Prospérer ensemble s’attaquer à l’inégalité et la pauvreté pour réussir dans l’économie du savoir groupe de travail d’action Canada février 2012 action canada action canada est le principal programme de fellowship canadien consacré aux politiques publiques L es Fellows sélectionnés proviennent de tous les secteurs, dont le milieu des affaires, les sciences, le gouvernement, les milieu universitaire et les professions libérales. Le programme s’articule autour de conférences organisées à travers le Canada, lors desquelles les Fellows interagissent avec des leaders du gouvernement, de l’industrie, des médias, du milieu universitaire et des ONG. Les Fellows travaillent en équipes sur des projets de politiques qui ont, dans le passé, été à l’origine de politiques publiques canadiennes. biographies Anouk Dey est rédactrice en chef adjointe de www.OpenCanada.org, le carrefour du Conseil international du Canada pour les discussions sur les affaires internationales, et présidente fondatrice de Reclaim Childhood, une organisation qui fait découvrir les sports aux réfugiées irakiennes. Michael Marin est boursier Gates à l’Université de Cambridge et chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Il est également président de la Bourse CAÉP qui aide les personnes issues de milieux défavorisé à faire des études et à accéder à des services professionnels. Philippe-Olivier Giroux est agent de programmes à la Fondation canadienne pour l’innovation. Il s’implique également à Mission Leadership Québec, une organisation qui développe le réseautage et le positionnement stratégique des jeunes leaders québécois. Sadia Rafiquddin est boursière de la Fondation Jeanne Sauvé à Montréal, au Québec. Elle travaille actuellement à la production d’une série de vidéos d’entrevues et d’essais photographiques sur des questions de droit de la personne à travers le monde. Eric Tribe est conseiller en gestion chez Boston Consulting Group, à Toronto. Il fait aussi partie de redseven, une organisation caritative qui se consacre à l’éducation des jeunes dans le monde. Paul M.Yeung est directeur, Affaires réglementaires et gouvernementales, à la Banque royale du Canada. Il est instructeur bénévole pour le programme Emerging Global Leaders de l’Université York et est membre de l’équipe d’évaluation des demandes de subvention à la Fondation Trillium. remerciements Les membres du groupe de travail tiennent à remercier Action Canada et ses généreux donateurs pour leur soutient. Le groupe de travail remercie particulièrement Cathy Beehan pour son organisation méticuleuse ainsi que Rae Hull, dont le travail infatigable et inestimable ont transformé la simple production d’un rapport en une expérience d’apprentissage bien plus vaste. Nous tenons également à remercier Kevin Chan, Marcel Côté, Mary-Lou Finlay, Bob Foulkes et Janet Smith pour leurs commentaires constructifs sur notre rapport, ainsi que les panelistes de notre dialogue public, John Curtis, Jim Milway et Armine Yalnizyan. En particulier, nous remercions M. Curtis pour avoir lancé l’idée d’une Commission Royale. 2 le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca table des matières au sujet d’action canada ............................................................... 2 biographies..................................................................................... 2 remerciements................................................................................ 2 table des matières .......................................................................... 3 introduction ................................................................................. 4 les déterminants sociaux du capital humain................................ 5 les inégalités et la pauvreté comptent aussi pour des raisons économiques..................................................... 5 qu’est-ce que le capital humain?................................................... 5 pourquoi le capital humain compte-t-il maintenant? . .............. 6 le processus de développement du capital humain..................... 6 l’impact de la pauvreté et des inégalités sur le développement du capital humain................................................ 7 ce qu’il en est au canada aujourd’hui . ......................................... 8 l’inégalité croissante des revenus................................................ 8 une érosion de l’effet de redistribution des impôts et des transferts....................................................................................... 9 un niveau général d’inégalité élevé.............................................. 9 des niveaux de pauvreté constamment élevés.............................. 10 la polarisation de la main-d’œuvre.............................................. 10 qu’est-ce que cela signifie pour le capital humain?...................... 12 recommandations de politiques ................................................... 13 un mécanisme pour préparer le canada pour l’économie du savoir...................................................................... 13 une commission royale d’enquête sur l’économie et la société. 14 bibliographie.................................................................................. 15 3 introduction O n pourrait penser que les inégalités et la pauvreté sont l’apanage des politiques sociales, et non des « politiques économiques et commerciales », le thème du programme d’Act i on Cana da p our cette an n ée. On a p prend aux Canadiens à considérer les politiques économiques et sociales comme des domaines distincts. Et en effet, quand le groupe de travail d’Action Canada sur l’inégalité, la pauvreté et l’économie du savoir (« Le groupe de travail ») a commencé à discuter du présent projet, c’était avec une conception beaucoup plus étroite des « politiques économiques et commerciales ». Politiques économiques et politiques sociales sont devenues indissociables à nos yeux – au point que nous nous sommes convaincus que, si l’on veut assurer la prospérité économique du Canada à long terme, il est crucial de se pencher sur des enjeux qui sont traditionnellement considérés comme sociaux. L’évolution même de la pensée du groupe de travail montre combien les inégalités et la pauvreté sont importantes d’un point de vue économique. Le groupe de travail a commencé par se concentrer sur la lente croissance de la productivité au Canada, tendance que certains attribuent à un manque d’innovation au pays. Ces tendances négatives ont retenu notre attention parce que, selon les théories économiques conventionnelles, l’innovation entraîne une augmentation de la productivité, ce qui résulte en des salaires, des revenus et