madame Maïté Errecart, est Directrice générale de l'Institut National de la Consommation. Elle a
également été Conseillère technique au Cabinet du Secrétariat d’Etat aux PME, au Commerce, à
l’Artisanat et à la consommation et Directrice des Ressources humaines et de la Communication
interne du groupe PRISUNIC. Précédemment elle a conduit, au sein de l'INRA, plusieurs études sur
l'organisation des filières agro alimentaires.
Monsieur Claude Fischler, sociologue, est Directeur de recherche au CNRS. Il est co-directeur de
l’UMR CNRS-EHESS « CETSAH » (Centre d’études transdisciplinaires sociologie-anthropologiehistoire). Il a réalisé de nombreuses études sur l’alimentation, en particulier dans le cadre de
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
programmes internationaux visant à cerner les particularités nationales dans ce domaine. Il est
notamment l’auteur de « L’Homnivore » (2001).
Monsieur François Gaudel est professeur de mathématiques au lycée Louise Michel à Bobigny. Il
anime des ateliers mathématiques ainsi qu'un club CNRS « Sciences et Citoyens » regroupant une
cinquantaine de jeunes de Drancy et Bobigny et est président de la Maison des Jeunes et de la
Culture Daniel André de Drancy.
Monsieur Bruno Hérault est actuellement chargé de mission au Commissariat général du Plan, il y
pilote le projet ALEPH (résultats et méthodes de la prospective). Sociologue de formation, il a été
chercheur dans plusieurs laboratoires universitaires. Il est chargé d'enseignements aux universités
Paris II et Bordeaux II.
Madame Élisabeth Jaskulké, ICGREF, diplomée en agro-alimentaire, a démarré sa carrière en
développement produit chez Astra Calvé, puis en R&D dans le domaine de l'Environnement.
Spécialisée dans la question des pollutions d'origine agricole et de la valorisation agronomique des
boues, elle s'oriente vers la gestion de la recherche et la coopération européenne pour créer les
activités de lobbying technique européen chez Suez Lyonnaise des Eaux. Actuellement membre du
bureau de l’ European Research Advisory Board, Président du CEN-STAR et animatrice du groupe
recherche européenne du MEDEF, elle est déléguée commerciale à la Lyonnaise des Eaux.
Monsieur Pierre-Benoît Joly, est économiste et sociologue, directeur de recherche à l'INRA. Il dirige
actuellement l'Unité TSV (Transformations Sociales et Politiques liées au Vivant) et il enseigne à
l'EHESS et à l'ENS de Cachan. Ses travaux actuels portent sur les formes de gouvernance de la
science, de l'innovation et des risques collectifs. Il est membre du réseau d'excellence européen
PRIME (Politiques de Recherche et d'Innovation en Europe).
Monsieur Jean-Louis Lambert, sociologue, est professeur à L’ENITIAA de Nantes (Ecole Nationale
d’Ingénieurs des Techniques des Industries Agricoles et Alimentaires). Il a notamment contribué au
guide « La santé vient en mangeant » (2002) édité dans le cadre du PNNS (Programme national
Nutrition Santé).
Monsieur Yves Le Bars, est Président du Conseil d'Administration de l'Andra (Agence nationale pour
la gestion des déchets radioactifs) depuis janvier 1999, après avoir été Directeur du BRGM (Bureau
de Recherches Géologiques et Minières), et Directeur Général du Cemagref (établissement public de
recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement) pendant 12 ans. Il est Ingénieur
général du génie rural des eaux et des forêts, spécialisation acquise après l'Ecole Polytechnique. Il a
commencé sa carrière à Madagascar comme ingénieur en hydraulique agricole et a été Directeur des
Services d'aménagement de la ville de Grenoble pendant 10 ans.
Madame Yvanne Merle, titulaire d'un DEA de sociologie des organisations de l'Institut d'Etudes
Politiques de Paris. réalise actuellement une thèse de sociologie sur l'organisation de la prévention
des risques industriels majeurs au sein et autour des sites "Seveso". Cette thèse est encadrée par le
Centre de Sociologie des Organisations (CSO), unité mixte de recherche du CNRS et de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, d'une part, et l'Institut National de l'Environnement Industriel et des
Risques (INERIS), d'autre part.
Monsieur Jean-François Molle, ICGREF en disponibilité, a été Directeur de la sécurité des aliments,
de la réglementation et de l’environnement du groupe Danone. Il est actuellement consultant dans ces
domaines.
Monsieur Jean-Pierre Poulain, sociologue, est maître de conférences à Université de Toulouse Le
Mirail et Directeur du CETIA (Centre d’étude du tourisme et des industries de l’accueil). Il a
récemment publié « Sociologies de l’alimentation. Les mangeurs et l’espace social alimentaire »
(2002).
