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Bronislaw Erlich, survivant de l'Holocauste
Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,
Je vous remercie de l'invitation à me présenter devant vous afin de vous raconter ma souffrance durant la
Seconde Guerre mondiale comme survivant de l'Holocauste.
Il y a 75 ans, le mot Holocauste était encore inconnu. Il n’existait pas de mots dans la langue civilisée pour
décrire ce crime sans précédent. Dès que l’ampleur du massacre collectif des juifs a été connue, le terme
d’Holocauste a été utilisé.
Avant que je ne raconte ma triste histoire, j’aimerais d’abord exprimer à la Suisse et au peuple suisse, à
l'occasion de la Fête nationale du 1er août, mes meilleurs souhaits : santé, bien-être, développement réussi
et paix tout autour de vous et dans le monde entier !
Je suis originaire de Varsovie en Pologne, le premier pays d’Europe qui a fait front à l'agression d’Hitler et
s’est opposé militairement à lui.
Le 21 septembre 1961, sur invitation d’une entreprise bernoise, je suis entré en Suisse pour prendre un
emploi dans mon métier d’imprimeur.
Depuis 1974, je suis fier d’être citoyen suisse et membre de la communauté juive de Berne.
Le chemin de croix des Juifs polonais a commencé avec l'invasion de la Wehrmacht allemande en Pologne
le 1e septembre 1939. Bombardements aériens quotidiens, bâtiments brûlants et s’écroulant, partout des
morts et des blessés. La terreur et le chaos régnaient. Les services de secours, les ambulanciers et les
pompiers étaient totalement débordés.
Le 7 septembre, les troupes allemandes se sont approchées des banlieues de Varsovie. Les tirs d'artillerie
ont causés des dommages supplémentaires énormes. Le 27 septembre, les soldats sont entrées en ville et
l'orgie de la persécution des Juifs a commencé.
Les Juifs ont été totalement privés de leurs droits et dégradés au rang de gibier humain. Les soldats
allemands ont eu la permission de maltraiter arbitrairement, d’humilier, de rouer de coups selon leur bon
plaisir, de dévaliser et de couper la barbe des Juifs religieux.
Dans notre rue, quelques portes plus loin, un Juif et un officier de la police se sont bagarrés. Après une
demi-heure, un groupe de soldats est arrivé. Ils ont fait sortir dans la rue 50 hommes de la maison. Ils ont
tous été fusillés devant l’entrée.
Chaque jour de nouveaux règlements étaient publiés. Les Juifs avaient l’interdiction de travailler dans des
entreprises appartenant à l'Etat et dans les institutions publiques. Ils n’avaient plus accès aux parcs. On leur
interdisait d’utiliser le train et le tram.
Les objets de valeur comme l'or, les bijoux, les vêtements de fourrure, les radios et caméras devaient être
rendus.
Il était interdit aux Juifs de cuire du pain. Les médecins juifs ne pouvaient plus soigner des patients non-
juifs.
Témoignage de Bronislaw ERLICH à la JNP-15
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Une famille juive ne devait pas posséder plus de 2’000 zlotys. L’excédent devait être rendu.
Un Juif ne devait pas gagner plus de 500 zlotys par mois (1 kg de pain coûtait 80 zlotys).
Tous les Juifs à partir de 12 ans devaient porter un brassard avec l'étoile de David.
Toute infraction aux règles était punie de mort. Il était clair pour tout le monde que ça signifiait l’arrêt de
mort des juifs. Mes parents ont donc décidé que leurs grands enfants, ma sœur, mon frère et moi, devaient
quitter Varsovie. Nous avons dû aller nous installer dans la zone occupée par les Russes, à l'est de la
Pologne.
C’était des temps difficiles à l’étranger. Mon frère a été incorporé dans l'armée soviétique. Ma sœur
aînée a été déportée dans un camp de travail en Sibérie. Et moi, encore mineur, je suis resté seul à
Volkovysk.