des niveaux de vie plus élevés pour tous. Mais, en y regardant mieux, le groupe de travail a découvert que, dans la pratique, cela se passe tout autrement. Entre 1980 et 2005, bien que la productivité de la main-d’œuvre se soit considérablement accrue, le salaire réel moyen des Canadiens a à peine augmenté. Autrement dit, la majorité des Canadiens n’ont pas bénéficié des retombées escomptées de la « tangente innovation » prise par le pays. Le groupe de travail a ensuite pris un peu de recul et s’est penché sur les ingrédients de base de la réussite dans l’économie du 21e siècle. L’idée que la plus importante ressource dans l’économie actuelle est le capital humain fait consensus – le savoir, les compétences et les qualités des gens. Après avoir identifié les éléments clés du capital humain, nous nous sommes interrogés sur les conditions qui favorisent ou gênent l’acquisition de ces éléments. Les membres du 4 groupe de travail ont trouvé plusieurs études qui suggèrent que les inégalités et la pauvreté sont nuisibles pour les diverses composantes du Le Canada doit changer capital humain. sa façon de penser. … les Canadiens doivent Après avoir consta- commencer à voir té la performance les inégalités et la du Canada dans ces domaines, le pauvreté comme groupe de travail des obstacles à la s’est rendu compte croissance économique qu’il manque une – et non comme ses dimension essenti- conséquences. elle dans le discours sur les « politiques économiques et commerciales » dans ce pays. Le Canada se classe 17 eparmi 20 pays de taille comparable en ce qui a trait à l’inégalité. Ces 30 dernières années, celle-ci a augmenté plus vite qu’aux ÉtatsUnis, le pays industrialisé où les inégalités sont les plus grandes. Le problème est aggravé par le fait que le système canadien de fiscalité et de transferts ne corrige pas les inégalités de revenu attribuables au marché du travail comme c’était le cas il y a une vingtaine d’années. Si le taux de pauvreté est resté le même pendant cette période, il demeure élevé par rapport aux normes internationales, particulièrement pour les enfants. Le groupe de travail avait donc, à ce point, bouclé la boucle. Si, dans une économie du savoir, la réussite dépend du capital humain et si les inégalités et la pauvreté ont une incidence négative sur les composantes du capital humain, alors les inégalités grandissantes et les niveaux constamment élevés de pauvreté pourraient compromettre la capacité du Canada à prospérer. La façon dont le Canada met en œuvre son programme d’innovation – ne prêtant guère attention à l’évolution inquiétante des inégalités et de la pauvreté – pourrait en fait saper ses efforts. De l’avis du groupe de travail, la question méritait que l’on y réfléchisse davantage. Au cours de nos recherches et de nos consultations, nous avons découvert que le débat sur ces questions est bien plus polarisé qu’il ne le devrait. Alors que le milieu des affaires déplore la lenteur du Canada à embrasser l’économie du savoir et que les défenseurs de la justice sociale décrient les inégalités et la pauvreté, aucun des groupes ne semble se rendre compte qu’ils le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca pourraient en réalité avoir des intérêts communs dans ce domaine. Le groupe de travail espère montrer que la seule façon pour les Canadiens de prospérer dans l’économie du savoir est de le faire ensemble. Pour établir la nouvelle économie de manière durable au Canada, les leaders canadiens doivent faire en sorte que le Canada ait accès aux meilleurs cerveaux et aux plus grands talents, ce qui signifie nous assurer que tous ont la possibilité de contribuer à la prospérité future du pays et d’en tirer profit. Le Canada doit changer sa façon de penser. Comme le présent rapport le démontre, les Canadiens doivent commencer à voir les inégalités et la pauvreté comme des obstacles à la croissance économique – et non comme ses conséquences. Nous devons commencer à comprendre que la prospérité n’est pas la seule solution aux inégalités et à la pauvreté et qu’atténuer ces problèmes sociaux est un ingrédient essentiel de notre prospérité à long terme. Les politiques que recommande notre groupe de travail mettront le Canada sur la bonne voie pour créer une économie du 21e siècle qui sera concurrentielle parce qu’inclusive. le capital humain les inégalités et la pauvreté comptent aussi pour des raisons économiques C ette année, le mouvement Occupons Wall Street a mis les inégalités et la pauvreté au premier plan des préoccupations du public. Mais malheureusement ce dernier ne semble pas avoir saisi toute l’importance de ce fait nouveau. Les inégalités, tout comme la pauvreté, ont un impact économique sur toute la société, du 1 % du haut au 1 % du bas. La réussite des entreprises canadiennes dans l’économie du savoir dépend de leur capacité d’innover. Comme l’a récemment fait observer le Groupe d’experts sur le soutien fédéral de la recherche-développement, « l’innovation est à l’origine même de la compétitivité à long terme des entreprises et de la qualité de vie de la population canadienne» 1 . La capacité d’innovation du Canada découle directement de son capital humain, luimême grandement influencé par les facteurs socioéconomiques. Comme nous l’expliquons cidessous, pour avoir des travailleurs hautement qualifiés comme ceux sur lesquels s’appuient des entreprises comme RIM et OpenText pour offrir des innovations compétitives au niveau mondial, des conditions sociales porteuses sont nécessaires et elles ne sont pas compatibles avec des niveaux élevés d’inégalité et de pauvreté. Si le mouvement Occupons Wall Street a attiré l’attention sur les inégalités et la pauvreté en tant qu’enjeux moraux, nous nous concentrons exclusivement ici sur l’impératif économique de s’occuper de ces enjeux et plus précisément sur le risque qu’ils sabotent la capacité du Canada de prospérer. qu’est-ce que le capital humain? Le Blackberry n’est pas apparu par miracle, alors d’où vient-il? Les économistes emploient le terme « facteur de production » pour décrire les différents éléments qui contribuent à la production de quelque chose comme le Blackberry. De tradition, ils englobent dans ces facteurs de production le capital, la matière première et la main-d’œuvre. Mais il faut bien plus que des machines, des semi-conducteurs et des chaînes de montage pour produire un Blackberry. Il faut aussi des cerveaux comme celui de Mike Lazaridis et des employés innovateurs de RIM. Dans les années 1960, des économistes ont introduit la notion de « capital humain » pour décrire ce facteur de production moins tangible mais tout à fait crucial. Aujourd’hui, le capital humain est