Madame Claire Sabbagh, professeur agrégée, ingénieur de recherche à l'INRA, a exercé des
fonctions d'enseignement, puis d'édition et de communication dans le domaine de la culture
scientifique et technique avant de prendre en charge l'animation de l'unité d'Expertise scientifique
collective de l'INRA.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
Monsieur Jean-Marie Sani est Directeur des Publics à la Cité des Sciences et de l'Industrie. Agrégé
de biologie et titulaire d’un DEA de Neurosciences, Jean-Marie Sani a enseigné en lycée et collège,
assuré des cours à l’Université et effectué des recherches à l’Institut Pasteur de Paris. A la Cité des
sciences et de l’industrie depuis 1989 il a été responsable de la formation des enseignants, puis chef
du département éducation, chef de projet ou animateur de différents groupes de travail, Directeur de
la jeunesse et de la formation par intérim, Directeur de la médiation, chargé de mission auprès du
Directeur général avant d’être nommé Directeur des publics. Il est particulièrement intéressé par les
questions de culture scientifique et technique, la médiation, l’éducation dans les musées et les
nouvelles technologies.
Madame Perrine Simon-Nahum est historienne, chargée de recherches au CNRS (UMR
8519"Savoirs et textes") et membre associée du CRIA-EHESS. Elle est également directrice de
collection aux Editions Grasset et a récemment édité un numéro du Banquet consacré à la politique
de la recherche.
Monsieur Thierry Sueur, Ingénieur Chimiste diplômé de l’École Nationale Supérieure de Chimie à
Strasbourg, est, depuis 1992, Directeur de la Propriété Intellectuelle d'Air Liquide et depuis 2001
Directeur des Affaires Européennes et Internationales d'Air Liquide. Outre ses responsabilités
actuelles, M Sueur a été Président du LES (Licensing Executive Society) – France et Président du
LES International. Il est Président du COMIPI (Comité Propriété Intellectuelle du MEDEF) et Vice
Président du Groupe de Travail Brevets à l’UNICE (Union des Confédérations de l’Industrie et des
Employeurs d’Europe).
Madame Karine Van Effenterre est professeur de mathématiques au lycée Jean Macé de Vitry sur
Seine.
Madame Nadine Vigouroux, chargé de recherche au CNRS, travaille à l’IRIT (Institut de recherche
en Informatique de Toulouse). Elle y dirige l’équipe « Diamant » et s’intéresse particulièrement à
l’interaction homme-machine en relation avec l’aide aux personnes âgées ou handicapées.
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
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« Socialiser l’innnovation », Rapport final du GD3
ANNEXE 3 : AGENDA DE TRAVAIL
Le Groupe s'est réuni une dizaine de fois de mai 2003 à février 2004.
Les six premières réunions ont été des séminaires pléniers d'une journée, aux dates
suivantes :
-Mardi 27 mai 2003
-Vendredi 20 Juin 2003
-Vendredi 11 Juillet 2003
-Vendredi 19 septembre 2003
-Mercredi 22 octobre 2003
-Mercredi 26 novembre 2003
Les trois premières réunions ( 27 mai au 19 juillet ) ont eu pour objectif de déterminer
les facteurs clés - ou « variables » - susceptibles d' influencer la perception de la science et
des techniques par la société ainsi que l’acceptation ou le refus, voire la promotion ou le
rejet, de l’innovation en France.
Ces différentes variables clés ont fait l'objet de fiches dont la rédaction a été répartie
entre les membres du groupe et dont les hypothèses d’évolution à 15 ans ont été débattues
et validées en réunions plénières.
Les débats ont également permis de regrouper en composantes ces différentes
variables, permettant ainsi progressivement de faire émerger quatre grands défis : le défi des
valeurs et des représentations, le défi de la culture scientifique et technique, le défi de la
société innovante et le défi de la recherche innovante.
La seconde série de réunions ( 19 septembre au 26 novembre ) a permis, pour
chacun des quatre grands défis, de bâtir les différents scénarios associant des combinaisons
cohérentes des hypothèses possibles pour chaque variable. Les scénarios retenus pour
chaque défi ont ensuite été assemblés pour construire des scénarios globaux du système.
Les deux dernières étapes se sont déroulées en petits groupes (en fonction des
disponibilités), avec trois réunions d'une demi journée aux dates suivantes :
- Vendredi 12 décembre 2003
- Vendredi 19 décembre 2003
-Vendredi 6 février 2004, cette dernière réunion étant précédée de deux déjeunersdébats entre les membres du groupe et le Président ( 30 janvier et 5 février ).
Au delà de la validation des différents scénarios répertoriés, l'objectif de cette
dernière série de réunions a été d' une part, à partir des enseignements des scénarios, de
formuler les questions essentielles à se poser pour faire évoluer le système national de
recherche et d'innovation et, d'autre part, d’élaborer les messages clés, appuyés par
l'expression personnalisée des convictions des membres.
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