En juin 1941, l'armée allemande a envahi l'Union soviétique et quelques jours plus tard, elle était à
Volkovysk. J’ai trouvé un emploi chez un agriculteur où j’ai vécu et travaillé jusqu'au 2 novembre 1942.
En ce jour fatidique, tous les Juifs de Volkovysk et des alentours ont été obligés de quitter leurs maisons et
de s'installer dans un camp de concentration à l'extérieur de la ville.
J’ai essayé de m’enfuir vers les partisans. Mais cela n'a pas été possible, car toutes les sorties de la ville
étaient contrôlées par des soldats.
Il ne me restait rien d’autre à faire que d’entrer dans le camp. C’était des baraques sans eau, sans lumière,
sans raccordement électrique. Au centre, des couchettes en bois sur deux étages. Sur le côté, une plate-
forme en bois, sur laquelle je me suis choisi une place.
Les conditions dans les baraques bondées étaient: cohue, pleurs, cris. Un enfer dantesque pour mourir
atrocement. Je restai tout habillé pendant la nuit, avec chaussures et chapeau. Pas question de dormir.
Les 24 heures que j'y ai passées ont durées une éternité. En file indienne dans un commando de travail,
nous avons été conduits hors du camp et logés dans la prison de la ville. Après 5 semaines, je suis parvenu à
men échapper avec de faux documents.
Après un séjour de trois mois chez un agriculteur, j’ai été expédié en Allemagne, j’ai été libéré après 2
ans par les Américains.
L’ampleur de l'extermination massive des Juifs a seulement été reconnue quand les armées alliées de l'est
et de l'ouest ont eu atteint les usines de la mort nazies dans les zones libérées.
A la fin mars 1946, je suis revenu d'Allemagne à Varsovie, afin de retrouver mes parents et la maison.
Tout le quartier juif était en ruine. Pas de route, pas une seule maison avec des contours reconnaissables, il
ne restait rien.
Qu'était-il arrivé ?
Les Allemands avaient emprisonné 300’000 Juifs de Varsovie et 150’000 autres Juifs des villages et villes
alentours dans un ghetto.
Témoignage de Bronislaw ERLICH à la JNP-15
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450’000 personnes ont été entassées sur 307 hectares. Cette densité résidentielle catastrophique, la
malnutrition ciblée et accompagnée de conditions d'hygiène intolérables dans des pièces non chauffées,
ont conduit massivement ces personnes à la maladie et à la mort.
D’octobre 1939 à juin 1942, 100’000 Juifs sont morts d’inanition dans le ghetto de Varsovie.
La déportation massive des habitants du ghetto a commencé le 22 juillet 1942, en direction des chambres à
gaz de Treblinka, l'usine de la mort, à 90 km au nord-est de Varsovie.
Le déroulement de cette frénésie d'assassinats industriels était le suivant:
Les unités SS et la police passaient de maison en maison, battaient les gens et les expulsaient dans la
cour, hors de leur maison. Ceux qui se cachaient étaient abattus.
Un invalide en fauteuil roulant qui ne se déplaçait pas assez vite, a été saisi avec son fauteuil roulant et
jeté dans la rue par la fenêtre.
Les camions militaires allemands roulaient sur les moribonds étendus sur le sol.
Les Juifs ont été obligés de marcher vers ce qu’on appelait des lieux de transit. Ils étaient connectés à une
gare.
Les personnes étaient ensuite chargées dans des wagons à bestiaux, à coups de fouet. Il n'y avait pas d'eau,
pas de toilettes. Les gens étaient entassés et restaient dans leurs propres excréments et leur urine.
Le voyage de Varsovie à Treblinka prend habituellement environ 2 heures. Mais les trains avec les Juifs
étaient souvent en route toute une journée ou plus encore. Beaucoup de gens sont morts étouffés ou
morts de soif au cours du trajet.