pour nous « l’ensemble des connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bien-être personnel, social et économique»2 . Il repose sur quatre piliers : l’éducation, les compétences, la santé et les relations 5 sociales. Plus une société possède de ces éléments, plus elle est riche en capital humain – et, à terme, plus il est probable qu’elle soit productive. En effet, l’économie s’orientant vers la production de produits et services de plus en plus complexes, « le capital humain… est la source la plus importante de richesse nationale et de compétitivité internationale » (TRADUCTION)3 , disent beaucoup d’économistes. pourquoi le capital humain compte-t-il maintenant? Pour réussir dans l’économie du 21e siècle, il faut s’adapter aux forces de la mondialisation : l’internationalisation de la production, la montée des entreprises transnationales, la mobilité du capital et de la main-d’œuvre et l’intégration des marchés à l’échelle mondiale.4 Avec une économie ouverte et de petite taille, le Canada ne peut guère se permettre d’ignorer ces tendances. Sur ce marché mondial hyper-compétitif, son abondance de facteurs traditionnels de production – capital, matières premières, main-d’œuvre et même technologie – ne suffit pas pour bâtir une économie à salaires élevés. 6 Figure 1 . Relation entre les inégalités et la pauvreté (représentées par le revenu et le statut social) et le développement du capital humain dans une économie du savoir promet de créer « la main-d’œuvre la plus scolarisée, la plus qualifiée… au monde » .7 Certains diront que le Canada devrait se servir de l’immigration pour développer sa main-d’œuvre. Les indicateurs macro-démographiques ne sont cependant pas encourageants. La demande en capital humain est appelée à augmenter au fur et à mesure que la population du Canada, comme beaucoup d’autres dans le monde, vieillit et voit baisser son taux de natalité. Selon les projections du Forum économique mondial, d’ici 2030, les É.-U. et l’Europe auront besoin de 70 millions de travailleurs de plus pour maintenir leur croissance économique. Dans ce marché où la compétition pour le capital humain restera grande, il est peu probable que le Canada réussisse à combler tous ses besoins en talent en puisant dans d’autres pays. Pourquoi le Canada doit-il être compétitif dans l’économie du savoir? Pourquoi ne pouvons-nous pas continuer de compter sur nos ressources naturelles, au lieu de nos ressources humaines? Même en faisant abstraction de l’impact environnemental d’une telle approche, celle-ci nous mettrait à la merci des fluctuations du cours des produits de base ainsi que des effets de la mondialisation qui mettent l’acier chinois en concurrence avec l’acier canadien. En plus de cela, dépendre de l’exportations de ressources ferait monter notre dollar, rendant difficiles les exportations dans d’autres secteurs (et nos secteurs non liés aux ressources et notre secteur manufacturier représentent une part bien plus importante de l’emploi et de la production économique que notre secteur des ressources naturelles).5 Pour faire augmenter le niveau de vie des Canadiens, « au lieu de trop dépendre des matières premières et de produits indifférenciés dans de nombreux secteurs, nous devons compter davantage sur des produits différenciés à valeur ajoutée et sur les innovations canadiennes dans tous les secteurs » (TRADUCTION).6 le processus de développement du capital humain Par conséquent, la prospérité future du pays passe par l’identification de façons de combiner les facteurs traditionnels de production avec créativité. Pour ce faire, il doit exploiter le talent et l’ingéniosité de son capital humain. Cette opinion se retrouve dans le plan économique phare du gouvernement fédéral qui On voit à la Figure 1 comment les inégalités et la pauvreté affectent le développement du capital humain. Le niveau de capital humain d’une personne est fonction de l’éducation qu’elle a acquise, ses compétences, sa santé et ses relations sociales. Mais comment sont acquis ces ingrédients du capital humain? Il existe Sous-traiter le développement de notre capital humain à l’extérieur du pays ne peut être notre seule stratégie pour prospérer dans l’économie du savoir. Nous devons fournir des conditions dans lesquelles il est possible pour tout le monde – immigrants et non immigrants de tous horizons – de contribuer à notre prospérité à long terme. le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca maintes façons d’acquérir ce capital humain, mais elles dépendent fortement du revenu et du statut social de la personne, autrement dit de son milieu socioéconomique. Ainsi, une famille pauvre n’aura pas forcément les moyens d’inscrire son enfant dans un programme éducatif pour les jeunes enfants; une adolescente d’un quartier à faible revenu qui aime les ordinateurs ne pourra pas toujours parler avec un conseiller d’orientation professionnelle des carrières qui existent pour elle. développement des compétences cognitives et noncognitives de base, un processus qui est influencé par la situation socioéconomique de la famille8. La pauvreté continue aussi d’influer sur les études plus tard dans la vie. Le coût d’opportunité des études postsecondaires pour un diplômé du secondaire d’une famille à faible revenu, par exemple, risque fort de représenter plus d’argent et d’être moins facile à gérer que pour un diplômé venant d’un milieu aisé9. Comme l’illustre la Figure 1, le processus de développement du capital humain est cyclique plutôt que linéaire. Le stock de capital humain d’une personne a de bonnes chances d’avoir une incidence sur son revenu et sa carrière plus tard. Dans un environnement social porteur, un jeune intéressé par l’informatique a plus de chances de devenir le prochain Bill Gates. Un revenu et un statut social plus élevés tendront à faciliter l’accès à l’éducation, aux compétences, à la santé et aux relations sociales – pour cette génération et pour la suivante. À l’opposé, un Canadien qui a peu accès aux programmes de capital humain aura un revenu et un statut social inférieurs, et ses enfants auront à leur tour moins aisément accès aux ingrédients du capital humain. Par conséquent, selon le revenu et le statut social initiaux des Canadiens, le cycle de développement du capital humain sera un cercle vertueux ou un cercle vicieux. de problèmes de santé, entre autres davantage de maladies chroniques et une espérance de vie moindre10. Ceci découle directement des privations matérielles qui vont de pair avec la pauvreté – insécurité alimentaire, logements inadéquats, taux de chômage élevé, conditions de travail dangereuses, contamination environnementale, criminalité