Après l'arrivée à Treblinka les hommes étaient incorporés dans des colonnes de travail. Les femmes, les
enfants et les personnes âgées étaient emmenés et ont se déshabiller. Les femmes ont été tondues.
Leurs cheveux ont été utilisés dans l'industrie de guerre.
Après cela les Juifs étaient conduits à la chambre à gaz, qui était camouflée en douche. Par une ouverture
dans le plafond leurs bourreaux versaient du Zyklon B (acide prussique cristallisé). Après 15 minutes de cris
et de hurlements, le silence se faisait dans la chambre à gaz. Tous étaient morts. Après gazage, les dents en
or des cadavres étaient brisées et retirées de leur bouche. Cet or a été livré à la Reichsbank pour être
fondu. Les cadavres étaient ensuite brûlés.
Cet assassinat à la chaîne a été perpétré dans les ghettos de Lodz, Cracovie, Lvov, Bialystok, Vilnius et dans
d'autres villes.
Dans d'innombrables petites villes où des ghettos n’ont pas pu être mis en place, l'assassinat des Juifs a été
organisé différemment, mais sur un modèle similaire.
Les soi-disant commandos d’intervention, composés de SS et de policiers, encerclaient une localité et les
Juifs étaient conduits sur la place du marché. Les hommes valides étaient envoyés dans des camps de
travail. Les femmes, les enfants et les personnes âgées étaient emmenés hors de la ville pour être exécutés,
puis simplement jetés dans des fosses communes.
En deux mois et demi de l'été 1942, 300’000 Juifs du ghetto de Varsovie ont été assassinés à Treblinka, y
compris mes parents et mon plus jeune frère, alors âgé de 45, 52 et 15 ans.
***
Témoignage de Bronislaw ERLICH à la JNP-15
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Après la déportation de 300’000 Juifs, les 60’000 Juifs restants, soumis au travail forcé dans les usines
allemandes, se sont préparés militairement pour opposer une résistance armée.
Le 19 avril 1943, lorsque les troupes allemandes ont pénétré dans le ghetto pour emmener les Juifs, ils ont
été accueillis par une grêle de balles.
La lutte inégale a duré trois semaines. Les soldats allemands ont subi des pertes, mais tous les insurgés ont
ensuite été brûlés dans les bunkers. Le ghetto a été incendié et détruit.
Les insurgés n’avaient aucune chance. Mais il s’agissait pour eux de mourir dans l'honneur en combattant,
plutôt que de capituler.
***
L’Holocauste n’est pas une coïncidence. Il a grandi dans un terreau fertile en Europe pendant de nombreux
siècles.
Adolf Hitler a utilisé sa haine viscérale des Juifs pour prendre le pouvoir en Allemagne, pour occuper
l'Europe et anéantir ensuite les Juifs d'Europe.
Malheureusement, beaucoup ont été séduit par Hitler. Les Juifs de l'Empire allemand ont contribué au
développement culturel et économique du pays.
Pendant la guerre de 1914-18 des citoyens juifs d'Allemagne ont combattu fidèlement et sont tombés pour
leur pays. Plusieurs ont même atteint de hauts grades militaires et ont reçu des distinctions.
Les Juifs représentaient 1,5% de la population allemande. Mais parmi les lauréats allemands du prix Nobel
19% étaient des Juifs.
Quelle est la raison de l'antisémitisme ? Est-ce l’envie ? La jalousie ? La haine ? Ou autre chose encore ?
Il y a eu des signes encourageants au cours des dernières années. Le pape polonais Jean-Paul II a déclaré :
« L'antisémitisme est incompatible avec le Christianisme. Les Juifs sont les frères aînés des Chrétiens. » Il
est de notoriété publique dans les communautés et les églises : « l'antisémitisme est un péché. »
Espérons que le bacille antisémite’ disparaisse, comme ce fût le cas pour d'autres épidémies du Moyen-
Age.
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