et violence11. Santé – La pauvreté est associée à toute une gamme Relations sociales et ségrégation économique – La pauvreté limite l’accès aux types de relations sociales qui ouvrent des possibilités économiques. Les gens qui vivent dans la pauvreté ont généralement moins de liens sociaux et les relations qu’ils ont sont souvent avec des gens d’un niveau social plus faible12. Par conséquent, les gens qui vivent dans la pauvreté ont moins de chance de bénéficier d’un réseau de contacts susceptible de les aider à trouver du travail, de les encourager à poursuivre leurs études ou de leur prêter de l’argent pour se lancer en affaires. l’impact de la pauvreté et des inégalités sur le développement du Inégalités capital humain Des études théoriques et empiriques montrent que, par divers mécanismes, la pauvreté et les inégalités sont intimement liées aux quatre éléments du capital humain. Pauvreté Le mécanisme de base par lequel la pauvreté affecte le capital humain est très simple : si les gens ne peuvent accéder aux produits et services permettant d’accumuler du capital humain de base, ils seront moins compétitifs sur le marché du travail et auront un salaire moins élevé. Tel que démontré par des études, il existe de nombreux liens entre la pauvreté et le développement du capital humain : Éducation et compétences – Comme l’ont montré Carniero et Heckman, les germes du capital humain sont semés dès la petite enfance, avec le Si l’effet de la pauvreté sur le développement du capital humain est bien visible, on parle moins de l’impact que les inégalités, seules, peuvent aussi avoir sur ce développement : Éducation et compétences – Les enfants des pays développés où les inégalités de revenus sont plus grandes ont de moins bons résultats en mathématiques et en littératie que ceux de pays où les inégalités de revenus sont moindres13. Des études sur l’alphabétisation dans les pays développés, y compris le Canada, montrent une corrélation entre les disparités plus faibles au niveau des notes en littératie et des notes moyennes plus élevées14. Souvent, les élèves les plus privilégiés de pays jouissant d’une relative égalité ont de meilleurs résultats que les enfants les plus privilégiés de pays où les inégalités sont plus grandes15. Aux États-Unis, on constate une corrélation entre les taux de décrochage et les inégalités de revenus qui est trop marquée pour être attribuable 7 seulement à la pauvreté16. Des études expérimentales montrent également que la conscience que les enfants ont de son statut social peut brimer leur capacité à résoudre des problèmes17. prix des logements ou rallongent les trajets pour aller travailler des familles moins aisées en les forçant à vivre plus loin de leur travail20. Tout cela brime le capital humain et social essentiel à l’économie du savoir. Santé – Une série d’études longitudinales faites au Certains commentateurs disent aussi que les fortes concentrations de richesse ont un effet néfaste sur l’égalité des chances par le biais de la privatisation des services 21. Quand un écart de revenus apparaît, les riches tendent à s’appuyer de plus en plus sur des écoles et des soins de santé privés et autres établissements plus exclusifs pour le développement du capital humain. Combinée avec la suppression de programmes publics ou de mécanismes de redistribution, cette tendance à la privatisation a des effets néfastes plus marqués sur l’accès au capital humain. En effet, comme l’a montré Lindert dans son étude sur les inégalités de revenus en Grande-Bretagne et en Amérique couvrant trois siècles, lorsque les inégalités sont les plus grandes, la redistribution au profit des pauvres est au plus bas22. Ceci peut aussi s’expliquer par le fait que, comme on l’a observé, pendant les périodes où les inégalités sont les plus grandes, les élites ont tendance à voir leur pouvoir politique s’accroître23. Royaume-Uni où la pauvreté était une variable contrôlée fournissent des preuves convaincantes du lien entre les inégalités de revenus et une mauvaise santé, chez les hommes comme chez les femmes18. Il ressort en outre de ces études que, une fois que l’on parvient à un certain niveau de revenus, la répartition des revenus, comme déterminant de la santé, devient plus important19. Relations sociales et ségrégation économique – L’impact des inégalités n’est pas seulement individuel, il affecte aussi les collectivités en créant une ségrégation économique néfaste pour les familles à revenu moyen ou faible. En déménageant dans des quartiers exclusifs, les familles riches réduisent l’assiette fiscale nécessaire au financement des services public dans les autres quartiers, tandis qu’en demeurant sur place elles font augmenter le ce qu’il en est au canada aujourd’hui I l est clair que les disparités de revenus et de statut social jouent un rôle déterminant dans le processus de développement du capital humain. Bien que le revenu d’une personne ne soit pas la même chose que son statut, les deux tendent à aller de pair. Nous nous appuyons donc sur des indicateurs statistiques reconnus de la redistribution du revenu, comme les quintiles de revenu e t l e s c o e f f i c i e n t s d e G i n i 24, e t s u r l e s mesures de la pauvreté pour évaluer les niveaux d’inégalité et de pauvreté au Canada. Les tendances indiquées dans la section suivante soulèvent des questions graves quant à la capacité du Canada de réussir dans un contexte économique où le capital humain est le bien le plus précieux. l’i n ég a l i t é c ro i s sa n t e d es revenus L’inégalité des revenus augmente depuis trente ans au Canada. Tel que l’indique le Tableau 1, entre 1976 et 2009, deux tiers des Canadiens ont vu 8 Quintile Inférieur Deuxième Troisième Quatrième Supérieur Revenu du marché ($) 1976 2009 3 900 3 300 26 500 22 200 48 800 45 400 71 400 76 300 127 100 162 100 Changement $ -600 -4 300 -3 400 +4 900 +35 000 % -15,4 -16,2 -7,0 +6,9 +27,5 Tableau 1. Modification du revenu du marché depuis 1976 (toutes les unités familiales) Source : Statistique Canada, CANSIM, Tableau 202-0701 Note : Revenu du marché en dollars indexés de 2009. diminuer leur revenu du marché ajusté25. Alors que le quintile le plus riche de la population augmentait de 35 000 $ son revenu du marché moyen – une augmentation de 27,5 % – les quatre autres quintiles subissaient un déclin d’en moyenne 7,9 % de leur revenu du marché. De plus, les travailleurs canadiens ont peu béné- le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca Effet des transferts et des impôts sur la distribution du revenu, ensemble des unités familiales 35% 28% Le fait que les travailleurs n’aient pu bénéficier de leur « juste part » des gains de productivité et le fait que la croissance du revenu soit concentrée chez ceux qui gagnent le plus d’argent soulèvent de sérieuses questions quant à l’approche actuelle du Canada pour favoriser une plus grande productivité et son efficacité pour améliorer réellement le bien-être de la majorité des Canadiens. U n e é r o s i o n d e l’ e f f e t d e redistribution des impôts et des transferts 21% Les transferts publics (comme l’aide sociale, l’assurance-emploi, les prestations pour enfants et la Sécurité de la vieillesse) et les impôts peuvent atténuer les effets des disparités sur le marché du travail. Des transferts et des impôts progressifs font en sorte que la répartition du revenu après impôts est moins inégale que celle du revenu du marché. 14% 7% Impôts Transferts 06 20 96 19 19 19 86 76 0 Total Figure 2. Réduction du coefficient de Gini en pourcentage (calculs des auteurs) Source : Statistique Canada, CANSIM, Tableau 202-0705. ficié des gains de productivités des 25 dernières années. Alors que la productivité de la main-d’œuvre a augmenté de 37,5 % entre 1980 et 2005, la rémunération médiane des travailleurs à plein temps et à l’année n’a augmenté que de 58 $ au Canada, passant de 41 343 $ à 41 401 $. Pendant la même période, le quintile supérieur de revenus avait augmenté sa part du revenu après impôts de 44,7 % à 51,7 %, pendant que les quatre autres quintiles perdaient du terrain. Selon l’analyse d’Armine Yalnizyan, qui plus est, il y a eu une concentration continue du revenu dans les mains de ceux ayant les revenus les plus élevés26. De fait, entre 1997 et 2007, le 1 % le plus riche a empoché environ 32 % de la croissance du revenu. De plus, ce sont les 0,01 % des Canadiens les plus riches qui ont connu l’augmentation la plus spectaculaire de leur part du revenu, celle-ci ayant quintuplé entre le milieu des années 1970 et 2007 pour atteindre 2,8 % à la fin de cette période. Comme le montre la Figure 2, l’effet de redistribution des impôts et des transferts a diminué au cours des 20 dernières années. En 1994, ils réduisaient l’inégalité de la répartition du revenu du marché de 31 %, mais en 2009, ce pourcentage était tombé à environ 25 %. L’impact de ces tendances est particulièrement marqué pour les travailleurs peu spécialisés qui font face à des revenus plus bas sur le marché du travail et des avantages sociaux plus réduits, en termes d’impôts et de transferts. Étant donnés les liens entre les inégalités et le développement du capital humain présentés plus haut, l’impact combiné des inégalités croissantes sur le marché du travail et d’une diminution de la redistribution soulève de sérieuses questions quant à la capacité du Canada à être concurrentiel dans l’économie du savoir. un niveau général d’inégalité élevé Parmi les 20 pays de l’OCDE en tête de classement (PIB par habitant), le Canada a un niveau d’inégalité des revenus – mesuré avec le coefficient de Gini 27 – qui est le quatrième par ordre d’importance, n’étant devancé que par les États-Unis, l’Italie et le RoyaumeUni (voir la Figure 3). De plus, comme indiqué à la Figure 3, si l’inégalité des revenus a augmenté dans la majorité des pays de l’OCDE ces dix dernières années, l’augmentation au Canada a été parmi les plus élevées. 9 Inégalités dans les 20 pays de l’OCDE au PIB par habitant le plus élevé, du milieu des années 1990 au milieu des années 2000 0,32 Il est à noter que certains groupes sont plus sujets à la pauvreté que d’autres, comme les immigrants récents, les Autochtones, les minorités raciales, les personnes handicapées et les enfants de mères seules. Ces groupes sont tous surreprésentés parmi les pauvres au Canada29. 0,28 la polarisation de la main-d’œuvre 0,4 !"(% milieu années 2000 0,36 milieu années 1990 0,24 États-Unis Italie Royaume-Uni Canada Japon Espagne Corée Australie Allemagne France Norvège Suisse Islande Autirche Belgique Finlande Pays-Bas Luxembourg Danemark Suède 0,2 Figure 3. Coefficient de Gini (après impôts et transferts), population totale, 20 pays de l’OCDE au PIB par habitant le plus élevé), milieu des années 1990 au milieu des années 2000 Source : Compilation par les auteurs de données tirées de OCDE. Divided we Stand – Why Inequality Keeps Rising, OCDE, Paris, 2011. Note : Les données pour le milieu des années 1990 ne sont pas disponibles pour la Corée, la Suisse et l’Islande. d e s n i v e a u x d e pa u v r e t é constamment élevés Au niveau international, le Canada a des niveaux de pauvreté (générale) et de pauvreté infantile plus élevés que la plupart des pays comparables. Parmi les 20 pays de l’OCDE au PIB par habitant le plus élevé, le Canada arrive, le Canada arrive 15e en terme de pauvreté générale et 16e pour la pauvreté infantile (voir Figure 4). Son niveau de pauvreté générale est supérieur de près de deux points à la moyenne de l’OCDE et son niveau de pauvreté infantile dépasse la moyenne de plus de 4 points. Chaque année depuis 1990, au moins un million d’enfants canadiens vivent dans la pauvreté. En 2009, pour un ménage de quatre personnes, cela signifiait un revenu après impôts de moins de 37 360 $28 . Si le taux d’enfants vivant dans la pauvreté a diminué de 2,4 points depuis 1995, à 15 %, il demeure plus élevé qu’en 1976. Le pourcentage d’adultes vivant dans la 10 pauvreté a aussi augmenté au cours des 35 dernières années, passant de 10 % en 1976 à 13,1 % en 2009. Cette année-là, près de 3 millions d’adultes vivaient en dessous du seuil de faible revenu. S’il a entraîné des prix plus bas pour les consommateurs, l’avènement de la mondialisation et de la technologie a aussi contribué à la disparition des emplois à salaire moyen 30. Autrement dit, dans l’économie du savoir, il est de moins en moins possible de conserver une classe moyenne employée dans le traitement ordinaire de produits et d’information, ces emplois ayant été transférés à des économies où les salaires sont bas ou bien éliminés au moyen de l’automatisation et des technologies de l’information. Il en résulte un marché du travail de plus en plus polarisé, avec des emplois techniques et de gestion aux salaires élevés et nécessitant de hauts niveaux de compétences, d’une part, et des emplois tertiaires, aux salaires bas et nécessitant peu de compétences qui ne peuvent être externalisés, comme des emplois dans la préparation alimentaire ou le commerce de détail, d’autre part. Cette polarisation accrue se traduit par des écarts de salaires plus importants en fonction du niveau d’éducation et de l’âge des travailleurs. Non seulement les travailleurs moins éduqués gagnent moins, mais des études montrent qu’ils travaillent moins d’heures parce qu’il y a plus de chances qu’ils aient un emploi à temps partiel ou temporaire; bien sûr, cela creuse l’écart de revenus entre les travailleurs moins éduqués et leur homologues plus éduqués. De plus, les travailleurs moins éduqués passent plus d’heures au chômage ou sans travail31. Il ressort d’études d’industries européennes que la polarisation des salaires est plus marquée dans les secteurs où l’innovation est grande (nouveaux produits et nouveaux marchés) et où il y a une forte proportion de travailleurs ayant fait des études universitaires32. Ces facteurs expliquent vraisemblablement les tendances canadiennes discutées dans la section précédente. le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca Pauvreté (générale et infantile) dans les 20 pays de l’OCDE au PIB par habitant le plus élevé, milieu des années 2000 Danemark Suède Finlande Norvège Autriche France Islande Suisse Belgique Royaume-Uni Corée Pays-Bas Australie Japon Canada Italie Allemagne Ireland Espagne Étas-Unis Personnes vivant dans la pauvreté Enfants vivants dans la pauvreté 0 5% 10% 15% 20% 25% Figure 4. Personnes vivant dans la pauvreté (Indicateur : Mesure de faible revenu), 20 pays de l’OCDE au PIB par habitant le plus élevé, milieu des années 2000 Source :O ECD, Distribution des revenus – Pauvreté; Bien-être des enfants, milieu des années 2000 Par ailleurs, des recherches montrent clairement que, tout au long des années 1980 et 1990, l’utilisation grandissante des technologies de l’information et la demande concomitante de compétences – en particulier de compétences cognitives – ont résulté en une plus grande inégalité des salaires33. Ainsi, aux ÉtatsUnis comme au Royaume-Uni, les investissements dans de nouvelles technologies vont de pair avec une demande accrue de travailleurs capables de les utiliser34, ce qui n’a rien de surprenant. Bien sûr, ces travailleurs reçoivent des salaires plus élevés que leurs homologues moins qualifiés. Comme le développement de la technologie se poursuivra vraisemblablement ou s’accélèrera au cours de la prochaine décennie, il est probable que la polarisation du marché du travail augmentera aussi. Le Canada ressent donc les effets d’une transformation économique mondiale massive, une transformation qui ouvre des possibilités gigantesques pour ceux qui sont bien pourvus en terme de capital humain, mais qui engendre aussi des conséquences néfastes sur ceux dont ce n’est pas le cas. Dans ce nouveau paradigme, dans lequel le capital humain est à la base de la prospérité collective, les pays qui permettent aux forces de la mondialisation et de la technologie de laisser de côté de grands pans de leur population verront leur économie laissée de côté de la même façon. 11 qu’est-ce que cela signifie pour le capital humain? S i l’on revient à la Figure 1, on voit comment les tendances ci-dessus interagissent avec le cycle du capital humain. La polarisation du marché du travail a une incidence sur l’aspect «possibilités en matière de salaires et d’emploi» du processus, les travailleurs hautement qualifiés et rémunérés se trouvant dans un cercle vertueux de capital humain, avec de plus en plus de débouchés pour eux et pour leurs enfants. Les travailleurs peu spécialisés et peu rémunérés, par contre, se trouvent dans un cercle vicieux du capital humain auquel ils auront de plus en plus de mal à échapRelever les défis per, les tendances désociaux que présente crites ci-dessus allant l’économie du 21e en s’accélérant. siècle, n’est pas une question de charité pour une minorité, mais une question de prospérité collective à long terme. Grâce à la disponibilité d’emplois à salaire moyen, en particulier dans le secteur manufacturier, les générations précédentes avaient beaucoup plus de possibilités de se mouvoir dans le cycle du capital humain. Les gens qui entraient dans le cycle avec un salaire et un statut social bas pouvaient espérer vivre correctement, ce qui leur permettait d’investir dans le développement de leur capital humain et de celui de leurs enfants, une situation bénéfique pour l’économie dans son ensemble. Aujourd’hui, à cause de l’impact de la mondialisation et de la technologie sur les marchés du travail, de telles possibilités se font plus rares. En même temps, ces dernières décennies, le fardeau du développement du capital humain repose de plus en plus sur les épaules des individus, sous forme de coûts plus élevés pour les études postsecondaires, conjointement avec moins de sécurité d’emploi35 . Augmenter son capital humain étant devenu plus difficile, il n’est pas surprenant que, en termes de rémunération, la mobilité des travailleurs canadiens ait diminué36. Si l’on ne fait rien, ces tendances risquent d’exacerber les inégalités qui existent déjà dans le système canadien d’enseignement postsecondaire où les jeunes de milieux à revenus élevés ont deux fois 12 Figure 1 . Relation entre les inégalités et la pauvreté (représentées par le revenu et le statut social) et le développement du capital humain dans une économie du savoir plus de chances d’obtenir un diplôme ou de faire des études pour en avoir un que les jeunes de milieux à faibles revenus37. Comme le montrent les tendances statistiques discutées plus haut, il est probable que jusqu’à 60 % de la population canadienne soit affectée, sous forme d’un déclin des revenus du marché, par les forces de la mondialisation et de la technologie et par les disparités qu’elles engendrent sur le marché du travail. Nous tenons à être clairs sur ce point : relever les défis sociaux que présente l’économie du 21e siècle, les inégalités et la pauvreté pour les nommer, n’est pas une question de charité pour une minorité, mais une question de prospérité collective à long terme. Cependant, résister au passage à la nouvelle économie n’est pas la solution pour le Canada. Il doit plutôt se mettre en position de réussir au sein de cette nouvelle économie en s’assurant que notre économie et notre société œuvrent toutes deux dans ce sens. le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca recommandations de politiques C omme nous l’avons montré dans le présent rapport, la mondialisation et le passage à une économie du savoir imposent des modifications structurelles au Canada, qui s’ils sont ignorés, pourraient compromettre le développement de notre capital humain et notre prospérité à long terme. que le Canada peut faire pour adapter ses politiques économiques et sociales en fonction de la mondialisation et du passage à une économie du savoir. Ce mécanisme devrait avoir les caractéristiques suivantes : En cette période de transformation économique, le Canada a besoin que tous ses citoyens contribuent à la prospérité du pays. S’il ne planifie pas adéquatement ses politiques, le Canada ne parviendra pas à développer le talent et l’ingéniosité d’une part significative de sa population. Puisque la réorganisation économique sous-jacente touche divers domaines des politiques, il en résulte un défi qui exige une approche holistique et coordonnée afin de : Les inégalités, la pauvreté et le capital humain, en plus de concerner toutes les sphères de compétence, sont d’une complexité qui rend indispensable la participation de tous les niveaux de gouvernement – fédéral, provinciaux/territoriaux, municipaux et autochtone. Ainsi, le gouvernement fédéral, du fait qu’il est responsable des impôts directs et indirects, de l’assurance-emploi et des peuples autochtones, a un rôle majeur à jouer. Et on ne peut vraiment progresser sans la participation des gouvernements provinciaux et territoriaux, dont les responsabilités comprennent les impôts directs, l’éducation, les services sociaux et la législation sur l’emploi. Les municipalités doivent quant à elles participer du fait de leur rôle dans la prestation de services comme les services de garde d’enfants et le logement. Enfin, les gouvernements autochtones du Canada ont un rôle central dans ce processus; comme indiqué plus haut, les peuples autochtones sont démesurément affectés par la pauvreté, les jeunes autochtones constituent le segment de notre population qui augmente le plus rapidement, et le Nord sera partie intégrante de l’avenir économique du Canada. 1.S’attaquer aux causes profondes des inégalités et de la pauvreté 2.Faire en sorte que les Canadiens bénéficient d’instruments de mobilité sociale adaptés. Ce défi étant de taille, nous ne recommandons pas, à ce point-ci, de mesures spécifiques en termes de politiques; nous proposons plutôt une manière différente de concevoir la relation entre les politiques économiques et les politiques sociales, afin de répondre aux impératifs de l’économie du savoir. Afin de s’attaquer au plus grand défi économique auquel le Canada fait face aujourd’hui, nos décideurs politiques doivent percevoir les défi sociaux, tels que l’inégalité et la pauvreté, comme des entraves à notre prospérité à long terme. Ceci exige que l’on approche l’analyse des politique de manière exhaustive et holistique, processus qu’un nouveau mécanisme peut grandement faciliter. un mécanisme pour préparer le Canada pour l’économie du savoir Des politiques efficaces et réfléchies en réponse aux conséquences de l’évolution structurelle constante de l’économie sont indispensables pour assurer la prospérité à long terme du Canada. Le groupe de travail recommande la création d’un mécanisme pour (1) approfondir notre compréhension du lien entre les inégalités et la pauvreté et le développement du capital humain au Canada; et (2) formuler des recommandations de politiques plus spécifiques quant à ce Capacité de faire participer tous les niveaux de gouvernement Capacité de faire participer les collectivités et l’ensemble de la population Touchés le plus directement par les politiques gouvernementales, les citoyens, les groupes d’intérêt et les entreprises constituent une source précieuse d’information et d’idées. Des solutions spécifiques à certaines collectivités sont souvent nécessaires pour s’attaquer aux problèmes associés aux inégalités et à la pauvreté. Il est essentiel d’avoir un dialogue avec ces groupes et leurs dirigeants. Qui plus est, la participation généralisée de la société civile au processus de consultation contribue à l’efficacité et à la légitimité des politiques qui en découleront. Capacité de recherche accrue Les ressources gouvernementales doivent être complétées par une capacité externe à produire une anal- 13 yse bien équilibrée. Les connaissances spécialisées sur divers aspects des inégalités, de la pauvreté et du développement du capital humain sont dispersées dans les différents ministères, ainsi que dans le secteur privé et dans les universités. Le mécanisme devrait permettre de réunir, au moins temporairement, ces sources de savoir dispersées pour travailler sur l’évaluation intégrée de la situation et recommander des politiques. Indépendance et obligation de rendre compte au public Le travail effectué dans le cadre de ce mandat concernera vraisemblablement des domaines sensibles d’un point de vue politique. Pour garantir la légitimité du processus et de ses résultats, l’indépendance politique et l’obligation de rendre compte directement au public sont nécessaires. En plus de s’inscrire en phase avec le principe de consultation inclusive et ouverte que nous recommandons, un tel processus a plus de chances de voir ses travaux déboucher sur des recommandations qui seront largement appuyées. Par conséquent, un mécanisme indépendant et transparent est plus à même de produire des réformes à la fois viables et efficaces, ce qui est son objectif ultime. une commission royale d’enquête sur l’économie et la société Depuis le milieu des années N o u s d e v o n s 1930, des commissions royales reconnaître que d’enquête ont été créées à maint- notre prospérité à es occasions pour étudier des long terme dépend défis sociaux et économiques de ce tous puissent d’importance nationale. Parmi y contribuer. les exemples récents de commissions royales d’enquête, on citera la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada (Commission Mcdonald, 1982) et la Commission royale d’enquête sur l’avenir des soins de santé au Canada (Commission Romanow, 2001). Il est incontestable que la question de l’état de l’économie et de la société canadiennes au sein de l’économie mondiale du savoir est d’une ampleur, d’une portée et d’une complexité comparables. Elle justifie une commission royale d’enquête. En tant que mécanisme pour des recherches approfondies et pour l’élaboration de politiques, une commission royale d’enquête combine les quatre caractéristiques souhaitables décrites ci-dessus. Premièrement, 14 elle requiert la participation du gouvernement fédéral et, moyennant inclusion dans son mandat (comme ce fut fait dans le mandat de la Commission Romanow), permet celle des provinces et des territoires. La nomination d’un groupe équilibré et représentatif de commissaires venant d’horizons divers, peut aussi permettre que les provinces et territoire aient voix au chapitre. Deuxièmement, une commission royale peut être conçue de façon à ce que les consultations avec les citoyens, les groupes d’intérêt, les entreprises et les autres parties concernées fassent partie intégrante de son mandat. Troisièmement, étant un mécanisme spécial, une commission royale permet l’assemblage des ressources gouvernementales et non gouvernementales existantes pour travailler sur une tâche bien définie et limitée dans le temps. Si la commission concluait que certains secteurs des politiques doivent faire l’objet d’un suivi plus serré à l’avenir, elle pourrait recommander la création d’un organisme permanent ou la réorganisation des ressources existantes afin de s’acquitter de ce nouveau mandat. Enfin, une commission royale d’enquête jouit d’une indépendance complète et rend directement compte au public. Évidemment, outre ses avantages, une commission royale d’enquête a aussi des inconvénients, en particulier les ressources considérables requises pour s’acquitter de sa mission et le temps que cela lui prend avant de pouvoir publier ses conclusions. Néanmoins, l’ampleur des changements dans l’économie mondiale, leur incidence généralisée sur la société canadienne et leurs implications à long terme exige la création d’une commission royale d’enquête. C’est le meilleur mécanisme à notre disposition pour déterminer comment relever les défis complexes de l’économie du savoir. Ceci étant dit, l’attente d’un moment opportun pour créer une commission royale d’enquête ne devrait pas retarder le lancement d’un processus de recherche et de réflexion sur les enjeux mis en lumière dans le présent rapport. Nous devons débuter sans attendre un dialogue national avec tous les secteurs de la société canadienne – au sein du gouvernement et à l’extérieur – dans le but de cerner les faiblesses au niveau des politiques et de trouver des solutions. Comme nous le soulignons dans le présent rapport, ce processus de discussion et de réflexion, qu’il ait lieu dans le cadre d’une commission royale d’enquête ou non, doit mener à une différente façon de concevoir les défis auquel le Canada sera confronté au 21e siècle. Nous devons reconnaître notre prospérité à long terme dépend de ce que tous puissent y contribuer. Nous devons par conséquent trouver des façons de prospérer ensemble. le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca bibliographie 1 Tom Jenkins et al. Innovation Canada : Le pouvoir d’agir – Examen du soutien fédéral de la recherche-développement, Rapport final du groupe d’experts, Travaux publics et services gouvernementaux, Ottawa, 2011. 2 Keeley, B. Le capital humain : Comment le savoir détermine notre vie, OECD, Paris, 2007. 3 Blair, M. « An Economic Perspective on the Notion of Human Capital », dans Burton-Jones et al. (éd.) The Oxford Handbook of Human Capital, Oxford University Press, Oxford, 2011. 4 Courchene, T. A State of Minds: Toward a Human Capital Future For Canadians, IRPP, Montréal, 2001. 5 Conseil des académies canadiennes. Innovation et stratégies d’entreprise : Pourquoi le Canada n’est pas à la hauteur, Conseil des académies canadiennes, Ottawa, 2009. 6 Brzustowski, T. 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Pickett, The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone, Penguin Books, Londres, 2009. 14 Willms, J.D. « Literacy Proficiency of Youth: Evidence of Converging Socioeconomic Gradients », International Journal of Educational Research, 39, p. 247–252, 2003. 15 Ibid. 16 Wilkinson and Pickett, Ibid. 17 Hoff, K. et P. Pandey, « Belief Systems and Durable Inequalities: An Experimental Investigation of Indian Caste », Document de travail de recherche sur les politiques, 3351, Banque mondiale, Washington, D.C., 2004. 18 Marmot, M.G. et al, « Social/Economic Status and Disease », Annual Review of Public Health, 8, 1987, p. 111–135. 19 Voir Olsen, ibid. 21 Gates, W.H., et C. Collins, Wealth and Our Commonwealth: Why America Should Tax Accumulated Fortunes, Beacon Press, Boston, 2003. 22 Lindert, P.H. « Three Centuries of Inequality in Britain and America », document de travail 97-09, University of California Davis Press, Davis (CA), 1998. 23 Ibid. 24 Le coefficient de Gini mesure le degré relatif d’inégalité dans la redistribution du revenu. L’échelle commence à zéro, qui indique une distribution parfaitement égale du revenu, et va en augmentant au fur et à mesure que la distribution devient plus inégale. 25 Le revenu du marché est la somme des gains (emploi et travail indépendant), des revenus d’investissement nets, des revenus de pension de retraite et des autres revenus annexes. On l’appelle aussi revenu avant impôts et transferts. 26 Yalnizyan, A. The Rise of Canada’s Richest 1%, Centre canadien de politiques alternatives, Ottawa, 2010. 27 Le coefficient de Gini est l’indicateur standard utilisé pour comparer les niveaux d’inégalité dans différents pays. Voir la note 24 pour plus de détails. 28 Statistique Canada, « Les lignes de faible revenu, 2009-10 », Série de documents de recherche – Revenu, Industrie Canada, Ottawa, 2011. 29 Raphael, D. Poverty and Policy in Canada: Implications for Health and Quality of Life, Canadian Scholars’ Press, Toronto, 2007. 30 Atkinson, R.D. « Inequality in the New Knowledge Economy », dans Giddens, A. et P. Diamond (éd.). The New Egalitarianism, Polity Press, Cambridge, 2005. 31 Kuhn, P. « Labour Market Polarization: Canada in International Perspective », dans Courchene, T. J. (éd.). Frameworks for a Knowledge Economy, John Deutsch Institute, 1996, p. 283-321 32 Angelini, E. C., Farina, A., et M. Pianta. « Innovation and wage polarisation in Europe », International Review of Applied Economics, 23(3), mai 2009, p. 309–325. Voir aussi « EUR 24471 EN — Why socio-economic inequalities increase? Facts and policy 33 Garicano, L. et E. Rossi-Hansberg. « Organization and Inequality in a Knowledge Economy », The Quarterly Journal of Economics, vol. 121(4), 2006, p. 1383-1435, MIT Press. 34 Kuhn, P., Ibid. 35 Banting, K. « Dis-Embedding Liberalism? The New Social Policy Paradigm in Canada », dans Green, D.A. et D.R. Kesselman (éd.). Dimensions of Inequality in Canada, UBC Press, Vancouver, 2006. 36 Beach, Charles M. « How has Earnings Mobility in Canada Changed? » dans Ibid. 37 Corak, M. et al. Family Income and Participation in Post-Secondary Education, Statistique Canada, Ottawa, 2003. 20 Kawachi, I. « Income Inequality and Economic Residential Segregation », Journal of Epidemial Community Health, 56, 2002, p. 165-166. 15 16 le présent projet a été entrepris dans le cadre du programme action Canada. la fondation action canada, faisant affaires sous le nom d’action canada (www.actioncanada.ca), est un organisme de bienfaisance enregistré avec pour mission de renforcer le leadership pour l’avenir du canada. ni le contenu ni les conclusions de la présente publication ne sont appuyés ou approuvés par la fondation action canada, action canada ou le gouvernement du canada. le groupe de travail d’action canada sur les inégalités, la pauvreté et l’économie du savoir - www.prospererensemble.ca